100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 (Générique)
00:00:08 Bonjour, bienvenue à tous dans 100% Sénat.
00:00:10 Aujourd'hui, à suivre, deux auditions de la commission d'enquête narcotrafic.
00:00:14 Jérôme Durin, le président, Etienne Blanc, rapporteur,
00:00:17 ainsi que les autres sénateurs, continuent leurs travaux.
00:00:20 Ce jour, nous vous proposons de suivre et de revivre l'audition de Bruno Le Maire,
00:00:25 le ministre de l'Economie, qui établit un lien entre narcotrafique.
00:00:29 Et terrorisme, morceau choisi par Mathilde Nuttarelli et Camille Gasnier.
00:00:34 « Le narcotrafique en France, aujourd'hui, représente un chiffre d'affaires
00:00:39 que l'on estime de l'ordre de 3 à 6 milliards d'euros.
00:00:44 On sait que ce chiffre d'affaires, il est constitué essentiellement
00:00:51 par les narcotrafiquants qui organisent une véritable entreprise,
00:00:58 qui s'appuie sur des consommateurs.
00:01:01 Et ce chiffre d'affaires, ce sont essentiellement des petites coupures,
00:01:05 c'est de l'argent liquide qui circule très rapidement.
00:01:10 Monsieur le ministre, est-ce que vous pouvez confirmer aujourd'hui
00:01:13 l'évaluation de ce chiffre d'affaires, de l'ordre de 3 à 6 milliards,
00:01:18 et nous dire pourquoi est-ce que l'on n'arrive pas à mieux identifier,
00:01:22 à mieux suivre et à mieux capter ces flux de petites monnaies
00:01:29 qui circulent avec rapidité, mais qui, à la fin,
00:01:33 constituent des avoirs absolument considérables entre les mains des têtes de réseau ? »
00:01:38 « Si vous me permettez, monsieur le président, monsieur le rapporteur,
00:01:45 je confirme ce chiffre de 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires,
00:01:50 même si je pense que ce chiffre est largement sous-estimé.
00:01:54 Et par ailleurs, je voudrais peut-être inscrire ça dans une réflexion plus large
00:01:58 sur le narcotrafic en France, si vous m'y autorisez,
00:02:01 pour avoir une présentation globale,
00:02:04 avant de répondre précisément aux questions du rapporteur.
00:02:08 Première remarque, la drogue est une gangrène pour la France et pour les Français.
00:02:14 Une gangrène qui gagne du terrain,
00:02:16 et une gangrène dont je pense que nous n'avons pas pris toute la mesure.
00:02:21 Le seul remède à mes yeux, c'est la tolérance zéro,
00:02:26 pour les consommateurs comme pour les trafiquants.
00:02:30 Le président de la République et le ministre de l'Intérieur
00:02:32 en ont d'ailleurs fait une priorité nationale,
00:02:35 et ma détermination de ministre de l'Economie et des Finances est totale.
00:02:40 Quel est d'abord l'état des lieux ?
00:02:42 Je pense qu'il faut que nous soyons lucides sur la présence massive
00:02:48 de multiples drogues partout sur le territoire.
00:02:52 Tous les territoires sont concernés,
00:02:54 les grandes villes comme les territoires ruraux,
00:02:57 les grandes métropoles comme les petites communes.
00:03:01 Et je le dis autant comme ministre de l'Economie et des Finances
00:03:04 que comme ancien député de la circonscription de l'Eure.
00:03:08 Ce narcotrafic représente 200 000 personnes en activité
00:03:12 et un chiffre d'affaires, vous l'avez dit monsieur le rapporteur,
00:03:15 de au moins 3,5 milliards d'euros,
00:03:17 chiffre à mon sens largement sous-estimé.
00:03:20 Dans ce chiffre d'affaires, le cannabis reste de très loin
00:03:23 la drogue la plus consommée, avec 1,3 million d'usagers réguliers
00:03:28 et 5 millions de Français qui en consomment au moins une fois chaque année.
00:03:33 Ces chiffres, je le rappelle, nous placent à la triste première place
00:03:37 des pays européens en termes de consommation de cannabis.
00:03:41 Ce cannabis provient pour près de 70% du Maghreb
00:03:44 après avoir traversé la mer Méditerranée, l'Espagne et les Pyrénées.
00:03:49 A tous ceux qui veulent relativiser la gravité du cannabis,
00:03:52 je rappelle que ce cannabis est de plus en plus fort,
00:03:55 que son taux de THC a été multiplié par 7 en 20 ans,
00:04:00 qu'il est responsable des effets psychotropes,
00:04:03 de l'addiction et des risques de schizophrénie chez les jeunes.
00:04:09 Vient ensuite la cocaïne, dont la consommation a été multipliée
00:04:13 par 4 en Europe en 20 ans.
00:04:15 Nous pouvons parler de tsunami blanc.
00:04:18 Et ce tsunami blanc n'épargne pas la France, loin de là.
00:04:22 2 millions de nos compatriotes ont déjà fait usage de cocaïne.
00:04:27 Nous devons cette explosion au double effet d'une augmentation de la production
00:04:30 et d'une saturation du marché nord-américain
00:04:34 qui est le foyer historique de consommation de cocaïne.
00:04:38 Pour trouver de nouveaux débouchés,
00:04:40 les trafiquants ont décidé de cibler le continent européen et la France.
00:04:46 Cette cocaïne provient à 90% de Colombie et du Pérou.
00:04:49 Elle traverse l'Atlantique par bateau ou par avion.
00:04:52 Elle est produite à environ 1 000 euros le kilo.
00:04:56 Elle est revendue au détail à 32 000 euros le kilo au moins,
00:05:00 soit 32 fois plus.
00:05:02 Cela en fait un des commerces les plus rentables de la planète.
00:05:08 Enfin, la troisième forme de drogue qui nous inquiète,
00:05:12 ce sont les drogues de synthèse, méthamphétamine, ecstasy, GHB
00:05:16 et les opioïdes morphine, fentanyl ou tramadol,
00:05:20 drogues qui font déjà des ravages aux États-Unis
00:05:22 puisque au cours de la seule année 2023,
00:05:24 120 000 Américains sont morts d'une overdose.
00:05:27 Mais ces drogues, soyons lucides, arrivent aussi en Europe et en France
00:05:32 avec des agents chimiques comme des solvants ou des acides
00:05:36 qui peuvent être utilisés légalement dans l'industrie chimique
00:05:39 et qui sont importés en provenance de Chine et de Hong Kong
00:05:42 avant d'être détournés, transformés sous forme de drogues particulièrement addictives
00:05:47 qui sont vendues quelques euros sur le marché français.
00:05:50 Pour résumer le constat,
00:05:52 nous sommes confrontés à des produits de plus en plus nocifs,
00:05:56 de plus en plus accessibles,
00:05:58 qui enrichissent de plus en plus les narcotrafiquants.
00:06:01 Cette présence, elle est renforcée par deux évolutions
00:06:05 dont nous devons impérativement avoir conscience
00:06:07 et que je veux souligner devant la Commission.
00:06:11 D'abord, les trafiquants de drogues ont des moyens comparables à ceux des États.
00:06:14 C'est une des grandes nouveautés.
00:06:17 Ils ont un arsenal technologique,
00:06:18 des sous-marins grâce auxquels ils peuvent transporter la drogue
00:06:20 sans être repérés, des balises, des caméras
00:06:23 qu'ils positionnent dans les conteneurs de stupéfiants
00:06:25 pour mieux les tracer.
00:06:27 Ils ont accès à des téléphones cryptés
00:06:29 qui leur permettent de communiquer sans aucune crainte d'être écoutés.
00:06:32 Ils utilisent des méthodes de corruption des agents portuaires,
00:06:35 de menaces contre le personnel politique,
00:06:37 comme nous l'avons vu récemment aux Pays-Bas.
00:06:40 Nous ne sommes plus du tout face à des réseaux quasi artisanaux.
00:06:43 J'ai vu en sept ans de fonction comme ministre de l'Économie,
00:06:47 l'artisanat se transformer en professionnalisme,
00:06:50 en grand banditisme,
00:06:52 avec un système mafieux ultra-professionnel
00:06:56 qui, je le redis, gangrène le territoire français.
00:07:00 Ces groupes mafieux ne craignent pas les États.
00:07:04 Ils les concurrencent et ils sont prêts à les terroriser,
00:07:08 par tous les moyens.
00:07:10 La deuxième évolution majeure,
00:07:12 c'est l'endogénéisation de la production de drogue.
00:07:15 La drogue n'est plus simplement emportée,
00:07:17 elle progresse dans sa production sur le sol européen
00:07:20 et sur le sol français.
00:07:22 Il y a une régionalisation des chaînes de valeur,
00:07:24 vous le savez tous, et bien j'ai bien peur que cette régionalisation
00:07:27 des chaînes de valeur concerne aussi la production de drogue.
00:07:32 Nous regardons notamment attentivement deux pays,
00:07:35 les Pays-Bas et l'Espagne.
00:07:37 Les Pays-Bas sont en train de devenir,
00:07:39 pour la production de drogue de synthèse,
00:07:41 ce que la Colombie est à la production de cocaïne.
00:07:44 Les composants chimiques sont débarqués
00:07:45 sur les ports d'Amsterdam et de Rotterdam.
00:07:48 Ils sont à double usage, ils sont acheminés
00:07:50 dans des laboratoires à proximité,
00:07:52 ils sont transformés en drogue et diffusés
00:07:54 par les axes routiers dans le reste du continent.
00:07:57 La production de drogue est donc désormais
00:07:58 sur le sol européen, elle n'est pas uniquement importée.
00:08:02 Nous risquons donc, si les mesures nécessaires
00:08:04 ne sont pas prises, de voir apparaître
00:08:06 de nouveaux médélines au cœur du continent européen.
00:08:10 L'Espagne ensuite, qui produit de plus en plus
00:08:13 de cannabis, mais aussi des drogues de synthèse,
00:08:15 sous l'impulsion de chimistes mexicains,
00:08:17 arrivés récemment et repérés sur les territoires espagnols.
00:08:21 S'il n'y a pour l'instant pas de production
00:08:23 à niveau industriel en France, nous restons
00:08:25 extrêmement vigilants. Nous commençons notamment
00:08:28 à voir s'implanter des trafiquants étrangers
00:08:31 venus de cartels sud-américains sur le sol national.
00:08:35 Il faut donc agir vite, car bientôt,
00:08:37 il sera trop tard.
00:08:40 Je rappelle également, pour terminer,
00:08:42 que ce narcotrafic représente un danger majeur
00:08:44 pour notre sécurité nationale, que je considère
00:08:48 avec la même gravité que le danger terroriste.
00:08:52 315 homicides ou tentatives d'homicide en 2023,
00:08:56 donc 47 rien qu'à Marseille.
00:08:58 Cela appelle une réponse intraitable,
00:09:00 dont les dernières opérations lancées
00:09:02 par le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice
00:09:04 sont le reflet.
00:09:06 Quels sont les moyens dont dispose
00:09:08 le ministre de l'Economie et des Finances
00:09:10 pour faire face à ces trafics ?
00:09:11 Quels sont les moyens supplémentaires
00:09:12 qui me paraissent indispensables à déployer
00:09:14 face à la montée en puissance de la menace ?
00:09:18 D'abord, nous contrôlons les frontières.
00:09:20 Et je veux rendre hommage au travail exceptionnel
00:09:22 accompli par les services des douanes,
00:09:24 par leurs agents de renseignement,
00:09:26 par Direction nationale du renseignement
00:09:28 et les enquêtes douanières.
00:09:30 Ils ont procédé l'année dernière à 16 000 saisies,
00:09:33 représentant un total de 92 tonnes de drogue
00:09:37 pour une valeur marchande de près de 1 milliard d'euros.
00:09:40 Cela représente 70% du total des saisies
00:09:43 de stupéfiants dans notre pays.
00:09:45 Ma deuxième responsabilité, c'est la lutte
00:09:47 contre le blanchiment d'argent.
00:09:48 Vous m'avez interrogé précisément là-dessus,
00:09:50 M. le rapporteur.
00:09:52 Comment est-ce que fonctionne
00:09:54 le blanchiment d'argent en France ?
00:09:56 Il consiste très simplement à réinjecter
00:09:58 l'argent illégal de la drogue
00:10:00 dans les circuits légals courants.
00:10:03 Concrètement, l'argent est collecté
00:10:05 par les trafiquants sous forme de petites espèces,
00:10:08 de crypto-actifs, de cartes prépayées,
00:10:11 de virements dans des comptes éphémères
00:10:13 proposés par des noeuds aux banques.
