• il y a 8 mois
La Présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est en voyage politique en Ukraine. Accompagnée d'une délégation parlementaire, elle s'est notamment entretenue avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Elle a déclaré que « rien n'est a priori exclu » pour aider l'Ukraine face à la Russie. En s'adressant au Président de la Rada (le Parlement ukrainien), elle a affirmé son souhait d' « établir un nouveau pont entre nos nations, sans affaiblir les exécutifs, puisque nos buts sont les mêmes : rétablir l'intégrité territoriale de l'Ukraine ». Le soutien de la France aura-t-il un impact sur l'issue de la guerre face à Vladimir Poutine ?

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Transcription
00:00 Yael Brounpivé, bonjour.
00:01 Bonjour.
00:02 Merci beaucoup de nous accorder cet entretien ici à Kiev.
00:05 C'est la deuxième fois que vous venez en Ukraine.
00:07 Pourquoi revenir ? Pourquoi maintenant ?
00:10 Alors déjà parce que je l'avais promis à mon homologue lorsqu'il était venu à
00:14 l'Assemblée nationale et qu'il avait fait un discours dans l'hémicycle.
00:18 Il m'avait à nouveau invitée à venir à Kiev pour faire moi aussi un discours à
00:22 la Rada.
00:23 Et je lui avais promis que j'honorerai cette invitation.
00:26 Et comme la guerre s'est installée dans la durée, que le soutien de la France ne
00:31 faiblit pas, il m'est apparu qu'il était important d'honorer cette promesse pour
00:36 réaffirmer que la France se tenait aux côtés de l'Ukraine.
00:41 Justement, vous dites cette guerre continue.
00:42 Depuis votre arrivée hier matin, on a eu plusieurs alertes.
00:46 Cette nuit, vous avez passé plus de 30 minutes dans l'abri sécurisé de cet hôtel.
00:51 On a l'impression que cette guerre et que la Russie, rien ne l'arrête.
00:55 Ils multiplient les attaques, les provocations.
00:57 Eh bien, c'est une guerre d'usure.
00:59 On voit que l'idée c'est aussi d'entamer le moral parce que, on nous en a parlé, les
01:07 enfants nous en ont parlé hier quand on était au lycée Anne de Kieff.
01:11 Ils ont un abri, ils font classe parfois dans l'abri.
01:14 Et ça, ça mine le moral, ça fatigue la population.
01:19 Ça use.
01:21 Et je pense que c'est une des stratégies parmi d'autres mises en place par Poutine.
01:27 On voit hier effectivement qu'il y a eu plusieurs alertes.
01:31 Une, pendant que je faisais mon discours à la Rada.
01:34 Et nous avons, avec le président de la Rada, décidé de continuer.
01:38 En un regard, nous nous sommes dit non, on n'arrête pas.
01:42 Et c'est important aussi de pouvoir continuer à mener son action.
01:45 Mais effectivement, ça nous rappelle et ça nous fait vivre aussi un peu intimement la
01:51 réalité de la guerre avec ces alertes, avec cette pression continue.
01:55 Parfois, on a l'impression que la guerre c'est loin et puis que finalement c'est fini et
02:02 qu'il n'y a que la ligne de front sur laquelle s'exercent les combats.
02:05 Et on voit que non, qu'aujourd'hui c'est tout le territoire ukrainien qui l'a subi encore.
02:11 Alors justement, hier avec la délégation française, vous avez rencontré le président
02:14 ukrainien Volodymyr Zelensky.
02:16 D'abord, comment vous l'avez trouvé ? Est-ce qu'il est inquiet sur la situation militaire,
02:21 européenne, internationale ? Vous l'avez trouvé optimiste, combatif ?
02:25 Je l'ai trouvé déterminé.
02:29 Déterminé dans son action, dans l'objectif qui est le sien de pouvoir gagner cette guerre.
02:36 Il est déterminé aussi dans son action politique.
02:40 C'est une personne qui assume son leadership sur le plan international, mais aussi sur
02:46 le plan interne.
02:47 Et c'est important, lorsque un pays et une population traversent de telles souffrances,
02:52 d'avoir des hommes et des femmes politiques qui soient en capacité d'emmener ce pays
02:58 vers la victoire.
03:01 Parce que cela nécessite un effort de tous absolument considérable.
