En ce 4 mars 2024, journée mondiale de l'obésité, la barre du milliard de personnes touchées par l'obésité dans le monde a été dépassée. Le 7 min pour comprendre si les nouveaux médicaments contre l'obésité sont révolutionnaires
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00:05 Avec nous, Karine Clément, professeure dans le service de nutrition de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
00:11 Vous dirigez l'unité de recherche Inserm sur la physiopathologie de l'obésité.
00:15 Merci d'être avec nous.
00:16 Florence Jusot nous accompagne également.
00:18 Vous êtes professeure d'économie de la santé à l'université Paris-Dauphine.
00:21 Et Nicolas Doze est également là en ce 4 mars, journée mondiale de l'obésité.
00:26 Alors que l'on a appris ce week-end que la barre du milliard de personnes touchées par l'obésité dans le monde
00:32 avait été dépassée.
00:34 1 terrien sur 8 souffre aujourd'hui d'obésité.
00:38 Et si on a choisi de vous en parler ce matin, c'est parce que des médicaments arrivent qui vont peut-être révolutionner ce marché.
00:45 Karine Clément, est-ce que vous, vous le voyez comme ça, est-ce qu'on est en train de vivre une révolution
00:49 avec ces médicaments qui sont commercialisés par deux laboratoires majeurs,
00:53 l'européen Novo Nordisk et l'américain Eli Lilly ?
00:57 Bonjour, oui, une révolution, c'est-à-dire c'est un changement de paradigme pour les patients d'une part et pour les médecins.
01:05 Mais il faut quand même rappeler une chose, c'est que l'obésité c'est une maladie complexe, chronique,
01:11 qui implique de multiples facteurs.
01:13 Donc il y a tout d'abord une prise en charge médicale, psychologique, sur le comportement, l'activité, les changements du mode de vie,
01:22 qui, médicaments ou pas, seront toujours essentiels.
01:26 Et sur ces médicaments, effectivement, c'est issu du progrès de la recherche,
01:30 connu depuis maintenant des années, puisque ces traitements sont utilisés dans le cadre du diabète de type 2.
01:37 Et avec la connaissance et les essais qui ont été réalisés,
01:41 on peut voir que si on augmente les doses de ces traitements, on a des actions sur la perte de poids.
01:47 – Alors justement, j'aimerais que vous nous parliez de ces médicaments, parce que c'est le thème de notre débat aujourd'hui.
01:52 Est-ce que l'on sait mesurer désormais la performance de ces médicaments, compte tenu du recul que nous avons ?
02:00 – Oui absolument, les données viennent des essais, des essais thérapeutiques qui ont été menés déjà depuis environ une dizaine d'années,
02:08 avec des résultats progressifs et des molécules différentes.
02:12 D'une part, on connaît le mode d'action de ces molécules, qui sont au départ issues d'hormones qui sont fabriquées par l'intestin,
02:20 qui vont avoir une action tout d'abord sur l'estomac, la vidange gastrique,
02:25 et également sur le cerveau, sur le contrôle, ce qu'on appelle le contrôle de la prise alimentaire.
02:31 Donc ça c'est déjà une première chose.
02:33 – On parle de perte de poids, on a des chiffres ?
02:36 – Alors concernant les performances de perte de poids, on observe effectivement des pertes de poids de 10-15% au bout d'un an,
02:44 dépendant du type de molécule utilisée.
02:47 – Réversible ou pas ?
02:49 – Dans tous les essais, lorsqu'on arrête le traitement, je vous le rappelle, c'est une maladie chronique, l'obésité,
02:55 les patients reprennent du poids effectivement.
02:57 – Donc vous dites que ce sont des essais parce que ces médicaments ne sont pas encore commercialisés
03:02 ou prescrits dans tous les pays, c'est bien ça ?
03:05 – Alors certaines des molécules, comme l'iraglutide qui est un des médicaments,
03:10 est disponible mais non remboursé en France.
03:13 – Combien ?
03:14 – Et on attend l'avis des instances réglementaires pour les autres à venir.
03:19 Mais dans certains pays d'Europe, elles sont déjà disponibles.
03:22 – C'est un médicament madame, qui coûte combien puisqu'il n'est pas remboursé ?