00:10:15 Cet argent est ensuite intégré
00:10:17 à la comptabilité d'un bar à chicha
00:10:19 ou d'un bar d'un garage automobile,
00:10:21 dont le chiffre d'affaires
00:10:23 va augmenter artificiellement.
00:10:25 Il peut aussi être dépensé,
00:10:27 on le voit de plus en plus,
00:10:28 dans l'achat d'un bien immobilier de luxe
00:10:30 ou dans des jeux d'argent.
00:10:31 Pour être très concret, un trafiquant
00:10:33 préfère perdre une partie de ses gains illégaux
00:10:36 en les jouant pourvu qu'il puisse récupérer
00:10:38 légalement une somme même inférieure,
00:10:41 c'est le prix à payer du blanchiment.
00:10:43 Pour traquer ce blanchiment d'argent,
00:10:45 c'est le rôle des services de traque fin
00:10:47 et de ces 220 agents.
00:10:50 Quel est le bilan que nous pouvons faire depuis 7 ans ?
00:10:53 D'abord, nous avons augmenté les moyens humains.
00:10:55 Depuis 2017, les effectifs de surveillance des douanes
00:10:58 ont été augmentés de 287 équivalents en temps plein
00:11:01 et ceux de traque fin ont quasiment doublé.
00:11:04 Sur les moyens matériels, nous avons modernisé
00:11:06 les équipements et les moyens de détection des douanes
00:11:08 avec le plan STUP de 2019
00:11:10 et le plan POR de 2023.
00:11:13 Les douanes vont mobiliser désormais
00:11:15 120 lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation
00:11:18 pour traquer les trafiquants sur les routes,
00:11:20 des camionnettes scanner qui seront très prochainement positionnées
00:11:24 dans les terminaux sensibles pour détecter les cargaisons
00:11:27 et un algorithme de détection des stupéfiants
00:11:29 envoyé par colis postaux
00:11:31 qui est en train d'être expérimenté.
00:11:33 Enfin, s'agissant des moyens juridiques,
00:11:36 l'arsenal des douanes a été renforcé
00:11:38 avec la loi Douane de 2023
00:11:40 qui comprend l'assouplissement des procédures de saisie
00:11:42 des agents chimiques nécessaires aux drogues de synthèse.
00:11:44 Ce qui fait que nous saisissons dès que nous avons un doute
00:11:47 sur le caractère illégal de l'utilisation d'un solvant,
00:11:49 nous saisissons le solvant, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant
00:11:52 ce qui permet de prévenir l'idée d'avoir des laboratoires
00:11:55 de fabrication sur le sol français.
00:11:57 Nous avons élargi le recours aux techniques spéciales d'enquête
00:12:00 comme la captation d'images ou la sonorisation
00:12:03 et nous pratiquons la retenue temporaire
00:12:05 de sommes d'argent en liquide à l'intérieur du territoire,
00:12:08 cela répond à votre interrogation sur les petites sommes en liquide,
00:12:11 en cas d'indice de lien avec une activité criminelle.
00:12:14 Au total, 664 tonnes de drogue ont été saisies depuis 2017
00:12:19 pour une valeur marchande de plus de 5 milliards d'euros.
00:12:22 Je termine en insistant sur la nécessité
00:12:25 de disposer de moyens renforcés,
00:12:28 notamment juridiques, pour faire face à une menace
00:12:31 qui, je le redis, a explosé en intensité et en gravité.
00:12:36 D'abord, nous voulons permettre à nos services douaniers
00:12:39 d'accéder au maximum de données et de les croiser.
00:12:42 Nos douaniers et nos forces de sécurité ont besoin de plus d'informations
00:12:47 de la part des grandes compagnies de transport maritime et de la logistique
00:12:50 afin de pouvoir rapidement déceler les conteneurs suspects.
00:12:54 Je réunirai prochainement les représentants de ces grandes compagnies
00:12:57 pour avancer avec eux sur le sujet.
00:13:00 Nous devons également renforcer la coopération internationale.
00:13:03 C'est l'objet de l'Alliance européenne des ports,
00:13:05 qui est promue par la Commission européenne et dont nous soutenons l'idée.
00:13:09 Nous devons avoir la même intensité à Rotterdam, Anvers, Gênes ou Le Havre.
00:13:14 Au niveau des moyens technologiques,
00:13:16 nous avons besoin, là aussi, de renforcer nos moyens.
00:13:20 Face à la diffusion des techniques de chiffrement des téléphones,
00:13:24 notre avantage en matière d'écoute et d'interception téléphonique
00:13:28 est désormais insuffisant.
00:13:30 Nous devons réinvestir pour réaliser un saut technologique
00:13:34 et pouvoir repérer les conversations cryptos des trafiquants,
00:13:38 ce que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui.
00:13:41 Les États-Unis peuvent pénétrer les applications les plus sécurisées,
00:13:44 il est temps que la France puisse le faire également.
00:13:47 Enfin, au niveau administratif, nous devons simplifier,
00:13:50 accélérer, renforcer les procédures pour taper plus efficacement
00:13:54 les trafiquants au niveau du portefeuille.
00:13:57 Nous devons ajouter une lame préventive, celle de la procédure administrative,
00:14:02 ce qui veut dire que dès que nous avons des indices graves,
00:14:05 notre proposition est de passer à l'action,
00:14:09 c'est ce que nous avons proposé avec le président de la République
00:14:11 et les ministres de l'Intérieur, pour geler immédiatement
00:14:14 les avoir des têtes de réseau et de leur lieu tenant.
00:14:17 Ce qui veut dire qu'il ne faudra plus qu'il y ait une procédure judiciaire engagée,
00:14:19 mais des indices graves et concordants seront suffisants
00:14:22 pour appliquer un gel des avoirs à tous les narcotrafiquants,
00:14:26 aux gestionnaires financiers, aux gérants d'actifs, aux banques,
00:14:29 assurances, notaires et agents immobiliers qui disposent des biens des narcotrafiquants.
00:14:33 C'est un point, à notre avis, absolument capital.
00:14:36 Ce gel administratif n'existe pas pour l'instant.
00:14:38 Avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur,
00:14:41 nous avons décidé de le mettre en place.
00:14:44 Voilà les quelques éléments de présentation générale que je voulais vous faire.
00:14:47 Pour insister sur notre mobilisation totale avec le président de la République
00:14:52 et le ministre de l'Intérieur sur ce sujet, je voudrais profiter de cette audition
00:14:56 pour que chacun prenne conscience de la gravité de la menace
00:14:59 que fait peser le trafic de stupéfiants sur la stabilité de la société française.
00:15:05 Merci, M. le ministre.
00:15:07 Ces derniers mots tombent au creux de nos oreilles,
00:15:10 nous qui travaillons depuis plusieurs mois sur ce sujet
00:15:12 et qui avons pu prendre la mesure de l'état de la menace.
00:15:15 Vous êtes un des piliers d'une équipe gouvernementale qui est aux affaires depuis sept ans.
00:15:21 J'ai deux questions à vous poser.
00:15:23 Une première de méthode et une deuxième plus précise.
00:15:26 On a le sentiment, M. le ministre, que la gravité de la situation
00:15:31 que vous décrivez avec des mots assez durs et qui est presque alarmiste dans votre propos
00:15:38 donne lieu à des propositions qui sont un peu tardives et qui sont parfois imprécises.
00:15:44 J'en veux pour preuve le plan STUP2 annoncé et pour l'instant,
00:15:53 pas annoncé, dont on annonçait la présentation,
00:15:57 mais dont la présentation n'est toujours pas programmée,
00:15:59 dont nous nous sommes procurés un exemplaire qui est assez familique.
00:16:06 Est-ce que vous avez été associé à la production de ce plan STUP ?
00:16:10 Je suis assez surpris du fait qu'un certain nombre des mesures qui ont été annoncées ces derniers jours
00:16:17 par vos collègues et vous-même ne figurent pas explicitement dans ce plan STUP.
00:16:23 Vous avez annoncé dès 8 décembre 2023 le gel administratif des avoirs.
00:16:27 On vient de parler de tests salivaires, on vient de parler de cours spéciales.
00:16:30 Et finalement, on a un document qui sera proposé à la représentation nationale qui ne comprend rien
00:16:34 et tout le reste passe ailleurs.
00:16:35 Donc sur la méthode, je trouve que c'est un peu tardif, un peu imprécis et en ordre dispersé.
00:16:39 Sur ce point précis du gel des avoirs, dont vous semblez dire que c'est un élément essentiel et on peut le partager,
00:16:45 comment va-t-il se mettre en place ? Quelle est l'articulation avec d'autres mesures ?
00:16:52 On avait demandé un écrit à votre cabinet qu'on n'a pas eu d'ailleurs, mais je pense que ce sera envoyé bientôt.
00:16:57 Et comment ça s'articule avec le droit européen ?
00:17:00 Alors, première remarque sur la gravité de la menace.
00:17:07 Je voudrais effectivement profiter de cette audition pour montrer que la menace est devenue systémique
00:17:15 et qu'elle est aussi grave par la société française que la menace terroriste.
00:17:20 De la même façon, à mon sens, que nous devons avoir conscience que l'islam radical livre une guerre aux pays européens en général
00:17:29 et à la France en particulier, nous devons avoir conscience que les narcotrafiquants ont décidé
00:17:35 de faire de l'Europe une de leurs bases avancées et de la France en particulier.
00:17:40 Pour des raisons économiques que je veux bien souligner, le marché nord-américain est saturé.
00:17:45 Ils ont besoin d'un autre marché et ce marché c'est la France et l'Europe.
00:17:51 Et du coup, la France se trouve prise en étau entre d'un côté le marché de la cocaïne
00:17:58 qui était principalement en Amérique du Nord, venue de l'Amérique du Sud auparavant,
00:18:03 mais qui désormais devient une cible particulière, et le maintien d'un réseau de cannabis venu en particulier du Maroc
00:18:12 et d'autres pays d'Afrique du Nord qui menacent également la France.
00:18:17 Donc pour ces raisons, je pense qu'il est urgent d'élever notre posture.
00:18:22 Nous l'avons fait, je vais y revenir depuis plusieurs années, mais ce changement est lié à des évolutions systémiques
00:18:29 du commerce mondial qui sont récentes et qui datent de l'après-Covid.
00:18:33 Après le Covid, nous avons un repositionnement global des chaînes de valeur.
00:18:37 Dans ces chaînes de valeur, la drogue en fait partie, c'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
00:18:42 Deuxième remarque, nous avons en matière de réponse apporté toute une série de réponses avec le ministre de l'Intérieur.
00:18:53 J'ai parlé des moyens de la douane, des moyens de traque-fins.
00:18:56 Nous avons doublé les moyens de traque-fins.
00:19:00 Nous pilotons pour le ministère de l'Economie et des Finances trois des 55 mesures de ce plan
00:19:05 qui a été annoncé par le ministre de l'Intérieur, notamment sur le domaine routier,
00:19:09 sur le ciblage et la détection des conteneurs maritimes
00:19:12 et sur la lutte contre le trafic de stupéfiants sur le vecteur du fret express et postal.
00:19:17 Ce conteneur maritime, c'est absolument essentiel.
00:19:19 Nous avons besoin de la coopération des opérateurs maritimes et des ports
00:19:23 pour repérer par exemple s'il y a un agent nouveau qui est circulé sur le port,
00:19:27 s'il y a une nouvelle cargaison qu'on n'a jamais vue auparavant qui tout d'un coup se retrouve sur un porte-conteneurs.
00:19:35 Tous ces éléments supposent la coopération en termes de données de la part des grands opérateurs maritimes.
00:19:41 Je verrai prochainement CMA et CGM pour en discuter avec eux.
00:19:46 Mais l'échange des données est vital car il y a uniquement à travers le scannage des données
00:19:52 que l'on arrivera à savoir s'il y a effectivement dans un conteneur un produit suspect ou non.
00:19:59 S'agissant du gel des avoirs des narcotrafiquants,
00:20:03 c'est pour moi un dispositif absolument essentiel qui s'inspire du dispositif existant en matière de terrorisme.
00:20:10 C'est pour ça que je ne cesse de faire la comparaison entre terrorisme et narcotrafiquants
00:20:13 parce que la menace pour moi est exactement de la même intensité.
00:20:17 Il existe le gel des avoirs à but de lutte contre le terrorisme.
00:20:22 Nous proposons que le gel des avoirs à but de lutte contre les narcotrafiquants
00:20:28 soit adopté dès cette année par le Parlement.
00:20:31 Dans la doctrine d'emploi, comment est-ce que cela fonctionnerait ?
00:20:34 Il faut déjà que nous ayons un certain nombre de cibles qui soient identifiées.
