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L’avis de Alain Aspect, physicien et prix Nobel de physique 2022, rencontré à l'occasion du Paris-Saclay Summit 2024, un événement organisé par Le Point.

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Transcription
00:00 Est-ce que selon vous on doit encourager, donner plus de moyens à la recherche française ?
00:03 Oui bien sûr. Je crois qu'on peut se fixer l'objectif d'avoir une fraction du produit national brut
00:10 donné à la recherche qui soit l'égal de ce qu'elle est dans un certain nombre de pays
00:14 qui consacrent davantage d'argent que nous.
00:16 Et étant entendu que quand on parle d'argent consacré à la recherche,
00:19 je ne parle pas que de recherche fondamentale.
00:21 Je parle aussi de recherche industrielle et de recherche appliquée.
00:24 Comment faire avancer la recherche aujourd'hui dans un contexte de tension géopolitique ?
00:29 Comment parler avec tous les scientifiques du monde entier ? Est-ce que c'est facile aujourd'hui ?
00:32 Alors je pense qu'il faut faire des efforts pour continuer à parler.
00:35 Il faut quand même dire qu'aujourd'hui on est dans une situation délicate par exemple vis-à-vis de la Russie
00:41 puisque je pense que plus aucun d'entre nous ne voyage en Russie à l'heure actuelle,
00:46 ce qui ne simplifie pas les échanges.
00:49 Il faut savoir qu'il y a beaucoup de scientifiques russes qui ont émigré à l'Ouest.
00:53 Donc la situation est assez compliquée avec la Russie.
00:55 Avec les autres pays dans le monde entier, c'est la grande internationale des savants.
01:00 Je crois qu'on se parle comme on sait toujours parler.
01:02 Et ça freine la recherche de ne pas parler avec les Russes ?
01:04 On ne le sait pas, on le saura dans quelques années.
01:07 Je pense que ça va freiner eux surtout.
01:09 Le fait qu'ils ne se déplacent pas et qu'ils ne viennent pas.
01:11 On gagne toujours quelque chose à se déplacer, à aller dans un pays étranger.
01:14 Est-ce qu'on peut être fier de Paris-Saclay ?
01:17 Ah, Paris-Saclay, c'est incroyable.
01:19 Un de mes combats pendant très longtemps,
01:22 c'était d'arriver à faire travailler ensemble les universités et les grandes écoles.
01:27 De ce point de vue-là, Paris-Saclay est une grande réussite.
01:30 Et ce n'est pas si facile que ça.
01:32 On a un certain nombre de contre-exemples en France où ils n'ont pas réussi.
01:35 Quel conseil vous donneriez aux jeunes chercheurs en physique ?
01:38 Suivre leurs envies, suivre leur goût.
01:41 On n'est jamais meilleur que quand on travaille pour ce qui nous intéresse vraiment.
01:45 Et vous, la recherche que vous avez faite, c'est ce qui vous intéressait vraiment ?
01:47 Absolument. Quand j'ai vu cette possibilité de trancher le débat entre Bohr et Einstein,
01:52 j'ai trouvé que c'était le plus beau sujet du monde et j'y ai consacré beaucoup d'efforts.
01:56 Et si vous n'y étiez pas arrivé ?
01:58 Il sort toujours quelque chose, une recherche qui ne débouche pas.
02:01 D'abord, c'est très rare qu'une recherche débouche sur ce qu'on a prévu au départ.
02:04 Là, en l'occurrence, ça a été le cas, mais la plupart du temps, ce n'est pas le cas.
02:08 Et c'est toujours fructueux.
02:10 Est-ce que, selon vous, aujourd'hui, il y a une désaffection des jeunes pour les sciences ?
02:13 D'abord, je n'en suis pas certain.
02:16 Par contre, je pense qu'il n'y a pas assez d'intérêt pour les sciences depuis longtemps.
02:19 C'est-à-dire que vous dites "est-ce qu'aujourd'hui, il y a une désaffection ?"
02:22 Je ne suis pas sûr qu'il y ait une désaffection par rapport à la période passée.
02:25 Par contre, je pense qu'en France, on a une atmosphère culturelle
02:28 qui est que les sciences ne sont pas assez valorisées.
02:30 Et ça, je pense que c'est parce que les leaders d'opinion,
02:33 qu'il s'agisse des hommes et des femmes politiques, qu'il s'agisse des journalistes,
02:37 sont la plupart du temps formés sans formation scientifique.
02:41 Il n'y a pas assez de figures remarquantes dans la société
02:44 dont il est évident qu'ils ont une culture scientifique.
02:47 Je ne parle pas des scientifiques eux-mêmes.
02:48 Je dis que quand les hommes et les femmes politiques parlent de phénomènes de société,
02:54 c'est clair que jamais ils ne font référence à une culture scientifique.
02:58 Et d'ailleurs, je peux confirmer qu'en général, ils ne l'ont pas.
03:01 Et comment on fait en sorte qu'ils l'acquièrent ?
03:02 En mettant un enseignement de culture générale scientifique
03:06 dans les écoles de journalisme, dans les sciences po,
03:09 dans toutes ces filières où passent les leaders d'opinion.
03:12 Est-ce que vous avez quelque chose à rajouter, un message à faire passer ?
03:16 Vous ne réglerez pas les problèmes de la planète contre la science.
03:19 Vous les réglerez en faisant des sciences
03:21 et en utilisant vos connaissances pour la planète.

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