03:27 – Ça dépend des endroits en France, mais entre 250 et 300 euros par mois, ce qui est coûteux,
03:33 et notamment pour les patients qui ont parfois des difficultés de revenus,
03:38 aussi dans le contexte de leur obésité.
03:42 – On a beaucoup parlé il y a quelques mois de l'ozempi,
03:45 qui était un médicament au départ contre le diabète,
03:48 et dont l'usage a été détourné notamment par des stars américaines,
03:51 parce qu'on s'est rendu compte que ça faisait perdre beaucoup de poids très vite.
03:55 Est-ce que ça reste une tendance en France, ou est-ce que les médicaments dont vous parlez,
03:58 et qui vont arriver sur le marché français,
04:01 vont justement remplacer cette tendance à détourner l'usage de l'ozempi ?
04:06 – Alors sur l'usage de cette molécule dont vous parlez,
04:10 ça a été évalué par la Caisse nationale d'assurance maladie,
04:14 c'est environ 1,5% des prescriptions.
04:17 Je pense que vous faites aussi référence aux problématiques d'approvisionnement,
04:21 peut-être aussi pour les personnes qui ont un diabète de type 2.
04:25 Elles ne sont pas tout à fait attribuées au mésiasage, mais à la demande mondiale,
04:30 compte tenu de l'efficacité de ces médicaments.
04:33 Et donc effectivement, là ce que vous soulignez,
04:36 c'est qu'il est extrêmement important de réguler la prescription de ces médicaments,
04:41 parce qu'on a besoin d'outils, on a besoin d'outils pour ces patients
04:44 qui ont des maladies chroniques, je vous le rappelle,
04:46 l'obésité, 8 millions de personnes en France,
04:49 et donc les médecins doivent apprendre la médecine de l'obésité.
04:52 – Ce qu'on ne mesure pas encore, Florence Jusot,
04:54 ce sont les conséquences économiques de l'arrivée de ces médicaments.
04:58 – Oui, alors on peut faire des estimations, aux États-Unis,
05:01 ils ont estimé que le Végovie aurait un coût de plus de 8 milliards,
05:06 et l'Ozempic 2 milliards, si on prend le nombre, par exemple,
05:09 simplement de chirurgie bériatrique que l'on fait par an, c'est 50 000.
05:14 Donc si on remplace tous ces patients par une prise en charge en continu,
05:19 comme l'a précisé Madame, on arrive à des chiffres de 150 millions assez facilement.
05:25 Et on peut penser aujourd'hui que les personnes qui vont jusqu'à la chirurgie bériatrique
05:29 sont bien moins nombreuses que toutes celles qui auraient une indication.
05:32 Il faut bien savoir que parmi les 17% de personnes obèses en France,
05:36 il y en a 2% qui sont en obésité morbide,
05:39 c'est-à-dire qui ont un IMC supérieur à 40,
05:42 donc qui sont totalement dans les indications de ce traitement,
05:45 plus toutes les personnes qui sont obèses avec un poids un peu inférieur
05:50 mais qui ont des comorbidités.
05:52 Donc on peut s'attendre à plusieurs millions de personnes
05:56 qui sont parfaitement indiquées,
05:58 indépendamment de tout détournement pour des patients.
06:03 Il faut savoir qu'aujourd'hui, l'autorisation de mise sur le marché
06:06 est plus restreinte en France qu'aux Etats-Unis, l'accès précoce.
06:11 Aujourd'hui, c'est vraiment ces personnes qui ont la même indication
06:14 que pour la chirurgie bériatrique qui peuvent en bénéficier.
06:16 Aux Etats-Unis, on a des...
06:18 - Et pas remboursées par la Sécu.
06:19 - Oui, alors il y a eu des accès précoces,
06:21 mais là, la question, c'est de le faire rentrer en remboursement
06:24 et donc à partir de là, il aurait un accès beaucoup plus large.
06:28 - Il y a un vrai enjeu de santé publique, Nicolas Douze.
06:29 Est-ce qu'on peut penser que ce médicament,
06:32 compte tenu de ses performances,
06:33 avec le recul qu'il en a aujourd'hui,
06:35 sera bientôt remboursé ?
