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NewsTranscription
00:00 Évidemment, focus sur ce qui s'est passé il y a quelques jours avec une distribution alimentaire qui a tourné au drame.
00:06 Jeudi 29 février, des soldats israéliens ont ouvert le feu à Gaza sur une foule pendant la distribution d'aide
00:13 qui a tourné au chaos avec de nombreux morts.
00:15 Ça, Lubert Védrine a reconnu des tirs de soldats se sentant menacés, disent-ils, par la foule.
00:20 La France a exprimé sa profonde indignation. Bref, il y a eu une avalanche de réactions.
00:24 Que dit une telle tragédie de la situation sur place, selon vous ?
00:29 C'est des horreurs qui s'ajoutent à d'autres et qui sont inévitables dans la situation où ils sont.
00:35 Rappelez-vous que Gaza était déjà l'enfer sur terre avant. Même Sarkozy le disait il y a quelques années.
00:41 C'est la pire prison à ciel ouvert dans le monde. Sarkozy, avant.
00:47 Donc l'engrenage, l'atrocité des attaques du Hamas, l'horreur de la guerre de Gaza, bon qu'est-ce que vous voulez.
00:53 La seule question intéressante, c'est qu'est-ce qui permet d'en sortir ?
00:57 Et alors ? Il y a une réponse aujourd'hui, immédiatement.
01:01 Il y a la réponse à court terme. Qu'est-ce qui peut permettre d'arrêter les combats ?
01:06 Que l'Israélien ait quand même le sentiment qu'ils ont pour l'essentiel de détruire l'activité militaire du Hamas.
01:12 Il y a l'humanitaire à court terme, etc. C'est pathétique la vie de ces gens.
01:17 Restons, pardonnez-moi, sur l'humanitaire.
01:20 Mais après, la seule vraie question, c'est la solution de fond.
01:22 Hubert Védrine, pardonnez-moi, je veux encore rester sur la situation,
01:25 on passe trop vite sur ce sujet-là, parce que là, ce qui se prépare aussi éventuellement,
01:28 c'est une prochaine offensive terrestre sur Rafa, qui est l'extrême sud du territoire.
01:33 C'est le dernier bastion urbain où les soldats n'ont pas encore pénétré.
01:39 Quelles conséquences cela aurait sur le terrain ?
01:42 Et je vous vois affecté, semble-t-il, par ces images.
01:45 Ce sera la même chose en pire.
01:47 Vous connaissez très bien la situation.
01:50 Après l'attaque du Hamas, les horreurs de l'attaque du début,
01:55 il y a quand même cohésion autour de Netanyahou,
01:58 même si sa popularité s'est effondrée complètement.
02:01 Et il n'y a pas de puissance, en Israël ou à l'extérieur,
02:04 qui puisse arrêter l'action de l'armée israélienne.
02:08 L'idée d'éradiquer le Hamas, ce qu'ils n'arriveront jamais à faire complètement,
02:12 parce que c'est un système aussi politique que militaire, en fait.
02:16 Il n'y a pas de porte qui puisse l'arrêter.
02:18 Alors on voit bien que Biden, qui ne peut plus tenir sur la position classique
02:22 de soutien à 200% Israël, essaie de le corriger.
02:26 Mais en réalité, il n'y a rien qui puisse arrêter vraiment.
02:29 Et le jour où cela s'arrêtera, vous verrez qu'une grande partie de l'opinion israélienne
02:33 n'en a pas été assez loin.
02:34 On n'a pas détruit tout le Hamas.
02:36 Il reste des dégâts dangereux, etc.
02:38 Donc il faut revenir à la seule question qui, en effet, m'affecte, moi.
02:42 Parce que dans ma vie au pouvoir très longue,
02:45 j'ai participé à presque tous les processus de paix.
02:48 Donc j'ai connu vraiment, vraiment, une petite minorité très courageuse
02:54 qui, au sein d'Israël, s'était résignée à ce qu'est un État palestinien.
02:58 Et au sein du monde palestinien, s'était résignée à reconnaître Israël.
03:01 C'était des minorités, souvent combattues dans leurs camps.
03:04 Ce que j'ai vécu, moi, sur 30 ans et quelques,
03:07 c'est des batailles féroces dans chaque camp.
03:09 Beaucoup plus qu'un affrontement israélo-palestinien, en fait.
03:13 Mais rappelez-vous que Sadat avait été assassiné par un islamiste égyptien,
03:17 que Rabin a été assassiné par un juif fanatique,
03:19 appartenant à des partis qui sont représentés dans le gouvernement de Netanyahou,
03:23 pas le cabinet de guerre.
03:25 Donc, la seule chose, il y a l'urgence, il y a l'humanitaire,
03:28 il y a la vie de ces pauvres gens.
03:30 Mais l'urgence, c'est ce que Biden lui-même a dit depuis le début.
03:33 Il n'est pas obligé, pour des raisons américaines,
03:36 il faut retrouver une voie vers un État palestinien.
03:39 Il n'est pas entendu, Biden, du tout.
03:42 On a l'impression que sa parole ne porte pas.
03:45 Pour le moment, oui.