00:20:38 Nous proposons que ces cibles soient proposées conjointement par mes services,
00:20:42 la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières
00:20:45 et ceux de l'intérieur, l'Office anti-stupéfiants.
00:20:49 La coordination en termes de renseignement entre ces deux services devrait permettre d'identifier ces cibles.
00:20:55 L'autorité judiciaire serait évidemment associée à cette désignation
00:21:00 pour que les mesures administratives d'entrave financière
00:21:04 interviennent en complémentarité de l'action judiciaire et ne perturbent pas les enquêtes en cours.
00:21:10 Ce nouvel instrument juridique doit en effet être envisagé comme un moyen d'entrave financière
00:21:15 complémentaire de l'action judiciaire et non pas en confrontation avec l'action judiciaire,
00:21:22 en particulier lorsque celle-ci n'est pas opérante.
00:21:24 Une fois que la désignation a été faite par les services du ministère de l'Intérieur et du ministère des Finances,
00:21:29 en coopération avec l'autorité judiciaire,
00:21:32 l'ensemble des assujettis à la réglementation anti-blanchiment
00:21:37 devront geler les avoirs des personnes concernées dont on aura fourni le nom.
00:21:41 Cela concerne les banques, les agences, les assurances, les notaires, les avocats, les agents immobiliers.
00:21:48 Force leur sera faite par la loi de geler les avoirs des personnes qui seront désignées administrativement.
00:21:55 Et c'est là qu'est la vraie révolution.
00:21:58 C'est qu'une désignation est administrative sur la base des services de renseignement,
00:22:02 en coopération avec l'action judiciaire,
00:22:05 mais si ce narcotrafiquant se trouve à Medellin ou ailleurs en Europe,
00:22:10 si l'action judiciaire ne peut pas le poursuivre pour toutes sortes de raisons juridiques parfaitement compréhensibles,
00:22:15 nous pouvons quand même geler ses avoirs.
00:22:18 Et ça c'est une véritable révolution.
00:22:21 Passer par l'administratif et accepter une restriction de liberté publique pour la protection de nos compatriotes.
00:22:29 L'avantage par rapport à la confiscation judiciaire, c'est que ça permet d'aller plus vite,
00:22:35 ça permet de gagner du temps sur l'enquête ou l'information judiciaire,
00:22:39 et ça a un caractère automatique.
00:22:42 Donc ce sera une vraie plus-value par rapport à l'action judiciaire et policière,
00:22:45 des saisies et des complications pénales qui ne sont prises qu'en fonction de la connaissance du patrimoine.
00:22:51 Là cette fois-ci, peu importe le patrimoine, tout est gelé dans tous les actifs,
00:22:54 dans tous les lieux où sont déposés les actifs des narcotrafiquants.
00:22:59 Ce dispositif, pour répondre à votre question, est tout à fait conforme aux droits européens.
00:23:04 Il va dans le sens de l'initiative de la Commission qui a proposé de renforcer les procédures de saisie et de complication judiciaire.
00:23:10 C'est un sujet qui mérite d'être porté au niveau européen.
00:23:13 Nous souhaitons que le choix français fasse jurisprudence au niveau européen
00:23:17 et soit étendu ensuite à tout le territoire européen, dans tous les États européens.
00:23:22 Je refais la comparaison avec la lutte contre le terrorisme.
00:23:25 La lutte contre les narcotrafiquants est tout aussi essentielle.
00:23:28 Elle sera efficace aussi si les dispositifs que nous mettons en place au niveau national sont retenus par les autres États européens.
00:23:34 Très bien, merci M. le ministre.
00:23:38 Une observation sur le dispositif que vous venez de présenter.
00:23:43 Ce qui nous a frappés dans les travaux de notre commission d'enquête,
00:23:46 c'est la capacité des réseaux de narcotrafiquants à être conseillés, à être appuyés.
00:23:53 Lorsqu'il y a une saisie, lorsqu'il y a une procédure,
00:23:57 ils ont aujourd'hui parmi les meilleurs conseillers fiscaux, les avocats, les juristes de premier ordre.
00:24:04 J'imagine que ce dispositif que le gouvernement entend mettre en place
00:24:09 sera exposé à ces contestations permanentes de la part d'avocats, de conseils de plus en plus chevronnés.
00:24:16 Ma question porte maintenant sur les liens entre le narcotrafic et l'économie légale.
00:24:23 Nous avons constaté que le produit, ces petites coupures, ces espèces qui prennent du narcotrafic,
00:24:31 intègrent l'économie légale dans des secteurs qui sont parfaitement identifiés.
00:24:37 C'est le bâtiment, c'est la restauration, ce sont les services de sécurité privée,
00:24:45 et puis c'est une foule de petits commerces dans le domaine de la téléphonie, dans le domaine des ongleries.
00:24:51 Ce sont des barbiers qui s'installent et qui ont des chiffres d'affaires absolument fictifs.
00:24:58 Quels sont les dispositifs que vous pouvez mettre en place pour mieux surveiller cela ?
00:25:02 Je reprends ma question initiale. C'est de l'argent liquide qui va intégrer ces commerces.
00:25:09 Comment se fait-il qu'on ne puisse pas plus facilement repérer ces flux ?
00:25:15 Est-ce que c'est un manque de moyens ? Est-ce que c'est un manque de dispositifs de surveillance ?
00:25:20 Est-ce que c'est un manque de coordination entre les différents services ?
00:25:24 La police judiciaire et les services dont vous avez la responsabilité,
00:25:29 pourquoi est-ce qu'on ne voit pas plus ces flux ? Pourquoi est-ce qu'on ne les identifie pas plus ?
00:25:34 Et pourquoi est-ce qu'on ne peut pas mieux les confisquer ?
00:25:39 Et puis une question complémentaire. Si on s'attaque à ces flux, il y a évidemment une fragilisation de cette économie réelle,
00:25:48 que l'on va priver de flux financiers, quand bien même ce sont des flux financiers illégaux.
00:25:53 Est-ce que sous votre autorité, on a identifié les conséquences que pourraient représenter des confiscations renforcées sur ces secteurs de l'économie,
00:26:07 notamment sur celui du bâtiment ?
00:26:14 Sur toutes ces questions majeures, il est évident que ce qui est le plus difficile à traquer, c'est les petits ruisseaux
00:26:23 qui ensuite font les grandes rivières du trafic de narcos stupéfiants, avec effectivement des innovations qui se mêlent aux méthodes plus basiques et plus anciennes.
00:26:34 Les méthodes basiques, vous avez souligné, c'est les ongleries, c'est les barbiers, ce sont les bars à chicha,
00:26:40 ce sont toutes ces activités-là qui ont des chiffres d'affaires totalement en décalage par rapport à la réalité de l'activité du commerce.
00:26:48 J'ajoute un certain nombre d'autres méthodes qui ont tendance à se développer, je pense au schtroumpfage,
00:26:55 qui consiste à déposer des petites sommes en espèces sur des comptes bancaires qui sont détenus par des personnes différentes,
00:27:01 avec à chaque fois un montant modeste, pour ne pas attirer l'attention.
00:27:05 Les complices qui sont titulaires de ces multiples comptes, qui peuvent parfois se chiffrer en centaines de comptes, sont appelés schtroumpfs,
00:27:12 et ils vont toucher une commission sur l'argent qui a été déposé sur leurs comptes et qui sert en réalité à blanchir l'argent du trafic de drogue.
00:27:20 Je pense également à la méthode du fractionnement, qui se retrouve également en transport physique d'argent liquide,
00:27:26 pour contourner les obligations déclaratives prévues par la réglementation de contrôle de l'argent liquide,
00:27:30 et qui consiste à fragmenter une somme d'argent en multitude de petites sommes qui sont remises à plusieurs passeurs.
00:27:36 Je pense enfin, je l'ai mentionné précédemment, à l'utilisation des banques en ligne et à l'utilisation des crypto-monnaies.
00:27:45 Tout cela fait partie des nouveautés auxquelles nous devons faire face.
00:27:50 Pour lutter contre cela, d'abord nous avons renforcé les moyens humains.
00:27:54 Les contrats de fin ont été significativement renforcés depuis 2017. Nous avions 125 agents en 2017. Nous en avons 220 en 2023. 95 équivalent en temps plein en plus.
00:28:08 Nous avons créé une nouvelle sous-direction qui est dédiée aux sanctions et à la lutte contre la criminalité financière.
00:28:14 C'est la première fois que la Direction Générale du Trésor a une sous-direction spécifiquement dédiée à cette question de la lutte contre le narcotrafic
00:28:23 et la criminalité financière.
00:28:25 Enfin, nous avons augmenté les effectifs de la branche surveillance des douanes de 8.196 à 8.483 équivalent temps plein.
00:28:35 Les derniers développements européens nous permettent également de lutter avec plus d'efficacité contre l'utilisation des espèces.
00:28:44 Nous nous sommes beaucoup battus, et je me suis beaucoup battu personnellement, pour que le seuil européen maximal de paiement en espèces soit de 10.000 euros.
00:28:52 C'est la première fois que cela existe en Europe, et vous savez qu'il y avait une forte réticence de pays qui sont beaucoup plus utilisateurs des espèces, comme l'Allemagne.
00:29:00 Nous avons également introduit au niveau européen une obligation de vérification et d'identification du client pour les transactions supérieures à 3.000 euros.
00:29:12 Donc nous avons un cadre européen d'anti-blanchiment qui est renforcé avec cette nouvelle directive adoptée en janvier dernier.
00:29:20 Nous avons créé l'autorité de lutte contre le blanchiment, l'AMLA, dont les activités débuteront mi-2025.
00:29:29 Nous avons également soumis les prestataires de services de cryptoactifs aux règles anti-blanchiment et aux obligations de transparence.
00:29:36 Tout cela sont des dispositifs nouveaux que nous avons portés au niveau européen.
00:29:39 Nous avons renforcé le registre des bénéficiaires effectifs, et nous avons mis en place une supervision européenne des opérateurs les plus risqués.
00:29:48 Je termine juste, puisque vous m'avez interrogé sur les méthodes sophistiquées et les moyens.
00:29:52 Pour moi, je le redis, un des enjeux majeurs est que nos services de renseignement puissent disposer des moyens de casser les télécommunications des narcotrafiquants cryptés.
00:30:03 Aujourd'hui, ils n'en ont pas les moyens technologiques.
00:30:06 Merci, M. le ministre.
00:30:09 Vous nous avez répondu tout à l'heure sur le plan Stup 2019, mais la question que je vous posais concerne le plan Stup à venir.
00:30:17 C'est cette articulation qui m'intéressait, notamment avec la mesure de gel des avoirs.
00:30:23 Je pense qu'il faudra que vous nous précisiez comment vous pensez vous-même la mettre en œuvre, parce qu'on voit déjà qu'en judiciaire, les choses sont assez compliquées.
00:30:32 En administratif, quelle marge de manœuvre vous allez vous donner pour que tout cela prenne effet très concrètement ?
00:30:37 Je pense que quelques écrits à l'appui de cette proposition ne seraient pas inutiles.
00:30:42 Je veux vous interroger sur les moyens.
00:30:44 Vous êtes le ministre des Comptes publics dans une période où on va nous amener collectivement à faire des économies.
00:30:50 Vous avez évoqué, avec ce gel des avoirs, des solutions juridiques nouvelles pour lutter contre le narcotrafic.
00:30:58 On voit qu'il y a aussi un sujet capacitaire et nombreuses auditions, nombreuses rencontres avec des policiers, des magistrats.
00:31:06 Vous avez parlé dans votre champ de délégation de la douane de Trakfim, mais nous montre qu'il faut des moyens supplémentaires.
00:31:15 Est-ce qu'il n'est pas de bonne politique de ne pas faire l'économie de moyens dans ce champ de la justice, de la police,
00:31:25 pour aller capter ne serait-ce qu'une petite partie des 3,5 milliards d'économies du narcotrafic ?
00:31:32 Ce serait sans doute un service rendu à nos concitoyens et aux comptes de la nation.
00:31:37 Je partage totalement votre évaluation, M. le Président. Je vais y revenir.
00:31:47 Peut-être juste un petit mot sur la mise en place de ce gel des avoirs des narcotrafiquants.
00:31:55 L'idée est de s'inspirer de la jurisprudence sur le terrorisme qui fonctionne très bien.
00:31:59 C'est une coopération entre les services, un ciblage des individus et un gel imposé à l'ensemble des entités qui peuvent gérer les biens de ce narcotrafiquant.
00:32:14 Ça fonctionne très bien pour le terrorisme. Le niveau de menace pour moi est similaire.
