Marie Portolano reçoit Pauline Déroulède, championne de tennis fauteuil, et qui se bat pour imposer une visite médicale tous les 15 ans à tous ceux qui ont le permis de conduire en Europe.
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00:00 Bonjour Pauline Dahouled, merci beaucoup d'être avec nous.
00:02 Demain vous serez au Parlement européen pour défendre cette loi,
00:05 vérifier tout simplement que les gens sont encore aptes à conduire.
00:09 Et vous allez interpeller les députés avec votre histoire personnelle.
00:13 Le 27 octobre 2018, vous êtes fauchée par une voiture,
00:15 le conducteur a 92 ans, il perd le contrôle de son véhicule.
00:19 Racontez-nous.
00:20 Oui effectivement, il y a cinq ans ma vie a été complètement chamboulée.
00:24 Plus que ça, même puisque j'ai été victime d'un accident,
00:27 j'étais sur un trottoir, un endroit où on est censé se trouver en sécurité,
00:30 et j'ai été fauchée, on était trois ce jour-là, par un automobiliste très âgé
00:34 qui a perdu le contrôle de sa voiture, qui appuyait sur l'accélérateur au lieu du frein.
00:38 Et dans cet accident malheureusement, j'ai perdu ma jambe gauche sur le cou.
00:41 Alors moi ce qui m'a complètement hallucinée quand j'ai préparé cette interview,
00:45 c'est que j'ai lu ça, quand vous vous réveillez de l'opération,
00:48 vous êtes encore embrumée par les médicaments,
00:51 et vous dites à vos proches "je ferai les Jeux paralympiques de Paris en 2024".
00:55 Est-ce que c'est vrai ça ?
00:56 C'est vrai, c'est vrai, c'est pas un mythe, c'est vrai.
00:58 Je pense un peu portée par les médicaments et aussi la joie d'être en vie, je pense.
01:05 J'avais mes proches autour de moi, ils étaient très inquiets,
01:07 et je voulais les rassurer, je voulais leur dire que j'étais peut-être malgré tout la même encore.
01:11 Et je leur ai dit "vous inquiétez pas, je vais faire les Jeux paralympiques de Paris en 2024".
01:14 C'est devenu à partir de ce moment-là un objectif pour survivre d'abord et revivre ensuite.
01:20 Et le sport a été pour moi le meilleur outil de reconstruction et au plus haut niveau,
01:23 puisque effectivement je prépare désormais les Jeux de cet été.
01:27 Et vous attendez le juin, c'est ça, pour être qualifiée, pour savoir si vous êtes qualifiée ou pas ?
01:29 Il faut être dans le top 25 mondial, actuellement je suis 13e, donc on continue.
01:34 Vous êtes pas mal là.
01:35 Vous avez rencontré la personne qui a perdu le contrôle de sa voiture et qui a provoqué cet accident.
01:41 Vous l'avez rencontrée en visio, parce que je crois qu'il n'a pas accepté de vous rencontrer en personne.
01:45 Qu'est-ce que ça vous a provoqué de le rencontrer, de lui parler ?
01:48 Est-ce que ça vous a aidé dans votre processus de déraison ?
01:52 Clairement, il y a eu un avant et un après.
01:54 J'ai provoqué cette rencontre dans le cadre de ce qu'on appelle la justice restaurative.
01:57 On en a beaucoup entendu parler, notamment avec le film de Jeanne-Henri, "Je verrai toujours vos visages".
02:02 Et c'était important pour moi de savoir à qui j'avais affaire, de comprendre ce profil de conducteur.
02:08 Et effectivement, j'ai vu dans moi un monsieur anéanti par ce qu'il avait fait,
02:12 qui savait qu'il n'était plus capable.
02:13 Il le reconnaissait lui-même, il repoussait les chances.
02:15 Il vous a dit "je suis un meurtrier, je suis une...".
02:19 Oui, à un moment donné, c'était l'unaire.
02:20 C'est vous qui l'avez rassuré, en fait.
02:21 Je l'ai conforté, ça aurait pu être mon grand-père.
02:24 Et voilà, il était meurtri par ce qu'il avait fait.
