• il y a 7 mois
Pour faire le point sur les financements climat européens, Smart Impact reçoit Clara Calipel, chercheuse à l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Si les investissements climat dans l’économie européenne ont augmenté de 9 % en 2022, atteignant 407 milliards d’euros dans 22 secteurs, l’économie européenne doit doubler son niveau d’investissement pour atteindre les objectifs climat 2030 de l’UE.

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00:00 Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:06 [Musique]
00:12 Le Zoom de ce Smart Impact avec Clara Kalippel. Bonjour.
00:16 Bonjour.
00:17 Bienvenue. Vous êtes chercheuse spécialisée dans les investissements climat européens au sein de l'Institut de l'économie pour le climat.
00:22 Vous avez co-écrit une étude sur ce thème publié le mois dernier en février 2024.
00:27 Je vais poser vraiment une question de base pour commencer. De quoi on parle ? C'est quoi un investissement climat ?
00:32 Un investissement climat, c'est un investissement dans un capital, par exemple une usine éolienne, des infrastructures ferroviaires
00:40 ou ce qu'on appelle des biens durables, les voitures électriques, les pompes à chaleur, tout ce qui a un impact dans l'économie pendant plus d'un an
00:47 qui vont venir réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Globalement, voilà ce qu'est un investissement climat.
00:52 Et donc, du coup, on est venu regarder dans plusieurs secteurs de l'économie, énergie, transport, bâtiment,
00:58 quels sont les investissements qui peuvent venir réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne.
01:03 Alors, on y reviendra sur le contenu de cette étude, mais peut-être le constat, un rappel pour commencer la loi européenne sur le climat
01:11 qui prévoit cet objectif de réduction d'au moins 50% des émissions de gaz à effet de serre dans les 27 pays de l'Union d'ici 2030.
01:22 On en est où aujourd'hui ? Est-ce qu'on le sait ? Est-ce qu'on en est très loin de cet objectif ?
01:26 Alors, aujourd'hui, je crois qu'on est à peu près à -30% de réduction d'émissions par rapport à 1990 dans l'Union européenne.
01:33 Donc, il faut aller jusqu'à -55%, ce qui est quand même un gap, puisqu'on a fait -30% depuis 1990.
01:40 Donc, il y a quand même un gap significatif à faire.
01:43 Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas y arriver, puisqu'on voit quand même la baisse des émissions globales d'année en année qui augmente.
01:48 Donc, on peut y arriver, mais c'est assez conjoncturel comme indicateur de regarder, puisque, par exemple,
01:54 cette année, on pourra voir si les émissions vont réduire, mais on a eu un hiver très doux.
01:58 Donc, ça, c'est un impact aussi sur la baisse des émissions.
02:01 Nous, c'est pour ça qu'on va regarder les investissements, puisque les investissements qu'on fait aujourd'hui, c'est la baisse des émissions de demain.
02:07 Et pour le coup, ce qui est fait aujourd'hui, il est vraiment fait aujourd'hui et il a un impact durable.
02:12 On parle d'une obligation légale, là. C'est une loi européenne. Est-ce qu'il y a des sanctions liées à cette obligation légale ?
02:17 Alors, pour l'instant, l'Union européenne s'est fixée cet objectif. C'est une obligation légale.
02:22 Elle n'a pas prévu elle-même de sanctions sur elle si jamais elle ne respecte pas en 2030 cet objectif.
02:29 Ça n'empêche pas que les OMG peuvent se saisir de la Cour européenne de justice en 2030, par exemple,
02:35 si elles estiment que les objectifs de l'Union européenne, qu'elle-même s'est fixée, n'ont pas été atteints.
02:40 Alors, vous avez donc coécrit cette étude "Déficit d'investissement climat européen, une trajectoire d'investissement pour l'avenir de l'Europe"
02:48 qui a été publiée le mois dernier, en février. Qu'est-ce qu'il faut en retenir ? S'il y a une idée principale, c'est quoi ?
