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Le Président du Parlement francophone bruxellois, député régional et conseiller communal à Ganshoren - Kalvin Soiresse - était notre invité dans le Carrefour de l'info pour aborder la question de la décolonisation

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Transcription
00:00 [Générique]
00:07 Bonjour, bonjour à tous. Tout de suite les principaux titres de votre Carrefour de l'information.
00:11 Notre invité aujourd'hui, Calvin Soares, écolo, le président du Parlement francophone bruxellois,
00:17 député au Parlement de la région de Bruxelles-Capital et conseiller communal à Gansauren.
00:21 Calvin Soares qui a beaucoup travaillé et qui travaille encore sur le thème de la décolonisation.
00:27 Il sera notre invité dans quelques instants.
00:29 La tempête Louis a frappé notre pays jeudi soir et cette nuit.
00:32 Bruxelles a été placée en alerte orange, au vent violent.
00:35 Au total, les pompiers sont intervenus 48 fois la nuit dernière.
00:40 À l'international, la guerre en Ukraine l'an 2.
00:42 La Russie se voit victorieuse à l'approche de ce deuxième anniversaire de la guerre en Ukraine,
00:47 ce 24 février, revue de presse tout à l'heure.
00:51 Et puis nous irons au Maghreb, notamment au Maroc, la grève des étudiants en médecine.
00:55 La voie du dialogue est fermée.
00:57 Le gouvernement se montre désormais très ferme vis-à-vis des étudiants en médecine gréviste.
01:02 Voilà pour l'essentiel du Carrefour de l'Info qui démarre tout de suite.
01:05 Et notre invité aujourd'hui, Calvin Soares-Ecolo, président du Parlement francophone bruxellois,
01:18 député au Parlement de la région de Bruxelles-Capital et conseiller communal à Gansauren.
01:22 Bonjour.
01:23 – Bonjour Tariq Babi.
01:24 – Merci d'être avec nous sur Arabel.
01:26 Alors, Calvin Soares, vous avez beaucoup travaillé,
01:29 vous travaillez encore autour de ce fameux thème de la décolonisation.
01:32 Et on va parler justement de la République démocratique du Congo.
01:35 Je vois que plusieurs personnalités publiques se sont insurgées,
01:38 ont été interpellées de la communauté internationale pour, je lis,
01:41 dénoncer le silence, la passivité, mais aussi sa part de responsabilité dans cette guerre sans fin.
01:47 Vous estimez, Calvin Soares, que la situation au Congo
01:51 passe trop souvent sous les radars des politiques et des médias occidentaux.
01:55 – Effectivement, vous avez vu ce geste,
01:57 qui fait remontrer un peu, disons, ce qui se passe là.
02:02 Le silence qui est fait par rapport à cette population qui résiste depuis plus de 30 ans.
02:08 Cela fait 30 ans que la population du Kivu résiste au massacre.
02:13 Cela fait 30 ans que cette population résiste au viol des femmes, au viol atroce.
02:17 Cela fait 30 ans que des enfants sont tués, sont massacrés,
02:22 dans quasiment l'indifférence générale.
02:25 Et je pense qu'aujourd'hui, il est temps de se mobiliser.
02:29 C'est pour cela qu'il y a cette manifestation demain,
02:33 auxquelles j'appelle clairement toutes les Bruxelloises,
02:35 tous les Bruxellois et tous les Belges à participer.
02:38 Parce que ce qui se passe au Congo, c'est aussi la négation de l'humanité.
02:43 C'est tout aussi grave que ce qui se passe en Ukraine.
02:46 C'est tout aussi grave que ce qui se passe en Palestine.
02:49 Et il faut le rappeler, partout où la colonisation passe,
02:53 partout où le néocolonialisme passe,
02:56 c'est la négation de l'humanité qui prend le dessus.
02:59 Et nous ne devons pas laisser passer ce qui se déroule là-bas,
03:05 parce que cela fait très longtemps que l'on alerte les pays africains,
03:10 mais aussi au niveau international, pour qu'il y ait des solutions pérennes.
03:16 Et c'est pour cela que nous devons élever nos voix aujourd'hui,
03:19 pour qu'il n'y ait pas de double standard.
03:21 Il ne peut pas y avoir de double standard dans la lutte
03:24 en ce qui concerne la négation de l'humanité,
03:26 c'est-à-dire en ce qui concerne les massacres.
03:28 Aujourd'hui, dans ce pays, il y a un risque de nettoyage ethnique,
03:33 il y a un risque de génocide.
