Ce documentaire captivant retrace le parcours unique de Bernard Tapie, figure incontournable de l'histoire française.
De ses débuts modestes à son ascension fulgurante, découvrez les multiples facettes d'un homme audacieux et controversé :
L'homme d'affaires : De simple représentant à la tête d'un empire industriel, explorez les stratégies audacieuses et les succès fulgurants de Bernard Tapie.
Le tribun charismatique : De la politique à la télévision, découvrez le talent oratoire et la force de conviction qui ont fait de Bernard Tapie une personnalité incontournable.
L'homme de passions : Le sport, la chanson, le cinéma... Explorez les multiples passions qui ont animé la vie de Bernard Tapie.
Un destin tumultueux : Scandales, succès, épreuves... Plongez dans les moments clés d'une vie jalonnée de défis et de rebondissements.
Un portrait fascinant et nuancé d'un homme qui a marqué son époque.
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Un portrait fascinant et nuancé d'un homme qui a marqué son époque.
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00:00:35 Le 26 juin 1988, le Fossea quitte le port de New York.
00:00:41 C'est l'un des plus beaux voiliers au monde.
00:00:44 Son propriétaire s'appelle Bernard Tapie.
00:00:47 Ce jour-là, il prend la mer avec 15 hommes d'équipage et quelques invités.
00:00:52 L'homme d'affaires se lance dans une nouvelle aventure.
00:00:55 Il veut battre le record du monde de la transatlantique avec passagers.
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00:01:05 C'est une idée qu'il a eue pratiquement en même temps qu'il a acheté le bateau.
00:01:11 Il a voulu revenir aux sources de ce bateau qui était au départ un bateau de course.
00:01:15 C'est un défi symbolique.
00:01:16 C'est le symbole de pouvoir œuvrer à travers les éléments déchaînés autour de lui.
00:01:22 C'est ça un peu.
00:01:24 Après les affaires, le football et la politique, Bernard Tapie s'improvise capitaine au long cours.
00:01:30 Et comme souvent pour lui, c'est aussi une question d'image.
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00:01:37 Il y a des aventuriers qui le font par le goût de l'aventure.
00:01:40 Il y a des hommes d'affaires qui le font par le goût de l'argent pur.
00:01:43 Non, Tapie, il fait les choses par goût de faire savoir.
00:01:47 Sur le bateau, on avait trois caméras, je crois.
00:01:49 Donc moi, j'en prenais une. Il y avait les deux caméramans.
00:01:53 On a fait une route un peu nord.
00:01:54 Fais pas le tour, regarde.
00:01:55 Regarde. Regarde un peu.
00:01:58 Tu as vu comment ça s'en bat ?
00:02:00 Regarde. Regarde une fois.
00:02:01 Les deux premiers jours ont été formidables.
00:02:06 On marchait très bien.
00:02:07 Et puis on était dans des conditions idéales.
00:02:10 Beau temps, du vent, les dauphins nous accompagnaient.
00:02:14 Bernard était très cool, très heureux.
00:02:16 C'était le bonheur d'ailleurs.
00:02:17 On était tous ravis de partir.
00:02:20 Mais pour Bernard, c'était le bonheur.
00:02:22 C'était le bonheur.
00:02:23 Je dois dire que je réalisais pas vraiment.
00:02:29 Bon, je me disais, OK, il va traverser l'Atlantique.
00:02:33 Je mesurais pas le danger que ça allait être et les preuves que ça allait être.
00:02:38 Car après deux jours de navigation,
00:02:40 le Fosséat se retrouve au beau milieu de l'Atlantique Nord.
00:02:43 Et sur sa route, une tempête est annoncée.
00:02:46 Contre l'avis du capitaine, Bernard Tapie décide de maintenir le cap
00:02:51 quoi qu'il arrive.
00:02:53 Là où le capitaine, il dit, OK, c'est sympa, il a envie de battre le record,
00:03:02 mais on va peut-être essayer de pas mourir.
00:03:04 Lui, il dit, non, moi je veux battre le record et on s'en fout de ce qui peut se passer.
00:03:08 Il faut que ça avance, il faut qu'on batte le record.
00:03:10 Il y a la tempête, on s'en fout, on réduit pas la voile, on y va, on fonce.
00:03:14 Voilà. C'est sa logique.
00:03:20 Il est revenu, je me rappelle, il a dit, bon maintenant,
00:03:22 je vous envoie à un endroit où vous allez appeler votre mère.
00:03:24 Donc il était tout content, tout émoustillé.
00:03:27 Et puis effectivement, on s'est retrouvé dans la tempête.
00:03:29 Force 10, pendant 48 heures, ça a été l'enfer.
00:03:48 Je me disais, mais qu'est-ce que je fous là ?
00:03:50 J'étais halluciné.
00:03:52 Jean-Paul Jaurès a été tétanisé, il s'est pris une crise de phobie.
00:04:01 Il a vu toute cette masse d'eau autour de lui.
00:04:04 J'étais persuadé qu'on allait y rester.
00:04:06 Mets du mou, François, vraiment, on est mal.
00:04:09 Pourquoi tu donnes pas ?
00:04:13 Mets du mou, François.
00:04:15 Je lui dis, Bernard, tu es sûr de ce que tu fais là ?
00:04:22 Parce que bon, il y va quand même de notre vie, quand même.
00:04:27 Et t'inquiète pas, il n'y a pas de problème, c'est un bateau formidable,
00:04:31 il n'y a aucun problème.
00:04:39 Ça devient le commandant, alors qu'il n'a jamais fait de voile avant.
00:04:43 Il est à bloc à nous pousser, à envoyer de la toile,
00:04:46 et c'est vrai, il est vraiment dedans.
00:04:49 Il était complètement excité, complètement dans la course,
00:04:53 complètement il était ravi.
00:04:55 C'était un challenge pour lui, mais pour moi c'était sa frisée à l'inconscience.
00:05:03 Tu te dis, bon, il est parti encore, il est parti.
00:05:08 Poussé au maximum par Bernard Tapie, le Focéa finit par atteindre ses limites.
00:05:13 Et au quatrième jour de course, c'est l'incident.
00:05:17 Et à un moment, il y a une grosse vague qui arrive.
00:05:27 Le bateau il se couche.
00:05:34 Ce monstre, ce monstre avec des mâts de 40 mètres qui se couche,
00:05:38 c'est énorme, et puis ça fait un bruit, on a l'impression que tout va péter.
00:05:43 On est tous à timonerie les uns sur les autres,
00:05:50 on se croirait dans une mêlée de rubis, quoi.
00:05:53 T'en crois complet, on se chie dessus, il n'y a pas d'autre mot.
00:05:57 Il peut y avoir une déferlante qui vient dans l'autre sens
00:06:01 et qui nous renverse complètement et là on y reste,
00:06:03 ou alors il faut attendre qu'une vague nous relève.
00:06:06 Ça dure une éternité, ça dure une éternité.
00:06:12 Puis le bateau s'est relevé, le bateau se relève.
00:06:19 Et à ce moment-là, on a pu le remettre sur sa trajectoire initiale,
00:06:25 et puis voilà, c'est reparti.
00:06:27 Après 48 heures de tempête, le Focéa reprend sa route,
00:06:32 et il parvient à rejoindre Saint-Malo en moins de 8 jours.
00:06:35 Bernard Tapie a réussi son pari avec son équipage,
00:06:38 il vient de battre le record du monde.
00:06:41 Tapie, moi, il m'a épaté en faisant ça.
00:06:47 Moi j'aime bien les gens qui font décoller les avions,
00:06:50 même quand ils ne savent pas où est la piste d'atterrissage,
00:06:52 j'aime bien cette confiance.
00:06:54 On a alterné l'angoisse, l'euphorie, la griserie, la trouille,
00:07:00 mais enfin bon, on a vécu ça bien, comme une belle aventure d'homme.
00:07:03 Ils m'ont tous dit "Ton père c'est un fou".
00:07:09 Je le savais déjà, donc moi j'étais moins surpris qu'eux.
00:07:14 On avait presque oublié cet épisode de Bernard Tapie,
00:07:24 navigateur, une ligne de plus sur le CV d'une vie hors norme,
00:07:28 celle d'un aventurier.
00:07:30 Il y aura Tapie le chanteur, l'acteur, l'animateur,
00:07:33 l'homme d'affaires ou le politique,
00:07:35 et puis viendra le temps de l'homme condamné,
00:07:38 humilié, mais finalement renfloué.
00:07:40 Bernard Tapie est toujours là, bien vivant,
00:07:43 malgré une trajectoire qui aurait pu l'abattre.
00:07:45 Alors on a bien sûr envie d'en savoir plus.
00:07:47 Comment en est-il arrivé là ?
00:07:49 Difficile, très difficile de remonter le fil de sa vie,
00:07:53 de revendiquer la vérité.
00:07:55 Il y a tant de sincérité et de bluff,
00:07:57 tant d'éloquence et d'embrouille,
00:07:58 tant de cohérence et finalement tant de contradiction.
00:08:02 Alors, quelle version de l'histoire allons-nous vous raconter ?
00:08:06 La sienne, la vraie ou les deux ?
00:08:09 Bernard Tapie, comment vous avez fait pour en arriver
00:08:11 à être le grand patron que vous êtes ?
00:08:13 Du départ ?
00:08:14 Oui.
00:08:15 Bon, donc mon départ c'est, je suis fils d'ouvrier,
00:08:19 j'en reçois une éducation sur le plan affectif exceptionnelle.
00:08:23 Il ne sort pas d'un milieu où on vous porte à être un dirigeant,
00:08:28 où on vous porte à être un grand entrepreneur.
00:08:33 Non, non, il est né vraiment dans la France d'en bas.
00:08:38 Et c'est ici que Bernard Tapie a grandi,
00:08:42 au Bourget, dans la banlieue nord de Paris.
00:08:47 Au début des années 50, sa famille habite le premier étage
00:08:51 de cette petite maison.
00:08:53 On avait trois pièces, donc une normale,
00:09:01 une petite et une petite cuisine.
00:09:04 Ça s'en sumait à pas grand-chose.
00:09:06 C'est pas miséreux non plus, il n'y a rien de misérable chez Tapie.
00:09:09 C'est le milieu prolo, c'est le milieu de la vie.
00:09:12 C'est le milieu de la vie, c'est le milieu de la vie.
00:09:15 C'est le milieu prolo de la France de l'après-guerre,
00:09:19 pauvre, honnête, bosseur.
00:09:22 Mon mari faisait beaucoup d'heures de travail.
00:09:28 Et d'ailleurs, il ne voyait jamais ses enfants.
00:09:32 Quand il partait, il dormait.
00:09:34 Et quand il revenait, il était encore couché.
00:09:36 Bernard Tapie et son frère ne voient donc pas beaucoup leur père.
00:09:40 Leur mère, en revanche, est omniprésente.
00:09:44 Tapie, en réalité, a été extrêmement protégé.
00:09:48 Il a une mère qui visiblement l'adorait.
00:09:52 Ça lui donne une confiance extraordinaire.
00:09:55 C'est même fondamental.
00:09:57 Au fond de cette espèce de force qui va, comme ça, qu'il a,
00:10:01 il y a, je crois, l'amour d'une mère.
00:10:03 Et cette force de caractère, Bernard Tapie l'exprime dès son enfance.
00:10:07 À l'école déjà, il ne tient pas en place.
00:10:10 À l'école, il était insupportable.
00:10:13 Il était très remont.
00:10:16 Il ne pouvait pas rester deux minutes assis.
00:10:20 Un jour, j'ai eu la maîtresse, et elle dit,
00:10:24 "Jamais, jamais il n'est à sa place."
00:10:26 Ben, j'ai dit, "Qu'est-ce que vous faites ? Attachez-le."
00:10:29 Elle dit, "C'est ce que j'ai fait, je l'ai attaché à son siège."
00:10:32 C'était plutôt un bon élève, mais en même temps extrêmement turbulent.
00:10:39 C'était le trublion.
00:10:41 Enfin, j'allais dire déjà, le trublion.
00:10:44 Trublion, mais pas insouciant.
00:10:47 Lorsque Bernard Tapie devient adolescent,
00:10:50 il n'a qu'une envie, être indépendant et gagner sa vie.
00:10:53 Je fais mes études, toujours limite.
00:10:58 Jamais très brillante, mais jamais non plus très mauvaise.
00:11:01 Ça me permet de passer d'une classe à l'autre.
00:11:04 Ensuite, je travaille l'été pour pouvoir me permettre d'aller un peu plus loin.
00:11:09 J'ai fait le charbonnier de 13 ans jusqu'à 17 ans.
00:11:12 C'est pas moi qui lui ai trouvé la place, c'est lui qui s'est débrouillé.
00:11:15 Donc, s'amuser, son argent de poche, tranquille.
00:11:19 Et en enchaînant les petits boulots, Bernard Tapie trouve rapidement sa voie.
00:11:24 Ce sera le commerce.
00:11:26 Le déclic a lieu le jour où un vendeur de télévision frappe à la porte de ses parents.
00:11:33 Ce vendeur qui nous a présenté un télé, Bernard était là.
00:11:37 Et donc, il a laissé faire son boulot.
00:11:40 Et Bernard lui a dit, c'est pas du tout grand le coup, là.