02:55 Alors, si il y a une idée principale à retenir, c'est que sur les investissements climat, l'Union européenne n'est pas à la masse.
03:00 On voit une véritable augmentation des investissements, 9% en 2022, plus 15% en 2021.
03:08 Donc vraiment, on voit une très bonne croissance. On est aujourd'hui à 407 milliards à peu près d'investissements climat.
03:14 Mais il faudrait doubler ces investissements dès demain et jusqu'en 2030 si on veut respecter nos objectifs climat.
03:22 Donc, on voit une bonne augmentation. Si on continue le rythme d'augmentation des investissements qu'on observe depuis quelques années,
03:28 on va y arriver. Mais rien n'est dit. Il faut quand même doubler d'ici 2030.
03:32 Ce sont des décisions, pardon pour poser la question de Béossien, mais qui sont prises année après année ou c'est quand même un plan décennal ?
03:42 Vous voyez ce que je veux dire ?
03:43 Alors nous, ce qu'on prône, c'est qu'il faudrait un plan décennal, en fait, pour être certain de donner déjà de la visibilité aux investisseurs
03:50 sur combien l'Union européenne est prête à mettre sur la table, combien les États membres, combien les collectivités,
03:55 qu'est-ce qu'ils attendent pour que l'argent privé soit généré, qu'est-ce qu'il faudrait faire,
03:59 donner une vraie visibilité aux acteurs, un peu comme ce qui est arrivé aux États-Unis où ils ont mis en place l'Inflation Reduction Act,
04:06 qui est un plan de subvention sur le long terme, en fait, qui donne de la visibilité aux investisseurs.
04:11 Et on a vu un bon désinvestissement suite à ça.
04:14 Ça a même attiré des projets qui étaient prévus en Europe qui sont allés vers les États-Unis.
04:19 Donc un plan de long terme, ça nous semble être une solution qui permet effectivement de combler ce défi.
04:24 Est-ce qu'il y a des secteurs qui sont en retard par rapport aux autres ? Vous voyez ce que je veux dire ?
04:29 Est-ce que, je ne sais pas, l'éolien est à la peine ? Est-ce que le photovoltaïque est en avance ?
04:33 Comment on peut situer ça en matière d'investissement ?
04:35 Effectivement, l'éolien est assez à la peine depuis quelques années.
04:39 En 2022, ils ont connu une vraie baisse. Ils étaient à leur niveau d'investissement le plus bas depuis, je crois, 2005.
04:46 Ils ont connu vraiment une baisse d'investissement.
04:49 Donc ils sont vraiment à la peine alors que pour autant, il y a des objectifs très ambitieux de déploiement de l'énergie éolienne au niveau européen.
04:55 Par contre, les panneaux solaires, on voit une très bonne augmentation des investissements depuis plusieurs années.
05:00 Pareil sur les véhicules électriques. Les pompes à chaleur, elles ont fait fois deux en deux ans en termes de vente.
05:06 Donc il y a certains secteurs, en effet, qui ont une bonne trajectoire et d'autres qui peinent un peu.
05:11 Quand je reviens sur l'éolien, comment vous l'expliquez ?
05:16 Ce n'était pas forcément l'objet de l'étude, mais est-ce que, par exemple, la question de l'acceptabilité des projets peut freiner certains investisseurs ?
05:25 Comment vous expliquez le retard de l'éolien aujourd'hui ?
05:28 A priori, ce n'était pas forcément l'acceptabilité. C'était plutôt les conditions de marché qui se sont dégradées ces dernières années.
05:34 L'augmentation des taux d'intérêt qui ont fait que les projets étaient moins rentables.
05:39 L'augmentation aussi des matières premières pour fabriquer l'énergie éolienne qui ont beaucoup augmenté ces dernières années.
05:44 Ce qui fait que les investisseurs sont plus frileux à venir investir dans les énergies renouvelables, plus que la durée des permis ou l'acceptabilité sociale.
05:54 Pourquoi cette étude est-elle importante ? Est-ce qu'on manque de visibilité ou de données pour piloter ces plans d'investissement ?