03:35 Vous savez, nous, on a été fortement marqués,
03:38 en tant que personnes d'origine africaine, par le génocide des Tutsis
03:41 et les massacres des Hutus, qui n'étaient pas d'accord avec ce génocide.
03:44 Au Rwanda, aujourd'hui, tous les signaux sont rouges,
03:49 et il y a une rébellion qui prospère,
03:52 et qui revient, on va dire, tous les 5 ans, tous les 10 ans,
03:56 et commet les mêmes atrocités.
03:58 Et il est temps aujourd'hui que les bandes armées qui écument la région,
04:02 qu'on puisse les neutraliser, et qu'on puisse épargner les vies
04:06 des femmes et des enfants qui sont atrocement tuées.
04:08 – Alors, vous avez évoqué un événement demain,
04:10 on y reviendra tout à l'heure, si vous le voulez bien.
04:13 Calvin Soares, vous vous intéressez aussi à la transition énergétique
04:17 et au développement du numérique,
04:19 un secteur où dominent les convoitises et les violences,
04:21 et là aussi, on parle peu ou pas du tout, c'est votre sentiment ?
04:26 – Oui, effectivement, alors, il y a un élément,
04:29 il faut qu'on règle le problème à la source.
04:32 Quand on parle de ces viols, quand on parle de cette huilerie,
04:34 il faut savoir qu'aujourd'hui, le Congo est devenu la convoitise du monde entier.
04:39 On y trouve les puissances de tous les continents.
04:43 On y trouve les puissances occidentales, en tant qu'État.
04:47 On y trouve aussi les puissances asiatiques, on n'en parle pas beaucoup,
04:51 la Chine, l'Inde, etc.
04:53 On y trouve les puissances américaines, les États-Unis,
04:56 et aussi certains pays africains, il faut le rappeler,
05:00 qui ne jouent pas le jeu de cette solidarité panafricaine
05:03 qui doit être de mise en ce qui concerne le Congo,
05:06 parce que je le dis, aujourd'hui, le Congo est le cœur de l'Afrique,
05:12 sans un apaisement, mais aussi sans une émancipation de cet État,
05:18 l'Afrique ne s'en sortira pas.
05:19 Mais les solutions du Congo ne se feront pas sans les Africains.
05:23 Ce qui se passe aujourd'hui, c'est parce que l'extraction des minerais,
05:29 l'extraction des minerais est un véritable problème,
05:33 engendre des convoitises.
05:35 On a aujourd'hui dans ces minerais,
05:39 en ce qui concerne l'exploitation de ces minerais,
05:43 on a aujourd'hui toute une série de multinationales,
05:47 de bandes armées qui tuent, pillent,
05:50 et qui veulent dégager les populations,
05:53 mais aussi les contraindre à des travaux forcés
05:55 pour pouvoir exploiter ces matières premières
05:57 qui échappent à la souveraineté de l'État congolais.
06:01 Et il y a toute une série de mesures à prendre,
06:04 parce que, vous savez, les minerais qui nourrissent
06:09 notre transition énergétique ici,
06:11 notre transition numérique ici,
06:13 ne doivent pas causer autant de morts au Congo.
06:17 Et en Belgique, en Europe,
06:19 nous aurons besoin en 2030 de 5 fois plus de cobalt.
06:23 Vous savez, le cobalt, c'est cette ressource
06:26 qui est très importante pour nos GSM, pour nos tablettes,
06:30 mais aussi le coltan, le tantal, le lithium,
06:33 et d'autres ressources qui sont importantes
06:36 pour l'électrification du parc automobile.
06:38 Puisque, vous le savez, l'Europe doit absolument
06:41 électrifier, a émis des règles,
06:43 et en Belgique, il y a des objectifs qui sont poursuivis
06:46 pour lutter contre le dérèglement climatique,
06:50 le réchauffement climatique.
06:52 Il y a des règles qui sont mises en place,
06:55 et dans ces règles-là, on doit électrifier le parc automobile
06:58 pour en finir avec les véhicules thermiques.
07:00 Mais le problème, c'est que le cobalt,
07:04 c'est 60% des réserves mondiales en République démocratique du Congo.
07:08 Et donc, on a besoin du Congo pour cela.
07:10 Faut-il arrêter la transition numérique ?
07:12 Non. Faut-il arrêter l'électrification automobile ?
07:16 Non. Mais il faut freiner la consommation, par contre.
07:18 C'est-à-dire que plus on va consommer,
07:21 plus on va changer de véhicule, plus on va changer de GSM,
07:24 plus on va changer de tablettes,
07:27 toutes les années, tous les mois, par exemple,
07:30 et plus des gens mourront là-bas,
07:32 parce que les seigneurs de guerre ont besoin de vendre
07:35 ces matières premières à vil prix.