03:46 Il attend que, quelque part en Israël, les gens écartent Netanyahou
03:50 pour mettre au pouvoir le général Gantz,
03:53 qui est un général répressif, ou un gars très dur, répressif,
03:56 c'est normal du point de vue israélien, pour inspirer confiance,
03:59 qui réentame un processus.
04:00 Le jour où il y aura un nouveau processus,
04:03 un nouveau Premier ministre, soutenu par la Maison Blanche, j'espère,
04:06 par les Européens, les Arabes, etc.,
04:08 où ils auront sorti un leader palestinien de prison,
04:10 qui va redevenir l'interlocuteur.
04:12 - Que vous connaissez, vous pouvez dire ce que vous voulez.
04:14 - Alors qu'ils ont tout fait...
04:16 - Le barbouti ?
04:18 - J'en sais rien, mais en tout cas, dès que le processus aura redémarré,
04:21 les cinglés des deux côtés vont essayer de les éliminer.
04:25 Donc il faut avoir en tête...
04:26 Quand je raconte le processus de paix, c'est pas pour raconter ma vie.
04:29 C'est parce que dès que ça va recommencer,
04:31 les mêmes ennemis extrêmes, fanatiques,
04:33 qui n'acceptent aucun État palestinien,
04:36 ou pas du tout Israël, vont recommencer.
04:39 Donc il faudra recommencer avec beaucoup de force, de détermination, etc.
04:42 Et là, on retombe sur un délai, comme sur l'affaire de l'Ukraine et l'OTAN,
04:45 assez court, mais voilà.
04:47 Parce que si Trump revient,
04:49 tout cet échafaudage est balayé.
04:53 - Mais la première étape, qu'est-ce que c'est exactement ?
04:54 C'est le cessez-le-feu ?
04:56 C'est Israël qui va jusqu'au bout de son travail
04:58 pour que le cessez-le-feu soit enfin possible ?
05:00 Quelle est la première étape pour vous ?
05:03 - Alors à mon avis, le fait de...
05:05 C'est indépendant en fait.
05:07 Il faudrait que les États-Unis obtiennent,
05:10 que les opérations s'arrêtent.
05:12 Même si, d'un point de vue militaire,
05:14 ils n'ont pas atteint 100% des objectifs.
05:16 Après, il faut remettre dans le jeu les Arabes,
05:19 les dirigeants arabes, qui avaient été imprudents
05:21 en allant trop loin dans les accords d'Abraham,
05:23 sans rien obtenir pour les Palestiniens.
05:25 Parce qu'on a tous été victimes collectivement
05:27 de la politique Netanyahou,
05:29 qui disait "il n'y a pas de problème palestinien,
05:31 on s'en fiche, terminé".
05:33 Et de toute façon, je n'ai pas d'interlocuteur
05:35 qui a dit "il a tout fait pour qu'il n'y ait qu'un monstre en face".
05:37 - C'est important ce que vous étiez en train de dire.
05:39 - Même Ehoud Barad dit ça, il a tout fait exprès pendant 15 ans.
05:41 - On a oublié le problème palestinien, il a été effacé, oublié.
05:44 - Oui, et d'ailleurs, en effet, les Européens
05:46 ont baissé les bras, les Saoudiens étaient prêts
05:48 à normaliser, donc ils avaient réussi quand même,
05:50 avec l'aide de Trump.
05:52 Mais, moi je pense que c'est une erreur depuis le début,
05:54 ils ont apporté comme sur un plateau,
05:56 la bombe à retombant en Gaza, aux Iraniens.
05:58 Donc il y a quand même en Israël,
06:00 des gens qui disent "c'est une erreur".
06:02 Et comme le disent des magnifiques figures
06:04 du camp de la paix, qui renaient,
06:06 qui avaient disparu, ils renaient.
06:08 Barnavik est très connu en France.
06:10 Depuis 15 ans, il disait que Netanyahou,
06:12 de toute façon, s'est fichu.
06:14 Mais là, ils disent, puisque les Israéliens
06:16 réalisent que la politique la plus impitoyable
06:18 envers les Palestiniens à Gaza
06:20 et en Cisjordanie,
06:22 le comportement des plus fanatiques des colons,
06:24 150 000 sur les 700 000,
06:26 est absolument monstrueux.
06:28 - Vous passez trop vite sur la Cisjordanie,
06:30 c'est important, quand vous dites "monstrueux"
06:32 - Oui, les colons qui arrachent les oliviers,
06:34 qui empoisonnent les puits, qui flinguent les gamins, etc.
06:36 Donc ce n'est pas les 700 000,
06:38 c'est les 150 000.
06:40 Alors le raisonnement du camp de la paix,
06:42 c'est de dire que, puisque même ça,
06:44 ça n'a pas garanti la sécurité aux Israéliens,
06:46 puisqu'il y a eu les horreurs du Hamas,
06:48 en octobre,
06:50 ils vont peut-être redevenir disponibles
06:52 mais le raisonnement d'Itzhak Rabin,
06:54 qui était très dur et très répressif,
06:56 mais qui a conclu
06:58 qu'il y avait un problème politique.
