Luthier caennais, Antoine ouvre son atelier à l'occasion des journées européennes des métiers d'arts.
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00:00 - Il est 7h15, bienvenue Simon Dangelonis sur France Bleu et France Froid Normandie,
00:07 les codes ici comme tous les jours.
00:08 C'est en ce moment les Journées Européennes des métiers d'art, l'occasion de faire
00:12 un focus ensemble ce matin sur certains métiers.
00:15 Nous sommes aujourd'hui avec un luthier, un canet, Antoine Lescon.
00:19 Bonjour.
00:20 - Bonjour.
00:21 - Bienvenue Antoine à Donosti New.
00:22 Vous fabriquez encore des instruments ou votre quotidien consiste surtout à réparer
00:26 ou à les régler ?
00:27 - Je fabrique encore des instruments effectivement, je vous en ai apporté une.
00:32 Mais sinon aussi dans le quotidien de l'atelier à Caen, il y a beaucoup de réparations,
00:37 beaucoup d'entretiens, autant pour les débutants que les professionnels de la région.
00:42 - Vous êtes installé dans le centre-ville de Caen, rue des Maulomes.
00:44 Le métier du coup n'a pas évolué ou a évolué ? On fabrique des violons de la même façon
00:50 qu'on les fabriquait il y a quelques siècles ?
00:51 - Ça a très peu évolué.
00:53 On peut choisir plein de méthodes de fabrication effectivement, on peut utiliser plein de machines,
00:59 aujourd'hui on a plein d'outils à porter le main.
01:02 Maintenant les outils aussi passionnants sont de rechercher comment ils étaient faits au
01:06 XVIIe et des collègues luthiers à l'international, on continue de chercher, on continue d'explorer
01:15 et oui on fait des violons comme on en faisait au XVIIe siècle aussi.
01:19 - Quand la culture est ternue, le luthier attrape la grippe, vous le confirmez ?
01:22 - Oui, on voit.
01:24 - Vous êtes lié à la culture et à sa santé ?
01:28 - On est lié à la culture carrément.
01:30 - Donc le confinement par exemple, quand les salles fermaient, quand les artistes étaient presque à l'arrêt,
01:34 c'était compliqué pour vous aussi ?
01:35 - Oui, c'était compliqué.
01:38 Il n'y a plus d'activité dans l'atelier mais compliqué aussi, tout d'un coup on ne servait plus à rien.
01:45 Mais effectivement le luthier est l'ingénieur du son du violoniste, de tous ces musiciens qui jouent sans ingénieur du son sur le plateau.
01:56 Mais voilà, on les aide à avoir leur son.
01:59 - Et donc prendre soin de la culture, notamment par des subventions, l'aider, c'est aussi aider une économie derrière finalement ?
02:06 - Je pense oui, même j'en suis convaincu.
02:10 Derrière une salle de spectacle ou derrière un festival, il y a une quantité de personnes qui travaillent.
02:15 - Antoine, vous êtes luthier installé à Caen, l'un des enjeux du moment pour vous, pour vos confrères et consoeurs,
02:20 et des prochaines décennies sûrement, pour les luthiers, c'est les matières premières.
02:24 Des essences de bois utilisées pour la fabrication se font rares ou sont protégées, même interdites à l'importation.
02:30 Comment on fait maintenant ? C'est compliqué ?
02:32 - Alors oui, on voit vraiment qu'ils sont en train de se compliquer de plus en plus.
02:37 Alors il y a des essences qui sont aujourd'hui protégées, comme l'ébène, le palycendre,
02:43 pour l'archer par exemple, c'est le perlon bouc, lui il est franchement protégé.
02:50 - Ça veut dire quoi ? Interdit à la... ?
02:52 - Il est interdit, la commercialisation du matériau brut est illégale.
02:57 - D'accord.
02:58 - Donc on est que sur des stocks d'avant-convention.
03:00 - Et comment on fait quand on aura plus de stocks ?
03:02 - Et bien... oui. Là pour l'instant, on essaie de... la profession essaie de...
03:08 On a replanté énormément, je ne sais plus, plus d'une centaine de milliers d'arbres au Brésil.
03:16 Voilà, on aimerait avoir un quota de 6 arbres par an.
03:20 - D'accord.
