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00:00 En Nouvelle-Calédonie, le congrès du FLNKS, le Front de Libération Nationale Canaque et Socialiste, se tient ce samedi près de la capitale Nouméa.
00:07 Un congrès jugé décisif trois jours avant l'examen de la réforme constitutionnelle par le Sénat.
00:12 Cette réforme, examinée mardi prochain en séance, vise à élargir le corps électoral du territoire.
00:18 Les règles actuelles font que près d'un électeur sur cinq ne peut pas participer aux élections provinciales.
00:24 Ce sujet hautement sensible divise indépendantistes et non-indépendantistes.
00:28 On retrouve Isabelle Maire, l'historienne et directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l'histoire du Pacifique et plus particulièrement de la Nouvelle-Calédonie.
00:36 Bonjour. Quels sont les enjeux du congrès du FLNKS, le Front de Libération Nationale Canaque et Socialiste ?
00:43 Alors, les enjeux sont très importants, puisqu'on sait que le pays est en une certaine tension,
00:50 à la fois pour les questions économiques qui se posent gravement, mais surtout aussi pour la pression que met le gouvernement français actuel
01:00 sur le passage des lois sur le report des élections, ce qui est acquis, ça a été voté, mais surtout sur le dégel du corps électoral provincial.
01:14 On ne parle pas du corps électoral d'autodétermination qui est remis à très long temps, mais surtout ce corps électoral provincial qui est un enjeu très fort.
01:23 Alors la difficulté, c'est que pour comprendre le dossier calédonien, il faut prendre un peu de recul et il faut revenir à là où on en est aujourd'hui,
01:32 du processus de décolonisation qui a été engagé depuis 30 ans par l'accord de Nouméa.
01:38 Donc vous le savez, il y a eu trois référendums, deux référendums qui ont été menés en 2018 et 2020 sans contestation,
01:47 avec des taux de participation exceptionnels de plus de 80% et des résultats qui se sont resserrés en 2020 en particulier avec 47% pour le oui et 53% pour le non.
01:57 Le troisième référendum, lui, a posé un certain nombre de problèmes et reste très contexté puisqu'il a été organisé en décembre 2021 sous la demande du front indépendantiste.
02:11 Le problème, c'est que le Covid en Nouvelle-Calédonie est rentré à partir de septembre 2021 et donc la campagne n'a pas pu être organisée du côté indépendantiste,
02:20 d'où finalement un boycott de conditions puisque le FLNKS avait demandé à reporter ce référendum en 2022.
02:31 Le gouvernement a voulu le maintenir à cette date dans des conditions qui n'étaient pas du tout bonnes et qui fait que le résultat est mauvais.
02:42 Donc on part de cette base.
02:44 Le gouvernement affirme que ce référendum a donné un résultat définitif.
02:48 Je rappelle que 57% des électeurs se sont abstenus, donc il est politiquement très difficile à défendre, en fait, en tous les cas à accepter.
02:59 Et le gouvernement part du fait que c'est clos, donc l'accord de Nouméa est clos.
03:04 Et là, c'est la question qui se pose.
03:07 L'accord de Nouméa s'est dit qu'il faut examiner la situation ainsi créée,
03:15 mais il y a une phrase suivante, c'est le maintien de l'organisation politique en l'État
03:22 tant qu'un accord global et local consensuel n'a pas été trouvé.
03:28 Alors justement, là, sur l'avenir institutionnel de Lille, que prévoit exactement la modification de la loi électorale ?
03:34 Voilà, alors la loi électorale, elle prévoit le dégel du corps électoral provincial.
03:40 Et pour comprendre là dans quoi ça s'inscrit, il faut comprendre que la Nouvelle-Calédonie n'est pas une région anodine de la France hexagonale.
03:48 C'est une ancienne colonie française qui a été particulièrement marquée par des logiques de peuplement,
03:55 donc des arrivées de ressortissants français de préférence, et ça compris légers,
04:01 avec une politique ouverte et assumée jusque dans les années 70.
04:06 Donc cette politique visait, après la Seconde Guerre mondiale en tous les cas, à minoriser le peuple kanak,
04:13 et en particulier les revendications nationalistes qu'on peut naître à partir des années 70-80.
04:19 Donc ce corps électoral provincial, il a été restreint par l'accord de Nouméa.