00:11:43 C'est pas comme ça, il faut faire.
00:11:45 Il m'a dit, attendez, moi j'ai une idée.
00:11:47 Est-ce que vous acceptez que je vienne avec vous ou que je vende avec vous et j'aurai ma part ?
00:11:52 Et voici l'idée de Bernard Tapie.
00:11:54 Elle est simple, prêter des téléviseurs aux gens du quartier
00:11:57 avant de les convaincre de les acheter.
00:12:01 Et il a fait ça dans 5 à 10 appartements.
00:12:04 Résultat des courses, 48 heures après, il revenait, les gens disaient, ah oui, formidable.
00:12:08 Ah mais attendez, on voudrait les garder.
00:12:10 Et bien, ils l'ont acheté.
00:12:11 Il avait tellement de bagots.
00:12:13 Ah oui, oui, ça, alors, là, il était un bâtable.
00:12:17 C'était vraiment un baratie, alors.
00:12:21 C'est un don, ça va vendre.
00:12:23 Je veux dire, et lui, il avait ça.
00:12:25 Il avait ça.
00:12:26 C'est un jeune homme dynamique qui a saisi en quelques années que tout était possible.
00:12:42 Je savais qu'il avait beaucoup d'ambition, déjà.
00:12:47 Les années passent et Bernard Tapie va trouver le moyen de percer dans les affaires.
00:12:52 Il a à peine 30 ans lorsqu'il commence à racheter des entreprises en difficulté
00:12:56 pour les revendre, une fois redressées.
00:12:59 Comme je n'avais pas tellement d'argent, je me suis forcément attaché à des sociétés qui ne valaient rien.
00:13:06 Les seules sociétés qui ne valaient rien, ce sont des sociétés qui s'étaient cassées la figure.
00:13:10 Il se dit, là, qu'il y a un bon filon.
00:13:14 Et au fond, la reprise d'entreprise, là encore, ça colle merveilleusement au tempérament de Bernard Tapie.
00:13:20 On peut faire des profits très rapides et importants,
00:13:24 et en même temps, on peut avoir publiquement l'image de celui qui vient sauver des gens.
00:13:29 Mais ce n'est pas toujours cette image de Robin Desbois que Bernard Tapie construit durant toutes ces années.
00:13:34 Il est souvent considéré comme un opportuniste qui cherche à faire de l'argent facilement.
00:13:39 C'est un homme qui achète des entreprises, qui les transforme, et qui les transforme un peu à son profit.
00:13:47 J'achète des entreprises en difficulté, je les dépaisse en partie,
00:13:52 et puis je les revends ensuite, en y introduisant des allures de redémarrage, de redynamisation.
00:14:00 Il est l'incarnation d'une forme de brutalité capitaliste, financière, affairiste.
00:14:06 Donc le type qui vient pour gagner un maximum d'argent en un minimum de temps.
00:14:13 Déjà, l'ambivalence dans les années 80, le ying et le yang, le bien et le mal.
00:14:19 Mais Bernard Tapie ne s'arrête pas à ces détails, il avance et il va se faire connaître du grand public
00:14:24 avec un premier coup que l'on peut qualifier d'étonnant.
00:14:28 Octobre 1979, Bernard Tapie va prendre la direction d'Abidjan, en Côte d'Ivoire.
00:14:35 Il a rendez-vous avec l'un des hommes les plus détestés de la planète, Jean Bedel Bokassa.
00:14:42 Bokassa, c'est un banni, un proscrit, le monde entier lui en veut,
00:14:46 c'est l'image du dictateur dans le tiers-monde, c'est le méchant.
00:14:51 Un mois auparavant, l'empereur autoproclamé de Centrafrique a été renversé par un coup d'État
00:14:56 mené par les services secrets français.
00:14:59 Toute la presse à l'époque ne parle que de cela.
00:15:03 On s'est mis à accuser de tout, c'est-à-dire de cannibalisme,
00:15:09 et donc tout d'un coup la France s'est mise à le haïr.
00:15:11 Et dans cette agitation médiatique, Bernard Tapie pense qu'il y a peut-être un coup à jouer.
00:15:16 Bokassa possède en France plusieurs châteaux de grande valeur.
00:15:20 L'homme d'affaires va leur tenter de s'en emparer.
00:15:23 On l'imagine en train de regarder les photos de ces châteaux,
00:15:28 ou peut-être même simplement d'y penser en se disant
00:15:31 « Quel formidable coup je pourrais faire avec ça ».
00:15:33 Il se dit qu'il va être adulé s'il vole le voleur.
00:15:40 C'est une idée de dingue, alors qu'il avait 35 ans, personne ne le connaissait.
00:15:44 Mais il s'est dit « Bon, allez, on va tenter le coup, je vais essayer de lui reprendre ces châteaux ».
00:15:48 Et le 4 octobre 1979, Bernard Tapie arrive chez Jean-Bedel Bokassa.
00:15:53 Il vit désormais ici, en exil, avec une partie de sa famille, à Abidjan.
00:16:09 Il est en exil, assigné à résidence.
00:16:11 Il se retrouve là avec une dizaine de ses derniers enfants, et sa dernière concubine.
00:16:17 Moralement, il est plus qu'affaibli, le mot est faible.
00:16:26 Le type est complètement désemparé, malheureux, rongé par l'alcool, par la déchéance.
00:16:38 Bokassa n'est donc plus que l'ombre de lui-même.
00:16:41 Et Bernard Tapie va ce jour-là tenter d'en profiter, en lui racontant un énorme mensonge.
00:16:47 Il lui explique que ses biens vont être saisis par l'État français.
00:16:54 Mon grand-père est affolé, et il craint de se retrouver dépossédé.
00:16:58 Bernard Tapie lui confie tout ça avec beaucoup d'aplomb et de sérieux.
00:17:05 Et il lui dit, la seule solution, c'est que tu me vendes tous tes châteaux et tes biens,
00:17:11 comme ça on ne pourra pas te les prendre.
00:17:13 C'est un énorme coup de bluff, oui, c'est le grand coup de bluff.
00:17:15 Bernard Tapie propose alors à Bokassa de lui racheter ses châteaux, pour seulement 10% de leur valeur.
00:17:21 Là vous voyez déjà le jeune Tapie, avec un culot absolument monstre, c'est-à-dire le flambeur.
00:17:30 Il fonce, il essaye, il mise, après il gagne ou il perd.
00:17:34 Bokassa trouve la somme dérisoire, pleure ni jure, mais il n'a pas le choix, et finalement il signe.
00:17:42 Mais au moment d'apposer sa signature, Bokassa interroge l'homme d'affaires pour un petit détail.
00:17:48 Il y a marqué Jean-Baudel Bokassa, profession.
00:17:55 Il est là, il dit à Tapie, mais qu'est-ce que je mets ?
00:17:58 Et Tapie lui dit, mais empereur sans profession.
00:18:04 Au bluff, Bernard Tapie vient donc d'obtenir de l'empereur déchu la vente de ses châteaux.
00:18:09 Seulement, il s'interroge sur les conséquences de tout cela.
00:18:13 L'affaire est peut-être finalement trop grosse pour lui.
00:18:16 Alors, pour être inattaquable, il s'envole très vite pour New York.
00:18:20 Lui, le jeune homme d'affaires français inconnu, rejoint le siège de l'UNICEF,
00:18:25 et il annonce qu'il va faire don de cet argent à une œuvre humanitaire.
00:18:30 Il va surfer sur la haine ou le mépris que les gens éprouvent pour Bokassa.
00:18:35 Là, il ajoute Robin Hood pour les Américains.
00:18:38 C'est-à-dire, je prends l'argent des riches pour les donner aux victimes.
00:18:42 Robin Hood.
00:18:44 Et ça marche. Les médias américains sont séduits.
00:18:47 Pour la première fois de sa vie, Bernard Tapie fait la une d'un journal,
00:18:50 et pas n'importe lequel, le New York Times.
00:18:53 Ses confrères américains doivent se dire, tiens, qu'est-ce que c'est donc ce drôle de personnage ?
00:18:58 Il a une sacrée belle gueule, il est jeune, il fait du business.
00:19:02 Ça a été une bonne opération de communication pour Bernard Tapie.
00:19:05 Une opération de communication qu'il va falloir tout de même maîtriser.
00:19:09 Car la une du New York Times est très vite reprise par la presse française,
00:19:13 et en France, on s'interroge davantage sur ces méthodes.
00:19:16 Comment Bernard Tapie a-t-il réussi à convaincre Bokassa ?
00:19:19 À l'époque, la journaliste Patricia Coste tente d'en savoir plus.
00:19:23 C'était un agitateur professionnel.
00:19:28 Avec, derrière, des zones d'eau.
00:19:31 Il me propose de partir dans une de ses voitures, qui était très belle, on fait un petit tour.
00:19:35 Et dès la première question sur Bokassa, c'est le coup de théâtre.
00:19:39 Quand on était à l'Avenue des Champs-Elysées, passe la voiture du fils de Bokassa.
00:19:44 Oui, celui qui arrive là, c'est Saint-Cyr Bokassa.
00:19:46 Vous allez pouvoir faire un truc fabuleux.
00:19:49 Pour faire aussi, tu te magnes un peu, on le rattrape.
00:19:51 Il vous a dit, vous tenez un truc formidable.
00:19:53 Il a pensé le scénario, il pense toujours à les scénarios.
00:19:56 Il pense la mise en scène.
00:19:58 C'est génial.
00:19:59 L'opportunité qui est là, comme par hasard, absolument parfaite du fils Bokassa qui est là.
00:20:04 Moi, je marche immédiatement, j'ai pas le temps de réfléchir.
00:20:07 - Comment tu vas ? - Très bien, et toi ?
00:20:09 - Je te présente, Antenne 2, une journaliste et un... - Bonjour, messieurs.
00:20:12 - Bonjour, messieurs. - Une journaliste et un... Voilà.
00:20:14 Alors que tout le monde cherche à comprendre où est l'imposture,
00:20:17 Bernard Tapie brouille ainsi les cartes en montrant qu'il a encore de bons rapports avec la famille Bokassa.
00:20:23 On vient me chercher sur ce que je voulais faire, est-ce que j'ai voulu escroquer Bokassa, au fond,
00:20:29 est-ce que je suis un imposteur ?
00:20:31 Et puis j'emmène tout le monde là où personne ne m'attendait.
00:20:34 Monsieur Tapie avait déjà de très bons talents de comédien.
00:20:37 Finalement, vous ne saurez rien sur ce que j'avais vraiment l'intention de faire dans cette affaire,
00:20:42 mais en tout cas, je vous prouve ce que jamais vous n'auriez imaginé,
00:20:46 c'est-à-dire que je suis du dernier mieux avec les proches de Bokassa.
00:20:50 Mais regardez, je l'ai mangé Bokassa ?
00:20:54 Regardez, le fils y se plaint.
00:20:56 Ça, c'est le... Rappelez-vous que c'est le prince aîné.
00:20:59 Ça prouve en tout cas qu'il connaît la famille, bien.
00:21:02 Tu vas à mon bureau, là ?
00:21:04 - Tu y allais ? - Non, j'ai un rendez-vous, là. Je passerai peut-être plus tard.
00:21:07 OK, salut.
00:21:09 Il les embobinait, comme il m'a embobiné. Il embobine tout le monde.
00:21:14 C'est un artiste.
00:21:16 Chaque fois qu'on fait quelque chose, il faut absolument qu'on essaie de savoir
00:21:19 qu'est-ce que ça cache, pourquoi c'est faire, dans quelle optique.
00:21:22 Il faut être de temps en temps un peu plus cool
00:21:24 et savoir dire qu'il y a des gens qui font des trucs pour faire des trucs.
00:21:27 Bernard Tapie bluffe, joue, mais perd finalement,
00:21:31 car la supercherie finit par être démasquée.
00:21:35 Bokassa, à ce moment-là, quand même, qu'il n'a pas perdu totalement sa tête,
00:21:39 contacte Giscard.
00:21:41 Giscard et il se dit maintenant, il n'est pas question de nationalisation,
00:21:44 ni de réquisition, ni de rien du tout.
00:21:46 La vente des châteaux est alors annulée et rien ne sera versé à l'UNICEF.
00:21:51 Mais étrangement, personne n'y prêtera vraiment attention,
00:21:55 car les médias sont déjà passés à autre chose.
00:21:59 Il est convaincant. Il en sort avec un...
00:22:02 Qu'est-ce qu'il est beau, chaleureux, dynamique.
00:22:07 Il est l'image de la réussite en marche.
00:22:11 Le fait médiatique avait été trouvé.
00:22:13 On a parlé d'un jeune homme d'affaires complètement dingue,
00:22:17 qui voulait s'emparer des châteaux de Bokassa pour les donner à l'UNICEF.
00:22:21 Ce qui l'intéresse, la presse, c'est ce qui brille.
00:22:24 C'est ce que Tapie a compris.
00:22:26 C'est comme ça que très longtemps, elle boira,
00:22:29 mais avec délectation et bonheur, les aventures de Bernard Tapie.
00:22:34 Des aventures que les Français suivent donc avec attention.
00:22:39 La presse relaie ses faits et gestes.
00:22:41 Le client est trop bon et il va très vite devenir populaire.