00:32:18 Il demande la même détermination et la même capacité à s'affranchir d'un certain nombre de règles que nous avons respectées jusqu'à présent et dont jouent les narcotrafiquants.
00:32:30 C'est ma position de ministre de l'Économie et des Finances.
00:32:33 Je connais les réticences de certains sur les libertés publiques, je peux les entendre,
00:32:37 mais pour moi, il faut appliquer au narcotrafic la même jurisprudence qu'au terrorisme.
00:32:44 Savoir s'affranchir de certaines libertés publiques pour protéger la liberté collective de nos compatriotes face à cette menace.
00:32:52 S'agissant des sujets capacitaires, oui, il y aura besoin de moyens supplémentaires, notamment en termes de détection,
00:32:59 en termes de capacité à casser les communications cryptées, de capacité technologique et matérielle.
00:33:10 Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus important.
00:33:14 Quand je pense, par exemple, au lecteur de plaques d'immunitariation, le LAPI, on va en avoir 200, il y en a 120 aujourd'hui.
00:33:19 Il y a des scanners plus puissants, ça coûte très cher, mais c'est extrêmement efficace.
00:33:23 Il n'y a pas très longtemps, en Guadeloupe et en Martinique, les aéroports ont besoin de scanners pour aller arriver à repérer les passeurs
00:33:31 qui transportent des boules de chit à l'intérieur de leur corps, ce qui est à la fois dangereux pour leur santé,
00:33:39 ce qui peut être repéré très vite avec un scanner, mais le scanner coûte plusieurs centaines de milliers d'euros.
00:33:44 Donc oui, je suis favorable à un investissement pour lutter contre le narcotrafic.
00:33:49 Voilà pour cette audition du ministre de l'Économie, qui a particulièrement fait réagir notamment sur les liens établis entre narcotrafic et terrorisme.
00:33:59 D'ailleurs, le président de la Commission, Jérôme Durand, a demandé au service du ministre de lui faire parvenir les documents établissant ces liens.
00:34:07 On vient à suivre une seconde audition, celle de l'ancien procureur général près de la Cour de Cassation.
00:34:13 Il s'agit de François Mollins. Je vous laisse suivre ses échanges et je vous retrouve tout de suite après.
00:34:18 Monsieur le procureur, bonjour. Merci de votre présence devant notre commission d'enquête sur le narcotrafic et les mesures à prendre pour y remédier.
00:34:26 Nous vous avons invité à venir devant les membres de cette commission pour la connaissance que vous avez des sujets afférents au narcotrafic
00:34:38 et plus généralement, tous les sujets d'organisation judiciaire et procédure pénale notamment.
00:34:44 Je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal.
00:34:55 Je vais vous inviter à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
00:35:00 Je le jure. Merci. On vous écoute et ensuite, on procède à l'échange de questions-réponses. Merci.
00:35:08 Oui, merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs.
00:35:13 Vous avez donc demandé à m'entendre dans le cadre de l'enquête que vous menez dans le cadre de cette commission sur les narcotrafics.
00:35:20 Il ne s'agit pas de relativiser ce que je vais dire, mais peut-être de l'entourer d'une certaine modestie pour deux raisons.
00:35:27 J'ai quitté le terrain il y a cinq ans. Je vous le rappelle. Lorsque j'ai été nommé procureur général à la Cour de cassation en novembre 2018,
00:35:34 après avoir eu la chance d'exercer des fonctions éminemment sensibles, notamment comme procureur de Bobigny, puis procureur de Paris,
00:35:42 qui compte notamment la Girs, la plus importante de France, j'ai ensuite été amené, début 2019, suite à une lettre de mission de Mme Belloubet,
00:35:53 garde des Sceaux, à animer un groupe de travail sur le traitement de la criminalité organisée et financière en France,
00:35:59 qui nous a valu de faire un certain nombre de recommandations. Donc je vais vous rappeler tout ça en préambule pour dire que mes propos
00:36:09 ne peuvent pas par définition nécessairement avoir la précision de tous les constats faits par mes collègues marseillais de Marseille ou d'ailleurs,
00:36:19 qui vivent au quotidien la lutte contre le narcotrafic. Et si vous me permettez cet aparté, je voudrais profiter de cette audition aujourd'hui
00:36:26 pour leur dire publiquement toute moindre admiration pour ce qu'ils font, puisque je pense que ce sont ici et ailleurs des magistrats engagés au quotidien
00:36:35 et qui vous ont dit la vérité avec une grande lucidité sur le combat qu'ils mènent au quotidien. Et si vous me permettez de poursuivre cet aparté,
00:36:42 je dirais qu'ils me paraissent parfaitement irréprochables, ce qui m'amène à une incompréhension majeure face au comportement du garde des Sceaux à Marseille,
00:36:51 face à cette remontée de bretelles, comme certains l'ont nommée, qui me paraît personnellement, moi, aux antipodes de l'office d'un garde des Sceaux
00:37:01 qui est censé soutenir la justice, défendre son indépendance. Et je pense qu'il n'est pas convenable d'avoir ce type de comportement
00:37:09 qui consiste à reprocher à des magistrats d'avoir dit la vérité devant des émanations de la nation et de la représentation nationale.
00:37:18 Et je voudrais rappeler que les magistrats ne sont pas là pour venir au soutien ou à la justification des discours politiques des uns ou des autres,
00:37:27 qu'il s'agisse de la majorité ou de l'opposition. Ce n'est pas leur office. Pour revenir au sujet sur lequel vous m'entendez aujourd'hui,
00:37:34 je voudrais dire qu'en réalité, je retrouve, moi, tous les phénomènes que j'avais connus il y a quelques années,
00:37:43 quand j'étais procureur au Bobigny, puis Paris, avec quand même une différence notable, c'est qu'ils existaient déjà,
00:37:48 mais ils existent toujours en s'étant considérablement aggravés. Et je pense que ça doit effectivement inciter objectivement à s'interroger
00:37:57 sur l'efficacité et l'efficience des politiques publiques conclues en la matière, qui, malgré un très lourd investissement en termes financiers
00:38:05 et en termes de moyens, ne parviennent pas à endiguer ce phénomène qui ne cesse de se multiplier.
00:38:10 Aujourd'hui, il y a donc du trafic de stupéfiants partout. Je vais faire état d'une réflexion que je me faisais souvent
00:38:16 quand j'étais au Conseil supérieur de la magistrature, et de ma surprise, lorsque j'ai vu à plusieurs reprises des procureurs
00:38:23 qui étaient proposés pour exercer des fonctions dans des zones rurales et dans des petits tribunaux,
00:38:31 je pense notamment pour ne pas les nommer à Aurillac ou à Brive, venir nous dire que le trafic de stupéfiants
00:38:37 était un des problèmes numéro un de la zone dans laquelle ils allaient exercer.
00:38:40 C'est des choses qu'on n'aurait effectivement pas pu concevoir il y a encore quelques années.
00:38:44 Je pense aussi à la multiplication des règlements de compte. Il y a eu certes à Marseille il y a plusieurs années
00:38:49 la tradition bien connue des rôtisseurs et des barbecues marseillais. On est aujourd'hui dans une dimension
00:38:54 qui est tout à fait différente, puisque si j'ai bien lu ce que j'ai lu dans la presse, je n'ai plus les mêmes sources aujourd'hui,
00:39:00 40% de règlements de compte aujourd'hui, avec une spécificité je pense qui signe aussi la métastase du phénomène.
00:39:07 Ce qui était avant circonscrit dans des zones urbaines et dans des conurbations urbaines assez étendues du type Marseille,
00:39:14 Lyon, Grenoble ou Paris, touche aujourd'hui des villes de moyenne voire de petite importance.
00:39:19 Je prends pour exemple Nîmes, Valence ou Dijon avec l'épisode de la balle perdue.
00:39:26 Alors qu'est-ce qu'on peut dire sur ces phénomènes qui ont une acuité encore plus forte aujourd'hui que dans le passé ?
00:39:31 A l'époque, et je pense que c'est encore plus vrai aujourd'hui, on avait noté plusieurs choses,
00:39:35 plusieurs phénomènes qu'on a sûrement répété dans votre commission.
00:39:39 Le premier, c'est je pense l'internationalisation des phénomènes.
00:39:43 On est de plus en plus confronté à des réseaux qui se sont complexifiés,
00:39:49 avec des réseaux complexes dont les têtes sont souvent à l'étranger et grâce aux moyens de communication cryptés,
00:39:56 parviennent à donner leurs instructions à distance en choisissant de préférence d'aller s'abriter dans des pays non coopératifs,
00:40:02 comme on dit en matière pénale, pour avoir une impunité qui sera mieux garantie.
00:40:07 Le second phénomène, c'est celui de la complexification.
00:40:10 Bien évidemment, plus une organisation grossit, plus elle est axée sur la recherche du profit et plus évidemment elle va se professionnaliser.
00:40:18 On avait noté aussi une véritable tendance à la professionnalisation du marketing et des livraisons et à une sorte de phénomène d'ubérisation.
00:40:26 Moi, j'ai assisté quand j'étais procureur à Paris à l'apparition de ces sortes de centrales d'achat
00:40:31 où, comme vous allez commander une pizza, vous allez commander votre dose de tube Effiant qui vous sera livrée par des livreurs à scooter,
00:40:39 avec des phénomènes qui signaient bien la valeur de ce type de fonds de commerce,
00:40:43 puisqu'on avait même eu des affaires dans lesquelles ces clientèles se cédaient,
00:40:47 comme un fonds de commerce ou comme une clientèle d'avocat ou de notaire.
00:40:51 On cédait le fichier de la clientèle et on arrivait aussi à se faire rétribuer lorsqu'on voulait se retirer des affaires.
00:40:57 Dans ce domaine, bien évidemment, je pense qu'il y a des moyens qui sont nécessaires.
00:41:06 Et je dirais sur ce plan que je pense que la logique d'une enquête judiciaire,
00:41:09 sans vouloir absolument rien condamner parce que je pense que l'efficacité, elle, doit se dégager de la complémentarité.
00:41:15 Il y a bien sûr ce qu'on pourrait qualifier des faits toi l'Etat,
00:41:18 c'est l'opération de sécurité publique, mais cela doit toujours aller de pair avec des opérations de police judiciaire
00:41:23 qui sont parfois peu compatibles avec la logique de chiffres et la pression qu'on peut mettre sur les services,
00:41:28 notamment de premier niveau.
00:41:30 Enquêtes judiciaires, donc, qui sont toujours longues, complexes, parce qu'elles nécessitent du temps,
00:41:35 elles nécessitent d'aller au fond et elles ont normalement pour but de démanteler les réseaux,
00:41:41 d'interpeller les personnes et d'identifier les commanditaires.
00:41:46 Et je pense que sur ce plan, on est certainement trop aujourd'hui dans une logique de répression
00:41:51 des premiers niveaux de revente et de saisie de produits.
00:41:55 Je reviendrai avec le blanchiment.
00:41:57 J'évoquais tout à l'heure l'internationalisation avec la dimension internationale.
00:42:01 Je pense qu'on a aussi un gros problème aujourd'hui de coopération pénale internationale
00:42:06 dans la mesure où, bien évidemment, sa qualité va dépendre du degré de coopération
00:42:10 et de la bonne volonté des pays avec qui on coopère.
00:42:12 Et on sait tous que, malheureusement, certains pays ne sont pas à ce niveau de coopération.
00:42:18 C'est d'ailleurs en général pour ça que les malfaiteurs choisissent d'aller s'y abriter.
00:42:22 Il y a un dernier phénomène sur lequel je voudrais insister et qui, je pense, s'est encore développé.
00:42:28 Je suis allé en décembre 2023 et en décembre 2022 à Tracfins,
00:42:35 assister à une réunion à l'invitation du directeur avec l'ensemble des agents.
00:42:40 Donc, ce que je dis, je pense, c'est encore plus vrai aujourd'hui.
00:42:44 C'est l'importance, effectivement, de la lutte du blanchiment à travers un phénomène nouveau qui est apparu.
00:42:50 Là aussi, je l'avais constaté quand j'étais à Paris, qu'on pourrait appeler
00:42:54 la professionnalisation de la logistique financière.
00:42:58 On a assisté depuis plusieurs années à l'apparition et à l'émergence de nouveaux acteurs
00:43:02 qui sont ce qu'on appelle les lessiveuses, donc des structures, en réalité,
00:43:08 qui se répartissent grosso modo dans trois groupes de criminalités organisées
00:43:12 qui se font concurrence et qui agissent de concert.
00:43:14 C'était le cas en région parisienne. Je ne sais si c'est le cas en région marseillaise,
00:43:18 mais je ne vois pas qui d'autre pourrait être en mesure de traiter ce genre de choses.