06:37 - Alors, selon remboursement, ce sont des choix politiques,
06:38 je ne pourrais pas vous répondre.
06:40 Maintenant, un impact économique immédiat,
06:42 l'événement de l'année, c'est Novonordisk, le Danois,
06:45 qui détrônait le VMH à la première place des capitalisations.
06:48 - Combien ? 450, 500 milliards ?
06:49 - 450, 500 milliards d'euros à peu près de capitalisation
06:51 à cause du succès de son fameux Ouigovie,
06:54 qui, justement, pour l'instant, n'est pas encore disponible en France,
06:57 mais qu'il va d'ailleurs produire en France à Chartres.
06:58 - On peut penser quand même qu'il sera remboursé,
07:02 parce que même s'il coûte assez cher,
07:04 alors il y a des prix variables,
07:05 aux Etats-Unis, c'est beaucoup plus cher,
07:07 les prix européens sont entre 200 et 300 euros aujourd'hui,
07:10 donc on peut s'attendre à un prix similaire,
07:12 mais on évite des chirurgies qui sont très invasives,
07:16 qui sont très coûteuses et qui ont des taux d'échec très élevés.
07:20 - Ce qui est étonnant, c'est qu'il y a quelques mois,
07:22 le patron de Walmart disait que l'arrivée de ces traitements
07:26 avait des conséquences sur les ventes de certains produits
07:29 dans les supermarchés et que ça commençait à se lire sur leur bilan.
07:34 - Oui, c'est peut-être aussi qu'il commence à y avoir un contrôle
07:37 de l'obésité dans certains pays.
07:38 La France, même si on voit une augmentation,
07:41 arrive à contenir notre évolution.
07:44 On n'est pas du tout au même pourcentage de population obèse
07:48 dans les autres pays d'Europe, bien sûr aux Etats-Unis,
07:50 et donc on peut voir s'il y a un peu de contrôle chez eux,
07:52 c'est une très grosse part de marché
07:55 qui est concernée par les vêtements de grande taille, par exemple,
07:58 ou d'autres dispositifs d'aide.
08:01 - Florence Jusot, le médicament dont on vient de parler,
08:03 le Ouigovi, doit arriver sur le marché français en 2025.
08:07 Est-ce que dans les patients que vous rencontrez,
08:10 vous trouvez qu'il y a une attente très forte,
08:12 ou est-ce qu'au contraire on redoute, par exemple, les effets secondaires ?
08:15 On est aussi un pays qui a été traumatisé par les affaires du Mediator ou l'Isoméride.
08:21 - On raisonne toujours par le bénéfice et le risque.
08:25 Et donc les patients que moi je vois en consultation
08:28 sont des patients en situation d'obésité sévère
08:31 pour lesquels ils ont vécu pendant des années
08:34 une situation de maladie chronique,
08:36 parfois de handicap, avec des complications.
08:39 Donc les molécules dont on parle, les médicaments dont on parle,
08:44 sont attendus forcément parce qu'en fait on a besoin d'outils.
08:48 Tout l'enjeu, c'est une prescription à bonne essence,
08:50 c'est-à-dire pour quel patient, à quel moment, quels sont les effets attendus.
08:54 Forcément il y a des effets secondaires qui sont liés au mode d'action du médicament
08:58 qu'on connaît et donc c'est pour ça qu'il faut une prise en charge spécialisée.
09:02 - Est-ce que, Madame, et ce sera notre dernière question,
09:04 ce type de médicament peut aussi s'adresser aux enfants
09:07 dont on sait qu'ils sont évidemment de plus en plus les victimes de l'obésité ?
09:11 - Dans le cadre d'obésité très sévère, il y a des discussions effectivement,
09:16 il y a une progression, vous l'avez souligné, de l'obésité chez les jeunes,
09:19 notamment les adolescents.
09:21 Et donc de la même façon, le phénomène peut se chroniciser
09:25 et donc ce sont des discussions qui sont en cours.
09:27 - Merci en tout cas d'avoir été avec nous ce matin.
09:30 Merci d'être venue. Dans un instant, Nicolas Doze, on parlera de la fast fashion.