00:22:45 En 1985, ils sont 25 % à le voir occuper le poste de Premier ministre.
00:22:50 Il n'en fallait pas plus pour que Bernard Tapie soit séduit par l'idée.
00:22:54 La politique, vous avez envie d'en faire ?
00:22:57 La politique, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, non,
00:23:00 mais faire de la politique, j'aurais envie d'en faire.
00:23:03 Comment ?
00:23:05 En apportant quelques solutions à des problèmes que je connais bien, par exemple.
00:23:08 C'est sûr que cette tentation-là, elle est présente très vite, très tôt.
00:23:13 C'était inéluctable qu'il aille vers ça.
00:23:16 Puis la politique, c'est le pouvoir suprême,
00:23:18 donc c'est la tentation suprême.
00:23:20 Quand on a réussi dans les affaires, on a réussi dans le sport,
00:23:23 la sirène qui vous appelle derrière, c'est la politique.
00:23:26 Et là encore, Bernard Tapie va surprendre.
00:23:30 Tout le monde l'attend à droite,
00:23:32 mais c'est à gauche qu'il veut s'engager,
00:23:34 aux côtés d'un homme, François Mitterrand.
00:23:37 [Musique]
00:23:42 Il n'était pas socialiste ou à gauche, c'était Mitterrand.
00:23:45 Un grand homme, voilà. Il le voit comme un grand.
00:23:48 Il sait qu'en France, si on veut faire de la politique,
00:23:50 il vaut mieux être de côté, être proche du pouvoir, en tout cas.
00:23:54 Côté souverain de François Mitterrand, l'excite aussi.
00:23:58 Et qu'il a envie de s'y frotter.
00:24:00 Alors, en 1987, Bernard Tapie se lance.
00:24:04 Il demande à son ami Jacques Seguéla, l'un des conseillers du président,
00:24:07 de lui organiser une rencontre.
00:24:10 J'aurais beaucoup de mal à monter le déjeuner,
00:24:13 parce que tout l'entourage de Mitterrand se raconte,
00:24:17 en disant "Perdez pas de temps avec Sitté Nergumène,
00:24:20 il est dangereux, ça va être relaté dans la presse."
00:24:23 Tous ceux qui étaient membres du secrétariat national du parti,
00:24:26 on était tous sur cette logique, je veux dire,
00:24:28 ça ne nous apparaissait pas comme un carnant,
00:24:31 une idéologie du Parti Socialiste.
00:24:33 Moi je lui dirais à mi-temps "Ecoutez, il va entrer en politique,
00:24:36 ce serait une catastrophe de le perdre pour la gauche."
00:24:40 Et finalement, François Mitterrand accepte.
00:24:43 La rencontre doit avoir lieu ici, au domicile de Jacques Seguéla,
00:24:46 et Bernard Tapie va vraiment s'y préparer.
00:24:50 Il s'était préparé pendant une semaine, un jour et demi, à cette réunion.
00:24:53 On ne peut pas croire qu'il arrive et qu'il gesticule, non, tout est concentré.
00:24:58 Il est très excité par l'idée de se frotter à une personnalité de ce genre,
00:25:02 et de lui montrer que lui-même n'est pas quelqu'un qui est fait pour jouer les second rôles.
00:25:10 Ce jour-là, Tapie passe en quelque sorte son grand oral.
00:25:14 Et voici ce qu'il exprime.
00:25:17 Il va faire un discours populiste, de racines, de sens du peuple, d'humeur sociale, hallucinant.
00:25:30 Je vais voir Mitterrand bouche bée.
00:25:33 Mitterrand a été un peu bluffé, si j'ose dire, par cette force, cette énergie, cette compétitivité.
00:25:40 Il a quand même tout de suite mesuré qu'il avait affaire à une personnalité hors normes,
00:25:46 en dehors des clivages habituels.
00:25:52 Et à la fin, Mitterrand me dit "merci pour ce déjeuner,
00:25:56 j'ai trouvé l'homme politique tel que je l'ai toujours souhaité".
00:26:03 Et François Mitterrand va s'en souvenir.
00:26:06 Un an plus tard, alors qu'il vient d'être réélu,
00:26:08 il propose à Bernard Tapie de se présenter aux élections législatives,
00:26:12 sous l'étiquette "majorité présidentielle".
00:26:22 C'est à Marseille que Bernard Tapie va mener sa première bataille électorale.
00:26:27 D'abord parce qu'il y est très populaire depuis qu'il a pris les commandes de l'OM,
00:26:31 le club de football marseillais.
00:26:33 Mais surtout parce qu'il y a un défi à relever, faire barrage au Front National.
00:26:39 L'étoile Tapie est apparue à un moment où les idées extrémistes,
00:26:47 les idées xénophobes dominaient la scène publique.
00:26:51 Jean-Marie Le Pen vient de faire un score extrêmement élevé aux présidentielles,
00:26:54 il frôle les 30% sur la ville de Marseille.
00:26:56 Ils vont organiser d'ailleurs en 1988 au stade Vélodrome un très grand meeting
00:27:02 qui va réunir plus de 20 000 personnes.
00:27:05 Devant cette démonstration de force du Front National au sein même du stade Vélodrome,
00:27:10 Bernard Tapie n'a qu'une idée, battre Jean-Marie Le Pen pour marquer son entrée en politique.
00:27:19 La gauche patauge devant le Front National, elle ne sait pas comment le prendre.
00:27:23 Et Tapie comprend que là, il a peut-être un rôle pour lui.
00:27:26 Il y avait le combat et tout ce qu'il pouvait en tirer derrière.
00:27:30 Il détestait l'homme et puis rêvait de se le faire.
00:27:36 Et il m'avait dit "un jour je vais me le faire".
00:27:39 Mais pour se présenter dans la même circonscription que Jean-Marie Le Pen,
00:27:44 Bernard Tapie a besoin de l'accord de cet homme,
00:27:46 Michel Peset, le leader des socialistes marseillais.
00:27:50 Et il découvre alors un adversaire qu'il n'avait pas prévu.
00:27:53 La circonscription de Le Pen, tout le monde la veut.
00:27:57 Donc on ne va évidemment pas laisser s'implanter un type qui est beaucoup plus connu que tous,
00:28:04 qui a l'accès aux médias, qui contrôle l'Olympique de Marseille
00:28:08 et qui aura un boulevard vers la mairie.
00:28:10 Tapie m'appelle, il me dit "bon alors j'arrive, je suis candidat contre Le Pen".
00:28:14 Je lui dis "non, non, vous vous trompez là".
00:28:17 Contre Le Pen ? Jamais.
00:28:19 Il n'était pas question qu'il puisse se légitimer d'avoir battu Le Pen.
00:28:24 Ça c'est pas possible, il ne faut surtout pas lui faire ce cadeau.
00:28:27 Pour moi c'est une espèce de fanfaron, de truqueur, c'est tout ça pour moi Tapie.
00:28:34 Il me rappelle, il remet la pression, je dis "je ne lâcherai jamais".
00:28:41 Bernard Tapie n'est donc pas le bienvenu dans son propre camp.
00:28:45 Michel Peset ne cèdera pas et il l'inscrit dans une autre circonscription
00:28:49 où cette fois, tous les sondages le donnent perdant.
00:28:52 C'est un secteur qui était vraiment dédié à la droite, une droite forte.
00:28:58 C'est un petit cadeau empoisonné.
00:29:00 Mais en fait, il sous-estime les capacités politiques de Bernard Tapie.
00:29:04 Car Tapie est loin d'être découragé.
00:29:06 Et de la même façon qu'il s'est lancé dans les affaires,
00:29:09 il entre en politique sûr de sa méthode et de sa réussite.
00:29:13 Il s'investit à 8000% et il y va.
00:29:16 Assure-toi qu'ils ont des cartes postales, c'est ça qu'il faut là.
00:29:19 Des cartes postales, merde, je les ai fait pour ça.
00:29:23 Quel dommage que vous votiez pas tous.
00:29:27 C'est la vente.
00:29:29 Il vendait lui, mais il se vendait formidablement comme il savait vendre des téléviseurs.
00:29:34 Il se montre plus démagogue que les vieux professionnels de la politique marseillaise.
00:29:39 Il parle comme on parle au bistrot et pas comme on parle au Palais Bourbon.
00:29:44 Hé, mets pas, hein, partie de boule la vie.
00:29:47 Sur la forme, il a une façon extraordinairement populiste de tenir le discours politique.
00:29:54 Excellente bête de campagne.
00:29:56 Hé alors, il est là.
00:29:58 Oh, mon dieu.
00:30:01 Et une fois encore, ça marche.
00:30:04 Sur le terrain, Bernard Tapie séduit les électeurs et il remonte peu à peu dans les sondages.
00:30:11 Il y avait un engouement incroyable, incroyable.
00:30:14 Quand il allait faire les marchés, c'était la descente des Champs-Elysées.
00:30:20 Quand tu gagnais la Coupe de France, c'était pareil.
00:30:23 C'est vrai que sur le terrain, les gens viennent, les gens te saluent.
00:30:28 Les voitures s'arrêtent, les gens sortent des voitures.
00:30:31 Les jeunes femmes sont tout à fait séduites.
00:30:34 Il y avait une espèce de vague comme ça qui le portait.
00:30:37 Et pour gagner des voix, Bernard Tapie s'adresse même aux électeurs du Front National.
00:30:42 Pour les rallier à sa cause, il emploie des méthodes musclées jamais vues en politique.
00:30:48 Il les a affrontés, il les a engueulés.
00:30:50 Il voulait leur rentrer dedans. Vous êtes des salopards, Le Pen, écoutez ce qu'il dit.
00:30:54 Il leur citait des phrases de Le Pen et il essayait de les ramener comme ça.
00:30:58 Et il va même aller encore plus loin.
00:31:01 Un soir de campagne, il décide de s'inviter à une réunion du Front National pour créer, on veut dire, un électrochoc.
00:31:08 Il me dit on va aller à un meeting du Front. Je lui dis bon, tu crois que tu vas pas te faire écharper ? Non, on y va.
00:31:13 Ce jour-là, les militants du Front National sont rassemblés dans une petite salle du centre-ville de Marseille.
00:31:22 Il est rentré dans la salle et il s'est assis.
00:31:27 Tu t'imagines bien quand Tapie rentre dans la salle d'un meeting de Le Pen, t'as quelques petits huées.
00:31:38 Tapie lève le bras et il dit écoutez, si vous me donnez la parole, je vous dirai ce qu'on ferait nous sur l'immigration clandestine à Marseille.
00:31:47 Il saute sur l'estrade, il dit écoutez, moi je vais vous dire, si j'étais au pouvoir à Marseille,
00:31:53 eh bien je mettrais tous les clandestins, quels qu'ils soient, les sans-papiers, dans des navires.
00:32:00 Puis là, il dit, puis on coule les bateaux, une fois qu'on est au large. Ouais !
00:32:10 Il change le nissement de la salle et il dit, vous voyez, je parlais d'un massacre et vous applaudissez.
00:32:17 C'est pas Le Pen qui est une ordure, c'est vous. Et le matin quand vous regardez dans la glace, eh bien germez-vous dessus.
00:32:23 Et je me rappellerai toujours que les applaudissements ont commencé à s'arrêter.
00:32:32 Il y avait un silence de mort et là je lui ai dit on s'en va parce que là tu vas te faire lâcher.
00:32:38 Tout au long de sa campagne, Bernard Tapie a surpris par ses méthodes.
00:32:41 Alors quand arrive le soir des résultats, tout le monde s'interroge, quel sera son score ?
00:32:47 Nous sommes le 12 juin 1988, dans sa permanence électorale,
00:32:52 le candidat Tapie attend les résultats du second tour au milieu de ses supporters.
00:32:57 Lorsque l'on a le dépouillement de tous les résultats, et lorsque l'on fait les totaux, on s'aperçoit que Tapie est élu.
00:33:04 Bernard Tapie est élu.
00:33:09 Toutes les victoires, on est toujours content. Surtout là, j'ai l'impression que ça a été très très dur.
00:33:14 On avait un retard épouvantable. Et finalement, ben voilà, c'est fait.
00:33:18 Bon ça y est, on a gagné, on a gagné. Et Bernard Tapie et le staff s'en vont et vont tourner une interview pour une chaîne de télé.
00:33:30 Bernard Tapie doit intervenir en direct dans le cadre de la soirée électorale.
00:33:34 Le duplex a lieu ici, dans ce grand hôtel. Il a hâte de célébrer sa première victoire politique.
00:33:40 Donc il monte à l'hôtel avec son épouse et moi-même, je suis à ses côtés. Tapie est sûr d'être élu.
00:33:48 Donc il arrive triomphant.
00:33:50 Mais il y a un problème. Depuis son départ de la permanence, les résultats ont changé. Tapie la prend à quelques minutes de l'antenne.
00:33:58 Tessier annonce qu'il a 99 voix d'avance sur toi. Et les calculs qu'on fait, c'est 300.
00:34:04 On a gagné, on a gagné. Puis arrivé à l'hôtel, ben on a pas gagné.
00:34:09 Laurent, appelle la permanence. Qu'est-ce qu'ils disent ?
00:34:14 Ils disent qu'il y a un résultat qui donne 99 voix de plus à Tessier.