07:37 Et il faut aussi que l'État congolais puisse retrouver
07:41 la souveraineté pleine et entière sur tous ces éléments.
07:45 Et aujourd'hui, nous ne pouvons pas fermer les yeux,
07:47 parce que nous avons une responsabilité
07:50 dans le fait d'être responsables dans cette consommation.
07:53 Et nous avons une responsabilité, c'est celle aussi de dénoncer
07:56 les multinationales qui se livrent comme pour le diamant.
08:00 À l'époque, vous vous souvenez du film Blood Diamond,
08:03 qui dénonçait les diamants du sang.
08:05 Il y a des règles qui ont été mises en place,
08:07 nous devons travailler pour la mise en place de règles très claires,
08:11 pour la traçabilité de ces matières premières,
08:15 mais aussi pour empêcher que des multinationales
08:17 puissent se livrer à des commerces qui sont complètement illégaux.
08:19 – Vous dites aussi qu'il est nécessaire de contraindre
08:22 tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement
08:24 à respecter leurs obligations en matière de devoir de vigilance,
08:28 et justement, qu'entend-on par devoir de vigilance ?
08:30 – Le devoir de vigilance, si vous prenez le cas de l'Union européenne,
08:34 quand je prends le cas du diamant,
08:36 il y a eu des règles claires qui ont été adoptées
08:39 pour la traçabilité du commerce du diamant.
08:42 Aujourd'hui, les verts européens par exemple,
08:46 appellent à des règles très claires
08:49 en ce qui concerne la traçabilité des métaux,
08:51 qu'on appelle des métaux rares,
08:53 qui servent justement à la transition énergétique
08:55 et à la transition numérique.
08:57 Et donc, nous devons absolument avoir des règles
09:00 pour contraindre les multinationales à ne pas s'engager
09:04 dans des commerces illégaux au service de rébellion.
09:07 Parce que ce qui se passe là,
09:09 c'est une convoitise qui entraîne des guerres,
09:11 c'est une convoitise qui entraîne des dégâts en matière de massacre,
09:15 en matière de nettoyage ethnique
09:16 et en matière de déplacement de population.
09:19 Et donc, ces populations ont aussi le droit de vivre en paix,
09:22 et il ne faut pas oublier qu'au niveau écologique, c'est une catastrophe.
09:26 C'est une catastrophe, pourquoi ?
09:27 C'est une catastrophe parce que le cadre de vie des populations
09:30 est complètement dégradé.
09:31 Les nappes phréatiques, qui amènent de l'eau, sont polluées.
09:35 La question de la biodiversité,
09:38 la biodiversité est complètement dégradée
09:40 et les forêts primaires sont détruites.
09:43 Et on sait qu'aujourd'hui, le Congo,
09:48 en tout cas le bassin du Congo,
09:49 est le premier poumon de la planète,
09:51 puisque avec les incendies qui ont eu lieu dans l'Amazonie,
09:55 l'Amazonie a perdu son statut de premier poumon de la planète.
09:59 Nous avons absolument besoin de préserver le bassin du Congo
10:03 parce que c'est quelque chose de très important pour le monde entier.
10:06 C'est le poumon, le premier poumon de la planète.
10:09 Et à côté, on a des populations qui vaquent à leurs occupations,
10:14 l'agriculture, l'élevage, la pêche, etc.,
10:16 qui sont complètement bouleversées par ces guerres à répétition
10:20 qui n'arrêtent pas.
10:21 Et il faut le rappeler, je le disais,
10:23 les pays voisins ont une responsabilité.
10:27 Le Rwanda, l'Ouganda et d'autres pays ont une responsabilité
10:31 et il va falloir, à un moment donné,
10:33 qu'il y ait des discussions très claires.
10:35 Et c'est pour cela que moi, je considère que la Belgique a un rôle à jouer.
10:40 Au niveau diplomatique, la Belgique dirige l'Union européenne actuellement.
10:43 La Belgique est influente au niveau de l'Assemblée générale des Nations unies,
10:47 du Conseil de sécurité.
10:48 Je pense qu'on a besoin d'activer une coopération lorsque c'est nécessaire.
10:54 Lorsque ce n'est pas nécessaire, qu'on le fasse généralement.
10:58 Et donc aujourd'hui, on a besoin que cette guerre s'arrête
11:01 et que les moyens qui sont mis pour l'Ukraine
11:04 soient aussi qu'on active les mêmes moyens diplomatiques
11:07 pour la République démocratique du Congo.
