A l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian et de ses compagnons d’armes, le chanteur Patrick Bruel lit la dernière lettre que le résistant apatride avait écrite à son épouse peu avant son exécution, en février 1944.
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00:00 Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
00:04 dans quelques heures je ne serai plus de ce monde.
00:07 On va être fusillés cet après-midi à 15h.
00:11 Cela m'arrive comme un accident dans ma vie.
00:14 Je n'y crois pas, et pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
00:19 Que puis-je t'écrire ?
00:22 Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
00:25 Je m'étais engagé dans l'armée de la libération en soldats volontaires
00:29 et je meurs à deux doigts de la victoire et du but.
00:32 Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la paix de demain.
00:39 Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté seront honorés notre mémoire dignement.
00:46 Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit.
00:55 Chacun aura ce qu'il mérite, comme châtiment et comme récompense.
01:00 Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps.
01:08 Bonheur à tous.
01:11 J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendu heureuse.
01:15 J'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours.
01:21 Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon honneur et pour accomplir ma dernière volonté.
01:28 Marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse.
01:32 Tous mes biens et toutes mes affaires, je les lègue à toi, à ta sœur et pour mes neveux.
01:38 Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme,
01:46 car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
01:50 Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus.
01:56 Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie.
02:00 Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure, avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille,
02:10 car personnellement, je n'ai fait de mal à personne, et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine.
02:18 Aujourd'hui, il y a du soleil, et c'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimé,
02:24 que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis.
02:31 Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal,
02:41 sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.
02:48 Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près.
02:52 Je vous serre tous sur mon cœur. Adieu, ton ami, ton camarade, ton mari.
03:00 Manouchian, Michel.
03:03 Liané Goethe.
03:06 Post scriptum. J'ai 15 000 francs dans la valise de la rue de Provence.
03:12 Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armen.
03:17 !