06:04 Complètement, on manque beaucoup de données. Nous, on n'a couvert que trois gros secteurs, transport, bâtiment, énergie.
06:10 On n'a pas couvert l'industrie ni l'agriculture qui sont deux secteurs essentiels pour la décarbonation.
06:15 Tout simplement parce qu'il n'y a pas de données, voire parfois pas d'objectif clair de l'Union européenne sur ce qu'il faudrait faire.
06:21 C'est un premier point. On a un manque de données publiques pour voir où on en est et prendre des décisions de manière éclairée sur les politiques publiques.
06:31 Ensuite, ce travail de collecte et de calcul des investissements, ça permet aussi aux institutions européennes de voir combien elles devraient investir.
06:42 Où est-ce que l'argent public européen est utile ? Par exemple, sur les infrastructures de réseaux électriques transfrontaliers, l'argent européen est très utile
06:50 puisque c'est pour connecter l'Europe entre elles, entre les réseaux électriques.
06:55 C'est aussi voir où est-ce qu'ils ont besoin de mettre l'argent, où est-ce que l'argent peut être mis par le privé, par les états membres, etc.
07:02 C'est un peu effrayant ce que vous dites. Comment piloter sans avoir les données de départ ?
07:09 Comment pensez-vous à ça par rapport à la décision qui a été prise sur l'intensification des voitures thermiques en 2035, de la vente des voitures thermiques neuves en 2035 ?
07:19 Il n'y a pas vraiment eu d'étude d'impact avant que cette décision ait été prise.
07:24 Il y a une prise de conscience au niveau européen que la connaissance de ces données devrait être le point de départ de toute décision ?
07:33 Oui, ils en sont totalement conscients et ils commencent à travailler là-dedans.
07:37 Nous sommes beaucoup en contact avec les équipes de la Commission européenne, la Direction générale de l'énergie,
07:42 pour voir comment on peut venir apporter une aide.
07:46 Mais on est qu'un institut au niveau français, il faudrait collecter des données au niveau européen mais aussi au niveau national, voire local.
07:54 C'est un travail un peu titanesque à faire.
07:57 Maintenant, vous avez pris des objectifs au sein du pacte vert européen, maintenant il faut le mettre en œuvre.
08:06 Comment comptez-vous le faire ? C'est l'enjeu de la prochaine mandature européenne après les élections du 9 juin.
08:12 Vous nous avez dit que vous n'avez pas étudié la question de l'agriculture.
08:16 Mais quand vous voyez ce qui est en train de se passer sur le volet agricole du pacte vert,
08:22 qui est en train d'être détricoté sous la pression des manifestations, comment vous réagissez ?
08:30 Ça vous rend pessimiste ?
08:34 Moi, de mon poste d'observateur, je me dis que c'est peut-être le premier détricotage,
08:40 par rapport à l'ambition initiale du pacte vert.
08:44 C'est difficile à prévoir, on va vraiment attendre de voir les résultats des élections européennes.
08:50 Évidemment, si on a des élections qui vont un peu plus à droite dans les résultats,
08:57 il y a certains sujets qui vont être détricotés, probablement l'agriculture, mais pas tous.
09:04 Il y a des gros enjeux d'indépendance énergétique qui vont concerner le déploiement des énergies renouvelables,
09:10 la rénovation énergétique des bâtiments, le déploiement des véhicules électriques,
09:15 qui resteront des enjeux fondamentaux pour les prochaines années de l'Union européenne.
09:20 Sur ces enjeux-là, on est plutôt serein sur le fait qu'il y a moyen qu'ils continuent d'être développés,
09:26 mais en effet, sur d'autres, comme l'agriculture, là, on est peut-être plus pessimiste.
09:31 Un petit peu plus pessimiste, merci beaucoup, Clara Kalippel, et à bientôt sur Bismarck.
09:35 On passe à notre rubrique Smart Ideas avec des micro-méthaniseurs à découvrir.
09:42 Justement, on va continuer de parler d'agriculture.

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