00:34:20 Et là, il est véritablement assommé. Je veux dire, c'est la somme. Cette annonce, c'est la somme.
00:34:24 Sur le moment, il a pris très mal.
00:34:28 Alors là, c'était l'horreur. C'était l'horreur. La douche froide.
00:34:34 Et moi, ouf ! J'étais assez heureux qu'il soit battu, disons-le.
00:34:38 Mais Bernard Tapie ne veut pas en rester là. Et il n'a pas l'intention de laisser filer la victoire.
00:34:44 Alors en plein direct, il conteste les résultats.
00:34:47 Il y a une heure, on m'annonçait vainqueur avec 277 voix d'avance.
00:34:51 Et puis, lorsque toutes les serviettes se sont ramassées pour aller au bureau central, on est revenu avec 80 de retard.
00:35:00 On est en train de décompter de nouveau à la mairie, parce qu'il y a des erreurs qu'on n'arrive pas à comprendre.
00:35:07 Il ne croit pas à ce qu'on lui annonce. Il ne comprend pas. Donc il est persuadé qu'il s'est passé quelque chose.
00:35:12 Et effectivement, il s'est passé quelque chose.
00:35:14 Et c'est le Conseil constitutionnel qui devra trancher ce litige électoral.
00:35:18 Le 26 novembre 1988, l'élection est finalement invalidée.
00:35:24 Quelques mois plus tard, un nouveau vote est organisé.
00:35:28 Et c'est Bernard Tapie qui remporte la victoire.
00:35:32 Je vous avais promis qu'on la gagnerait, on l'a gagné !
00:35:39 Lui est allé jusqu'au bout, il n'aurait pas lâché. Parce que c'est un homme qui ne lâche pas.
00:35:46 Une victoire comme une première médaille politique. On appelle cela une entrée réussie.
00:35:52 Mais très vite, Bernard Tapie entend grandir, faire ses preuves face aux "cadors nationaux" comme il dit.
00:35:58 Et il en a un dans sa ligne de mire. Personne n'ose l'affronter sur les plateaux de télé, mais lui va dire oui.
00:36:06 Nous sommes en octobre 1989, et un grand débat sur l'immigration est organisé à la télévision avec comme principal invité,
00:36:13 le président du Front National. Mais Jean-Marie Le Pen fait peur, et la chaîne a beaucoup de mal à lui trouver un adversaire.
00:36:21 Au départ, l'idée c'était de trouver soit un des dirigeants du Parti Socialiste, soit un membre du gouvernement.
00:36:29 Je téléphone à beaucoup d'hommes politiques, mon ami Gérard Carrérou aussi, nous appelons tout le monde.
00:36:36 Les hommes politiques de l'époque avaient peur de Le Pen.
00:36:40 Et c'est Pierre Moroy qui me rappelle et qui me dit, moi du côté des socialistes, non on ne veut pas tellement.
00:36:46 Mais enfin, si tu cherches quelqu'un, il y a un type qui veut y aller, c'est Bernard Tapie.
00:36:51 Au fond, Tapie c'est formidable, c'est une idée géniale. Pourquoi pas Tapie ? Je l'ai appelé, et il a immédiatement dit ok, j'y vais.
00:37:02 Tout de suite il veut y aller, détachez-moi. Je vais l'exploser, il s'est déjà, il part gagnant à fond.
00:37:12 Là il y a un coup formidable à faire, et un coup d'image très positif. Affronter le monstre, c'est comme faire don des châteaux de Bocassa à l'enfance malheureuse.
00:37:25 J'affronte le monstre, je suis un type bien.
00:37:28 Le 8 décembre, les deux hommes se retrouvent sur le plateau. Chacun semble prêt à en découdre, le duel peut commencer, et c'est Jean-Marie Le Pen qui ouvre les hostilités.
00:37:39 Vous êtes un matamor, vous êtes un tartarin, un bluffeur, voilà la vérité.
00:37:47 Et nous attendons encore de voir, à part quelques onomatopées que vous lancez de temps en temps sur les écrans, ce que vous êtes capable de faire dans la politique.
00:37:56 Dans ce genre de match, il faut essayer d'envoyer l'adversaire dans les cordes le plus tôt possible.
00:38:02 Tapis contre Le Pen, l'avocat de la bande des quatre contre l'avocat du peuple français. Et nous allons bien voir qui va gagner.
00:38:09 Tapis joue, joue cool, il laisse filer un petit peu, mais il prépare son coup droit.
00:38:21 Il est concentré et il est prêt à l'ajouter, c'est exactement comme un boxeur.
00:38:26 Même nous qui étions sur le côté, on sent, il y a une tension physique.
00:38:31 Et tout de suite, il attaque Le Pen sur un terrain quasiment physique.
00:38:35 Vous avez donné un temps de parole à chacun, il commence déjà à empiéter sur le mien.
00:38:39 La différence c'est que si un moment il dépasse la limite que moi je me suis fixé, je ne deviens pas blanc et je ne deviens pas K.O.
00:38:46 Il savait qu'il fallait lui faire peur physiquement pour le déstabiliser. Parce que c'est comme ça que Le Pen gagnait de lui.
00:38:51 Il n'a pas peur lui d'utiliser le même registre que Le Pen.
00:38:56 Ce n'est pas parce que vous avez une grande gueule et que vous criez fort que vous arrivez...
00:38:59 Vous êtes sorti des bafous, on le sait, vous êtes poli.
00:39:02 Oui, oui, la seule différence c'est que ce n'est pas parce que vous affirmez fort quelque chose que ce que vous dites est vrai.
00:39:09 Il n'y a absolument pas de fond, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas le temps ni l'un ni l'autre de dire plus de trois mots, qu'on est dans l'algarade et dans l'apostrophe.
00:39:16 Bon, ils ont rajouté chacun pour pouvoir crever l'écran.
00:39:19 Et donc il n'y a plus de raison qu'il fasse chauffer ces meetings en donnant des musulmans à manger aux fanatiques du Front National parce qu'il n'est pas...
00:39:27 Vous êtes un grotesque, vous êtes un pitre, monsieur.
00:39:30 Le match Le Pen-Tapie, c'est le match entre deux populismes.
00:39:35 Tapie-Le Pen, on disait populisme de gauche contre populisme d'extrême droite.
00:39:40 Vous avez dit...
00:39:41 Attention...
00:39:42 Vous êtes un pitre, vous avez dit qu'il n'y aurait pas...
00:39:44 Ne dites pas d'énormité comme ça et ne me menacez pas physiquement.
00:39:49 Tapie, à un moment donné, donne l'impression qu'il va se lever et qu'il va aller filer une mandane à Le Pen.
00:39:57 Attention...
00:39:58 Vous êtes un pitre, vous avez dit...
00:40:00 Il le regarde d'une manière qui montre que ce n'est pas du bidon.
00:40:04 Je le connais, ce n'est pas du bidon.
00:40:05 Ne dites pas d'énormité comme ça et ne me menacez pas physiquement, monsieur Tapie.
00:40:11 Il vous en cuirait.
00:40:12 C'est parce que vous avez votre garde du corps.
00:40:14 Non, moi.
00:40:15 Vous rigolez.
00:40:16 Enfin, regardez-vous.
00:40:18 Je me lève pour te casser la figure.
00:40:21 C'était limite, mais c'était fort.
00:40:23 Je veux dire, ça a plu.
00:40:24 Ça a plu dans les chauvières.
00:40:27 Finalement, de ce débat, on ne retiendra que cette joute verbale et physique entre les deux hommes.
00:40:32 Pour la première fois, un homme politique parvient à prendre Jean-Marie Le Pen à son propre jeu.
00:40:37 À la sortie de l'émission, nous avions séparé les combattants.
00:40:44 Donc, moi, j'avais ramené Jean-Marie Le Pen pour se faire démaquiller.
00:40:48 Et un peu interdit, il m'avait dit.
00:40:51 Mais vous avez vu comment il m'a parlé au début ?
00:40:53 Mais vous savez qu'il allait me sauter dessus.
00:40:56 Vous croyez qu'il m'aurait cassé la gueule ?
00:40:59 Alors, je lui dis, mets de l'autre côté.
00:41:01 Je lui dis, alors, elle a du culot, quand même.
00:41:03 Et parce que vous savez, moi, je suis vieux.
00:41:05 Alors, vous avez vu comment il est braqué.
00:41:07 Toute la presse, le lendemain, titrait "Tapis écrase Le Pen".
00:41:10 Tapis le sauveur.
00:41:16 Tapis le sauveur ambigu.
00:41:18 Tapis le sauveur critiquable, mais Tapis le sauveur quand même.
00:41:21 Il s'est mis à représenter quelque chose à côté du PS.
00:41:24 Il a été considéré comme un personnage qui pouvait apporter à la gauche à la fois la modernité,
00:41:32 l'esprit d'entreprise et la combativité antiraciste.
00:41:39 Et François Mitterrand l'a bien compris.
00:41:42 Le 2 avril 1992, Bernard Tapis entre au gouvernement.
00:41:46 Il devient ministre de la ville et participe ce jour-là à son premier Conseil des ministres.
00:41:53 Il a souhaité, on dirait un gamin à qui on vient de donner son plus beau cadeau de Noël, quoi.
00:42:01 Il est radieux là-dessus.
00:42:03 Quelques jours après, il me reçoit dans son bureau et il me dit "Regarde".
00:42:11 C'est le gosse de la Courneuve qui est devenu ministre.
00:42:17 Ça, là, il le ressent vraiment.
00:42:19 C'est pas la fin.
00:42:20 Pour lui, c'est le début.
00:42:22 Voilà.
00:42:23 Ça y est, il arrive maintenant enfin dans le cercle, dans le dernier cercle.
00:42:29 Pour lui, l'entrée au gouvernement, c'est aussitôt se dire "Voilà, puisque je suis ministre, je pourrais être premier ministre".
00:42:38 Et si un jour je suis premier ministre, alors là, tout devient possible.
00:42:41 Il l'a vraiment pensé.
00:42:43 Depuis toutes ces années, Bernard Tapis n'a cessé de gravir l'escalier de la notoriété.
00:42:51 Toujours dans le même sens, du bas vers le haut.
00:42:54 Mais cette ascension va cette fois, brutalement, s'interrompre.
00:42:57 Après le temps de la gloire, voici celui de la chute.
00:43:00 En 1993, Bernard Tapis est donc ministre, mais il est aussi toujours président de l'OM.
00:43:06 Marseille, le foot, la folie, et puis l'affaire.
00:43:10 Une sale affaire.
00:43:11 Mais avant cela, il y aura des larmes et des larmes de joie.
00:43:15 Munich, 26 mai 1993.
00:43:20 L'Olympique de Marseille devient ce jour-là le premier club français à remporter la prestigieuse Ligue des champions.
00:43:26 Sur la pelouse, Bernard Tapis explose de joie.
00:43:30 Et il n'arrive pas à cacher son émotion.
00:43:33 L'instant est historique, on ne cesse de le répéter.
00:43:36 Ça y est, vous l'avez.
00:43:38 Je ne peux plus dire.
00:43:40 C'est stupide parce qu'on ne devrait pas se mettre dans cet état, mais tant pis, on ne va pas faire semblant.
00:43:46 C'est génial.
00:43:47 J'ai rarement vu mon père pleurer.
00:43:50 À la fin, il est en larmes complètes.
00:43:52 Il a la voix qui est brisée.
00:43:54 Voilà, ça, c'était des émotions extraordinaires.
00:43:57 T'es comme des fous.
00:44:02 T'es comme des fous.
00:44:03 T'es halluciné, complet.
00:44:05 Le retour sur Marseille, c'était indescriptible.
00:44:09 C'était indescriptible.
00:44:15 Ça faisait quand même 37 ans que la France courait après la titre de champion d'Europe.
00:44:19 Et c'était arrivé grâce à Bernard Tapis, l'Olympique de Marseille.
00:44:23 Bernard Tapis a fait briller les Marseillais.
00:44:26 Il les a rendus beaux.
00:44:28 Voilà.
00:44:29 Bernard Tapis a rendu beaux les Marseillais.
00:44:31 Lorsque vous êtes supporter de l'OM, vous ne pouvez pas être plus heureux.
00:44:35 La fête est belle, mais elle va être de courte durée.
00:44:39 Car dans la presse, entre les lignes, à la une, une affaire commence à faire parler d'elle.
00:44:45 Une affaire qui va coûter très cher à Bernard Tapis.
00:44:48 L'affaire VAOM.
00:44:51 OM, VA, on n'était pas préparés.
00:44:54 On n'était pas préparés à cette affaire du tout.
00:44:57 Pour ça aussi qu'ils l'aient si mal gérée.
00:44:59 Parce qu'on sort de l'euphorie d'être champion d'Europe, la joie que c'était,
00:45:03 à se retrouver dans ce truc-là.
00:45:05 Ils nous ont fait vite retomber de notre nuage, quand même.
00:45:08 Ça a duré quelques jours.
00:45:10 Tout commence ici, dans les calanques de Marseille,
00:45:19 huit jours avant le Sacre de Munich.
00:45:21 A l'occasion d'une émission de télé, tous les joueurs de l'OM sont réunis sur le Fossea.
00:45:26 Ce jour-là, Bernard Tapis est inquiet.