11:09 Parce que comme je vous l'ai dit,
11:11 il y a des enjeux essentiels en matière de sauvegarde de la planète
11:16 qui se jouent au Congo et qui doivent attirer l'attention de tout un chacun.
11:21 – Alors Calvin Soares, je disais tout à l'heure que vous travaillez
11:25 encore autour de ce thème de la décolonisation et du devoir de mémoire.
11:29 Revenons un petit peu chez nous en Belgique
11:31 pour disons faire un petit état des lieux, si vous voulez bien,
11:35 ce qui est de la déclaration de politique générale du gouvernement.
11:38 La décolonisation de l'espace public est-elle compromise à Bruxelles ?
11:42 Pourquoi ? Est-ce qu'on tire la sonnette d'alarme d'après vous ?
11:45 – Je ne dirais pas qu'elle est compromise mais elle est ralentie.
11:48 Elle est fortement ralentie et ça m'inquiète.
11:50 Je l'ai dit à la secrétaire d'État, Anne Spersons,
11:53 qui a remplacé M. Pascal Smet, qui était secrétaire d'État.
11:59 Donc en charge de cette question,
12:00 je rappelle que l'accord de gouvernement signé en 2019
12:04 prévoyait qu'il y ait un travail concret qui soit fait
12:07 sur la question de la décolonisation.
12:09 Aujourd'hui, après le vote de la résolution
12:13 que j'ai initiée au Parlement bruxellois avec la majorité
12:16 et le groupe de travail qui a été mis en place par M. Pascal Smet
12:19 pour répertorier les différents éléments
12:23 sur lesquels on devait travailler en matière de décolonisation.
12:26 Parce qu'il faut rappeler à vos auditeurs et auditrices
12:29 qu'en Belgique et plus particulièrement à Bruxelles,
12:32 l'espace public est noyé par toute une série d'éléments patrimoniaux,
12:38 des statues, des noms de rues, des bâtiments,
12:42 à la gloire de la colonisation.
12:44 Et ce sont des éléments patrimoniaux dans l'espace public
12:48 qui véhiculent une propagande.
12:50 La propagande selon laquelle, en tout cas,
12:52 la colonisation était une bonne chose
12:54 et que c'était une bonne chose d'aller coloniser
12:57 et d'aller finalement occuper des terres illégalement,
13:00 de tuer, etc.
13:02 Et pourquoi est-ce que la décolonisation de l'espace public est importante ?
13:08 Ce n'est pas le plaisir de changer pour changer.
13:11 On utilise la décolonisation de l'espace public
13:13 pour lutter concrètement contre le racisme.
13:16 Parce que c'est une propagande qui a influencé les mentalités
13:20 et qui a mis dans les mentalités un complexe de supériorité
13:25 et un complexe d'infériorité vis-à-vis des Noirs
13:28 et des personnes racisées en général.
13:30 Et donc aujourd'hui, quel est l'état des lieux ?
13:32 Moi, je m'inquiète en tant que député ayant porté cette question
13:37 du cadastre qui est très faible.
13:39 Aujourd'hui, quand j'ai posé la question en commission à la secrétaire d'État,
13:44 je suis allé vérifier le cadastre.
13:47 Il y a très peu d'éléments qui ont fait l'objet d'un répertoire concret.
13:52 Et aujourd'hui, à part un élément de décolonisation
13:57 dans un musée au cinquantenaire,
14:01 on a une réplique de la statue de Léopold II
14:04 qui se trouve à Trônes, pour ceux qui connaissent l'arrière du Palais Royal,
14:08 en face du métro Trônes, on a cette statue équestre.
14:11 On a une copie qui se trouve au musée,
14:14 dans un des musées royaux du cinquantenaire, qu'on a décolonisé.
14:18 C'est le seul élément concret qu'on a aujourd'hui.
14:22 Et de l'autre côté, donc il y a eu un appel à projets pour des artistes.
14:26 Et de l'autre côté, on a aussi un projet de refonte
14:31 des éléments patrimoniaux du cinquantenaire,
14:34 mais qui ne tient pas compte assez de la décolonisation.
14:37 Ce que nous avons demandé concrètement, dans notre résolution,
14:41 c'est qu'on puisse diversifier l'espace public.
14:44 C'est-à-dire l'espace public tel qu'il existe aujourd'hui à Bruxelles
14:47 ne reflète pas la réalité historique.
14:49 On a menti aux gens que la colonisation était une bonne chose.
14:53 C'est pour ça qu'on a érigé ces statues à la gloire des colonisateurs.
14:57 Il faut qu'on resitue la vérité.