03:06 Le président Zelensky nous a évidemment parlé de ses préoccupations majeures, qui
03:12 sont les munitions, les armes.
03:15 Ils ont besoin d'armes, de munitions pour se défendre.
03:19 Ils ont besoin de défense antiaérienne pour faire face à ces attaques répétées, telles
03:24 que nous avons pu les vivre cette nuit, avec des missiles, des roquettes qui sont lancées
03:30 sur le territoire ukrainien.
03:32 Ils ont besoin de protéger leur population.
03:34 Donc des demandes multiples.
03:36 Il s'est également félicité et remercié du soutien de la France et du leadership
03:43 exercé par Emmanuel Macron.
03:45 C'est important aussi que chez nous, nous puissions continuer à apporter ce soutien
03:51 dans la durée à l'Ukraine.
03:52 Justement, sur la question du soutien militaire, est-ce que la France peut livrer plus d'armes ?
03:57 Le ministre de la Défense Sébastien Lecornu dit qu'il faut passer en économie de guerre.
04:01 On parle de réquisitions possibles.
04:03 Il faut franchir cette étape en France ?
04:05 J'ai envie de vous dire qu'elle a déjà été franchie dans la mesure où, sur un certain
04:09 nombre de lignes de production, nous avons accéléré la production pour l'amplifier
04:16 et nous avons aussi réduit les délais de fabrication d'un certain nombre d'armes
04:19 pour justement être en capacité de produire davantage.
04:23 Il y a en plus des accords qui sont signés pour permettre aux Ukrainiens de pouvoir produire
04:28 ici sur place un certain nombre de munitions dont ils ont besoin.
04:32 Et là, il y a des coopérations qui peuvent se mettre en place avec des industriels français.
04:37 Tout doit être mis en place pour permettre aux Ukrainiens de pouvoir se défendre.
04:42 C'est une coopération bilatérale qui se met en place, mais évidemment aussi européenne.
04:49 Il faut saluer à cet égard un certain nombre d'initiatives, notamment celle des Tchèques
04:55 qui ont pris la tête d'une coalition assez importante.
04:59 Je crois que ce sont ces efforts conjoints et le fait que l'Europe continue à parler
05:03 d'une seule voie qui permettront de doter l'Ukraine de suffisamment d'armes et de munitions.
05:11 Est-ce que vous êtes revenue avec le président Zelensky sur la phrase d'Emmanuel Macron
05:15 sur le possible envoi de troupes au sol ?
05:17 Est-ce que c'est ce qu'il vous a demandé ou est-ce qu'il vous a dit "ça on n'en a pas besoin" ?
05:22 Évidemment, nous avons échangé là-dessus.
05:26 Aujourd'hui, les besoins exprimés par le président Zelensky sont des besoins exprimés
05:32 en termes de formation, d'assistance technique.
05:37 Il n'a pas, en tout cas à date, exprimé un besoin d'aide sur le plan humain.
05:43 Vous l'avez dit, vous avez prononcé un discours devant la Rada, le Parlement ukrainien.
05:47 Vous avez eu cette formule proche de celle d'Emmanuel Macron,
05:50 en disant qu'il ne fallait rien exclure.
05:53 Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Il faut aller jusqu'où ?
05:56 Ce qui est certain, c'est que nous sommes dans une guerre qui est existentielle pour l'Ukraine,
06:02 mais pas uniquement pour l'Ukraine, c'est une guerre existentielle pour l'Europe.
06:06 Parce que quand on menace la sécurité des peuples,
06:11 lorsqu'on franchit sans aucune vergogne des frontières, lorsqu'on s'affranchit,
06:17 et c'est ce que j'ai dit aussi hier devant la Rada, de la responsabilité qui est la sienne
06:22 lorsque l'on est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.
06:27 On met gravement en danger les équilibres du monde.
06:30 Et donc, nous ne pouvons pas laisser faire cela.
06:33 Et c'est la raison pour laquelle il ne faut pas relâcher les efforts
06:38 et ne rien exclure a priori dans le cadre de ces efforts en soutien à l'Ukraine.
06:44 Toutes les options pour vous sont possibles.
06:46 Pour le dire clairement, ça pourrait être une intervention de l'armée française.
06:50 Aujourd'hui, cette option n'est pas sur la table.
06:53 Après, ce n'est pas à moi de le dire, je ne suis pas présidente de la République,
06:57 je ne suis pas chef des armées,
06:58 et ces responsabilités reviennent évidemment au président de la République.