00:43:21 On avait trois groupes à l'époque qui étaient en position vraiment dominante
00:43:25 sur ce phénomène, sur cette professionnalisation.
00:43:27 C'était les Asiatiques, les Franco-Israéliens, c'est-à-dire souvent des malfaiteurs spécialisés
00:43:35 dans l'escroquerie et qui, souvent, se réfugiaient à l'étranger,
00:43:38 et notamment en Israël, dans la mesure où ils avaient la double nationalité.
00:43:41 Et enfin, les Libanais. C'est effectivement ce genre de communautés qu'on trouvait
00:43:46 chaque fois dans les phénomènes de logistique financière pour blanchir l'argent
00:43:52 provenant du trafic de stupéfiants, avec, je pense, une utilisation d'instruments financiers
00:43:59 qui sont allés aujourd'hui en se sophistiquant, dans la mesure où on s'aperçoit que le but,
00:44:06 c'est bien sûr de récupérer un maximum de profits et de le blanchir,
00:44:09 et où on a donc recours à des phénomènes que je pense Trakfim vous a exposés et qui connaît bien,
00:44:14 qui sont effectivement le phénomène des sociétés écrans, éphémères,
00:44:18 et de sociétés dormantes qu'on va réactiver le moment venu en fonction des besoins,
00:44:24 avec aussi, il faut le rajouter, un phénomène de bancarisation se traduisant par l'ouverture
00:44:29 de comptes bancaires à l'étranger, si possible, dans des pays lointains et, de préférence, non coopératifs.
00:44:37 Tout cela m'amène à dire que je pense qu'il est essentiel, si on veut véritablement avoir une action de fond,
00:44:43 il est essentiel de décloisonner l'activité crime organisé, narcotrafic, trafic de stupéfiants,
00:44:49 de son aspect financier, avec effectivement quelque chose qui est peut-être insuffisamment le cas aujourd'hui,
00:44:56 je pense qu'il y a trop peu de dossiers de blanchiment, qu'on n'a pas une logique patrimoniale
00:45:02 dans les investigations qu'on engage qui soit suffisamment poussée,
00:45:05 pour des raisons sur lesquelles on pourra revenir si vous le souhaitez,
00:45:09 mais que moi je ne peux m'empêcher de mettre en parallèle avec la crise,
00:45:15 la crise, j'allais dire, de la spécialisation en matière financière qu'on connaît,
00:45:20 notamment dans les services de police judiciaire.
00:45:22 Je pense donc qu'il est nécessaire de développer très fortement cette dimension patrimoniale des enquêtes
00:45:29 et d'essayer de décloisonner cet aspect crime organisé de cette logistique financière,
00:45:38 en essayant peut-être de mieux travailler avec Tracfim,
00:45:41 et pour reprendre l'expression d'un collègue, de faire un travail qui consiste à croiser la logique des flux financiers
00:45:46 et la logique des objectifs.
00:45:48 C'est-à-dire, je crois que j'ai cru comprendre que c'était ce que faisait le Parquet de Marseille,
00:45:52 développer effectivement ces phénomènes de croisement d'informations
00:45:56 quand on ouvre des enquêtes ou des informations avec Tracfim,
00:45:59 avec cette politique de demander des criblages sur tous les gens qui font l'objet d'investigation,
00:46:05 pour effectivement que le service de renseignement financier soit en mesure,
00:46:09 sachant ce qu'il doit chercher, d'aller où il doit aller le chercher,
00:46:13 de pouvoir ramener des renseignements à l'autorité judiciaire.
00:46:17 Alors je ne veux pas être trop long compte tenu du temps qu'ils mettent en partie.
00:46:21 Je finirai en évoquant ce rapport de 2019 que j'avais déposé
00:46:26 sur le traitement de la criminalité organisée financière.
00:46:28 Je ne vais pas vous répéter, Monsieur le Président, Monsieur les Sénateurs,
00:46:33 l'ensemble des recommandations qu'on avait faites.
00:46:36 Il y en a deux peut-être qui me paraissent intéressantes de rappeler,
00:46:39 et j'en ferai une troisième qui n'émane pas directement de moi,
00:46:43 mais dont j'ai perçu l'utilité,
00:46:45 puisqu'elle avait été faite par l'ancienne présidente de la Commission nationale de protection de l'Europe antique,
00:46:50 qui était avocat général à la Cour de cassation.
00:46:52 Alors on avait fait deux propositions à l'époque dans ce rapport,
00:46:55 qui n'ont pas été suivies des faits, sauf erreur de ma part.
00:46:57 La première, c'était une cour d'assises spéciale,
00:47:00 qui permet de juger non pas les crimes en relation avec le trafic de stupéfiants,
00:47:07 je pense que juridiquement la formule est plus impropre,
00:47:11 mais plutôt les crimes de meurtre et d'assassinat commis en bande organisée,
00:47:16 ce qui est juridiquement à mon sens plus correct,
00:47:19 et qui en réalité se justifie, je pense,
00:47:21 parce que dans ce genre de dossier, ce n'est pas des témoignages,
00:47:24 c'est souvent de la preuve numérique.
00:47:26 Il y a des stratégies accusatoires et probatoires
00:47:28 qui sont très différentes de celles qu'ont soumis aux jurés populaires.
00:47:31 Donc je pense qu'il y a de fortes difficultés de compréhension pour un juré lambda.
00:47:35 On sait dans certains lieux, à travers certaines affaires dont je ne peux pas parler ici,
00:47:40 la porosité qu'il peut y avoir en termes de constitution de liste des jurés
00:47:44 et de pression potentielle sur certains d'entre eux.
00:47:47 On sait enfin, dans certains cas, que des menaces ont pu être exercées sur certains d'entre eux.
00:47:51 Donc la question effectivement se pose, et je pense qu'il est légitime de se demander
00:47:56 s'il est raisonnable de faire peser sur les épaules de jurés populaires
00:48:00 le poids de la responsabilité de juger de tels dossiers.
00:48:03 La seconde proposition que je voulais évoquer,
00:48:05 elle renvoie davantage au partage du renseignement et du judiciaire.
00:48:09 On avait suggéré de conférer l'habilitation confidentielle défense
00:48:14 à tous les magistrats du ministère public qui travaillent dans les GIRS,
00:48:18 pour justement leur permettre d'accéder à toutes les notes de renseignement émises régulièrement par la DNRED,
00:48:24 et surtout de pouvoir discuter,
00:48:28 lorsque des problématiques de partage de frontières entre le renseignement et le judiciaire se posaient,
00:48:33 de pouvoir discuter, parce qu'eux sont habilités, avec les membres de la CNCTR,
00:48:38 donc la Commission nationale de traitement du contrôle du renseignement.
00:48:41 Une dernière proposition qui me paraît très intéressante en termes de réflexion à mettre sur la table,
00:48:46 et là aussi je pense qu'il appartient à nos responsables politiques
00:48:51 de tirer les réflexions du dispositif qui a été instauré il y a maintenant bien longtemps sur l'Aéroport.
00:48:56 Moi j'ai tendance à penser qu'on a quand même quelque part raté la cible,
00:49:00 en ce sens que j'ai le sentiment que le dispositif dont on bénéficie aujourd'hui
00:49:06 ne va pas assez loin en termes de chambres d'application.
00:49:09 Il faudrait certainement l'élargir, notamment au crime d'infraction contre les personnes,
00:49:13 en y englobant les assassinats, les meurtres, les trafics d'armes aussi certainement,
00:49:19 qui ne sont pas mentionnés, mais surtout peut-être en revoyant la conception du dispositif,
00:49:23 parce qu'on s'aperçoit que lorsqu'on regarde le bilan effectivement de cela,
00:49:30 et je renvoie sur ce point au rapport qu'a fait le dernier président lorsqu'il a terminé son mandat l'année dernière,
00:49:37 il soulignait un emploi trop marginal, une stagnation avec un faible niveau
00:49:43 et maintenant une baisse d'ouverture annuelle des programmes de protection.
00:49:47 Je pense qu'il y a là-dessus une vraie réflexion à avoir au moment où justement le crime organisé,
00:49:53 et spécifiquement le narcotrafic sur lequel vous travaillez, a pris l'importance qu'on connaît aujourd'hui.
00:49:58 Je pense qu'il faut véritablement essayer d'être plus ambitieux
00:50:01 et avoir une autre philosophie d'approche pour effectivement avancer dans les investigations
00:50:05 en favorisant davantage le recours effectivement à ces repentis collaborateurs de justice.
00:50:11 Merci monsieur le procureur. Notre rapporteur Edwin Blanc va prendre la suite.
00:50:16 Merci monsieur le procureur de ces informations.
00:50:19 À l'occasion de nos travaux, à plusieurs reprises, nous avons été alertés sur le fait que des technologies nouvelles sont utilisées.
00:50:30 Elles évoluent sans cesse, elles font l'objet de recherches spécifiques d'échanges internationaux.
00:50:37 Lorsque ces technologies apparaissent dans un dossier pénal en raison du principe contradictoire,
00:50:42 elles sont révélées à l'accusé ou au prévenu, à leur conseil.
00:50:49 Évidemment, ces informations sont utilisées pour comprendre le système
00:50:53 et puis éventuellement le démolir, le déstructurer ou le désorganiser.
00:50:59 Que pensez-vous de l'opportunité de créer en droit français une sorte de dossier coffre,
00:51:06 un dossier protégé qui ne serait pas accessible au prévenu et à leur conseil en raison de ses particularités et spécificités techniques ?
00:51:17 Et si vous pensez que c'est opportun, quels sont les dispositifs que nous pourrions mettre en place
00:51:22 pour qu'ils soient placés sous le contrôle de magistrats qui évitent un certain nombre de dérives et un certain nombre d'égarements ?
00:51:30 Et l'ordre de conséquences, parce que ça heurte effectivement de plein fouet le principe conventionnel du procès équitable et du respect du contradictoire.
00:51:42 Il y a déjà quelque chose, je pense, qui existe dans notre droit là-dessus.
00:51:45 C'est lorsqu'on utilise les moyens de l'État, enfin je n'ai plus le terme précis pour essayer de casser des moyens de crypter,
00:51:54 donc de déchiffrer des cryptages, on l'a vu avec Ancrochat, c'est cette fameuse attestation de sincérité qui résulte du code de procédure pénale
00:52:02 et qui fait que c'est abordé dans les arrêts de la Chambre criminelle qui ont été rendus sur cette question,
00:52:07 qui fait qu'en réalité, à partir du moment où l'attestation de sincérité a été remplie,
00:52:12 on sait que le protocole suivi par les agents publics qui ont procédé au décryptage est conforme et correct.
00:52:18 Et ça évite effectivement d'avoir à dévoiler les moyens de l'État qui ont été utilisés pour casser les codes et les cryptages.
00:52:26 Mais ça paraît quand même un petit peu compliqué d'aller plus loin parce que, effectivement, ces données numériques,
00:52:35 je vais me faire le défenseur de la défense, on ne pourra pas de toute façon les cacher indéfiniment.
00:52:40 C'est des données objectives, c'est des données numériques.
00:52:45 Et à un moment donné, elles sont quand même nécessaires à l'exercice des droits de la défense,
00:52:50 qui font quand même partie des droits élémentaires des procès qu'on met dans la matière,
00:52:54 quels que soient les enjeux et quelle que soit la gravité des faits qu'on reproche à ces individus.
00:52:58 Ça me paraît un peu compliqué, moi, d'aller plus loin.
00:53:00 Et même si c'était le cas, alors je crois, en droit comparé, je pense à un exemple d'un pays étranger où ça existe.
00:53:09 En Espagne, en matière terroriste de mémoire, les juges d'instruction ont la possibilité d'instaurer le secret autour du dossier
00:53:19 dans le cadre de certaines investigations, mais c'est limité dans le temps.
00:53:23 Ça dure, mais c'est limité au terrorisme.
00:53:27 Ça me pose quand même un problème, moi, au regard du procès équitable.
00:53:31 De toute façon, à un moment donné, dans le cadre de ce procès, vous serez obligé
00:53:37 et on sera obligé de dévoiler, j'allais dire, les batteries et tous les arguments.
00:53:42 D'autre côté, ces données sont des données objectives et on ne peut pas empêcher,
00:53:47 quoi qu'on en pense, on ne peut pas empêcher les avocats de faire leur travail là-dessus.
00:53:51 Selon vous, nous allons regarder la question, ça serait une extension de ce système d'ores et déjà existant.
00:54:00 En droit comparé, le système existe en Belgique.
00:54:03 Il a fait l'objet de recours devant la Cour européenne et il n'y a pas eu de sanctions.