14:59 Et pour resituer la vérité historique, il faut changer l'espace public,
15:03 mettre des femmes et des hommes qui ont lutté contre la colonisation.
15:06 – Alors justement, les blessures de cette colonisation sont importantes,
15:10 elles ont du mal à se cicatriser.
15:12 Se sont-elles aggravées parce que la Belgique ne les a jamais vraiment soignées ?
15:17 – Bien sûr.
15:18 Alors, je vais vous expliquer en fait comment notre pays fonctionne
15:22 en matière de résolution de ce problème.
15:25 On n'anticipe jamais, on est toujours dans l'improvisation.
15:29 L'État belge n'anticipe pas le travail de mémoire
15:35 en ce qui concerne la colonisation.
15:37 L'État belge, malheureusement,
15:39 est souvent dans l'improvisation en ce qui concerne ce travail.
15:43 Je vous donne des exemples concrets.
15:47 Lorsqu'il y a eu l'assassinat de Patrice Momba,
15:50 beaucoup ont demandé une enquête, en 1961 déjà.
15:54 Cette enquête, on l'a ignorée.
15:56 Qu'est-ce qu'on a attendu pour mettre en place
15:59 une commission d'enquête parlementaire ?
16:01 C'est lorsque Louis Michel a décidé, donc on a découvert en fait
16:07 que les dents de Patrice Momba avaient été gardées
16:10 par un des gendarmes qui l'avait assassiné.
16:15 Mais il faut savoir aussi que le livre surtout de Ludo De Witt
16:20 sur la mort de Momba en 1999
16:23 a révélé la responsabilité de l'État belge et a fait un boum.
16:27 Et c'est pour ça que de manière tout à fait improvisée,
16:30 à l'époque où Louis Michel était ministre des Affaires étrangères,
16:35 de manière tout à fait improvisée,
16:37 on a couru pour créer cette commission d'enquête.
16:40 C'est la même chose aussi pour les Métis.
16:43 Vous savez, les enfants Métis qui avaient été arrachés à leur mère,
16:47 cachés dans des orphelinats pour éviter que des Blancs
16:52 puissent avoir des relations sexuelles avec des Noirs.
16:55 Et donc c'était une infamie, c'était considéré comme une infamie.
16:58 Ces enfants qui ont aujourd'hui la septantaine,
17:02 personne ne s'est occupé d'eux, on les a déracinés.
17:05 Ils vivent ici, certains vivent ici, certains vivent au Congo.
17:08 Il a fallu un livre d'Asoumani Bouddhawa pour populariser ce scandale.
17:13 Et dernier fait qui s'est passé récemment,
17:19 c'est la question de la commission.
17:22 Qu'est-ce qui a amené cette commission ?
17:24 Ces 10 ans de lutte et Black Lives Matter.
17:27 Parce que pendant 10 ans, on a demandé cette commission d'enquête.
17:31 Elle n'a jamais eu lieu.
17:32 Il a fallu Black Lives Matter, 15 000 personnes,
17:35 Place Boulard en plein Covid,
17:37 pour qu'on improvise à la va-vite une commission spéciale.
17:40 Nous devons sortir de l'improvisation et aller dans l'anticipation.
17:44 Et donc cette commission spéciale qui s'est terminée sur un refus
17:50 de demander des excuses, alors que dans le même temps,
17:54 les Pays-Bas ont présenté leurs excuses pour l'esclavage,
17:58 elle n'a pas terminé son travail.
18:01 Le rapport n'a pas été publié.
18:03 Et donc aujourd'hui, j'en appelle vraiment, solennellement,
18:07 au Parlement fédéral et surtout aux partis qui bloquent
18:10 le mouvement réformateur.
18:12 Et j'en appelle à la présidente de la Chambre
18:14 pour que ce rapport soit officiellement publié
18:18 et qu'on continue le travail parce que des excuses officielles
18:21 doivent être présentées.
18:22 – Alors, Calvin Soares, ne bougez surtout pas,
18:25 on revient dans quelques instants après une petite pause publicitaire.
18:28 [Générique]
18:36 Et on retrouve notre invité, Calvin Soares, écolo,
18:38 président du Parlement francophone bruxellois,
18:40 député au Parlement de la région de Bruxelles-Capital
18:43 et conseiller communal à Ganseren.
18:46 Calvin Soares, est-ce que la Belgique a encore du boulot,
18:48 du travail à faire pour, disons, avoir un regard plus critique
18:50 sur son passé colonial ?
18:52 – La Belgique a encore du travail, soyons de bons comptes,
18:56 par rapport à la France et à d'autres pays,
18:58 disons qu'il y a un travail qui a été avancé.
