« Si on ne fait pas quelque chose rapidement pour elles, elles finiront à l’abattoir. » Delphine Serreau se bat au quotidien pour sauver ses 80 chèvres et pour que sa détresse soit entendue.
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00:00 Si personne ne veut s'occuper de nous, de notre vivant,
00:02 au moins on entendra parler de nous après notre mort.
00:04 Donc j'ai pensé à toutes nous suicider en même temps.
00:07 La banque m'avait donné un ultimatum.
00:10 Après, normalement, c'est l'abattage de mes chèvres.
00:13 Je me dois de le faire pour elles.
00:15 Je vais jusqu'à 22 heures de travail par jour
00:17 et je travaille 7 jours sur 7.
00:18 Je suis une combattante, mais une lâche harnais en plus.
00:21 Je ne s'arrête jamais.
00:22 Moi, j'ai peur de rien.
00:23 J'ai peur de personne.
00:24 Les lettres de huissier et de recommandé, là,
00:26 j'en ai au minimum un par jour à ce moment-là.
00:29 Ma mère me connaît.
00:30 Elle sait que quand je lui disais "maman, j'y arriverai pas",
00:33 que je lui ai dit "ça sera pas contre toi,
00:35 quoi qu'il arrive, ça sera pas contre toi".
00:36 Mais j'essaierai de tout faire pour m'en sortir avant
00:39 avec panache comme je sais le faire d'habitude.
00:41 J'ai peur de me perdre.
00:44 Bonjour Néo, moi c'est Delphine.
00:46 Je suis éleveuse de chèvres, j'en ai 80.
00:49 Et si on ne fait pas quelque chose rapidement pour elles,
00:52 elles finiront à l'abattoir.
00:54 Il ne faut pas compter les heures, ça c'est sûr.
00:55 Je ne fais que ça en fait.
00:57 Ma vie se traduit que par ça.
00:59 C'est ma mère qui fait mes courses.
01:01 Une fois que j'ai fini ma journée,
01:04 déjà je suis contente quand il me reste 4 heures pour dormir.
01:08 Ça m'est déjà arrivé de ne pas voir des gens.
01:09 Ma mère était partie et je ne l'ai pas vue pendant 2 mois.
01:11 Je n'ai vu personne pendant 2 mois.
01:13 Pas une personne.
01:17 Pas un humain.
01:19 C'est très particulier.
01:20 On a eu des retards de travaux,
01:22 des problèmes d'installation,
01:24 des chèvres malades dû à des mauvais réglages pour la machine à traire.
01:27 Il y a eu des délais administratifs pour vendre des fromages
01:30 qui ont été plus longs que prévus.
01:32 Donc tout ça a fait qu'il n'y avait pas de liquidité
01:35 en plus qui rentrait à ce moment-là.
01:36 Tant que j'avais une solution,
01:38 à peu près dans ma tête tout allait à peu près.
01:39 Je me disais que ça allait être compliqué,
01:42 mais que ça allait aller.
01:43 Et puis moins de solutions se préposaient à moi.
01:46 Plus dans ma tête ça allait difficilement
01:48 jusqu'à avoir des idées complètement tarées.
01:53 Du genre, si personne ne veut s'occuper de nous,
01:58 de notre vivant, au moins on entendra parler de nous après notre mort.
02:01 Après avoir des plans terribles
02:05 pour qu'au moins on se souvienne de notre sortie.
02:07 Et pour que les gens, peut-être au fond de moi,
02:09 pour que les gens culpabilisent un peu ceux qui n'avaient pas voulu nous aider.
02:12 Je l'ai vraiment vécu dans ma tête.
02:14 À un moment, je me suis senti...
02:16 Même j'ai l'impression que mon cerveau commençait à mourir,
02:18 de savoir qu'il allait peut-être mourir.
02:20 Ma mère se décomposait de plus en plus,
02:21 parce que ma mère me connaît.
02:23 Elle sait que quand je lui disais "Maman, j'y arriverai pas".
02:29 Donc, j'y arriverai pas à m'en remettre de ça.
02:31 Elle le savait, elle me connaît très bien.
02:34 Donc je lui ai dit "ça sera pas contre toi,
02:35 quoi qu'il arrive, ça sera pas contre toi,
02:37 mais j'essaierai de tout faire pour m'en sortir avant avec panache
02:41 comme je sais le faire d'habitude".
02:42 Pourtant, j'aime ma mère, au combien.
02:46 Mais ça, c'était au-dessus de mes forces
02:50 de supporter autant de conneries, de bêtises,
02:53 d'injustices en même temps,
02:54 et encore une fois, sans aucune réaction de personne.
02:58 Puis un matin, je me suis levé en me disant
03:01 "je vais aller à Paris avec une chèvre".
03:03 Et puis j'ai téléphoné à ma mère,
03:04 qui trouvait pas que c'était une bonne idée,
03:05 parce que me connaissant, elle s'est dit
03:06 "elle va juste te faire mettre au trou avec sa chèvre,
03:08 c'est tout ce qu'elle va gagner".
03:10 Il fallait absolument que j'aille avec "Princesse de loin de l'Elysée".
03:12 Donc la sécurité me demandait de partir.
03:16 Le ton est monté parce que je voulais pas.
03:18 La chance que j'ai eue, c'est d'avoir été reprise médiatiquement
03:20 par BFM au départ.
03:23 Et puis après, à partir du moment où il y a eu
03:27 du respect médiatique,
03:30 il y a eu énormément d'autres médias qui m'ont contacté.
03:33 Ça rebooste un petit peu, et on se dit
03:35 "il y en a au moins encore quelques-uns d'humains".
03:37 Parce que moi j'ai l'impression des fois de vivre...
03:39 On les appelle des humains,
03:40 mais pour moi je les appelle des estoplasmes.
03:43 Pour moi c'est des corps sans vie.
03:44 Y a pas d'humains là-dedans, y a pas d'humanité.
03:46 - Aujourd'hui elle en est où la cagnotte ?
03:48 - Je crois qu'on a dépassé 170 000 euros.
03:51 C'est un truc de fou quand même.
03:52 En 4 jours.
03:53 C'est un truc, c'est complètement dingue.
03:55 C'est tellement fulgurant, pour moi aussi,
03:57 je suis passé de me dire
04:00 "je vais sûrement pas réussir peut-être à sauver mes chèvres"
04:04 à "en moins de 4 jours,
04:06 je les ai pas complètement sauvées,
04:07 mais on est sur la bonne voie".
04:08 Je pense que les gens qui ont participé,
04:10 ils se disent qu'ils comprennent ce qu'ils ont fait pour moi,
04:12 mais je pense qu'ils mesurent pas vraiment en fait.
04:15 Je pense qu'ils mesurent pas.
04:16 - Ils t'ont sauvé la vie.
04:17 - Ouais, ils m'ont sauvé la vie, clairement.
04:19 La phrase que je disais qui me qualifie le mieux dans ma vie,
04:22 c'est "t'as toujours de la chance dans ton malheur".
04:25 Alors j'espère que cette fois-ci aussi, je pourrais le dire.
04:28 J'y crois encore à mort.
04:30 ♪ ♪ ♪
04:33 [Sonnerie]
04:35 [Musique]