• il y a 9 mois
Le point sur la coopérative bancaire La Nef, pionnière de la finance éthique et transparente. Avec son mouvement « Big Banque », elle espère devenir la première banque éthique indépendante en s’émancipant de la tutelle du Crédit Coopératif. L’occasion de parler du fonctionnement d’une banque éthique, de la notion d’argent en « circuit court » ou encore de l’importance de savoir ce que son argent finance.

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00:00 [Musique]
00:06 L'invité de Smart Impact c'est Yvan Chaley, bonjour.
00:09 Bonjour.
00:09 Bienvenue, vous êtes le directeur général de l'ANEF qui existe depuis 1988.
00:14 Est-ce qu'elle est née déjà avec cette idée d'une banque différente ?
00:18 Oui tout à fait, les fondateurs de l'ANEF à l'époque ont souhaité créer une banque différente
00:25 du fait de notamment il y avait eu les chocs pétroliers, il commençait à y avoir une financiarisation très forte,
00:31 une libéralisation très forte de l'économie et de la finance.
00:34 Et à ce moment-là effectivement les fondateurs ont souhaité faire quelque chose qui est encore un peu notre mantra aujourd'hui,
00:41 c'est faire en sorte que l'argent revienne à sa juste place, c'est-à-dire soit un outil de lien entre les hommes et les femmes et pas une fin en soi.
00:48 Et c'est ça qui a présidé à la création de l'ANEF.
00:50 Est-ce que les enjeux environnementaux et sociétaux et notamment environnementaux étaient déjà là ? Parce que 88...
00:57 Alors c'est une excellente question, certains oui évidemment, puisque nous avons par exemple depuis le début accompagné tout ce qui est lié à la filière biologique,
01:05 l'agriculture biologique, la transformation, la distribution, c'était encore des embryons de sociétés civiles, de consommation, d'agriculteurs de circuit court,
01:13 ça c'était déjà très en vogue et il a fallu par exemple attendre une bonne dizaine d'années avant que les énergies renouvelables qu'on a financées dès la fin des années 90,
01:21 là elles n'étaient pas forcément là à la fin des années 80 et ça s'est développé à ce moment-là.
01:25 Puis le commerce équitable au début des années 2000, enfin voilà on a accompagné ces mouvements d'alternatives au fur et à mesure.
01:33 Vous parlez d'une banque en circuit court, j'avoue humblement que je ne connaissais pas l'expression, ça veut dire quoi ?
01:37 Alors c'est finalement très simple, c'est-à-dire que l'avantage de l'ANEF c'est que même un non financier peut comprendre son bilan.
01:44 Et c'est ça qui fait que le circuit court est explicable, c'est que nous avons un bilan aujourd'hui d'un milliard d'euros,
01:49 et ce milliard d'euros il est composé uniquement au passif, c'est-à-dire du côté des ressources, de l'épargne que l'on collecte auprès de nos clients et de nos sociétaires,
01:57 de la coopérative, et cette épargne sert uniquement à une seule chose, c'est à faire du crédit.
02:03 C'est la mission originelle de la banque finalement que l'on fait vivre à l'ANEF, et il y a aujourd'hui 75% de cette épargne qui est utilisée en crédit,
02:11 et le reste est en trésorerie le temps que ce soit utilisé en crédit.
02:14 Donc c'est finalement un circuit court de l'argent, on ne prête que ce qu'on collecte.
02:17 D'accord, c'est super simple effectivement, même moi j'ai compris, vous imaginez quelques chiffres, l'ANEF je l'ai dit existe depuis 88, 120 salariés,
02:24 vous venez de nous dire un milliard d'euros de bilan, et vous venez de nous le dire aussi 750 millions d'euros dans cours de crédit,
02:30 tout ça se reconnecte, 10 000 prêts accordés depuis la création de l'ANEF.
02:36 Alors en préparant l'émission j'ai trouvé comme ça, il y a des marques quand même, des success stories, accompagnés par l'ANEF,
02:42 Biocop, la marque de basket Veja, les tablettes de chocolat et café éthicable qu'on a reçues ici également,
02:48 ou le fournisseur d'énergie verte Enercop, quel est leur poids commun ? Est-ce qu'ils ont un modèle économique qui correspond finalement à vos valeurs ?
02:56 Eh bien disons que l'ANEF comme je vous le disais c'est vraiment un outil et donc finalement elle est là pour répondre à des besoins qu'il y a dans l'écosystème de l'économie sociale et solidaire.