00:45:29 Car avant la finale européenne, son équipe doit se rendre à Valenciennes
00:45:33 pour un match du Championnat de France.
00:45:35 Et le patron de l'OM veut protéger ses joueurs.
00:45:38 Il a peur que certains de ses joueurs soient blessés
00:45:42 et ne puissent pas disputer la finale à Munich.
00:45:45 C'est ça qui va l'inciter à parler à trois joueurs de l'OM pour leur dire
00:45:51 "Bon, vous connaissez des joueurs à Valenciennes,
00:45:56 appelez-les avant le match pour leur dire qu'ils ne fassent pas les cons,
00:46:00 qu'ils ne nous cassent pas pendant le match."
00:46:02 Quelques jours plus tard, Bernard Tapis insiste auprès du directeur général du club,
00:46:07 Jean-Pierre Bernays.
00:46:09 Il dit à Bernays "Tu te démerdes, je ne veux pas que ces connards de Valenciennes
00:46:15 me cassent mes joueurs."
00:46:17 Parce que le match a lieu quatre jours avant la finale de la Ligue des Champions.
00:46:22 C'est une affaire banale qui part comme ça, je pense,
00:46:25 et qui après devient une énorme merde.
00:46:27 Car après le match, un joueur de Valenciennes lâche une bombe dans la presse.
00:46:31 C'est le défenseur Jacques Lasman.
00:46:33 Il raconte qu'un joueur de l'OM, épaulé par Jean-Pierre Bernays,
00:46:36 a tenté de le sous-doyer.
00:46:38 Il me propose une somme d'argent et certains avantages
00:46:43 si je laissais les Marseillais passer ou si je jouais pas sur ma valeur.
00:46:51 Des révélations qui sèment le trouble.
00:46:54 Mais pour l'instant, personne n'accuse directement Bernard Tapis.
00:46:59 Au lieu de se faire oublier, il se met lui-même en exergue.
00:47:03 Tapis n'est pas dans le dossier avant qu'il n'y entre, spontanément.
00:47:07 Il n'avait pas de raison.
00:47:09 On ne pouvait pas penser que cette médiocre affaire d'achat de joueurs
00:47:16 pouvait remonter aussi haut.
00:47:19 Seulement, le 23 juin, Bernard Tapis et son avocat se rendent au courant
00:47:26 du Palais de Justice de Valenciennes.
00:47:29 Ils veulent s'entretenir avec le procureur chargé du dossier,
00:47:33 Eric de Montgolfier.
00:47:35 Ce jour-là, Bernard Tapis va tenter une nouvelle fois
00:47:38 d'instaurer un rapport de force.
00:47:40 Il arrive là, sûr de lui.
00:47:42 Une des premières phrases de Bernard Tapis a été de me dire
00:47:46 qu'il quittait l'Elysée.
00:47:49 De toute façon, pour Tapis, il m'a semblé de dresser le décor.
00:47:54 Je suis un homme puissant, de pouvoir, je quitte le président.
00:47:58 Il faut que vous compreniez, monsieur le procureur,
00:48:01 quel homme je suis.
00:48:03 Après le rapport de force, les flatteries.
00:48:06 Oui, quelqu'un comme vous, dans ce petit tribunal,
00:48:12 vous méritez mieux.
00:48:14 Voilà, du Bernard Tapis.
00:48:16 Reprise de séduction, sur fond de pouvoir présidentiel.
00:48:23 Je vois ce procureur assez distant, un peu ironique,
00:48:33 pas coopératif pour dessous.
00:48:36 Tapis se bat comme un lion, mais n'arrive pas à accrocher.
00:48:41 Il sent bien que cette fois-ci, il n'a pas réussi à charmer.
00:48:45 Il n'a pas m'expliqué qu'il n'y est pour rien.
00:48:48 Il m'a expliqué qu'il ne s'est rien passé.
00:48:51 C'était sans doute une faute stratégique importante.
00:48:54 Une faute stratégique.
00:48:56 Car Bernard Tapis ignore l'existence d'un nouvel élément dans l'enquête.
00:49:00 Le jour même, les gendarmes ont retrouvé une grosse somme d'argent liquide
00:49:05 enterrée dans le jardin familial d'un des joueurs corrompus.
00:49:08 Le dossier comporte désormais une preuve.
00:49:13 Alors est-il vraiment dedans ou bien il intervient à la périphérie ?
00:49:18 C'était la question de ce dossier.
00:49:20 Et ce n'était sans doute pas la plus facile.
00:49:23 Franchement, si Tapis n'était pas Tapis,
00:49:26 je ne suis pas sûr qu'il serait retrouvé un jour devant le tribunal correctionnel.
00:49:30 Seulement, Bernard Tapis n'entend pas changer d'attitude.
00:49:33 Et dans cette affaire, il a peut-être aussi sous-estimé son adversaire.
00:49:38 On a compris qu'on avait affaire à un procureur atypique,
00:49:42 un procureur qui ne se laisserait pas marcher sur les pieds.
00:49:46 Donc très vite, ça tourne à un face-à-face entre deux taureaux.
00:49:52 Le sentiment que faute d'être entendu dans ces dénégations,
00:50:00 Bernard Tapis est en train de s'en prendre au magistrat,
00:50:03 c'est sans doute plus simple.
00:50:05 Je sens que la démocratie progresse.
00:50:07 J'attends que les autorités de tutelle réagissent pour savoir si elles trouvent normal.
00:50:13 Si c'est dans le cadre de sa fonction,
00:50:16 effectivement, de faire une conférence de presse par jour.
00:50:19 Le juge, strictement attaché à sa tâche,
00:50:23 respecte strictement le secret et moi j'affole la meute.
00:50:27 Et donc on a un procureur qui décide de parler de façon à contredire.
00:50:35 Et on est deux ans avant le procès, la parole de Bernard Tapis.
00:50:41 C'était assez impressionnant des deux côtés,
00:50:44 parce que l'un ne se démontait pas, Tapis,
00:50:47 et l'autre était courageux, Montgolfier.
00:50:50 L'occasion est trop belle pour le procureur.
00:50:53 Il va devenir l'une des vedettes.
00:50:55 Pourquoi aurait-il fallu lui laisser le champ libre ?
00:50:58 Je n'avais pas l'intention, puisque j'avais pris la décision
00:51:01 de requérir l'ouverture d'une information,
00:51:03 de laisser détruire, dans l'opinion publique,
00:51:08 l'idée que je défendais,
00:51:10 c'est-à-dire qu'on ne peut pas acheter un match de foot.
00:51:13 Le face-à-face dure plusieurs semaines.
00:51:16 Et plus Tapis attaque le procureur, plus il s'enfonce dans l'affaire.
00:51:20 Très rapidement, ça devient un feuilleton.
00:51:24 Pendant l'été 93,
00:51:26 tous les jours il y avait un truc nouveau qui arrivait.
00:51:28 Il était impensable que Tapis ne soit pas condamné.
00:51:31 Moi je l'ai ressenti comme ça de façon malheureusement évidente.
00:51:34 Ce n'est pas le procès OM-VA, c'est le procès Tapis.
00:51:37 Mais la faute à qui ?
00:51:39 Même le président de la République
00:51:43 se rend compte que Bernard Tapis est dans l'impasse.
00:51:45 Alors à l'occasion de son discours le 14 juillet,
00:51:48 il tente de prendre la défense de son ancien ministre.
00:51:51 Il s'est révélé un excellent ministre.
00:51:54 Excellent ministre.
00:51:56 Comme président de l'OM,
00:51:58 il semble qu'il a bien réussi.
00:52:01 C'est une énergie.
00:52:03 L'intelligence est une énergie.
00:52:05 Mitterrand c'est quelqu'un qui ne laisse pas tomber
00:52:08 ceux qui à un moment précis ont œuvré
00:52:11 dans un sens qu'il juge bon.
00:52:13 Alors pourquoi le mêler pour l'instant à cette affaire
00:52:18 alors qu'à ma connaissance,
00:52:21 à ma connaissance, on ne sait si on en parle
00:52:24 du matin au soir sur les télévisions et dans les radios,
00:52:27 alors que le nom de Bernard Tapis n'a pas encore,
00:52:31 s'il devait l'être, il se dit encore,
00:52:33 n'a pas été prononcé,
00:52:35 en tout cas dans les instruments de justice.
00:52:37 Mais cette fois, l'intervention du président de la République
00:52:41 ne va pas aider Bernard Tapis,
00:52:43 bien au contraire.
00:52:45 On est quand même devant l'indépendance des juges
00:52:51 et on a le chef de l'État
00:52:53 qui balaye, minimise un petit peu cette affaire-là.
00:52:56 C'est choquant.
00:52:58 C'est une ingérence.
00:53:00 C'est reçu, c'est très mal reçu ici sur place.
00:53:02 J'ai trouvé ça misérable.
00:53:05 C'était bien la première fois que le président de la République
00:53:08 intervenait dans un des dossiers.
00:53:10 Qu'est-ce que ça va changer ?
00:53:12 L'intervention du président de la République
00:53:16 ne peut effectivement plus rien changer
00:53:18 car le procureur a trouvé une faille
00:53:20 dans la défense de Bernard Tapis.
00:53:22 Quelques jours plus tôt,
00:53:25 on a reçu une visite étonnante au Palais de Justice,
00:53:28 celle de Boro Primorac, l'entraîneur de Valenciennes.
00:53:31 Primorac demande un rendez-vous à Eric de Montgolfier,
00:53:38 le procureur, en lui disant
00:53:41 « Bernard Tapis a fait pression sur moi
00:53:44 pour que l'histoire n'aille pas plus loin,
00:53:47 pour qu'on arrête là. »
00:53:49 Quand l'information sort dans la presse,
00:53:52 Tapis nie tout en bloc
00:53:54 et jure qu'il était ce jour-là
00:53:56 avec un ancien ministre socialiste, Jacques Mellic.
00:53:59 Mais cet alibi ne tient pas.
00:54:01 Tout ça va se retourner
00:54:05 comme un boomerang
00:54:07 contre les intéressés.
00:54:09 Mais Tapis va jusqu'au bout,
00:54:12 j'allais dire résister.
00:54:15 Il va nier l'évidence.
00:54:17 Jusqu'à présent, il avait été fantômasse,
00:54:19 celui qui faisait gagner
00:54:21 les petits contre les grands.
00:54:23 Et là, d'un coup,
00:54:25 il y a quelque chose qui se casse
00:54:27 et qui se ternit dans son image.
00:54:29 À la base, il y a une couille,
00:54:38 une connerie qui est faite.
00:54:40 Et on ne sait pas comment se démerder
00:54:42 pour rattraper la connerie et l'étouffer.
00:54:44 Et là, on fait que des conneries deux fois plus grosses.
00:54:47 « C'est un peu Tapis, ça.
00:54:49 Jamais pris de cours.
00:54:51 Je réponds à tout trop vite.
00:54:53 Oui, souvent trop vite. »
00:54:55 Et là, il rencontre le mur,
00:54:57 mais il ne rencontre jamais le mur à 20 à l'heure.
00:54:59 C'est toujours à 200 à l'heure qu'il est en train de rouler.
00:55:01 Et le destin de Bernard Tapis
00:55:06 est en train de basculer.
00:55:08 Son talent, sa détermination,
00:55:10 le soutien du président,
00:55:12 tout ce qui lui avait permis de briller
00:55:14 dans les affaires et dans la politique
00:55:16 se retourne alors contre lui.
00:55:18 La machine judiciaire va s'emballer
00:55:20 et brûler l'icône qu'on a tant aimé.
00:55:22 Et tous ceux qui avaient des comptes
00:55:24 à régler avec lui vont d'ailleurs en profiter.
00:55:27 En pleine affaire au MVA,
00:55:31 une cascade de procédures s'abat sur Bernard Tapis.
00:55:34 Il se retrouve poursuivi pour abus de biens sociaux,
00:55:38 falsification de comptes
00:55:40 et fraude fiscale.
00:55:42 « Ce sont des dossiers qui avaient du poids
00:55:45 et qui reposaient sur,
00:55:47 effectivement, des charges avérées. »
00:55:50 « Certainement, il a dû commettre
00:55:52 quelques conneries, l'ami Tapis.
00:55:54 Il a dû commettre quelques grosses bêtises. »
00:55:57 « Brusquement, il est devenu
00:55:59 la quintessence de tout ce qu'on reprochait
00:56:01 à la gauche à ce moment-là.
00:56:03 C'est-à-dire de confusion des affaires
00:56:05 et de la politique,
00:56:07 de manipulation de la justice, etc.
00:56:09 Et ça a cristallisé autour de lui. »
00:56:16 « C'est la période la plus noire pour lui.
00:56:18 Tout s'est accumulé, les procès...
00:56:20 Tout d'un coup, les juges,
00:56:22 qui avaient été extrêmement déferrants avec lui,
00:56:24 se sont mis à en remettre. »
00:56:26 « On en écrase beaucoup.
00:56:28 Il y en a après beaucoup pour...
00:56:30 Si un jour vous êtes à terre,
00:56:32 pour vous taper dedans. »
00:56:34 Et les choses s'accélèrent.
00:56:36 Le 28 juin 1994,
00:56:38 après une demande des juges,
00:56:40 l'Assemblée nationale vote la levée
00:56:42 de son immunité parlementaire.