00:54:12 Le système est aujourd'hui efficient.
00:54:18 Une deuxième question, c'est sur l'organisation du parquet pour poursuivre les infractions les plus graves.
00:54:29 Que pensez-vous de la mise en place d'un parquet national anti-stupéfiant ?
00:54:36 Dans le rapport que vous avez fait référence tout à l'heure, vous disiez que c'était au parquet national financier d'assumer cette charge.
00:54:44 Faut-il pas créer un parquet spécifique, un procureur général spécifique ?
00:54:48 En matière de stupéfiant, moi, je ne pense pas, honnêtement.
00:54:51 Je pense que c'est aujourd'hui un problème national.
00:54:54 Et pour moi, j'aurais tendance à vous répondre que le problème paraît traité au moins en partie lorsque vous avez créé la Junalco, la juridiction nationale du crime organisé.
00:55:04 Ce qu'il faudrait peut-être, c'est aller encore plus loin.
00:55:07 Et si vous voulez, ça renvoie à des partages de compétences.
00:55:12 Et donc, qui dit partage de compétences dit aussi enjeu de pouvoir.
00:55:15 Je parle sans langue de bois entre l'administration centrale et le ministère public.
00:55:19 Moi, je pense qu'il faudrait aller encore plus loin en faisant véritablement du parquet national parisien Junalco un chef de file,
00:55:28 comme le PNF est chef de file sur certaines infractions financières, lui donner un rôle de chef de file sur la criminalité organisée.
00:55:35 Le trafic de stupéfiants, souvent, on est quand même face à des réseaux qui font du trafic de stupéfiants,
00:55:41 mais qui sont aussi un peu multi-cartes, qui commettent aussi d'autres infractions, qui commettent des meurtres,
00:55:45 qui commettent des assassinats, qui peuvent faire de l'extorsion, qui peuvent faire des tas de choses.
00:55:50 Donc, je pense que ça rentre davantage dans cet office de la Junalco.
00:55:53 Mais si on veut véritablement avoir cette idée de parquet national, à ce moment-là,
00:55:58 il faut aussi se poser la question d'un outil qu'on réclame en vain depuis 20 ans.
00:56:04 En fait, cette année, la création des Girs avec la loi Perben du 9 mars 2004, ça fait 20 ans qu'on demande la création.
00:56:12 Et c'était aussi dans le rapport du groupe de travail que j'ai eu l'honneur de présider.
00:56:17 Ça fait 20 ans qu'on attend l'annonce d'un fichier automatisé qui permette de façon automatisée
00:56:24 le partage des données des procédures entre l'ensemble des huit juridictions interrégionales spécialisées.
00:56:30 On ne l'a toujours pas.
00:56:32 Et je pense que, avant de parler de ça, c'est effectivement un instrument qui est absolument essentiel aujourd'hui
00:56:40 pour le partage des renseignements et des éléments qui sont contenus dans les procédures.
00:56:47 On avait dans le rapport que j'avais, le groupe de travail que j'avais animé, eu à faire des propositions,
00:56:54 entre plusieurs propositions. Il y avait la posture pénale numérique. Il y avait deux autres solutions.
00:57:02 Et puis il y avait une offre d'Eurojust qui nous proposait de nous prêter à titre gratuit son système,
00:57:08 qui est le CMS, le Cades Management System.
00:57:11 On avait dit qu'il nous paraissait urgent d'avoir une véritable évaluation de ces dispositifs
00:57:16 pour choisir lequel était le plus éligible et le plus utile pour les parquets.
00:57:19 Il n'y a jamais eu de réponse là-dessus.
00:57:21 Et j'ai encore eu des contacts, moi, il y a quelques jours, avec mes collègues Girs.
00:57:24 On n'a toujours pas d'outil là-dessus.
00:57:25 Je pense que si on veut véritablement progresser en termes de coordination, c'est absolument essentiel aujourd'hui.
00:57:30 Et se partager d'autant plus important que le trafic se...
00:57:34 (Propos inaudibles)
00:57:40 -M. le procureur, pour rebondir sur la question précédente,
00:57:43 et reposer autrement cette question du chef de fila sur deux plans.
00:57:48 La description, l'état de la menace, tel que nous l'observons, tel que nous la documentons dans cette commission d'enquête
00:57:56 depuis le début de ces travaux, nous laisse penser qu'on est dans une situation proche d'un basculement.
00:58:03 C'est-à-dire que tout ça change d'échelle.
00:58:05 Je voudrais avoir votre sentiment, vu l'antériorité des réflexions que vous avez sur cette question.
00:58:11 Est-ce que quelque chose bouge ? On ne parle pas encore de narco-état pour la France,
00:58:14 mais le niveau monte sur beaucoup d'indicateurs.
00:58:16 La criminalité, la répartition sur le territoire, le volume de stupéfiants, la corruption de basse intensité, voilà.
00:58:23 Donc, que pensez-vous au fond de ce possible basculement ou de changement d'échelle ?
00:58:28 Et ça repose la question du chef de fila.
00:58:30 Vous avez très clairement indiqué ce que vous en pensiez sur la gene alco et sur l'idée qu'on ait quelque chose de plus centralisé, plus efficace.
00:58:38 Est-ce qu'il vous semble que du côté de l'OFAST, du renseignement, de la DNRD, TRACFIN, de la DGSI,
00:58:45 de l'ensemble des services qui ont à connaître de ces questions, là aussi, le chef de fila n'est pas nécessaire
00:58:50 parce que finalement, c'est un peu en ordre dispersé ?
00:58:53 Moi, je partage tout à fait votre approche.
00:59:00 Je pense qu'on est clairement face à un phénomène qu'on n'arrive pas à endiguer et qui grossit.
00:59:04 Je crois qu'il y a déjà eu depuis 2017 ou 2018, il y a eu plusieurs plans nationaux de lutte contre le trafic de stupéfiants.
00:59:13 Bon, avec beaucoup de moyens investis, beaucoup d'énergie policière, beaucoup d'énergie judiciaire, beaucoup d'énergie financière.
00:59:21 Et effectivement, on voit que le problème ne cesse de s'accentuer.
00:59:24 Donc, en réalité, on n'arrive pas à l'endiguer. Le problème grossit.
00:59:26 Dans des proportions telles que le narcotrafic finit par avoir des moyens inconsidérables qui, si on ne l'arrête pas,
00:59:32 pourront finir par déstabiliser, j'allais dire, la puissance publique.
00:59:36 Donc, par rapport à ça, je pense qu'il y a effectivement peut-être plusieurs leviers.
00:59:41 Moi, je ne veux pas dénier l'utilité des opérations de toilettage Plasnet, même si elles sont XXL.
00:59:49 Je pense simplement que ça ne suffit pas et que la qualité doit résulter de la complémentarité,
00:59:54 effectivement, de l'emploi dual de ces investigations, j'allais dire de premier niveau, avec des investigations de fond.
01:00:02 Mais alors ça, ça renvoie aussi à la question de savoir comment ça va se fondre dans la nouvelle police judiciaire.
01:00:09 Et ça renvoie aussi à la nécessité d'approfondir encore davantage le volet, je le répète, financier et patrimonial
01:00:18 des investigations qui, encore aujourd'hui, n'est pas suffisamment creusé.
01:00:22 Et on ne viendra pas au bout de ce trafic si on ne s'attaque pas à la dimension patrimoniale du narcotrafic.
01:00:28 Voilà ce que je voulais dire. Alors, par rapport à ça, il faut certainement le faire en termes d'action publique.
01:00:36 Ça permet, surtout à l'heure où, en tout cas pour la justice, le ministère de la Justice ne peut plus donner d'instruction
01:00:42 dans les affaires individuelles, avoir un coordonnateur avec un parquet national, effectivement, qui peut jouer le chef de file
01:00:51 et veiller à s'assurer de la bonne fluidité dans l'échange des renseignements entre les différents services de renseignement
01:00:58 et les parquets. Ça peut effectivement apporter du plus. Il y aurait peut-être aussi des choses à faire au niveau du renseignement.
01:01:05 Comment ça se passe au niveau du renseignement là-dessus ? Tracfam dénonce effectivement beaucoup de choses,
01:01:10 tellement de choses que je me souviens, quand je l'avais entendu dans le cadre de mon groupe de travail,
01:01:14 le directeur de Tracfam de l'époque doutait de la capacité de la justice à traiter correctement tous les signalements de Tracfam,
01:01:21 pour vous dire les questions qui se posent. Tracfam travaille bien. Est-ce que là aussi, au niveau du renseignement,
01:01:27 il ne faudrait pas une sorte de chef de file qui, effectivement, s'attache à coordonner et à mettre en ordre toute la judiciarisation
01:01:35 du renseignement en matière de trafic de stupéfiants ? Logiquement, un renseignement de trafic de stupéfiants,
01:01:40 il devrait circuler rapidement. Un renseignement n'a pas vocation à rester dans le domaine du renseignement.
01:01:45 Dès qu'il est vérifié et qu'il rend crédible la commission d'une infraction pénale, il devrait être porté à la connaissance de l'autorité judiciaire.
01:01:54 Je ne suis pas sûr que ce soit toujours le cas.
01:01:59 Lutter contre le trafic de stupéfiants, c'est aussi s'intéresser à la consommation. Le trafic de stupéfiants, c'est une entreprise
01:02:08 avec un chef d'entreprise qui fait évoluer, d'ailleurs, l'organisation de l'entreprise – on l'a constaté – vers une sorte de taylorisme,
01:02:15 un partage des tâches, avec la difficulté quand on appréhende quelqu'un qui est impliqué dans le trafic, il est isolé,
01:02:24 il n'est pas forcément connecté et les connexions sont difficiles à trouver. Mais que pensez-vous et quelles sont vos suggestions pour réduire la consommation ?
01:02:35 Le système de l'amende forfaitaire délectuelle a été mis en place. Il vaut ce qu'il vaut. Dans notre rapport, sans doute, nous en parlerons.
01:02:43 Comment voyez-vous d'autres dispositifs pour tarir le chiffre d'affaires ? Ce qui me permet de poser une question complémentaire.
01:02:51 Ce chiffre d'affaires, il est constitué de petites coupures, des espèces. Comment expliquez-vous que les parquets ne puissent pas mieux repérer les flux
01:02:58 de ces petites coupures qui se transforment, qui constituent une grande rivière, des fleuves et qui, ensuite, sont blanchis à de hauts niveaux ?
01:03:06 Est-ce que vous avez quelques suggestions sur cette question-là ?
01:03:14 Sur les consommateurs, avec le recul dans ma vie de magistrat, sous réserve, c'est une impression. J'ai la sensation qu'on avait une approche de prévention
01:03:30 et de réduction des risques qui était beaucoup plus importante il y a 20 ou 30 ans qu'aujourd'hui, avec un certain nombre d'actions de sensibilisation
01:03:38 et de prévention qui étaient conclues à l'époque par la milte. Mais je peux me tromper, je n'ai pas la science de ce genre d'évaluation.
01:03:47 Je n'ai pas le sentiment aujourd'hui qu'on en soit au niveau que j'ai connu dans les années 80-90, alors que pourtant, il y aurait un vrai besoin en termes de santé publique,
01:03:56 dans la mesure où on sait qu'il y a de plus en plus de producteurs de cocaïne, avec un aspect qui est, j'allais dire, beaucoup plus festif aujourd'hui qu'il ne pouvait l'être
01:04:05 il y a 30 ou 40 ans. Aspect de santé publique aussi, parce qu'on sait que les taux en tétrahydrocannabinol, du cannabis, sont beaucoup plus importants
01:04:15 dans les produits vendus aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a 20-30 ans. Donc, est-ce que ce ne serait pas une piste qu'il faudrait explorer pour, effectivement,
01:04:22 peut-être mieux éduquer, mieux sensibiliser l'ensemble de concitoyens sur les dangers de ces produits, compte tenu des dangers qu'ils représentent pour leur santé ?
01:04:33 Je le pense notamment aux jeunes, avec tous les risques d'apparition de troubles psychiatriques et de problèmes, notamment de schizophrénie, dans certains cas,
01:04:39 comme on a pu le voir dans certaines affaires. Sur les flux, les parquets, effectivement, alors là, je repense à ce que j'ai vu dans certains quartiers quand j'étais à Paris,
01:04:50 et surtout en Seine-Saint-Denis. On a, effectivement, souvent des indicateurs, en ce sens qu'on se trouve confronté à des phénomènes d'économie souterraine,
01:05:00 où on voit des achats ou des flux financiers qui ne s'expliquent pas autrement que par l'argent de la drogue ou par l'argent venant du crime organisé.
