Meilleurs moments de la 49e cérémonie des César 2024
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00:00 (Applaudissements)
00:07 Merci.
00:08 (...)
00:26 Merci beaucoup.
00:27 (...)
00:38 Bonsoir.
00:39 (Soupir)
00:43 C'est compliqué de me retrouver devant vous tous ce soir.
00:46 Vous êtes si nombreux.
00:48 Mais dans le fond, j'imagine qu'il fallait que ça arrive.
00:51 Nos visages, face à face, les yeux dans les yeux.
00:56 Beaucoup d'autres de vous m'ont vu grandir.
00:59 C'est impressionnant, ça marque.
01:01 Dans le fond, moi, j'ai rien connu d'autre que le cinéma.
01:05 Alors, pour me rassurer, en chemin, je me suis inventé une petite berceuse.
01:10 Mes bras serrés, c'est vous, toutes les petites filles dans le silence.
01:16 Mon cou, ma nuque penchée, c'est vous, tous les enfants dans le silence.
01:21 Mes jambes bancales, c'est vous, les jeunes hommes qui n'ont pas pu se défendre.
01:28 Ma bouche tremblante, mais qui sourit aussi, c'est vous, mes sœurs inconnues.
01:34 Après tout, moi aussi, je suis une foule.
01:38 Une foule face à vous.
01:41 Une foule qui vous regarde dans les yeux ce soir.
01:44 (Soupir)
01:49 C'est un drôle de moment pour nous, non ?
01:52 Une revenante des Amériques qui vient donner des coups de pied dans la porte blindée.
01:56 Qui l'a cru ?
01:58 Depuis quelque temps, la parole se délie.
02:00 L'image de nos pères idéalisée s'écorche.
02:03 Le pouvoir semble presque tangué.
02:06 Serait-il possible que nous puissions regarder la vérité en face ?
02:10 Prendre nos responsabilités ?
02:12 Être les acteurs, les actrices d'un univers qui se remet en question ?
02:17 Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas.
02:22 Ou à peine ?
02:24 Où êtes-vous ?
02:25 Que dites-vous ?
02:27 Un chuchotement, un demi-mot.
02:30 « Ça serait déjà ça », dit le petit chaperon rouge.
02:35 Je sais que ça fait peur.
02:37 Perdre des subventions, perdre des rôles, perdre son travail.
02:40 Moi aussi, moi aussi j'ai peur.
02:43 J'ai arrêté l'école à 15 ans, j'ai pas le bac, rien.
02:46 C'est compliqué d'être blacklisté de tout.
02:48 Ça serait pas drôle.
02:50 Errer dans les rues de Paris dans mon costume de hamster,
02:53 me rêvant une « icon of French cinema ».
02:57 Dans ma rébellion, je pensais à ces termes qu'on utilise sur un plateau.
03:02 « Silence », « moteur demandé ».
03:05 Ça fait maintenant 30 ans que le silence est mon moteur.
03:09 J'imagine pourtant l'incroyable mélodie que nous pourrions composer ensemble,
03:13 faite de vérité.
03:15 Ça serait pas mal, je vous promets.
03:17 Juste une égratignure sur la carcasse de notre curieuse famille.
03:21 C'est tellement rien comparé à un coup de poing dans le nez,
03:24 à une enfant prise d'assaut comme une ville assiégée
03:27 par un adulte tout-puissant sous le regard silencieux d'une équipe,
03:31 à un réalisateur qui, tout en chuchotant,
03:34 m'entraîne sur son lit sous prétexte de devoir comprendre
03:37 qui je suis vraiment.
03:39 C'est tellement rien comparé à 45 prises
03:42 avec deux mains dégueulasses sur mes seins de 15 ans.
03:46 Le cinéma est fait de notre désir de vérité.
03:50 Les films nous regardent autant que nous les regardons.
03:54 Il est également fait de notre besoin d'humanité, non ?
03:58 Alors pourquoi ?
04:00 Pourquoi accepter que cet art que nous aimons tant,
04:02 cet art qui nous lie,
04:04 soit utilisé comme une couverture pour un trafic illicite de jeunes filles ?
04:09 Parce que vous savez, cette solitude, c'est la mienne,
04:11 mais c'est également celle de milliers dans notre société.
04:14 Et elle est entre vos mains.
04:16 Nous sommes sur le devant de la scène, à l'aube d'un jour nouveau.
04:19 Nous pouvons décider que des hommes accusés de viol
04:22 ne puissent pas faire la puée et le beau temps dans le cinéma.
04:25 Ça, ça donne le ton, comme on dit.
04:28 On ne peut pas ignorer la vérité,
04:30 parce qu'il ne s'agit pas de notre enfant, de notre fils, de notre fille.
04:33 On ne peut pas être à un tel niveau d'impunité, de déni et de privilège
04:37 qui fait que la morale nous passe par-dessus la tête.
04:40 Nous devons donner l'exemple, nous aussi.
04:43 Ne croyez pas que je vous parle de mon passé,
04:47 de mon passé qui ne passe pas.
04:50 Mon passé, c'est aussi le présent des 2000 personnes
04:53 qui m'ont envoyé leurs témoignages en 4 jours.
04:56 C'est aussi l'avenir de tous ceux
04:58 qui n'ont pas encore eu la force de devenir leurs propres témoins.
05:02 Vous savez, pour se croire, faut-il encore être cru ?
05:06 Le monde nous regarde, nous voyageons avec nos films,
05:10 nous avons la chance d'être dans un pays
05:13 où il paraît que la liberté existe.
05:16 Alors, avec la même force morale que nous utilisons pour créer,
05:20 ayons le courage de dire tout haut ce que nous savons tout bas.
05:24 N'incarnons pas des héroïnes à l'écran
05:26 pour nous retrouver cachés dans les bois, dans la vraie vie.
05:29 Nous avons la chance de vivre dans un pays
05:32 où nous avons la liberté.
05:34 N'incarnons pas des héroïnes à l'écran
05:36 pour nous retrouver cachés dans les bois, dans la vraie vie.
05:39 N'incarnons pas des héros révolutionnaires ou humanistes
05:42 pour nous veiller le matin
05:44 en sachant qu'un réalisateur a abusé une jeune actrice
05:47 et ne rien dire.
05:49 Merci de m'avoir donné la possibilité
05:56 de mettre ma cape ce soir et de vous envahir un peu.
06:00 Il faut se méfier des petites filles.
06:03 Elles se cognent, elles se blessent, mais elles rebondissent.
06:07 Les petites filles sont des punks
06:10 qui reviennent déguisées en hamsters.
06:13 Et pour rêver à une possible révolution,
06:16 elles aiment se repasser ce dialogue
06:19 de Céline et Julie vont en bateau.
06:22 Céline, il était une fois.
06:26 Julie, il était deux fois.
06:29 Il était trois fois.
06:31 Céline, il était que cette fois,
06:34 ça ne se passera pas comme ça, pas comme les autres fois.
06:38 Merci.
06:41 (Applaudissements)
06:46 (...)
06:50 (...)
06:54 (...)
06:58 (...)
07:02 (...)
07:06 (...)
07:10 (...)
07:13 (...)