19:03 Maintenant, par rapport à ce qui a été mis en place,
19:07 on attend la concrétisation sur le terrain.
19:10 Donc, il y a des textes qui ont été votés,
19:12 je prends l'exemple de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
19:15 On a un texte, une résolution qui a été votée à mon initiative,
19:19 votée par la majorité.
19:21 Ce texte prévoit un vrai travail,
19:24 en ce qui concerne l'histoire coloniale,
19:27 dans le domaine de l'enseignement,
19:28 mais aussi dans le domaine de la culture.
19:29 Prenons l'enseignement.
19:31 Obligation d'enseigner l'histoire coloniale à l'école,
19:34 pour le tronc commun.
19:35 Donc, ce nouveau modèle scolaire,
19:40 qui va de la troisième maternelle à la troisième secondaire,
19:44 on commencerait l'enseignement de l'histoire coloniale
19:49 à partir de la sixième primaire.
19:50 Mais le problème, c'est que le tronc commun,
19:55 on n'est qu'à la troisième primaire aujourd'hui.
19:57 Donc, c'est-à-dire, c'est en 2026 qu'on va pouvoir enseigner,
20:01 commencer cette obligation.
20:04 Et donc, il est très important que l'on continue à travailler.
20:08 Pour le secondaire, il n'y a pas encore d'obligation.
20:12 C'est-à-dire, après la troisième secondaire,
20:14 il n'y a pas encore d'obligation.
20:16 Ce travail doit continuer.
20:17 Vous savez qu'il y a des enfants qui arrivent à l'université
20:21 sans avoir eu un cours.
20:23 Et heureusement, il y en a de moins en moins.
20:25 Mais il y a encore des jeunes qui arrivent à l'université
20:28 sans avoir eu un cours, ni sur l'histoire de l'Afrique,
20:32 ni sur l'histoire de la colonisation belge au Congo,
20:34 ouandaise ou burundi.
20:35 Ce n'est pas acceptable.
20:37 Et donc, il faut aussi qu'à l'université,
20:40 on ait un cours obligatoire, général, sur cette histoire,
20:44 pour tous les étudiants et toutes les étudiantes de première année.
20:50 Au niveau culturel, on a un travail à faire
20:53 en ce qui concerne la décolonisation de la culture,
20:56 que ce soit au niveau des représentations qui sont faites,
21:01 du théâtre, du cinéma, etc.
21:04 On a un travail au niveau de la diversité des productions,
21:08 au niveau de la diversité et de la prise en compte
21:11 de toutes les productions qui sont faites,
21:14 cinématographiques, théâtrales,
21:16 qui sont proposées sur cette thématique.
21:18 C'est extrêmement important.
21:20 Au niveau de la région, on vient de parler de l'espace public.
21:24 Je pense que c'est essentiel que lors de la prochaine législature,
21:28 l'accord de gouvernement permette de continuer ce travail.
21:32 Parce que le travail qui a été entamé,
21:33 on ne va pas le terminer d'ici les élections.
21:35 C'est impossible.
21:36 Et donc, au niveau fédéral, par contre,
21:39 on a toute une série d'éléments qu'on doit travailler,
21:43 notamment cette question de la reconnaissance
21:45 et de la responsabilité de l'État belge.
21:48 Et donc, on doit clarifier une série d'éléments
21:51 et le rapport de la commission spéciale
21:53 doit être absolument publié.
21:56 Il doit être publié, mais on sait très bien
21:57 que ce travail qui a été fait n'est que partiel.
22:00 Il doit continuer, il ne doit pas s'arrêter à cette législature.
22:03 Je pense que lors des législatures prochaines,
22:05 il va falloir se battre pour continuer à travailler sur ces questions.
22:10 Et puis, il y a la question du rapatriement des œuvres volées et pillées,
22:14 les œuvres scientifiques dans les musées.
22:16 Là aussi, on a un véritable travail à faire.
22:19 Et donc, tout ça participe de ce travail critique.
22:22 Et on ne doit pas s'arrêter seulement à la lettre d'excuses
22:26 du roi au président Tsekedi.
22:28 Je crois qu'il est très important que l'on sorte de cette peur
22:31 du mot « réparation » pour assumer enfin nos responsabilités
22:35 et qu'on puisse mettre dans les livres d'histoire,
22:38 dans les écoles, que la Belgique a reconnu officiellement
22:41 sa responsabilité et a présenté ses excuses.
22:44 C'est important pour le lien que les enfants d'origine africaine,
22:49 mais aussi racisés en général,
22:51 mais aussi pour les enfants d'origine belge qui apprennent cette histoire.