07:01 Mais ce qui est certain, c'est que le soutien de la France doit se poursuivre
07:07 et qu'il doit être adapté à la situation qui est très évolutive.
07:10 Alors, on en a parlé en France,
07:13 on s'apprête à donner une aide supplémentaire de 3 milliards d'euros à l'Ukraine.
07:17 Dans le même temps, on annonce 10 milliards d'économies en France,
07:20 le double pour l'année suivante.
07:22 Est-ce que vous n'avez pas peur que finalement les Français ne comprennent pas
07:27 et du coup que ça affaiblisse le soutien qu'ils puissent apporter à l'Ukraine ?
07:31 C'est une mission qui va devenir peut-être encore plus la nôtre après ce déplacement.
07:37 Avec les membres de la délégation qui m'accompagnent, Valérie Rabault,
07:40 Benjamin Haddad et Thomas Gassilou.
07:42 Parce qu'effectivement, il faut continuer à gagner la bataille des opinions publiques,
07:48 pouvoir expliquer continuellement à nos compatriotes
07:52 pour quelle raison il est important de continuer à soutenir l'Ukraine,
07:56 pour quelle raison il est important de ne pas laisser faire.
08:01 Et c'est une bataille qui doit se mener au long cours parce que c'est vital.
08:06 Le président de la République a besoin, pour pouvoir porter la voix de la France,
08:11 de la manière qu'il le fait, il a besoin évidemment d'un soutien de la classe politique.
08:16 Et c'est ce qu'il a lorsqu'il réunit le format Saint-Denis.
08:20 C'est ce qu'il a lorsque le gouvernement demande un vote à l'Assemblée nationale
08:24 et au Sénat sur la politique de la France menée en la matière
08:28 et sur le dernier accord franco-ukrainien.
08:30 Mais c'est ce dont il a besoin aussi par l'appui des opinions publiques.
08:34 C'est ce qui lui donnera beaucoup de force et nous en avons besoin.
08:38 Donc il ne faut pas hésiter à expliquer pour convaincre.
08:43 Et je crois que là-dessus, il y a un consensus large,
08:48 il n'y a pas de clivage politique.
08:51 Mais il est fondamental que nos compatriotes comprennent
08:54 que ce n'est pas une option le soutien à l'Ukraine,
08:57 que c'est quelque chose de vital, mais pour nous-mêmes.
09:00 Et on voit bien, parce qu'on peut penser que l'Ukraine c'est loin
09:03 et que l'Ukraine ça ne nous concerne pas.
09:05 Mais on voit, et les Français le voient au quotidien,
09:09 ils voient les conséquences de la guerre par rapport à leur pouvoir d'achat,
09:13 on parle d'économie.
09:14 Mais pourquoi il y a eu une telle hausse des dépenses au niveau de notre État ?
09:20 Parce que nous avons soutenu nos compatriotes
09:22 à la suite de la hausse des prix de l'énergie.
09:25 Donc on voit qu'au niveau alimentaire,
09:28 cette guerre a causé aussi une hausse des prix.
09:31 Donc ça a une conséquence directe,
09:33 cette guerre a une conséquence directe sur les Français.
09:36 Justement sur la question agricole, cette fois,
09:38 l'Union européenne hier a décidé d'imposer des restrictions
09:41 sur les importations de produits agricoles en provenance d'Ukraine.
09:45 Ça va forcément gréver l'économie ukrainienne.
09:48 Est-ce que ce n'est pas un paradoxe quand l'Union européenne dit
09:51 "on vous aide, mais attention là la concurrence est un peu déloyale,
09:55 nos agriculteurs ne sont pas forcément contents,
09:57 donc on va mettre une certaine forme de barrière".
10:00 Ce n'est pas une barrière, mais il faut trouver le bon équilibre.
10:03 Moi je suis allée sur les barrages en Charente-Maritime
10:06 notamment rencontrer des agriculteurs
10:08 et effectivement ils se plaignent et ils ont raison
10:12 de faire face parfois, et pas qu'avec les Ukrainiens,
10:15 à une concurrence déloyale et qui n'est pas équitable
10:19 par rapport au travail qu'eux fournissent.
10:21 Donc il faut que cette concurrence soit la plus équitable possible,
10:24 c'est ce que nous devons à nos agriculteurs français.