03:21 - Mais ça pour l'instant, à partir du moment où un matériau est protégé, il reste illégal.
03:25 - Par exemple, cette viole de gombe, c'est ça ? C'est ce que vous avez ?
03:28 - Viole de gombe, que j'aime beaucoup.
03:29 - Vous pouvez la montrer à nos téléspectateurs qui nous suivent sur France 3 à Normandie.
03:33 Par exemple, c'est quel bois ?
03:35 - Alors, elle, il y a en matériaux... il y a tous les matériaux de construction traditionnels dans l'uterie.
03:42 Donc la table, elle est en épicéa.
03:44 - D'accord.
03:45 - Épicéa, c'est la famille du sapin.
03:46 Donc lui, on le trouve facilement en Europe.
03:48 Après, le fond de dos, donc les éclisses, eux sont en...
03:56 En l'occurrence, elles sont en poirier.
03:58 Je vous avais parlé de l'érable, mais j'ai vu, c'est de l'érable, effectivement.
04:02 - Des poiriers ?
04:03 - C'est du poirier, pareil, c'est commun en Europe.
04:05 - Planté ici ? Est-ce qu'on peut imaginer travailler des essences locales ? C'est une vraie question.
04:09 - Alors, effectivement, quand on m'avait posé la question hier, je me suis dit "c'est marrant".
04:13 Cette viole de gombe que je viens de fabriquer, elle est...
04:16 Donc c'est traditionnel du 17e, 18e siècle.
04:19 Effectivement, les essences étaient relativement proches.
04:23 Donc oui, là ça pourrait être un poirier après de notre région.
04:28 - Donc c'est possible, alors, que dans les prochaines décennies, on travaille avec des bois locaux ?
04:33 - Tout est possible.
04:35 Après, ça va dépendre sur quel instrument on fabrique et quelles recherches on va avoir esthétiques et sonores.
04:40 Sur un instrument de cette famille-là, typiquement la viole de gombe,
04:44 on a des essences locales qui apparaissent sur le violon.
04:49 Et la recherche qu'on va avoir, ça va être de courir derrière l'estradivarius.
04:55 L'estradivarius, déjà, avait accès à une matière première magnifique qui venait d'Europe de l'Est,
05:00 qui venait des forêts primaires.
05:03 On nomme souvent l'ex-Yougoslavie et les Carpathes.
05:07 Aujourd'hui, cette érable-là, qui a une super densité,
05:12 qui a une super croissance fine et un grain vraiment dur.
05:17 - On ne va pas retrouver ça dans les essences locales, par exemple d'ici ?
05:20 - Ça, non. Ça, on ne le trouve pas en pleine.
05:23 - Une matière première qui se raréfie, du coup, j'imagine, ça a des répercussions sur les prix ?
05:28 - Là, ça devient compliqué, oui. Je vois que ça se complique.
05:33 J'ai la chance d'avoir toujours acheté de la matière première quand je la trouvais magnifique.
05:39 Je pense qu'un passionné de vin fait la même chose, et ensuite, sans réfléchir.
05:46 J'ai cette chance-là. J'ai travaillé avec Jean-Yves Tanguy,
05:51 sur lequel j'ai fait la reprise en 2018.
05:55 Pareil, quand c'était beau, on prenait.
06:00 J'avoue que j'ai un peu de matière première.
06:04 Maintenant, on va en avoir pour là, pour les 20, 30, 40 prochaines années.
06:10 Il y a aussi les stocks chez nos sillons de bois de lutterie, chez nos collègues.
06:14 Mais effectivement, on va arriver à un moment où ça va devenir vraiment très rare.
06:19 - En tout cas, on vous retrouve pour les journées européennes des métiers d'art.
06:23 À quand dans votre atelier ? Avec une ouverture au public, on peut venir à votre rencontre,
06:26 découvrir les différents instruments que vous fabriquez, que vous réparez dans votre atelier.
06:29 Rue des Moulons, c'est bien cela Antoine ? - C'est bien ça.
06:32 - L'atelier, c'est les Éclisses, à retrouver également sur vos réseaux sociaux et sites internet.
06:37 Merci beaucoup Antoine ! - Merci beaucoup.
06:38 - A très bientôt sur France Bleu Normandie.
06:40 - C'est ça.