22:56 C'est important de leur dire que la Belgique, leur pays,
22:59 a été correct et a enfin fait les choses correctement.
23:02 – Alors, revenons à présent sur cet événement.
23:05 Demain, 24 février, une marche organisée à la place Lumumba,
23:09 à Bruxelles, contre le génocide et pour la paix
23:12 en République démocratique du Congo.
23:14 Pourquoi, Calvin Soares, une telle initiative aujourd'hui ?
23:18 – Alors, c'est un collectif d'associations de la diaspora congolaise
23:22 qui a décidé d'organiser cette manifestation,
23:26 justement pour dénoncer la situation qui se passe à l'est du Congo, au Kivu.
23:33 Et donc, moi j'appelle solennellement toutes les Bruxelloises
23:36 et tous les Bruxellois, comme je l'ai fait tout à l'heure,
23:39 et tous les Belges, quelles que soient leurs origines.
23:43 Et nous avons, en tant que personnes d'origine africaine,
23:46 une responsabilité particulière à participer à cette manifestation.
23:52 Parce que ce qui se joue là, c'est aussi notre avenir,
23:56 c'est aussi l'avenir de la planète qui se joue là-bas.
23:59 Et nous devons être des militants, pas seulement derrière les réseaux sociaux,
24:05 pas seulement devant les caméras, nous devons aussi être des militants de terrain.
24:09 Et c'est pour cela que nous ne devons pas nous limiter
24:12 à dire des choses devant notre téléphone.
24:15 C'est bien, il faut continuer à le faire,
24:17 mais le plus important c'est de descendre sur le terrain
24:19 et de dire aux acteurs nationaux et internationaux
24:23 que ce qui se passe à l'Est du Congo est inacceptable.
24:26 Et qu'aujourd'hui, si cette situation se passait dans d'autres régions du monde,
24:32 on ne réagirait pas de la même manière.
24:34 Ce qui se passe en Palestine en matière de colonisation est inacceptable,
24:39 et ce qui se passe au Congo en matière de néocolonialisme est inacceptable.
24:44 Les populations n'ont pas à payer des erreurs historiques
24:49 et n'ont pas à payer de toute une série de convoitises
24:55 qui visent aujourd'hui à assurer le bien-être d'autres populations.
24:58 – Alors, qu'est-ce qui vous fait dire aussi qu'un nouveau cycle militant émerge
25:02 chez les jeunes afrodescendants, chez nous,
25:04 et les jeunes en général, sur ces questions de néocolonialisme,
25:08 ils sont un peu plus conscients, plus sensibles ?
25:09 – Tout à fait, alors on a eu trois générations de militants,
25:13 militantes et militants, de cette cause.
25:16 La première génération, c'est les étudiants congolais
25:19 qui sont arrivés en Belgique dans les années 50 et 60,
25:22 qui ont milité notamment pour l'indépendance de leur pays
25:24 et pour l'indépendance des pays africains en général.
25:27 Et puis on a eu ensuite une autre génération,
25:31 des années, je dirais, 70, 80, jusqu'à 90,
25:35 qui a milité notamment pour la lutte contre l'apartheid,
25:41 qui a milité pour la libération de Nelson Mandela,
25:44 on l'a vu à l'ULB, sur les campus notamment,
25:46 et puis ces militants, il y a eu une prolongation
25:49 jusqu'à dans les années 90, contre les dictateurs.
25:52 Les dictatures qui ont été encouragées aussi par les pays occidentaux.
25:56 Et donc la chute du mur de Berlin a aussi été un moment clé
26:00 pour cette deuxième génération.
26:01 Et enfin, cette troisième génération aujourd'hui,
26:04 qui est plus axée sur le numérique,
26:08 qui est plus axée réseaux sociaux et qui est plus instantanée,
26:12 c'est la génération réseaux sociaux, c'est la troisième génération
26:16 qui aujourd'hui se mobilise contre le néocolonialisme.
26:18 C'est-à-dire la poursuite des objectifs du colonialisme
26:22 est sous une autre forme.
26:24 Et il faut le rappeler, les multinationales ont toujours existé au Congo
26:27 depuis Léopold II.
26:29 Le système économique, le modèle économique est le même,
26:32 il s'adapte juste aux réalités aujourd'hui,
26:36 mais ce sont les mêmes réalités en termes de mort,
26:38 en termes de massacre, en termes de viol.
26:40 Et donc cette génération, je l'appelle demain à se mobiliser,
26:44 et je lui dis solennellement à cette génération
26:47 que le militantisme de caméra, il est important,
26:51 mais il ne doit pas se limiter à ça.