00:56:45 « Il est inquiet tous les jours depuis un moment.
00:56:47 Il sent quand même que ça monte.
00:56:49 Mais on a quand même, par moments,
00:56:51 ri au téléphone,
00:56:53 et rigolé,
00:56:55 et tapidisé.
00:56:57 « Attends,
00:56:59 j'ai de l'eau jusqu'au genou,
00:57:01 et je sens les piranhas
00:57:03 qui commencent à me bouffer les mollets. »
00:57:05 Et cette impression ne tarde pas à se confirmer.
00:57:09 Le lendemain matin,
00:57:11 la police vient le chercher à son domicile
00:57:13 de la rue des Saint-Père, à Paris.
00:57:15 « Les flics se présentent chez lui à 6h du matin,
00:57:18 forcent le portail de sa porte d'entrée
00:57:20 avec leur voiture,
00:57:22 et vont le cueillir dans son lit. »
00:57:24 « On y va, on défonce la porte
00:57:26 comme si on avait un tank,
00:57:28 on rentre dans les appartements, on va le chercher. »
00:57:30 « Quand les flics débarquent dans sa chambre,
00:57:32 il y a bagarre,
00:57:34 parce que c'est son réflexe premier. »
00:57:36 « Je crois qu'il a bien attrapé le premier flic
00:57:38 qui a débarqué dans sa chambre.
00:57:40 Je veux dire qu'à la base,
00:57:42 on est allé comme ça,
00:57:44 c'est tout juste si c'était pas les mains sur le mur,
00:57:46 à regarder si on avait pas 10 kilos d'héroïne. »
00:57:49 « Et il est menotté,
00:57:51 il est emmené à 6h du matin. »
00:57:53 C'est l'affaire de la fraude fiscale
00:57:55 qui vaut à Bernard Tapie cette interpellation.
00:57:57 Après un long interrogatoire au palais de justice de Paris,
00:57:59 il est finalement relâché,
00:58:01 mais le pire est à venir.
00:58:03 Un mois plus tard,
00:58:08 le 29 juillet,
00:58:10 Bernard Tapie revient à son domicile saisir ses meubles.
00:58:12 Ce jour-là, des dizaines de journalistes
00:58:14 assistent à ce spectacle médiatico-judiciaire.
00:58:16 « Quand je suis arrivé à son domicile,
00:58:18 il y avait 3 ou 4 camions de télévision
00:58:20 avec les antennes paraboliques. »
00:58:22 « Les journalistes campaient,
00:58:24 ça campait.
00:58:26 Ils passaient tous les jours un truc.
00:58:28 Pourquoi bouger ? »
00:58:30 « Il y avait des camions de déménagement,
00:58:32 une quinzaine de déménageurs,
00:58:34 et 3 ou 4 huissiers
00:58:36 qui embarquaient tous les jours
00:58:38 dans son domicile. »
00:58:40 « Les meubles et les œuvres d'art
00:58:42 de l'hôtel particulier de Bernard Tapie
00:58:44 saisis aujourd'hui... »
00:58:46 Le Crédit Lyonnais réclame le remboursement immédiat
00:58:48 de tous ses emprunts,
00:58:50 soit plus d'un milliard de francs.
00:58:52 Le système Tapie s'écroule
00:58:54 et la France antiraciste
00:58:56 a sa ruine devant son poste de télévision.
00:58:58 À l'intérieur de son domicile,
00:59:00 Bernard Tapie fait face aux huissiers.
00:59:02 « Il s'est adressé à eux.
00:59:04 Je vais vous dire quelque chose.
00:59:06 Quand on va à la chasse aux papillons
00:59:08 et qu'on se manque, on risque rien.
00:59:10 Mais quand on va à la chasse au lion,
00:59:12 il ne faut pas se manquer.
00:59:14 Ils étaient un peu perturbés.
00:59:16 Ils disaient, qu'est-ce qu'on fait ?
00:59:18 Qu'est-ce qui va nous arriver ? »
00:59:20 Et tout cela n'est pas terminé.
00:59:22 Nouveau rendez-vous judiciaire
00:59:24 et nouvelle humiliation.
00:59:26 Le Crédit Lyonnais a également
00:59:28 obtenu la mise en vente
00:59:30 de son hôtel particulier.
00:59:32 Le 13 décembre, la banque organise
00:59:34 une visite à l'hôtel particulier.
00:59:36 « Il y avait la queue dans la rue de Saint-Père.
00:59:38 Tous les gens venaient visiter
00:59:40 un bien qui était à vendre,
00:59:42 qui à l'époque est estimé
00:59:44 à 200 millions d'euros. »
00:59:46 « C'était le parc Astérix.
00:59:48 Visite gratuite du parc Astérix. »
00:59:50 « On se doute bien qu'il n'y a pas
00:59:52 parmi les 2000 personnes
00:59:54 qui vont venir acheter l'hôtel particulier. »
00:59:56 « Racontez-nous comment ça a marché.
00:59:58 C'est surprenant.
01:00:00 Un petit Versailles. »
01:00:02 « Il y avait des petits vieux qui cachaient
01:00:04 leurs appareils photos dans les parapuys.
01:00:06 Ils ont piqué un dentifrice,
01:00:08 dans lequel éventuellement
01:00:10 un tapis
01:00:12 avec lequel éventuellement
01:00:14 ils se lavent les dents.
01:00:16 Wow ! »
01:00:18 « C'est pur même de rigoler.
01:00:20 Voilà ce que j'en pense. »
01:00:22 « Ça rassure.
01:00:26 Dans une certaine mesure,
01:00:28 on se dit, lui aussi,
01:00:30 qu'il a arrivé des malheurs. »
01:00:32 Humiliés,
01:00:34 ruinés,
01:00:36 Bernard Tapie ce jour-là n'a plus qu'un seul pilier
01:00:38 sur lequel s'appuyer, sa famille.
01:00:40 À commencer par ses parents,
01:00:42 ils sont venus le rejoindre depuis le début de ses déboires.
01:00:44 « On s'est tout de suite habillés
01:00:46 tous les deux et on a été à Paris.
01:00:48 On y a tout de suite été le voir.
01:00:52 On est une famille assez...
01:00:56 On ne se laisse pas tomber
01:00:58 les uns aux autres. »
01:01:00 « C'est plus presque un clan qu'une famille.
01:01:02 C'est pas le clan des Siciliens,
01:01:04 mais c'est un clan. »
01:01:06 Et dans ces moments-là,
01:01:08 Bernard Tapie peut compter aussi et surtout sur une personne.
01:01:10 Dominique, sa femme.
01:01:12 Toujours dans l'ombre,
01:01:14 toujours discrète,
01:01:16 mais toujours à ses côtés depuis 25 ans.
01:01:18 « Sa femme est tellement importante
01:01:20 pour lui
01:01:22 que c'est...
01:01:26 que c'est ce qu'il ne montre pas.
01:01:28 C'est le...
01:01:30 C'est le trésor, le secret
01:01:32 de Tapie qu'il n'a envie de montrer
01:01:34 à personne. »
01:01:36 « Son vrai équilibre et sa vraie force,
01:01:38 à lui, c'est sa femme.
01:01:40 Et dans le négatif, elle n'est pas là,
01:01:42 il n'est plus là. Ça, j'en suis sûr, sûr, sûr. »
01:01:44 « Elle est un pilier
01:01:46 très fort de l'édifice
01:01:48 de sa vie. »
01:01:50 « Elle a 100 fois plus de force que lui.
01:01:52 Elle est 100 fois plus forte que lui.
01:01:54 Mais il n'y a aucune comparaison.
01:01:56 Aujourd'hui, si on a encore notre père,
01:01:58 c'est que grâce à elle.
01:02:00 Il ne faut pas se leurrer. »
01:02:02 « On avait une arme à feu
01:02:12 à la maison, ma mère l'a retirée.
01:02:14 Elle l'a retirée.
01:02:16 Parce qu'à un moment, elle s'est dit
01:02:18 « Et s'il pète un plomb,
01:02:20 est-ce qu'il va la chercher ? »
01:02:22 Voilà.
01:02:24 Et le fait est qu'un jour, il lui a demandé où elle était.
01:02:26 Pourquoi ?
01:02:28 Même le plus solide des hommes
01:02:30 peut à un moment
01:02:32 se retrouver par terre
01:02:34 et se retrouver vraiment au fond du trou.
01:02:36 J'ai le souvenir de ce repas où à un moment,
01:02:40 première fois de ma vie, je vois ça de mon père.
01:02:42 Il pose des couverts et il se met à pleurer.
01:02:44 Des trucs qui me semblaient totalement impensables. »
01:02:46 Mais il n'y a qu'ici,
01:02:48 dans l'intimité de sa famille, que Bernard Tapie
01:02:50 peut se sentir un peu arrêté.
01:02:52 En dehors, il n'affiche aucun signe de faiblesse.
01:02:54 Au contraire, à l'approche de son procès
01:02:56 dans l'affaire VAOM,
01:02:58 il se montre plus arrogant que jamais.
01:03:00 « Bernard Tapie n'a pas du tout mesuré
01:03:04 le risque judiciaire
01:03:08 qu'il encourait à Valenciennes. »
01:03:10 Nous sommes le 13 mars 1995,
01:03:12 devant le tribunal correctionnel de Valenciennes.
01:03:14 Et c'est un Bernard Tapie qui arrive à l'audience
01:03:18 avec une question très claire de lui.
01:03:20 « Il se dit, on ne peut pas me condamner là-dessus.
01:03:30 Il n'y a pas de charge, il n'y a pas de preuve.
01:03:32 Je vais donc être relaxé, je peux donc y aller tranquille. »
01:03:34 Jusqu'à présent, Bernard Tapie s'en est toujours sorti
01:03:38 grâce à son assurance et sa force de persuasion.
01:03:40 Mais ici, dans l'enceinte du tribunal,
01:03:42 il ne parviendra pas à déstabiliser les juges.
01:03:46 « Il n'a pas arrêté l'audience.
01:03:48 Des mimiques, des jeux,
01:03:50 on voyait bien qu'il jouait avec les juges. »
01:03:52 « Bernard Tapie, encore une fois, omniprésent, arrogant,
01:03:56 qui ne cède en rien
01:03:58 et donc, par conséquent,
01:04:02 attire l'agacement.
01:04:04 L'agacement des magistrats. »
01:04:08 « Le président pose à Tapie une question
01:04:12 à laquelle on lui donne une réponse très simple.
01:04:14 Mais le président ne comprend pas.
01:04:16 Tapie le regarde d'une façon extrêmement méprisante.
01:04:20 « Écoutez, monsieur le président,
01:04:22 je vous répète, mais essayez de vous concentrer un peu. »
01:04:24 « Il va se faire rappeler à l'ordre par le président,
01:04:26 qui va menacer même d'expulsion.
01:04:28 Vous avez déjà pris un carton jaune, là, non ?
01:04:30 J'étais limite. »
01:04:32 « On ne m'a pas laissé beaucoup souffler,
01:04:36 mais j'adore ça. Oui, oui, vous le voyez, je suis abattu.
01:04:38 J'espère que vous ne me manquerez pas de le dire. »
01:04:40 « La sagesse eut été, sans doute,
01:04:42 de prendre du recul.
01:04:44 Non, on ne peut pas.
01:04:46 Ce n'est pas dans sa nature.
01:04:48 Il faut qu'il soit là, devant. »
01:04:50 « Le problème, c'est que, finalement,
01:04:58 il a fini par le convaincre
01:05:00 qu'il avait été également devant
01:05:02 dans l'entreprise de corruption. »
01:05:04 Au fur et à mesure,
01:05:06 l'étau se resserre autour de Bernard Tapie.
01:05:08 Et c'est Jean-Pierre Bernays,
01:05:10 le principal accusé,
01:05:12 qui va faire basculer définitivement l'affaire.
01:05:14 « Bernays dit
01:05:18 « Voilà, je l'ai fait,
01:05:20 mais c'est à la demande de Bernard Tapie. »
01:05:22 C'est-à-dire que
01:05:24 Bernays se présente en exécutant
01:05:26 et Bernard Tapie en donneur d'ordre.
01:05:28 « Est-ce que c'était Bernays ?
01:05:34 Il aurait pu, Bernays.
01:05:36 Tapie se met en affaire,
01:05:38 donc même Bernays paraît un second couteau
01:05:40 par rapport à Tapie. »
01:05:42 « Ce jour-là, la défense,
01:05:44 elle est anéantie. »
01:05:46 15 mai 1995,
01:05:48 le verdict tombe.
01:05:50 Bernard Tapie est condamné
01:05:52 à un an de prison ferme
01:05:54 pour corruption et subordination de témoins.
01:05:56 Une peine lourde
01:05:58 qui se veut exemplaire.
01:06:00 « Quand vous voulez être un symbole,
01:06:06 vous entraînez des peines symboliques.
01:06:08 Et il est clair que la peine
01:06:10 qui a frappé Bernard Tapie,
01:06:12 pour moi en tous les cas,
01:06:14 tel que je les requise,
01:06:16 est une peine symbolique. »
01:06:18 « Ce qui était quelque chose
01:06:20 qui était un peu grand guignol,
01:06:22 qui était quelque chose qui faisait sourire,
01:06:24 qui était cette espèce de feuilleton
01:06:26 interminable, on se dit,
01:06:28 voilà, ça finit par la casse-prison.