03:06 Et finalement en 2003 quand Ethicable vient nous voir, ou en 2004 Veja au moment de la création vient nous voir,
03:13 eh bien ce sont des structures qui à un moment ont envie de fonctionner en mouvement coopératif, ont envie de fonctionner avec une idée de commerce équitable,
03:21 ont envie de travailler à une reconnaissance de la partie production et aussi du consommateur,
03:29 et finalement ils viennent voir une banque qui a à peu près les mêmes valeurs et donc on les a accompagnés depuis la création.
03:35 Vous parliez aussi de Biocop, ils se sont créés en 86, nous en 88, c'est-à-dire qu'on a grandi ensemble et voilà, on les accompagne, c'est vraiment la banque de ces mouvements.
03:43 Donc évidemment on parle de l'économie sociale et solidaire mais est-ce que vous regardez quand même leur rentabilité potentielle,
03:50 c'est-à-dire que c'est intéressant, on pourrait se dire de toute façon on finance et puis voilà, sauf que est-ce que vous vous dites non il faut qu'on finance
03:56 des idées, des entreprises qui vont être les plus efficaces parce que finalement leurs solutions elles vont pouvoir se diffuser au plus grand nombre.
04:04 Oui oui alors effectivement d'abord ce que l'on regarde effectivement c'est qu'avant de s'occuper de la rentabilité économique on s'occupe des critères éthiques,
04:10 c'est-à-dire qu'une entreprise aussi belle soit-elle au niveau de son équilibre économique, si elle ne rentre pas dans des critères écologiques, sociaux ou culturels,
04:17 on ne la financera pas, donc c'est vraiment le premier point. Et ensuite évidemment comme c'est bien l'épargne de nos clients et sociétaires que nous engageons,
04:25 ce n'est pas notre argent, à la NEF c'est bien l'argent de tous les citoyens, et bien on est obligé de regarder que ces entreprises soient rentables.
04:30 Et il s'avère que non seulement ces entreprises, vous parliez de Biocop, Ethical, Veja, ils existent maintenant depuis 20 à 30 ans,
04:37 ils ont montré qu'ils avaient une capacité à être dans une forme de résilience face à des crises et dans une forme de croissance,
04:43 mais une croissance dans le bon sens du terme, c'est-à-dire une croissance de l'activité mais avec toujours un engagement et des valeurs très fortes,
04:50 et donc ça prouve que ces modèles-là sont tout à fait viables avec des engagements forts dès le départ.
04:55 Vous appelez à rejoindre le mouvement Big Bang, de quoi s'agit-il ?
05:00 Oui, on a un petit lien avec le Big Bang qui était évidemment le moment où tout a explosé, tout a commencé,
05:09 et la NEF est un peu jeune finalement, elle a presque 40 ans d'histoire, mais on peut dire qu'elle est assez jeune
05:16 puisqu'elle est à la veille d'être la première banque éthique autonome et indépendante en France.
05:22 Il faut peut-être expliquer pourquoi vous dépendez du crédit coopératif aujourd'hui ?
05:26 On ne dépend pas d'eux parce qu'on est une coopérative, une entité tout à fait indépendante,
05:30 mais les régulateurs français estiment qu'une petite banque toute seule dans le paysage bancaire, ça peut faire un petit peu tâche,
05:37 et donc il y a besoin d'avoir en quelque sorte un garant, une caution au cas où une petite banque comme la NEF fasse faillite ou ait du mal à faire face à ses engagements.
05:45 Et donc effectivement depuis 1988, c'est auprès du crédit coopératif que nous avons cette garantie qui n'a jamais été actionnée.
05:51 Vous souhaitez vous en émanciper d'une certaine façon ?
05:54 Exactement. Et donc aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui la NEF a grandi, c'est-à-dire que quand on a commencé en 1988,
06:00 il y avait 600 sociétaires, on faisait quelques dizaines de prêts dans une année, c'était presque une association qui se transformait un petit peu.
06:07 Aujourd'hui, on est une banque d'un milliard d'euros de bilan, on a presque 100 000 clients, on a beaucoup d'ambition,
06:11 beaucoup de projets qu'on a envie de porter et on a envie de les porter de façon autonome et indépendante,
06:16 et c'est ce que nos sociétaires ont décidé en Assemblée Générale.
06:19 Je referme cette parenthèse, Big Bank alors, c'est quel mouvement ?
06:22 C'est tout simplement le "accompagnez-nous pour que cette banque éthique, autonome et indépendante existe".
06:28 Rejoignez-nous, nous nouveaux épargnants, nous nouveaux sociétaires.
06:32 Tout à fait, nouveaux épargnants, nouveaux sociétaires. On a besoin de faire croître notre capital, comme vous vous en doutez,
06:36 les fonds propres c'est le socle de base de n'importe quelle entreprise, mais encore plus d'une coopérative.