01:05:09 Après, la difficulté, c'est de savoir comment on fait, dans la mesure où, effectivement, comme vous dites, ce n'est pas forcément des gros flux financiers.
01:05:17 Moi, j'ai le souvenir d'un instrument qui a eu son heure de gloire, mais je n'ai pas l'impression qu'il ait aujourd'hui la même importance.
01:05:25 On avait à l'époque un outil qui était très intéressant, c'était les GIR, les groupes d'intervention régionaux, qui présentaient l'avantage de mixer des équipes composées,
01:05:39 effectivement, d'éléments de nature diverse. Il y avait effectivement des gens de la PJ, il y avait des gens de l'Ursaf, il y avait des gens des impôts.
01:05:47 Je n'ai pas l'impression que ce modèle soit aujourd'hui utilisé autant qu'il le faudrait. C'est pourtant quelque chose qui, je pense,
01:05:56 aurait beaucoup plus de sens sur le terrain. Alors, vous me direz effectivement que pour toute cette dimension fraude et flux financiers,
01:06:02 aujourd'hui, on a le service des enquêtes judiciaires et fiscales, mais lui, il a plutôt vocation à traiter la partie haute du spectre au quotidien.
01:06:10 Je pense qu'il faudrait peut-être effectivement revenir sur ce genre d'équipe mixte en s'appuyant là encore sur la logistique et la compétence apportée par les agents des impôts et de l'Ursaf.
01:06:20 Mais on sait très bien qu'il y a des commerces, effectivement, qui fonctionnent comme ça. Vous avez des départements dans lesquels, si vous enlevez le trafic de stupéfiants,
01:06:27 je pense que vous pourrez notamment chuter le produit intérieur brut du département.
01:06:33 Monsieur le procureur, vous aviez, dans votre recommandation 18 du rapport auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, évoqué la possibilité d'une centralisation par le parquet de Paris
01:06:45 pour traiter toutes les questions, tous les aspects juridiques des infiltrations et d'en simplifier l'usage. C'est une question, d'ailleurs, qu'on pourrait presque élargir à l'ensemble des techniques spéciales d'enquête,
01:06:56 parce qu'il semble que ce soit parfois un petit peu compliqué. Est-ce que vous pouvez développer ce point, s'il vous plaît ?
01:07:01 Alors, on avait effectivement expliqué à l'époque que ce rapport, il faut le resituer dans son contexte. C'est un contexte qui est particulier dans lequel les parquets ont été confrontés
01:07:12 à un certain nombre de dossiers dans lesquels la gestion des informateurs par la police est en réalité allée trop loin et s'est parfois affranchie de certaines règles de procédure pénale.
01:07:21 Donc, on avait réfléchi effectivement à un système qui permette d'assurer une réelle connaissance. On avait remarqué notamment que parfois, les services sont tellement investis
01:07:30 dans leurs dossiers qu'ils peuvent rentrer dans une sorte de logique de "forum shipping" où on va en réalité choisir le parquet auquel on veut s'adresser en fonction de ses pratiques,
01:07:41 avec un regard qui sera parfois plus favorable que celui qu'aurait donné le voisin. Donc, à l'égard de ça et notamment à l'égard des infiltrations mettant en cause justement des problèmes
01:07:51 de coopération avec l'étranger, on avait estimé notamment qu'il serait de bonne politique et cohérent de faire du parquet de Paris, donc aujourd'hui, en plus, il y a la Ginalco,
01:08:04 un point d'entrée unique effectivement pour statuer sur ces demandes, pour avoir une véritable connaissance de l'ampleur des dispositifs, mais aussi avoir une vraie cohérence
01:08:13 dans la conception et les stratégies utilisées.
01:08:17 Marie-Laure Finera-Hort.
01:08:24 Oui, bonjour à tous. Monsieur Moulins. Alors, je change de territoire. Mon territoire est situé donc la Guyane, sur un continent où le narcoterrorisme a causé des souffrances terribles,
01:08:37 notamment au Pérou et en Colombie. Le narcoterrorisme a contribué à la fragilisation de l'État de droit et encore aujourd'hui, l'Amérique du Sud a du mal à s'en sortir
01:08:47 et petit à petit, ce phénomène se rapproche de la Guyane où il se mêle à la problématique déjà existante de l'orpaillage clandestin et c'est très inquiétant.
01:08:57 Je souhaite donc une mobilisation de la nation entière pour éviter que la Guyane ne glisse vers cet enfer aussi. Votre audition de ce jour me permet de vous demander
01:09:06 votre avis sur la situation de la Guyane, située dans cette grande région où drogue et terrorisme se mêlent souvent. D'ailleurs, le président de la République
01:09:15 vient de passer sur le territoire où nous avons mis en place un contrôle à 100% et je sais qu'il l'a annoncé pour la Martinique puisque forcément, les trafiquants sont ingénieux.
01:09:29 Puisqu'on surveille la Guyane, maintenant, les mules passent par la Martinique et donc le président de la République hier a annoncé un 100% contrôle également à l'aéroport du Lamontin. Merci.
01:09:43 Le 100% contrôle ne suffit pas. Il faut après du 100% prise en charge procédure quand il faut faire une procédure. Le drame, c'est que j'ai subi ce phénomène
01:09:55 quand j'étais au parquet de Paris où, effectivement, on avait les aéroports parisiens qui étaient inondés véritablement de mules puisqu'on les appelle comme ça,
01:10:03 qui arrivaient par avion et qui, en réalité, rebondissaient sur la pâque parisienne pour, en réalité, prendre des trains et aller livrer leurs marchandises
01:10:12 dans toutes les zones de province. Donc, en réalité, c'est l'ensemble du territoire français qui était compliqué. Le problème, c'est que... Et ça, je me souviens très bien.
01:10:19 J'en avais discuté plusieurs fois quand je prenais l'avion. J'allais notamment à l'aéroport d'Orly où ça m'arrivait de discuter avec des policiers.
01:10:26 On n'arrive pas à tout traiter parce que quand vous avez un avion où on vous dit qu'à peu près 10% des passagers sont a priori porteurs possibles de ce genre de choses,
01:10:42 vous allez faire des contrôles. Les policiers d'Orly m'avaient expliqué il y a deux ans quand j'étais allé en Guyenne, notamment en février 2022,
01:10:50 ils m'avaient expliqué le système. Vous arrêtez et, en réalité, le système de l'organisation concernée va consister à saturer les services policiers et judiciaires.
01:11:00 C'est-à-dire que vous allez arrêter 3, 4 personnes qui vont être placées en garde à vue et puis vous saturez la capacité du service de police intervenant.
01:11:09 Et pendant ce temps, les autres vont passer. Donc, si vous voulez, encore une fois, ce n'est pas de la baguette magique ni du Yaka Faucon,
01:11:16 mais ça renvoie à des actions de cohérence au niveau de l'État. Si on fait du 100%, on le fait pour tout et on s'assure qu'on va faire du 100% à tous les niveaux.
01:11:24 Sinon, on n'arrive pas à traiter et on dit qu'il y a un phénomène. Voilà. Et je pense qu'effectivement, c'est ce qui peut expliquer la situation dans laquelle on est.
01:11:31 Je vous rejoins tout à fait sur le drame qui est en Amérique du Sud. Je fais de la formation petit Blanchiment, moi, en Amérique latine.
01:11:37 Il y a eu 12 procurats assassinés en 2022 en Amérique latine, donc non compris le Mexique, en lien avec le crime organisé en une année. 12.
01:11:48 Et vous avez pointé un problème. C'est la fluidité des échanges entre le renseignement et le judiciaire. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
01:12:05 Constater les points de blocage et nous dire, selon vous, quels seraient les moyens pour les lever ?
01:12:17 C'est très difficile parce qu'il faut être conscient que quand on est magistrat, on ne maîtrise pas par définition le renseignement.
01:12:25 Le renseignement, quand on est magistrat, c'est quelque chose par définition qui va nous échapper, sauf si on est comme magistrat destinataire d'un renseignement directement.
01:12:34 Mais bon, c'est quand même assez exceptionnel. En général, les renseignements, ils arrivent soit dans les services de renseignement des GSI ou services de renseignement territoriaux
01:12:45 ou ils sont portés directement à la connaissance des services de police. Donc là aussi, il faut peut-être relativiser tout ce que je veux dire,
01:12:52 parce que moi, je n'ai pas connu l'époque des crosses. J'avais quitté le terrain quand ils ont commencé et quand j'étais à Paris.
01:13:00 Donc je ne sais pas comment ça se passe à ce niveau-là. Donc je veux aussi relativiser et en prenne de modestie ce que je vais dire.
01:13:06 Mais par définition, quand on est magistrat, on ne sait pas. On connaît le renseignement le jour où le policier a décidé de venir vous en parler
01:13:14 pour voir s'il est judiciarisable ou pas. Et à ce moment-là, on examine avec lui de quelle façon on va pouvoir l'exploiter
01:13:22 et notamment s'il va être compatible avec des choses qu'on peut comprendre facilement, qui sont la protection des sources, la protection des services,
01:13:31 parce que si ça vient d'un service étranger, on ne peut pas dire lequel, etc. Donc on ne le sait que comme ça.
01:13:36 Donc en réalité, on est véritablement tributaire de la bonne volonté du service qui, en réalité, est celui qui va appuyer sur le bouton.
01:13:45 Il nous dit ou il ne nous dit pas. Et je pense que là-dessus, à travers mon expérience pratique, on n'est peut-être pas assez au courant de ce genre de choses
01:13:55 ou peut-être trop tardivement. Je pense que dans un service de police judiciaire, la phase renseignement, logiquement, ne devrait pas être très longue.
01:14:07 Parce qu'en matière de trafic de stupéfiants, la judiciarisation devrait consister à s'assurer du caractère exploitable ou pas du renseignement.
01:14:19 Et je pense qu'un service de police judiciaire, en principe, il n'a pas d'autre finalité que de faire de la police judiciaire.
01:14:24 Donc un renseignement, a priori, ne devrait pas avoir d'autre intérêt que de servir de fondement à une enquête judiciaire.
01:14:30 Donc il faudrait peut-être, effectivement, arriver à développer davantage la collaboration autour, effectivement, de ces éléments.
01:14:36 Mais ça me renvoie, là aussi, à une observation qui était faite par mon collègue qui préside la Commission nationale de protection des repentis,
01:14:46 qui soulignait le fait qu'on a peut-être un problème culturel et certains services ont peut-être trop tendance à garder par devers eux les renseignements
01:14:55 et les personnes dont elles émanent et ont plutôt culturellement tendance à ne pas vouloir le partager avec qui que ce soit et notamment avec les magistrats.
01:15:03 Donc c'est peut-être aussi là-dessus et sur cette forme d'évolution culturelle qu'il faudrait peut-être avoir des changements.
01:15:13 Alors, encore une fois, je ne sais pas. Est-ce que les crosses ont permis d'avancer sur ces sujets ?
01:15:20 Vous savez, j'avoue que je n'en sais rien. Je ne les ai pas vécues. J'ai entendu sous serment. Je ne vais pas prendre le risque de dire des bêtises. Je ne sais pas.
01:15:31 Merci, Monsieur le Procureur. Michel Benus.
01:15:35 Monsieur le Procureur, d'abord, merci. Franchement, on a auditionné beaucoup de personnes. Merci parce que c'est limpide et en plus, vous touchez.
01:15:43 On sent que vous parlez avec beaucoup de sincérité, par le vécu et surtout, vous donnez des pistes. Moi, j'ai deux questions.
01:15:52 La première question, c'est plus sur la prévention. Aujourd'hui, ça commence très jeune. Et la question que je me pose, c'est vous avez eu en face de vous des profils de jeunes garçons,
01:16:04 de jeunes filles aujourd'hui, parce qu'on nous a dit que les filles aujourd'hui aussi venaient. Et comment vous les voyez évoluer ? Qu'est-ce qu'on peut faire, nous, en tous les cas ?
01:16:13 J'ai mes idées, on a nos idées, mais peut-être que c'est bien de les partager pour essayer de retourner la situation parce que ça devient compliqué et on le ressent.
01:16:23 Et après, en matière de contrôle, ma deuxième question est celle-ci. Tout le monde consomme. Pas nous, mais en tous les cas, il y a beaucoup de personnes dans la société qui consomment aujourd'hui
01:16:33 et fument et on se rend compte qu'ils achètent et ils font vivre le trafic. Est-ce que, j'ai mes idées, mais pour avoir votre sentiment, quand on fait des visites médicales au travail,
01:16:47 des visites médicales, quel que soit le fonctionnaire, quelle que soit la personne, on doit pouvoir savoir s'il a consommé, s'il a pris quelque chose.