10:27 En même temps, nous devons permettre à l'Ukraine
10:30 de continuer à avoir des ressources financières
10:33 par le fruit du travail des Ukrainiens.
10:37 Et donc il faut trouver le bon équilibre
10:39 par rapport aux exportations agricoles.
10:42 Ça ne peut pas être une porte ouverte au cas de vent,
10:46 en même temps ça ne peut pas être une interdiction totale,
10:48 ça n'aurait pas de sens pour les raisons que vous avez indiquées.
10:52 Il faut trouver les équilibres, je pense que c'est en bonne voie.
10:55 En tout cas, c'est important de ne pas fermer la porte,
10:58 mais en même temps d'entendre ce que nous disent nos agriculteurs
11:00 et de respecter cette équité indispensable à l'acceptabilité
11:04 justement de nos opinions publiques,
11:06 puisque nous parlions des opinions publiques.
11:08 Une question un peu plus politique,
11:10 le 9 juin prochain, ce sont les élections européennes.
11:12 On a vu plusieurs responsables de la majorité,
11:14 notamment venir ici, en Ukraine.
11:17 Est-ce que pour vous, cette question du soutien à l'Ukraine,
11:20 c'est le nerf de la guerre de cette campagne des Européennes ?
11:24 Il y a plusieurs questions relativement à l'Ukraine
11:26 qui concernent cette campagne européenne.
11:29 Il y a notamment la question de l'élargissement.
11:31 Quelle Europe voulons-nous demain ?
11:34 Quel sera son périmètre ?
11:36 Et quel sera son mode de fonctionnement ?
11:39 Est-ce que l'on peut continuer avec une Europe
11:42 qui fonctionne avec le plus souvent des règles d'unanimité ?
11:47 Ou est-ce qu'il faut adopter une Europe avec différents cercles
11:52 en fonction des envies et des besoins de chaque pays ?
11:55 Ce sont des sujets majeurs d'une campagne européenne.
11:58 Et évidemment, la question de l'Europe politique,
12:01 de l'Europe de la défense,
12:03 c'est ce que j'ai évoqué également hier
12:05 pendant mon discours à la Rada.
12:06 En fait, cette guerre en Ukraine a donné un coup d'accélérateur
12:10 prodigieux à l'Europe de la défense, à l'Europe politique.
12:14 Et c'est important, et on voit que l'Europe est en capacité
12:16 de s'unir lorsque il y a un danger vital qui existe.
12:22 Et je crois que nous avons fait un grand pas en avant tous ensemble.
12:25 Et vous, vous dites oui à l'adhésion,
12:27 à l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne ?
12:29 Et si oui, à quel horizon ?
12:31 Écoutez, oui, bien sûr,
12:34 pour que l'Ukraine rentre dans l'Union européenne.
12:37 Maintenant, vous avez vu que le processus, justement, est engagé.
12:41 C'est également des échanges que j'ai eus avec mon homologue,
12:44 Ruslan Stepanchuk, le président de la Rada,
12:46 parce qu'ils ont adopté un certain nombre de lois
12:50 qui étaient nécessaires pour que ce processus d'adhésion puisse exister,
12:55 notamment un certain nombre de dispositions anticorruption
12:59 ou relatives à l'indépendance du monde judiciaire.
13:03 Maintenant, il faut que ces lois puissent s'appliquer.
13:06 Nous aurons aujourd'hui un entretien sur ce sujet
13:10 avec des responsables ukrainiens.
13:11 Dernière question très rapide.
13:13 Ce n'est pas la fin de votre déplacement,
13:15 mais là, qu'est-ce que vous en gardez
13:17 et qu'est-ce que vous allez retenir,
13:19 qu'est-ce que vous allez communiquer aux députés,
13:21 aux Français à votre retour à Paris ?
13:23 On voit une formidable résilience du peuple ukrainien.
13:27 Et c'est ça que je retiens avant tout,
13:29 une formidable résilience, une formidable force,
13:32 une détermination, une résolution à tenir,
13:38 à faire face, à tenir debout.
13:41 Et ils sont à cet égard exemplaires.
13:44 Merci beaucoup, Yael Brune-Pivet,
13:46 présidente de l'Assemblée nationale,
13:47 d'avoir accordé cet entretien à la chaîne parlementaire.
13:51 Merci à vous.

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