06:41 Et plus nous serons solides, plus les régulateurs verront d'un bon oeil le fait qu'une banque comme la NEF puisse exister en toute autonomie.
06:50 Donc c'est "rejoignez-nous".
06:52 Voilà, le message est passé. Sur l'année 2022, 571 projets financés, près de 240 millions d'euros prêtés,
07:01 notamment dans la filière bio, 248 projets et 37 quasiment millions d'euros.
07:06 Je voudrais qu'on prenne un peu de temps pour parler de cette filière bio qui souffre, qui est quand même en réelle souffrance aujourd'hui.
07:13 On y a consacré plusieurs interviews, plusieurs débats ici.
07:17 Comment vous l'analysez ? Les consommateurs sont en train de s'en détourner. C'est quoi votre analyse de ce mauvais moment ?
07:25 Alors effectivement, déjà vous avez bien fait de le mentionner, on a toujours été très très enclin à soutenir, à financer la filière bio.
07:33 Et en 2023, parce que vous sortiez les chiffres effectivement de 2022, en 2023 on a fait beaucoup moins de crédits à cette filière,
07:39 mais beaucoup plus d'accompagnement parce que des difficultés face aux échéances de remboursement de nos clients.
07:45 Donc on a été très présent auprès de ces acteurs, on a essayé en tout cas le plus possible de l'être.
07:50 D'après nous, c'est vraiment multifactoriel. Je pense que certains se disent que c'est l'inflation, d'autres se disent que c'est la sortie du Covid,
07:59 d'autres encore qu'il y a trop de labels, on a du mal à s'y retrouver.
08:04 D'autres qui opposent le circuit court et le local au bio, alors que finalement le bio est celui qui promeut le plus finalement de circuits courts et de projets locaux.
08:14 Nous ce qu'on a pu constater, et là je vais parler plus avec la casquette de financeurs, c'est qu'il y a eu une très forte croissance,
08:20 notamment dans la distribution, qui a du coup porté la transformation et la production agricole.
08:25 Et cette forte croissance a amené beaucoup d'investissements à la fin entre 2015 et 2020.
08:30 Et finalement le Covid a été un moment où les choses se sont un petit peu arrêtées, et au moment où les entreprises étaient en plein développement et en plein investissement.
08:37 Le moment où il faut rentabiliser l'investissement, amortir l'investissement a été un peu dur et donc ça repart doucement, mais c'est sûrement une des explications.
08:45 Donc vous êtes plutôt optimiste en disant qu'on est dans un trou d'air conjoncturel ?
08:50 Tout à fait.
08:51 C'est votre conviction ?
08:52 Oui, tout à fait.
08:53 Allez, il nous reste une minute, je voudrais qu'on parle quand même, vous leur avez lancé un appel avec Big Bank, mais de ces épargnants solidaires.
08:59 7600 nouveaux épargnants en 2022, ça a été la même chose en 2023, encore un peu plus ?
09:05 C'était un peu plus de 8000 en 2023, donc on a atteint un peu plus de 80 000 clients aujourd'hui, et dont la moitié sont sociétaires.
09:11 Est-ce qu'ils acceptent de réduire, de partager leurs intérêts ? J'imagine que s'ils sont là, c'est parce que la rentabilité n'est pas le premier critère qu'ils recherchent.
09:20 Tout à fait. La rentabilité de nos produits d'épargne, on peut toujours trouver mieux ou mieux ailleurs.
09:26 Ce qu'on leur propose, c'est effectivement, comme on est le seul établissement qui est totalement transparent, on leur propose, quand ils placent de l'argent chez nous,
09:33 de choisir l'orientation qu'ils veulent donner à leur épargne, et à la fin de l'année, systématiquement, chaque année, on publie la liste intégrale des prêts qu'on a financés,
09:41 le nom des personnes, le montant qu'on a prêté, à quel endroit c'est et pourquoi.
09:44 C'est de leur dire, votre argent, peut-être qu'il n'a été rémunéré qu'à 1% et à côté, c'est 3%, sauf que vous avez cette plus-value extra financière qui est assez incroyable.
09:53 On en fait des consom-acteurs, finalement. Ils peuvent voir qu'en bas de chez eux, c'est dans leur coopérative qu'il y a des choses qui ont été financées.
09:58 Ils peuvent être des consom-acteurs en plus d'être des épargnants responsables.
10:02 Merci beaucoup, Yvan Chalahi. A bientôt sur Vismart. On passe à notre débat. On va parler encore d'économie sociale et solidaire, l'avenir des startups et des PME du secteur.

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