01:06:30 Là, on ne rigole plus. »
01:06:32 « Je pense que si Bernard Tapie
01:06:34 n'avait pas organisé tout ce battage
01:06:36 médiatique autour de ce dossier,
01:06:38 s'il avait laissé les choses
01:06:40 se faire normalement,
01:06:42 il ne serait pas allé en prison.
01:06:44 Je pense que ça ne le justifiait pas.
01:06:46 On regarde des faits.
01:06:50 Mais le problème, c'est que de ce dossier,
01:06:52 il a fait autre chose.
01:06:54 Et que même l'intervention
01:06:56 du président de la République, il l'a payée. »
01:06:58 Et le procès en appel
01:07:02 ne changera rien.
01:07:04 Bernard Tapie va devoir maintenant affronter
01:07:06 la pire épreuve de sa vie.
01:07:08 La détention.
01:07:10 Nous sommes le 3 février 1997.
01:07:18 C'est aujourd'hui que
01:07:20 Bernard Tapie doit se constituer prisonnier
01:07:22 à la Maison d'arrêt de la Santé à Paris.
01:07:24 En début d'après-midi,
01:07:28 son avocat Jean-Yves Liénard
01:07:30 arrive rue des Saint-Père
01:07:32 afin justement d'organiser son départ.
01:07:34 « J'y trouve un tapis entouré de sa famille.
01:07:38 Vivant avec
01:07:42 une certaine élégance,
01:07:44 un certain panache
01:07:46 ces dernières heures de liberté. »
01:07:48 Et dans l'appartement,
01:07:50 tout le monde s'interroge.
01:07:52 « La prison, c'est quoi ? C'est le cachot ?
01:07:54 Qu'est-ce qu'on y mange ? Qu'est-ce qu'on y fait ?
01:07:56 Combien de douches on a par semaine ? Enfin bon,
01:07:58 c'est une question qui se pose à n'importe qui
01:08:00 qui devrait subir cette épreuve. »
01:08:02 À l'extérieur, des photographes guettent
01:08:04 le départ de Bernard Tapie pour la prison.
01:08:06 « Au moment, il a fallu qu'il parte.
01:08:18 Donc on s'est pris dans les bras,
01:08:20 on a pleuré.
01:08:22 C'était un jour terrible.
01:08:26 Et puis,
01:08:28 arrive
01:08:30 la question fatidique,
01:08:32 c'est
01:08:34 comment je vais y aller ?
01:08:36 Et pas question
01:08:38 que les journalistes me suivent
01:08:40 pendant le trajet.
01:08:42 À un moment donné, je lui dis,
01:08:44 « Bah écoute,
01:08:46 moi, je te cache dans mon coffre. »
01:08:48 Et pour tromper les journalistes,
01:08:50 deux voitures banalisées quittent
01:08:52 dans un premier temps la rue des Saint-Père.
01:08:54 « Tous les journalistes,
01:08:56 ils ont suivi.
01:08:58 Et puis, moi, je suis sorti,
01:09:00 naturellement. »
01:09:02 Puis, quand Stéphane Tapie franchit le portail,
01:09:04 aucun journaliste n'imagine que son père
01:09:06 est dans le coffre.
01:09:08 Bernard Tapie doit maintenant se rendre
01:09:12 au palais de justice, mais avant cela,
01:09:14 il veut profiter d'un dernier moment
01:09:16 de liberté.
01:09:18 « On vérifie évidemment qu'il n'y a pas
01:09:20 de journalistes qui nous ont suivi.
01:09:22 Il sort du coffre,
01:09:24 il s'assied à côté de moi.
01:09:26 Et puis,
01:09:28 il veut aller
01:09:30 respirer un peu
01:09:32 l'air pur,
01:09:34 donc je l'emmène
01:09:36 au Bois-de-Boulogne. »
01:09:38 « T'as ton père dans ta voiture,
01:09:50 il est à côté de toi.
01:09:52 T'es en train de tourner
01:09:54 dans le Bois-de-Boulogne.
01:09:56 Et tu te dis,
01:09:58 « je prends l'autoroute,
01:10:00 direction l'Italie,
01:10:02 un bateau. »
01:10:04 Les barbades est terminée.
01:10:08 Plus personne ne le retrouve.
01:10:10 Et puis après, tu te dis,
01:10:14 « ouais, mais bon ». »
01:10:16 « Après, il me dit, « bon,
01:10:18 faut qu'on y aille.
01:10:20 On arrive,
01:10:26 qu'il y a des heures fèves.
01:10:28 Ma voiture,
01:10:30 je la rentre dans la cour. »
01:10:32 Et dans la cour,
01:10:34 Stéphane Tapie assiste au départ
01:10:36 de son père,
01:10:38 entre deux policiers.
01:10:40 « Il me faisait des signes,
01:10:42 genre, « ça va, t'inquiète pas ».
01:10:44 Je suis resté dans la cour,
01:10:46 errant.
01:10:48 Et je le voyais passer,
01:10:52 de pièce en pièce.
01:10:54 Tu te dis, « c'est pas un cauchemar,
01:10:56 c'est pire qu'un cauchemar. » »
01:10:58 Le soir même, Bernard Tapie
01:11:02 est allé à la maison de son père.
01:11:04 « J'ai vu un homme,
01:11:06 un homme qui avait un petit bébé.
01:11:08 » Le soir même,
01:11:10 Bernard Tapie arrive à la prison de la santé
01:11:12 en fourgon cellulaire.
01:11:14 Une incarcération sous le crépitement des flashes,
01:11:16 comme un point final
01:11:18 à ses aventures.
01:11:20 Bernard Tapie
01:11:24 est placé dans le quartier des personnalités,
01:11:26 à l'écart des autres prisonniers.
01:11:28 Il passe ses journées seul
01:11:30 dans une cellule de 10 mètres carrés.
01:11:32 Et très vite, l'enfermement
01:11:34 lui est insupportable.
01:11:36 « On va l'enfermer
01:11:38 dans une cellule
01:11:40 VIP, mais où il n'y a même pas
01:11:42 de télévision ni de radio,
01:11:44 et où il ne peut parler à personne.
01:11:46 Et il pourra simplement,
01:11:52 une demi-heure par jour, dans ce qu'on appelle le « camembert »,
01:11:54 c'est-à-dire sur le toit
01:11:56 de la prison,
01:11:58 grillager,
01:12:00 faire des allers-retours dans quelques mètres
01:12:02 de béton. »
01:12:04 « C'est tellement brutal
01:12:06 que cet enfermement
01:12:08 va complètement le briser. »
01:12:10 « On voit qu'il est marqué à mort.
01:12:14 Dès la première visite, c'est plus le même.
01:12:16 Il est tout en bas,
01:12:18 tout en bas. J'ai jamais vu comme ça. »
01:12:20 Et Bernard Tapie craque
01:12:22 lors d'une visite de son épouse.
01:12:24 Il lui avoue même qu'il est au bord du suicide.
01:12:26 « J'ai été en prison
01:12:30 pendant trois ans,
01:12:32 et j'ai été au bord du suicide.
01:12:34 Moi, j'ai vu ma mère comme je ne l'ai jamais vue.
01:12:36 Elle est rentrée,
01:12:38 elle a passé des coups de fil de partout.
01:12:40 Et malheureusement, c'était inefficace, en plus.
01:12:42 Il n'y avait personne,
01:12:44 pour le coup.
01:12:46 Un jour, ma mère
01:12:54 a quand même fait un enregistrement.
01:12:56 Elle a appelé le ministère de la Justice.
01:12:58 Elle a dit « Monsieur, je tiens à vous dire que j'enregistre
01:13:00 cette conversation,
01:13:02 et que mon mari est au plus bas.
01:13:04 Et que s'il se passe quelque chose,
01:13:06 je vous en ai informé. Vous le savez.
01:13:08 Ce sera votre responsabilité.
01:13:10 Donc oui, elle est allée au plus loin
01:13:12 qu'on puisse aller. »
01:13:14 Et après trois semaines de démarche,
01:13:16 Dominique Tapie est enfin entendue.
01:13:18 Elle obtient le transfert
01:13:20 de son mari à la maison d'arrêt de Luine,
01:13:22 près d'Aix-en-Provence.
01:13:24 « Là, on savait que ça allait être autre chose.
01:13:26 Pour un truc tout con.
01:13:28 On s'est dit que c'est une prison dans le Sud.
01:13:30 Et que dans le Sud, Tapie,
01:13:32 on peut dire tout ce qu'on veut, c'est un héros.
01:13:34 Donc on savait que quand il arriverait à Luine,
01:13:36 ça serait des conditions
01:13:38 beaucoup plus favorables. »
01:13:40 Et effectivement,
01:13:42 dans cette maison d'arrêt,
01:13:44 quelque chose va changer.
01:13:46 « Je suis allé voir à Luine.
01:13:50 Et j'ai entendu
01:13:52 un brouhaha
01:13:54 montant des cellules,
01:13:56 avec le bruit des gamelles
01:13:58 sur les grillages.
01:14:00 Et « Allez l'OM, allez Tapie, allez ! »
01:14:04 Et qui montait comme ça. »
01:14:06 « C'était une véritable icône à l'époque,
01:14:08 pour le prisonnier ordinaire. »
01:14:10 À Luine, Bernard Tapie est toujours
01:14:12 considéré comme quelqu'un à part.
01:14:14 Et même sa famille bénéficie
01:14:16 de conditions de visite particulières.
01:14:18 « On était assez privilégiés,
01:14:20 nous autres.
01:14:22 Parce qu'on allait le voir dans une pièce,
01:14:24 on n'était avec personne. »
01:14:26 « Le parloir, c'était le parloir des avocats.
01:14:28 On n'avait même pas besoin de papier.
01:14:30 Ils nous connaissaient. »
01:14:32 « Ils avaient un truc très mignon avec ma mère,
01:14:38 ils se donnaient un rendez-vous
01:14:40 virtuel, je crois que c'était
01:14:42 à 8h de soir, et chacun
01:14:44 promis qu'à 8h, ils faisaient rien d'autre
01:14:46 que penser à l'autre. »
01:14:48 Bernard Tapie va ainsi réussir à tenir
01:14:50 jusqu'à sa première permission de sortie.
01:14:52 Ce jour-là,
01:14:54 les journalistes ont été avertis,
01:14:56 ils l'attendent devant la prison.
01:14:58 Mais Bernard Tapie veut à tout prix les éviter.
01:15:00 Et pour cela, il va une nouvelle fois
01:15:02 trouver une solution.
01:15:04 « Voilà, il a été convenu, on va mettre une moto,
01:15:06 la moto va l'attendre, il va sortir,
01:15:08 il va foncer à l'arrière. »
01:15:10 Bernard Tapie prend tout le monde
01:15:12 par surprise, et pour semer les journalistes,
01:15:14 il ordonne même à son pilote
01:15:16 de prendre l'autoroute
01:15:18 à contre-sens.
01:15:20 [Musique]
01:15:22 [Musique]
01:15:24 [Musique]
01:15:26 « Et puis il n'aurait jamais eu l'idée d'aller faire des trucs pareils.
01:15:28 Mon père, il disait, c'est le seul moyen de le larguer. »
01:15:30 [Musique]
01:15:32 « Il va partir en sens interdit. »
01:15:34 « Encore une fois, en sens interdit. »
01:15:36 [Musique]
01:15:38 Après cette permission,
01:15:40 Bernard Tapie bénéficie d'un régime
01:15:42 de semi-liberté.
01:15:44 Il dort toujours en prison, mais il peut passer ses journées
01:15:46 à Marseille. Et c'est ici
01:15:48 qu'il va séjourner, dans le petit appartement
01:15:50 de ses parents.
01:15:52 [Musique]
01:15:54 « Il demeurait ici. Alors je sais
01:15:56 qu'il n'était pas malheureux, là.
01:15:58 Il faisait ce qu'il voulait.
01:16:00 Il était chez papa et maman. »
01:16:02 [Musique]
01:16:04 [Musique]
01:16:06 « Ça allait mieux, là, déjà.
01:16:08 Et on montait la pente. »
01:16:10 Au total,
01:16:12 Bernard Tapie passera
01:16:14 165 jours en prison.
01:16:16 Le 25 juillet 1997,
01:16:18 il est libre. Mais alors, dans quel état
01:16:20 d'esprit est-il ce jour-là ?
01:16:22 Et surtout, que va-t-il faire maintenant ?
01:16:24 « Le jour où il est sorti de là,
01:16:26 il a dit « Maintenant, une nouvelle vie commence.
01:16:28 J'ai 20 ans et en avant. »
01:16:30 « Il était comme au premier jour,
01:16:32 frais comme un gardon, quand il est
01:16:34 ressorti, tout de suite. »
01:16:36 « Trois semaines après, Tapie était revenu. »
01:16:38 [Musique]
01:16:40 [Musique]
01:16:42 [Musique]
01:16:44 [Musique]
01:16:46 [Musique]
01:16:48 D'abord,
01:16:50 Bernard Tapie ne peut pas s'empêcher
01:16:52 d'exister médiatiquement.
01:16:54 Alors c'est un autre de ses talents qu'il va vouloir
01:16:56 mettre en avant, la comédie.