02:26 Je suis un assassin et j'ai fini par lui dire "non, je ne suis pas morte".
02:30 En revanche, il y a des mots de sa part qui résonnent encore en moi,
02:33 où il m'a dit "bien sûr, s'il y avait une loi, je l'aurais respectée".
02:37 Et ça, c'est vrai que ça m'a conforté dans l'idée du combat que je mène de sécurité routière,
02:41 pour qu'on repasse des visites médicales obligatoires au cours de notre vie.
02:45 Parce qu'aujourd'hui encore, dans notre pays, on a le permis de conduire à vie et c'est insensé, finalement.
02:49 Alors justement, ce que vous proposez, c'est mettre fin à ce permis à vie
02:52 en obligeant les conducteurs à faire des contrôles techniques d'eux-mêmes.
02:56 C'est ce que vous dites, vous dites "on fait des contrôles techniques des voitures, mais pas des personnes".
02:59 Est-ce que tout le monde serait concerné ?
03:01 Ou seulement les personnes âgées ?
03:03 Alors moi, j'ai toujours défendu l'idée qu'il ne fallait certainement pas stigmatiser les personnes âgées.
03:07 Bien sûr, là, je fais partie des facteurs qui altèrent les capacités cognitives, physiques, sensorielles.
03:12 Ce n'est pas un gros mot de le dire, mais une personne de 50 ans qui n'est pas vieille,
03:16 du coup, peut tout à fait avoir des facultés diminuées par une maladie dégénérative.
03:20 Donc c'est pour ça qu'il faut contrôler tout le monde, on n'est pas tous égaux.
03:23 Mais je défends aussi, malgré tout, l'idée qu'il faut une fréquence plurigulière à partir d'un certain âge.
03:28 Et évidemment, je pense que ces visites médicales,
03:30 elles doivent aller de pair avec un vrai dispositif de solution alternative de mobilité.
03:34 Aujourd'hui, il y a des gens qui habitent dans des milieux ruraux très isolés,
03:37 qui n'ont que la voiture pour se déplacer.
03:39 Et ça, c'est très important de s'en inquiéter et de leur proposer autre chose
03:43 pour continuer à garder une certaine liberté et un lien social.
03:46 Mais alors, qui ferait les visites médicales ? C'est quoi ? C'est un généraliste ?
03:49 On va chez le généraliste, on fait la visite médicale, on dit "oui, vous avez une bonne vue, vous avez..." ?
03:53 C'est comme ça ?
03:54 Alors ça, c'est encore des modalités, je dois dire, qui doivent être déterminées.
03:58 Effectivement, on a des médecins généralistes qui seraient capables de poser un diagnostic.
04:02 On a aussi des médecins agréés à l'aptitude à la conduite,
04:05 qui aujourd'hui sont spécialisés dans la détection de réflexes manquants, par exemple.
04:11 En tout cas, c'est un dispositif assez lourd, conséquent,
04:14 mais on a des médecins qui sont capables de poser un diagnostic.
04:17 Et alors, pourquoi vous vous tournez vers le Parlement européen ?
04:20 En France, c'est compliqué, si j'ai bien compris ?
04:22 Écoutez, moi, ça fait cinq ans que je mène ce combat.
04:24 J'ai compris effectivement que toucher à la voiture, c'est sacré en France.
04:28 La voiture représente un bien très important pour les Français.
04:33 Et aussi, on touche à un électorat, donc les personnalités politiques...
04:37 Clément Bonne notamment, il s'est dit défavorable à Hôtesses médicales.
04:40 Christophe Castaner, que vous avez rencontré, est réticent également.
04:43 Alors non, Christophe Castaner, en fait, ils sont tous d'accord en off
04:46 pour dire qu'il faut entourer, en tout cas mettre un cadre autour de ce permis de conduire,
04:51 qu'aujourd'hui, ça repose sur la responsabilité individuelle et des familles.
04:54 Et c'est parfois très, très compliqué, c'est culpabilisant pour les familles.
04:58 Cela dit, c'est vrai qu'on touche, encore une fois, à un sujet très touchy.