04:23 L'accord de Nouméa, c'est un compromis historique très important pour le pays,
04:28 puisque prenant en fait les hommes politiques et les femmes politiques de l'époque,
04:32 ont compris cette spécificité, cette histoire de la Nouvelle-Calédonie,
04:38 et ont accepté de poser un corps électoral restreint,
04:43 qui a été borné par 1998 et qui a évolué jusqu'en 2008,
04:49 et qui a été gelé par la réforme constitutionnelle de 2007.
04:55 L'idée c'était de construire un socle historique légitime de l'ensemble de la population présente,
05:02 qui était inscrite sur l'Élysée de 1998,
05:05 pour soutenir des institutions particulières qui ne peuvent pas être réduites à des régions,
05:10 parce qu'elles ont beaucoup plus de pouvoirs,
05:12 c'est-à-dire les assemblées de provinces qui gèrent énormément de compétences,
05:18 et qui soutiennent une sorte de parlement qu'on appelle le Congrès,
05:22 lui-même dont procède le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
05:25 qui est doté d'une autonomie forte,
05:28 puisqu'il y a eu un transfert de compétences avec l'accord de Nouméa.
05:33 Donc c'est ce corps électoral gelé qui est actuellement dans le viseur du gouvernement.
05:41 Ce corps électoral peut être en discussion, il y a des discussions qui sont menées...
05:46 Mais du coup, quelle est la ou les positions des membres du FLNKS
05:49 sur la modification de cette loi électorale,
05:51 sachant que cette réforme ne leur est pas favorable ?
05:56 Alors le Congrès est en train de se dérouler,
05:58 donc actuellement je ne m'avancerai pas sur les résultats,
06:02 même si on peut anticiper que les lignes pourraient se rapprocher.
06:06 Du côté de l'Union calédonienne, ils sont contre ce dégel du corps électoral.
06:13 Du côté du Palika, il y a une discussion sur ce corps électoral.
06:17 Mais ce que je voudrais préciser,
06:19 c'est que dans ce corps électoral, il y avait deux soucis.
06:23 D'un côté, il y a les enfants qui atteignent la majorité,
06:26 qui sont nés en Nouvelle-Calédonie.
06:28 Et comme ce corps électoral n'inclut pas d'automaticité,
06:32 c'est-à-dire que c'est sur demande,
06:34 il y a eu des soucis d'inscription des jeunes sur ces listes,
06:38 dont des jeunes kanaks d'ailleurs, mais aussi des jeunes calédoniens.
06:41 Mais ce qui est très problématique et qui tend la situation,
06:46 c'est ce qu'on appelle un corps électoral glissant à 10 ans,
06:49 que veut mettre le gouvernement,
06:51 une fois de plus sans accord préalable en amont.
06:54 C'est ça qui pose véritablement problème,
06:56 parce que le gouvernement passe en force et très vite,
07:00 selon un calendrier très resserré,
07:03 avec une épée de Damoclès au 1er juillet 2024
07:08 pour faire passer la réforme.
07:09 Donc une décision qui sera unilatérale,
07:11 qui viendra de la France,
07:13 dans une situation où on pouvait espérer des discussions,
07:17 un partenariat plus consensuel.
07:20 Et ce corps électoral à 10 ans glissant,
07:23 là où il est très compliqué et très sensible,
07:29 c'est qu'il met en cause le compromis historique
07:32 acquis par l'accord de Nouméa,
07:34 c'est-à-dire ce socle électoral légitime
07:38 pour des gens qui sont enracinés dans le pays
07:41 et qui ont la vocation à le construire dans un destin commun.
07:46 C'était ça qui était pensé.
07:48 Si vous ouvrez ce corps électoral,
07:51 vous vous retrouvez avec une citoyenneté calédonienne
07:54 qui a été créée par l'accord de Nouméa
07:56 et qui est le socle de ce compromis,
08:00 ouverte avec des néo-citoyens
08:06 qui seront non seulement électeurs, mais éligibles.
08:09 Et l'espoir d'une droite locale qui peut se radicaliser,
08:14 qui est en voie de radicalisation pour un certain nombre,
08:17 c'est de gagner les enjeux électoraux via cette ouverture
08:22 et de reprendre la majorité.
08:24 Mais évidemment, du côté du camp indépendantiste,
08:26 ça va être très conflictuel
08:30 et on risque de rentrer dans une crise politique à haute tension.
08:34 Merci beaucoup Isabelle Merle
08:35 pour votre décryptage sur France 24 de la situation.