01:16:58 « Il n'avait
01:17:00 le droit de s'intéresser ni au sport,
01:17:02 ni aux affaires, ni à la politique.
01:17:04 Donc, il lui restait
01:17:06 que le show business. »
01:17:08 « Pourquoi pas acteur aussi ? Allez,
01:17:10 il manquait ça. »
01:17:12 « Il a toujours été acteur, en fait.
01:17:14 Sauf qu'il n'était pas dans un film, c'était
01:17:16 dans la vraie vie. Mais ça lui est
01:17:18 naturel. »
01:17:20 [Applaudissements]
01:17:22 [Applaudissements]
01:17:24 [Applaudissements]
01:17:26 [Applaudissements]
01:17:28 [Applaudissements]
01:17:30 « D'abord, il a une popularité incroyable.
01:17:32 Les gens viennent pour l'applaudir. Ils ne viennent pas
01:17:34 pour le voir, ou pour tester, ou par curiosité.
01:17:36 Ils viennent parce qu'ils l'aiment.
01:17:38 Donc, dès qu'il arrive, les gens applaudissent.
01:17:40 [Applaudissements]
01:17:42 « Et c'est le théâtre
01:17:44 qui a soumis son besoin fondamental
01:17:46 de communiquer et de
01:17:48 faire le mariole. »
01:17:50 « Je retrouve l'homme au théâtre
01:17:52 comme je l'avais
01:17:54 connu avant. »
01:17:56 Mais parallèlement au théâtre,
01:17:58 Bernard Tapie consacre son temps
01:18:00 à une affaire, aux allures de revanche.
01:18:02 Il a décidé de poursuivre
01:18:04 en justice son ancienne banque, celle
01:18:06 qui l'a conduit à la faillite,
01:18:08 le Crédit Lyonnais.
01:18:10 Il l'accuse de l'avoir trompé en 1992
01:18:12 lors de la revente d'Adidas,
01:18:14 la plus grande des sociétés qu'il avait contrôlée.
01:18:16 Et il réclame des centaines
01:18:18 de millions d'euros de réparation.
01:18:20 Mais cette fois,
01:18:22 il va choisir de mener cette bataille
01:18:24 discrètement, loin des journalistes
01:18:26 et des caméras.
01:18:28 « Son accès à la maturité,
01:18:30 c'est la prison. »
01:18:32 « Il a beaucoup appris.
01:18:36 Et il va
01:18:38 adopter une attitude
01:18:40 totalement différente de réserve. »
01:18:42 « Il a compris que
01:18:44 les tribunaux, ça se passait
01:18:46 au tribunal et pas sur le perron
01:18:48 avec les médias.
01:18:50 Il a compris qu'il fallait
01:18:52 parfois savoir se taire pour gagner. »
01:18:54 « C'était son obsession
01:19:00 pendant 15 ans. Il a fait que
01:19:02 s'occuper de cette affaire-là. »
01:19:04 « Il n'a pas fait une faute.
01:19:06 Il n'a pas été devant
01:19:08 une télé.
01:19:10 Il a été profil bas pendant 15 ans.
01:19:12 Ce qui est inouï par rapport
01:19:14 à sa position d'avant. »
01:19:16 Et après 14 années de procédure,
01:19:20 la décision tombe.
01:19:22 Nous sommes en juillet 2008 et
01:19:24 Bernard Tapie obtient gain de cause.
01:19:26 Avec à la clé un chèque de
01:19:28 285 millions d'euros, dont il ne
01:19:30 touchera qu'une partie puisqu'il a encore
01:19:32 un peu créancier. Mais fort de cette
01:19:34 décision, Bernard Tapie va alors faire
01:19:36 son retour sur un plateau de télévision.
01:19:38 L'occasion était trop belle.
01:19:40 Mais quel message va-t-il faire
01:19:42 passer ce soir-là ? Et surtout,
01:19:44 tout le monde s'interroge. Bernard Tapie
01:19:46 a-t-il vraiment changé ?
01:19:48 À quelques minutes du direct, le 18 octobre
01:19:52 2008, Bernard Tapie
01:19:54 se concentre en coulisses.
01:19:56 C'est son grand retour à la télévision
01:19:58 depuis sa victoire dans l'affaire
01:20:00 de Frédéric Lyonnet. Il sait
01:20:02 que les journalistes venus participer à l'émission
01:20:04 ne vont pas le ménager.
01:20:06 Parmi eux, Nicolas Domenach.
01:20:08 Tous les journalistes m'ont dit
01:20:12 "mais tu es fou, on n'accepte pas,
01:20:14 on refuse".
01:20:16 Mais moi je le connais depuis 20 ans,
01:20:18 il ne me fait pas peur, il ne m'impressionne pas.
01:20:20 Et tout d'un coup, je vois débouler ce type
01:20:24 boxeur
01:20:26 très crispé,
01:20:28 vraiment de violence.
01:20:30 Et à ce moment-là,
01:20:32 Tapie me prend la main, il me la broie
01:20:34 quasiment sans me regarder,
01:20:36 mais en essayant de faire passer
01:20:38 le maximum de détestation.
01:20:40 Moi un peu étonné, je me dis
01:20:42 "mais qu'est-ce qu'il me fait là ?
01:20:44 À quoi il joue ?"
01:20:46 Bernard Tapie a attendu ce moment depuis des années.
01:20:48 Des années finalement, durant lesquelles
01:20:50 sur le fond, il était resté silencieux.
01:20:52 C'est le match retour.
01:20:54 Il a perdu effectivement
01:20:56 le premier,
01:20:58 il l'a payé,
01:21:00 il a payé sa dette à la société.
01:21:02 Aujourd'hui,
01:21:04 il récupère les billes
01:21:06 dans une certaine mesure, dans un dossier
01:21:08 qui lui est favorable.
01:21:10 Il y a un truc incroyable,
01:21:12 285 millions, donc 45
01:21:14 de préjudices moraux.
01:21:16 Il y a la crise, c'est vrai qu'on s'habitue à...
01:21:18 On a même du mal à le prononcer, j'ai remarqué, c'est vachement dur.
01:21:20 C'est vrai qu'en ce moment,
01:21:22 on est dans les...
01:21:24 Par rapport à ceux qui meurent de faim,
01:21:26 Monsieur Domenech.
01:21:28 Je vais vous raconter quand même.
01:21:30 Est-ce que la procédure, elle est faite pour Bernard Tapie ?
01:21:32 Je vais d'abord vous expliquer.
01:21:34 Il a retrouvé
01:21:36 cette espèce
01:21:38 d'énergie, de culot,
01:21:40 qu'il a eu
01:21:42 tout au long des années 80 et au début
01:21:44 des années 90. Alors qu'il aurait pu
01:21:46 être quand même
01:21:48 esquinté, amoché, tout à part tout
01:21:50 ce qui lui est arrivé.
01:21:52 Non mais en plus...
01:21:54 En plus, j'ai déjà...
01:21:56 J'ai déjà vu, entendu son pédoyer.
01:21:58 Il est toujours formidablement convaincant
01:22:00 sur beaucoup de choses, mais avec
01:22:02 une habileté, une force, une conviction...
01:22:04 C'est pas de la conviction, ça.
01:22:06 Je finis là et c'est fini.
01:22:08 Voilà.
01:22:10 Ça fait 10 minutes qu'il est parti.
01:22:12 Non, non, non.
01:22:14 Il est illusant à regarder.
01:22:16 Il est fatiguant à regarder.
01:22:18 Il parle dans tous les sens.
01:22:20 C'est...
01:22:22 Au début, j'ai peur qu'il soit
01:22:24 un peu trop technique et qu'on s'en fasse
01:22:26 dans des choses incompréhensibles.
01:22:28 Et puis, après, il y a un truc très simple.
01:22:30 Quand je vois les gens rigoler en régie,
01:22:32 moi la première,
01:22:34 même ceux qui ne l'aiment pas,
01:22:36 ils disent "Il est incroyable" et ils regardent.
01:22:38 Vous m'expliquerez comment vous pouvez faire une combine
01:22:40 en respectant les arbitres.
01:22:42 Si vous dites qu'il y a une combine,
01:22:44 ça veut dire qu'à un moment donné,
01:22:46 les arbitres ont cédé, soit à une pression,
01:22:48 soit à un conseil, soit à un cadeau.
01:22:50 Vous ne pouvez pas d'un côté sortir
01:22:52 les arbitres de votre suspicion
01:22:54 et affirmer qu'il y a une combine.
01:22:56 Ça, c'est l'article 1. Article 2.
01:22:58 Contrairement à ce que vous dites.
01:23:00 L'État n'a pas le temps, monsieur.
01:23:02 Les gens ont ce sentiment aussi
01:23:04 que Tapie leur fait un numéro
01:23:06 qui est faux, qu'il les balade.
01:23:08 Simplement, il le trouve sympa.
01:23:10 Et il était sympa dans ses mensonges.
01:23:12 C'est un menteur sympathique.
01:23:14 C'est encore une fois ce qu'il fait
01:23:16 à son chauffeur. Il ment.
01:23:18 Et en même temps, on ne peut pas l'envouloir beaucoup.
01:23:20 Voilà, il réussit ce tour de force.
01:23:22 Ce qui était vachement satisfaisant
01:23:24 et où on était contents de cette émission,
01:23:26 c'est de voir que le public s'est régalé.
01:23:28 Encore une fois, c'est ça, s'impressionner.
01:23:30 Il aime régaler le public.
01:23:32 Mais ce n'est tout de même plus
01:23:34 le même Bernard Tapie qui réapparaît ce soir-là.
01:23:36 Les affaires, la politique,
01:23:38 ses rêves de pouvoir, c'est terminé pour lui.
01:23:40 En tout cas, c'est ce qu'il dit.
01:23:42 Donc, au bout du compte,
01:23:44 il va m'en laisser pas mal d'argent.
01:23:46 Et avec ça, je vais faire beaucoup de choses.
01:23:48 La première des choses, figurez-vous,
01:23:50 car dans le délire qui m'est piqué le FAUSE-EA,
01:23:52 tout ça, ce n'est pas très grave,
01:23:54 mais il y avait 9 écoles de formation
01:23:56 sur des jeunes qui sortaient de là.
01:23:58 Je rouvre la première début de l'année
01:24:00 chez Claude Bartholone,
01:24:02 dans mon département 93.
01:24:04 On va refaire la première école de formation
01:24:06 pour les jeunes qui sont au chômage
01:24:08 et qui sont sans formation.
01:24:10 - Il a toujours cette espèce de force,
01:24:12 on sent cette force en lui,
01:24:14 ce besoin d'être partout.
01:24:16 - C'est effectivement une nature,
01:24:18 c'est un tempérament,
01:24:20 mais un tempérament qui, finalement,
01:24:22 l'a éloigné
01:24:24 de pouvoir jouer un rôle dans la politique.
01:24:26 Et c'était quand même ça
01:24:28 qu'il voulait le plus,
01:24:30 et c'est quand même ça qui lui tenait le plus à coeur.
01:24:32 - Il a regagné son argent.
01:24:34 Mais ça n'est pas
01:24:36 pour redevenir le tapis
01:24:38 de la fin des années 80.
01:24:40 Ça n'est pas lui qui va être
01:24:42 la nouvelle découverte politique.
01:24:44 Ça n'est pas lui
01:24:46 qui va de nouveau tenter
01:24:48 de porter une gauche différente.
01:24:50 Tout ça, je crois que c'est complètement fini.
01:24:52 - Ah ben ça, y a aucune chance.
01:24:54 - Zéro retour en politique.
01:24:56 - La politique que si Beyrou
01:24:58 est en situation d'être président.
01:25:00 - C'est une vengeance personnelle, comme dirait.
01:25:02 - Non ! Il a sa vie à faire,
01:25:04 il a ses qualités, il a ses défauts,
01:25:06 il m'aime pas, je lui rends bien,
01:25:08 mais président de la République,
01:25:10 mais vous n'y pensez pas une seconde !
01:25:12 - Il avait une pêche pas possible,
01:25:14 il l'a toujours. Il considérait
01:25:16 que rien n'était impossible, il le considère toujours.
01:25:18 Il avait 40 000 projets
01:25:20 et il en a toujours.
01:25:22 Donc tout ce qu'il définit,
01:25:24 ça personne, ça n'a pas changé.
01:25:26 Malheureusement, pour ceux qui voulaient casser le symbole,
01:25:28 il est encore là.
01:25:30 - A la fin de l'émission, après le démaquillage,
01:25:32 il est venu me voir, il m'a donné son dossier
01:25:34 avec ce côté canaille et chaleureux
01:25:36 qu'il a.
01:25:38 Genre, c'est dire, voilà, je vous ai bien baladé,
01:25:40 à la prochaine !
01:25:42 Voilà, c'est...
01:25:44 C'est lui !
01:25:46 C'est comme un salut à l'artiste
01:25:48 qui vous fait, quoi.
01:25:50 Tu as encore des leçons à prendre, petit ?
01:25:52 (musique)
01:25:54 (musique)
01:25:56 (musique)
01:25:58 ...
01:26:11 ...
01:26:18 ...
01:26:24 ...
01:26:31 ...
01:26:38 ...
01:26:46 ...
01:26:53 ...
01:27:03 ...