05:03 Et c'est pour ça que moi, j'ai eu l'occasion, j'ai été sollicitée par Karima Dehli,
05:05 l'eurodéputée, qui est rapporteuse du texte au Parlement européen.
05:09 Et donc, effectivement, à ses côtés, je vais défendre ce projet,
05:12 parce que si ça passe au niveau européen, la France aura deux ans
05:15 pour mettre en application cette mesure de visite médicale obligatoire.
05:18 Oui, parce que des examens médicaux pour les conducteurs,
05:20 il y en a un peu partout en Europe.
05:21 On a vu qu'il y en avait en Italie, au Portugal, au Danemark, en Espagne, en Grèce.
05:25 Pourquoi vous pensez que, bon, vous dites, la voiture, c'est un objet,
05:28 mais c'est un objet partout en Europe.
05:29 Pourquoi c'est en France ? On est en retard là-dessus ?
05:33 On a un rapport sacré, encore une fois, avec la voiture.
05:36 On l'a vu avec, à l'époque, le port de la ceinture obligatoire,
05:39 qui a fait tout le monde râler, quand on a touché aux 80 km/h.
05:42 À chaque fois, les Français ont l'impression qu'on va les priver de quelque chose.
05:46 Et je peux les comprendre, parce que la voiture,
05:48 c'est quand même une certaine autonomie, une certaine liberté.
05:51 Et moi, je suis là aussi pour rassurer les gens, pour leur dire,
05:53 le but, ce n'est pas de passer des visites pour supprimer le permis
05:56 de personnes qui seraient capables de conduire.
05:58 C'est vraiment de protéger tous les utilisés.
06:00 Même eux-mêmes ?
06:02 Exactement. Et moi, je dis souvent, le conducteur,
06:04 si le conducteur qui m'avait fauché avait passé une visite médicale,
06:07 j'aurais encore ma jambe, comme tous les autres drames qui sont survenus après.
06:10 Ces drames-là auraient pu être évités si une seule personne avait arrêté de conduire.
06:13 Ça vaut le coup.
06:14 Alors, il y a des gens qui ne sont pas d'accord.
06:15 Il y a une pétition contre le projet de loi qui a récolté plus de 420 000 signatures.
06:19 Pourtant, 59 % des Français se disent favorables.
06:22 Ça change dans le bon sens, quand même.
06:24 Moi, j'ai toujours pensé que les Français étaient prêts à accueillir une mesure de la sorte.
06:27 Encore une fois, il faut l'expliquer de manière pédagogique.
06:31 C'est une prévention, mais avec un caractère obligatoire,
06:33 parce qu'on l'a vu que, sur la base du bénévolat,
06:36 d'aller voir un médecin de soi-même, c'est compliqué.
06:38 Et c'est humain, je peux le reconnaître.
06:40 Et c'est très compliqué, encore une fois, pour les proches qui se retrouvent impuissants
06:43 face à une personne qui a du mal à arrêter de conduire.
06:47 Donc voilà, moi, je pense que les Français ont pris la bonne décision.
06:50 Et voilà, l'argumentaire des opposants, il est un petit peu léger,
06:53 parce qu'à part dire "on veut nous supprimer le permis qui est un droit acquis",
06:57 ben non, ce n'est pas un droit acquis à partir du moment où ça met la vie en danger d'autrui et la sienne.
07:02 C'est un contrôle technique.
07:04 Même si on n'est pas des robots.
07:05 On n'est pas des robots, mais comme ça, au moins, on est sûrs qu'on peut et qu'on est aptes à conduire.
07:09 Merci beaucoup, Pauline Diavolet, d'avoir été avec nous.
07:11 Il y a deux grandes dates pour vous, demain au Parlement européen et le 28 août.
07:15 Le 28 février.
07:17 Ah oui, vous parlez des Jeux Paralympiques.
07:20 Des Jeux le 28 août, ouverture des Jeux Paralympiques.
07:23 On espère vous voir sur France Télévisions pour défendre la France.
07:26 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
07:27 On va vous voir et on va vous soutenir.
07:29 Merci beaucoup, Pauline.