07:00 Je négociais avec les terroristes,
07:02 l'OLP, à l'époque l'OLP est présenté
07:04 comme le Hamas aujourd'hui.
07:06 - Mais il y a une différence de fond,
07:08 c'est un mouvement nationaliste alors que là c'est un mouvement islamiste.
07:10 - Oui, mais enfin,
07:12 je sais, c'est plus compliqué.
07:14 Mais il y a quand même eu le courage de Rabin,
07:16 qui est l'homme le plus courageux que j'ai vu de ma vie.
07:18 Rappelez-vous ce qu'il disait,
07:20 "Je combattrai le terrorisme",
07:22 qui était celui des Palestiniens,
07:24 "comme s'il n'y avait pas de processus de paix,
07:26 mais, Israélien,
07:28 je poursuivrai le processus de paix comme s'il n'y avait pas de terrorisme".
07:30 - Qui peut le dire aujourd'hui ?
07:32 - Pour le moment personne,
07:34 puisque Netanyahou dit l'inverse,
07:36 il dit qu'il est le rempart contre l'État palestinien,
07:38 même pas contre le terrorisme,
07:40 contre l'État palestinien.
07:42 Donc, il y a une petite chance faible,
07:44 je reconnais,
07:46 qu'il y ait une sorte de circule vertueux
07:48 dans ce processus,
07:50 si un changement de Netanyahou.
07:52 Maison Blanche, les Arabes, un nouveau Palestinien,
07:54 c'est bon, et après il faut aller vite.
07:56 Mais ça peut très bien ne pas marcher du tout,
07:58 ça paraîtrait peut-être comme purement utopique,
08:00 et à ce moment-là on va de drame en drame,
08:02 de pire en pire,
08:04 jusqu'au jour où les du côté arabo-musulmans,
08:06 ils auront des armes bien pires,
08:08 pour attaquer Israël.
08:10 - Une attaque massive ?
08:12 - Passer quoi, la bombe ?
08:14 - Oui, enfin bon, je ne détaille pas.
08:16 Mais je signale que le camp de la Péki-René,
08:18 ce n'est pas des idéalistes.
08:20 Il y a plein d'anciens militaires dedans,
08:22 en Israël.
08:24 D'ailleurs, dans un sondage, il y a 15 juin,
08:26 alors 25% des Israéliens
08:28 sont pour virer tous les Palestiniens.
08:30 - Ça veut dire quoi, virer les Palestiniens ?
08:32 - Les déporter en Jordanie,
08:34 ou en Égypte.
08:36 Un peu comme le président Jackson, aux États-Unis,
08:38 qui avait déporté à l'ouest du Mississippi,
08:40 tous les Indiens qui étaient à l'est.
08:42 C'est des guerres indiennes,
08:44 vous savez, ça ressemble beaucoup à des guerres indiennes.
08:46 Il faut les réutiliser.
08:48 - Les Apaches ?
08:50 - Les Apaches, les Comanches, les Sioux, etc.
08:52 Mais dans le même sondage,
08:54 31% donc plus d'Israéliens,
08:56 même après les horreurs du Hamas,
08:58 sont d'accord pour une solution à deux États.
09:00 Alors on ne sait pas comment,
09:02 vous allez me dire, comment ?
09:04 - Ça fait 40 ans qu'on en parle, des deux États,
09:06 avec les colonies de peuplement,
09:08 c'est clairement les plus irréalistes encore aujourd'hui.
09:10 - Non, ça redevient.
09:12 - Ça fait 15 ans, plus personne n'en parlait.
09:14 Et Netanyahou croyait avoir gagné.
09:16 Et paradoxalement,
09:18 cette idée qu'ils sont birealistes
09:20 est réétudiée.
09:22 Sinon pourquoi Biden parlerait d'une voie
09:24 vers un État palestinien ?
09:26 - Il n'en a pas une rhétorique ?
09:28 - Il n'en parlait pas avant.
09:30 Il n'a pas de la rhétorique.
09:32 Et donc il a une chance ténue, je reconnais.
09:34 - Encore une question.
09:36 - J'espère que là,
09:38 les Européens et notamment la France...
09:40 - Est-ce que c'est le mot qui n'a pas été prononcé depuis tout à l'heure ?
09:42 Vous espérez mais vous n'y croyez pas.
09:44 - Il n'y avait plus de processus.
09:46 - Mais quelle est l'influence de la France, Hubert Védrine ?
09:48 - J'espère que si il y a un processus, on pourra être utile dans le processus.
09:50 - C'est une phrase à minima.
09:52 - Oui mais on part de zéro là.
09:54 De zéro dans le processus, je veux dire.
09:56 - Mais notre rôle, c'est zéro aussi ?
09:58 - Non mais le rôle de tout le monde.
10:00 - La France.
10:02 La France était une puissance d'équilibre.
10:04 - Qu'est-ce qui a influencé Netanyahou depuis 15 ans ?
10:06 Regardez les mémoires d'Obama.
10:08 Il passe 30 pages à expliquer pourquoi il faudrait y faire et pourquoi il ne peut rien faire.
10:12 Donc c'est né en termes de redémarrage.