26:54 On doit descendre sur le terrain, on doit montrer qu'on est mobilisé
26:57 parce que lorsqu'il y a eu Black Lives Matter,
26:59 on est descendu sur le terrain et on a vu que ça a fait bouger les choses.
27:03 Et on ne doit pas être militant uniquement au moment chaud.
27:07 Il faut aussi se mobiliser de manière constante sur toute la durée.
27:12 Pour la Palestine, c'est exactement la même chose.
27:14 On ne doit pas attendre qu'il y ait des faits internationaux,
27:18 notamment en termes de mort, pour se mobiliser.
27:21 On doit se mobiliser en permanence.
27:23 Et moi je dis aux jeunes qui vont venir demain,
27:26 vous n'allez pas vous arrêter à demain.
27:28 Ce n'est pas parce qu'il n'y aura plus de caméra
27:30 que vous n'allez pas sortir sur le terrain.
27:32 On doit le faire de manière constante,
27:34 et c'est ce que j'ai fait à travers mon action
27:37 dans le collectif Mémoire Coloniale lutte contre la discrimination
27:40 depuis une bonne dizaine d'années.
27:42 – Alors il nous reste encore quelques petites minutes
27:44 avant de nous quitter, avant de nous quitter
27:45 à mot des prochaines élections, c'est pour bientôt,
27:47 on le sait, dans quelques mois.
27:49 Vous pensez justement que ces prochaines élections,
27:51 ces prochaines équipes dirigeantes
27:54 devraient s'investir davantage dans cette problématique ?
27:57 Autrement dit, est-ce que ces questions de mémoire coloniale et du racisme
28:00 devraient faire en tout cas partie des grandes priorités ?
28:03 – Bien sûr, bien sûr, parce que c'est une question de cohésion sociale.
28:06 Vous savez, quand on demande à des enfants
28:09 de montrer qu'ils sont belges, d'assumer leur belgitude,
28:13 quand on leur reproche de ne pas essayer de le faire,
28:16 mais qu'on ne valorise pas leur lien avec la Belgique,
28:19 c'est-à-dire l'histoire qui fonde leur présence ici,
28:22 c'est pour cela que c'est absolument fondamental
28:25 de célébrer et de mettre en valeur les 60 ans
28:29 des immigrations marocaines et turques.
28:32 Mais au niveau afro-descendant, subsaharien,
28:36 qu'est-ce qu'on a en termes de valorisation ?
28:39 On n'a pas grand-chose, on n'a pas de centre culturel africain,
28:45 il y a un centre culturel congolais qui vient d'être mis en place,
28:48 mais il faudrait beaucoup plus de moyens pour avoir un centre culturel
28:53 qui valorise le lien entre la Belgique, Bruxelles, et son histoire africaine.
29:00 Cela n'existe pas. Comment est-ce qu'on peut demander à des jeunes
29:05 d'assumer leur belgitude, d'être fiers d'être belges,
29:08 et de ne pas valoriser leur lien avec la Belgique ?
29:12 Ce n'est pas acceptable, et c'est pour cela que c'est une question
29:15 de cohésion sociale, c'est aussi une question d'interculturalité,
29:20 d'acceptation de l'autre, et c'est avec ces moyens
29:24 que nous allons aussi combattre de manière efficace l'extrême droite,
29:28 qui veut diviser, et qui malheureusement risque d'avoir un résultat
29:34 très positif lors de ces élections.
29:37 Dès aujourd'hui, nous devons continuer à lutter pour plus d'interculturalité,
29:41 pour plus de cohésion sociale, pour éviter les divisions,
29:45 et éviter effectivement cette avancée de l'extrême droite.
29:51 – En une minute, un petit message à faire passer, le mot de la fin.
29:53 – Le mot de la fin, c'est mobilisez-vous, mobilisez-vous en permanence,
29:57 pas seulement au moment où on a des faits d'actualité chaudes,
30:05 mobilisez-vous aussi, lorsqu'il n'y a pas de caméra,
30:09 pour toutes les causes, contre l'injustice et contre les discriminations.
30:15 – Voilà, c'était donc la conclusion de Calvin Soares,
30:18 je rappelle que vous êtes président du Parlement francophone bruxellois
30:21 et aussi député du Parlement de la région Bruxelles-Capital
30:24 et conseiller communal à Gunsoran.
30:27 Merci en tout cas d'avoir été avec nous.
30:28 – Merci à vous.
30:28 – Merci, on se retrouve dans quelques instants
30:30 pour la dernière ligne droite de votre Carrefour de l'Info, à tout de suite.

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