01:16:59 Alors, vous avez parlé de prévention parce qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de ce qui se passait en 80 et en 90. J'ai retenu, j'ai noté et je trouve ça pertinent.
01:17:07 Et vous avez raison. Aujourd'hui, les addictions, est-ce que les gens qui consomment aujourd'hui, qui peuvent être malades aussi, parce que ça peut arriver,
01:17:15 les gens qui sont en surconsommation peuvent être malades, est-ce qu'on les aborde bien dans notre pays ? Est-ce qu'on les prend comme des malades ?
01:17:24 Je vois qu'il y a un docteur avec nous qui pourrait notamment nous le dire, mais est-ce qu'on les aborde bien ? Il y a des pays aujourd'hui qui mettent en place une vraie politique là-dessus.
01:17:34 Donc la première question, c'est sur la prévention. Est-ce qu'on a bien fait ? Est-ce qu'on fait bien ? Est-ce que c'est ces gamins qui arrivent à tenir les murs très vite
01:17:41 et après m'ont été arrachés et qui nous font du mal à la société ? Et après, la deuxième, c'est les contrôles. Est-ce que beaucoup de personnes sont concernées aujourd'hui ?
01:17:50 Est-ce qu'on n'aurait pas, nous, mettre l'accent sur nous contrôler, savoir ce qu'on fait, nous, en général, parce qu'on touche aussi aux consommateurs ? Voilà, merci.
01:17:58 On va ajouter à la question de Michel Benyus une question de qualifé, qualifé. Il nous reste 13 minutes.
01:18:06 Merci beaucoup, M. le Président. M. le Procureur, merci beaucoup pour tous ces renseignements. Moi, je voulais revenir sur un terrain que je ne connais pas du tout,
01:18:14 qui est la judicialisation. Donc c'est votre domaine plutôt. Et tout le monde reconnaît que c'est un phénomène international de plus en plus sophistiqué,
01:18:25 de plus en plus organisé, avec des trafiquants qui sont à plusieurs facettes, vous l'avez bien compris, avec des défenses d'avocats qui sont très bien organisées.
01:18:39 Vous avez évoqué les limites potentielles de la justice locale. Quel est votre degré de collaboration, pas avec certains pays, mais avec des instances,
01:18:51 je dirais, internationales, type tribunal de la haie, mais c'est peut-être pas le plus adapté, pour ce type de prise en charge, en plus, bien sûr,
01:19:01 de la prise en charge par les tribunaux locaux, les vôtres, entre autres. C'est la dimension internationale de la coopération, c'est ça. Mais judiciaire.
01:19:13 Oui, oui. Une dernière question, ce sera la dernière pour qu'on tienne les horaires. Oui, merci, M. le Président.
01:19:22 Oui, moi, votre audition, merci aussi beaucoup, confirme un peu ce qu'on a eu comme sentiments sur un des volets qui est peut-être moins bien traité,
01:19:31 c'est sur toutes les questions de blanchiment et d'attrait financier du trafic, qui est la motivation principale.
01:19:40 Donc, là encore, sur les coopérations européennes, est-ce que vous pensez qu'il y a des progrès à faire ? Avec quels outils ?
01:19:47 Et au sortir de cette commission, pendant cette commission, on sent que les marges de progrès, elles sont quand même là,
01:19:53 sachant qu'on voit bien que la privation de liberté, même le rapport à la vie ayant changé, c'est vraiment la question de la, entre guillemets,
01:20:02 de la punition financière et patrimoniale qui peut maintenant jouer. Alors là aussi, je vais essayer de répondre surtout à la mesure de mes possibilités.
01:20:13 Je répète, j'ai quitté le terrain il y a cinq ans. Sur la prévention, d'abord, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, monsieur le sénateur.
01:20:21 Je pense que moi, je ne retrouve pas le degré, la qualité de la prévention que j'avais connue il y a 30 ans, franchement, en matière de prévention des risques.
01:20:29 Alors, c'est vrai que la prévention, la médecine de prévention que vous évoquiez, effectivement, il y a quand même une dimension secret-médicale qui est prégnante.
01:20:36 N'empêche que ça pourrait effectivement permettre à l'acteur médical qui constate ce genre de choses d'amorcer un travail de sensibilisation sur les méfaits de tel ou tel produit.
01:20:47 Ça, c'est des choses, effectivement, qui ne mangeraient pas de pain et qui pourraient être faites. Votre réflexion me renvoyait à une seconde chose,
01:20:54 à un échange que j'avais récemment avec des collègues. Je pense que les services de la protection judiciaire de la jeunesse gagneraient,
01:21:01 comme ils ont pu le faire à une époque, sur tous les publics de mineurs dont ils ont la charge au pénal, redévelopper, comme ça a pu être le cas aussi à une époque,
01:21:11 toute cette dimension sensibilisation au danger de l'usage de stupéfiants. Parce que je vous rejoins tout à fait, il y a de plus en plus de jeunes qui consomment.
01:21:18 Aujourd'hui, on voit des jeunes dans le trafic, avec des jeunes qui sont revendeurs, qui sont engagés. On me parlait récemment de 80 euros par jour, 80 euros au jour pour faire le petit revendeur.
01:21:35 Là, je parle d'un département parisien. Ça fait quand même 2400 euros par mois pour un gamin de 15 ou 16 ans. C'est quand même...
01:21:47 C'est un département parisien qui faisait l'état de ces chiffres. Donc, je pense qu'il y aurait certainement peut-être une dynamique de prévention à reprendre de la part,
01:21:56 peut-être de la PJJ pour les publics dont elle a la charge, notamment en détention et dans les centres dont elle a la responsabilité.
01:22:03 Parce que je crois que c'est... Je n'ai pas compris que c'était particulièrement présent. Sur la dimension judiciaire dans la coopération internationale, moi, quand je suis parti,
01:22:18 je pense qu'il y avait quand même une bonne qualité de coopération à l'international avec certains pays avec lesquels, effectivement, on partageait ce genre de problèmes.
01:22:27 Je pense notamment à l'Espagne, par laquelle passe effectivement toute la route du cannabis en provenance du Maroc. Tout le monde le sait.
01:22:36 Ou effectivement, avec d'autres pays en Europe. Il y a là-dessus, effectivement, un outil qui est extrêmement intéressant et qui est utilisé,
01:22:48 même s'il pourrait l'être toujours plus, c'est Eurojust, je pense, qui a acquis une vraie légitimité en la matière pour coordonner toutes les enquêtes, on va dire, multilatérales
01:22:58 et qui vont concerner plus de deux pays dans ce type d'enquête. Ça arrive. Et je pense que ça doit être encore décliné. Et moi, franchement, sur le plan européen,
01:23:10 on devrait après certainement peut-être avoir les yeux. Mais je pense que nos responsables les ont tournés vers ce qui se passe en Belgique aux Pays-Bas,
01:23:17 parce que c'est un peu l'exemple finalement de ce qui risque de nous arriver si le phénomène continue à se développer chez nous ou comme ça s'est développé chez eux,
01:23:30 où on arrive à des logiques véritablement mafieuses et où certains acteurs forts de l'État peuvent véritablement devenir des cibles pour les organisations.
01:23:41 Je repense aux menaces d'enlèvement du ministre de la Justice belge il y a quelques mois et à toutes les questions qu'on se posait en Belgique,
01:23:47 puisque certains s'étaient même imaginés, certains s'étaient même demandé s'il ne faudrait pas faire des enquêtes sur certains magistrats
01:23:56 pour qu'on leur permette de travailler contre le crime organisé. Donc voilà. Je n'ai pas de recettes ni de baguettes magiques là-dessus.
01:24:07 – Monsieur le Blanchiment, Carine Daniel.
01:24:12 – Sur les enjeux spécifiques du blanchiment et des flux financiers, sachant qu'on a l'impression qu'on est plus avancé sur le fait de traquer les flux de marchandises
01:24:25 plus que les flux monétaires, et ça c'est quand même pour moi un enjeu et des marges de progrès qui sont devant nous.
01:24:34 – Moi j'ai une conviction, c'est qu'on n'arrivera jamais à endiguer le problème si on se cantonne à des logiques de saisie de produits.
01:24:42 En général, pour en avoir discuté avec des douaniers et des policiers, souvent on considère qu'on saisit je crois à peu près 10% des quantités du trafic.
01:24:51 Bon, donc je pense que ce n'est pas en saisissant 10, 15 ou 20 qu'on endiguera le trafic de toute façon.
01:24:57 Il y a des logiques effectivement financières qui sont axées vers la recherche du profit.
01:25:02 Et si vous saisissez un stock de plusieurs tonnes de cocaïne et que vous savez qu'il y a 10 fois plus qui varient dans le port à côté, on n'arrêtera pas le trafic.
01:25:10 Donc je pense qu'il est absolument essentiel, à côté du travail qui est… mais je pense qu'ils en ont tout à fait conscience au niveau de l'OFAST.
01:25:17 À côté du travail de grande qualité qui est fait par l'OFAST et par les services de pointe dans la matière, moi je suis persuadé qu'il faut systématiser la dimension patrimoniale des enquêtes
01:25:26 avec un système effectivement qui pourrait consister… mais est-ce que Tracfim en aura les moyens ?
01:25:31 Chaque fois que vous ouvrez un trafic et que vous avez des cibles, c'est ce que je disais, croisez la logique des flux financiers, la logique des objectifs.
01:25:38 Chaque fois que vous avez un objectif et que vous ouvrez une enquête contre quelqu'un, sollicitez Tracfim pour demander un criblage et lui demander d'aller examiner
01:25:45 tout ce qui peut être en relation de près ou de loin avec lui, en termes bancaires, chez nous ou ailleurs, sur tous les établissements auxquels il a accès.
01:25:55 Et ça, je pense que ça ferait véritablement progresser les choses. On n'arrivera pas à régler le problème du narcotrafic si on ne s'attaque pas à la dimension patrimoniale du trafic
01:26:04 et à la saisie des avoirs, non pas des produits mais des avoirs.
01:26:08 Dernière question cette fois, c'est celle de Catherine Concon.
01:26:11 Merci Monsieur le Président, Monsieur le Procureur. Est-ce que vous pouvez, de manière très formelle, garantir aux personnes qui dénoncent, aux personnes qui voient,
01:26:22 qui font des signalements, qu'elles seront en tout cas protégées sous l'anonymat et de toute revanche et reprisaille possible ?
01:26:35 Alors, ça renvoie si vous voulez à ce que je disais tout à l'heure. Ça renvoie effectivement à la gestion et à la protection de ceux qui, à un moment donné, vont venir porter un renseignement.
01:26:48 Je pense que c'est un souci contre tous les policiers et tous les magistrats. C'est pour ça que tout à l'heure, je parlais d'exploitation du renseignement.
01:26:55 Avant de judiciariser, il faut déterminer si le renseignement est exploitable. Et si effectivement, le renseignement que vous mettez en procédure revient à désigner quelqu'un en lui mettant une cible dans le dos,
01:27:07 ça en général vous ne le ferez pas parce que vous avez quand même un objectif de protection de la source qui va vous interdire de judiciariser.
01:27:14 Donc normalement, c'est ce calcul qu'on devrait faire et lorsque, effectivement, on avance dans des investigations, on devrait,
01:27:21 alors je ne peux pas vous garantir que ce soit toujours fait à 100%, mais en tout cas, dans ce genre d'investigation, on doit toujours pouvoir être en mesure de garantir la sécurité
01:27:31 de celui qui est effectivement venu porter le renseignement et qui va permettre de faire évoluer l'affaire favorablement. Ça devrait être une priorité.
01:27:42 Nous arrivons au terme de l'heure qui nous était impartie. Nous remercions infiniment, Monsieur le Procureur, de votre disponibilité.
01:27:50 Des éléments que vous nous avez apportés qui seront utilisés pour nos réflexions et la production de notre rapport final.
01:27:56 Et puis, nous allons aller aux questions au gouvernement où on pourra peut-être continuer de traiter certains des sujets qu'on a eu l'occasion d'aborder au cours de cette audition.
01:28:05 Merci beaucoup.
01:28:06 Merci, Monsieur le Président.
01:28:07 C'est tout pour aujourd'hui pour ces deux auditions menées par la commission d'enquête narcotrafique qui, je le rappelle, doit terminer ses travaux au plus tard,
01:28:15 le 8 mai prochain, et rendre ses conclusions. Merci pour votre fidélité à Public Sénat.
01:28:20 Pour aller plus loin, je vous propose de retrouver les articles de notre rédaction web sur notre site internet www.publicsenat.fr.
01:28:28 Très bonne journée et très bonne suite des programmes sur les chaînes parlementaires.
01:28:31 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]