Jean-Jacques Dupaux, Tony Froissart, Jean Saint-Martin – Université de Franche-Comté, Université de Reims Champagne-Ardenne, Université de Strasbourg : « L’évolution de la gymnastique et de ses représentations lors des fêtes, commémorations et compétitions dans la revue Le Gymnaste »
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00:00 à travers la revue Le Gymnaste, les collègues vont pouvoir nous montrer comment il est possible
00:11 de faire justement cette histoire du sport et de l'intégration des fédérations sportives
00:17 de France. Jean et Tony, la parole est à vous pour 15 minutes.
00:22 Avant de déclencher le chrono, peut-être juste dire que nous sommes deux parce que
00:30 notre collègue Jean-Jacques Dupont est en soins post-opératoires aujourd'hui, donc
00:36 il n'a pas pu venir, mais on a travaillé tous les trois sur ses archives.
00:40 Bonjour à toutes et à tous, je vais prendre la parole pour représenter le groupe et Jean
00:51 Dupont a été le garant du temps parce que j'ai tendance aussi peut-être à déborder
00:55 un petit peu. Donc ce qu'on peut dire c'est que pour commencer, les archives fédérales
01:04 qui sont au siège de la Fédération Française de Gymnastique, FFGYM, ont subi un certain
01:10 nombre d'épisodes catastrophiques et donc de destruction. Il y a eu le transport des
01:18 archives sur une péniche au moment où ils ont changé de local parisien et donc la péniche
01:24 a coulé, premier épisode. Et puis là, en 2003, vous avez la photo de l'incendie des
01:30 locaux de la Fédé et qui a amené à une autre destruction massive d'archives. Seules
01:40 celles qui étaient dans le bureau du président ont survécu. C'est celles qu'on a pu consulter
01:45 là. Et donc du coup, il y a une rareté des archives de première main, ce qui fait qu'il
01:57 faut peut-être se tourner vers d'autres types d'archives ou alors essayer d'aller chercher
02:03 ailleurs. C'est ce qui a été fait par exemple par Jean qui est allé jusque Prague pour
02:09 trouver des traces d'archives par exemple de Casalet, le président qui a été président
02:15 pendant de très longues années de la Fédération de Gym, qui ne s'appelait pas comme ça à
02:19 l'époque, mais je vais lire Fédération de Gym pour que ça aille plus vite, mais c'est
02:23 l'USGF, ça a été cité, l'union Casalet qui était en opposition à l'union Chéron,
02:28 pour raisonner avec ce qui a été dit tout à l'heure. Et donc, aller jusqu'à Prague
02:34 pour trouver finalement des traces manuscrites de courrier de Casalet alors qu'à la Fédération,
02:38 il n'y a absolument rien. Donc c'est pour montrer un petit peu les démarches qui nous
02:44 amènent à travailler de cette manière là. Donc il nous restait une revue, la revue fédérale,
02:53 Le Gymnaste, dont le premier numéro date de 1873, 150 ans comme la Fédé, donc qui
03:01 était peut-être une source intéressante pour nous, mais qui nous posait un peu de
03:12 problèmes dans la mesure où c'était peut-être des archives un peu désincarnées, un petit
03:17 peu trop institutionnelles, et donc se posait la question de finalement comment les faire
03:23 parler ces archives. Du coup, on a réfléchi un petit peu à la question, parce que 150
03:31 ans quand même d'une revue, c'est pas rien, et il nous fallait trouver des articles, des
03:38 truies, des images qui permettaient de capter des moments où cette Fédération se dévoile
03:49 un petit peu à travers l'image qu'elle veut donner d'elle-même. Et du coup, il
03:53 nous a paru intéressant de nous intéresser aux dates où il y a des commémorations,
03:58 puisque là on célèbre les 150 ans de cette Fédération, donc on s'est dit que ces dates
04:04 de célébration régulières, les 50 ans, le centenaire, les 150 ans, etc., pouvaient
04:10 peut-être être des moments clés où on revenait un peu sur son histoire et où on
04:14 montrait son image. Du coup, on a questionné les années en trois, 73, 53, 63, etc. Et
04:24 donc on a utilisé la diversité de ces archives pour essayer de montrer, de comprendre un
04:36 petit peu comment cette gymnastique évolue dans les trois périodes qui se dégagent.
04:41 Et donc il nous a paru intéressant, au fil de ces articles qui célèbrent et qui dressent
04:50 le bilan, de voir quels étaient les abandons qui apparaissaient. Donc, apprécier qu'est-ce
04:57 que finalement, d'une période à une autre, on délaissait ou profite autre chose. Donc
05:03 des abandons, j'en cite quelques-uns là, juste pour aider à la discussion, par exemple,
05:11 l'abandon des exercices imposés, qu'est-ce que ça signifie, ou par exemple l'abandon
05:18 d'un certain nombre d'orientations militaires ou éducatives, au profit de quels autres
05:27 sont, etc. De façon à pouvoir reconstruire un petit peu cette histoire de la gymnastique
05:33 à travers ces éléments-là. Donc, du coup, nous allons un peu questionner les trois périodes
05:44 que vous avez vues. Donc une gymnastique plutôt d'orientation militaire et éducative, avec
05:50 des bornes qui ne sont pas tout à fait celles qu'on voit dans les autres fédérations,
05:54 mais qu'on pourra justifier. Une période davantage centrée sur la pratique sportive,
06:00 et une période à partir de 1986 orientée sur le spectacle gymnique à proprement parler.
06:09 Donc, pour voir cette première valance qui combine avec plus ou moins d'épaisseur le
06:20 militaire et puis l'éducatif, quelques extraits du gymnaste qu'on peut essayer de commenter.
06:28 Par exemple, une passe qui dit "je n'hésiterai pas" en rouge, "à aller plus loin que le
06:36 font les Allemands eux-mêmes". On est bien dans l'esprit de la revanche ici, assez clairement
06:44 explicité. Ou encore le gymnaste numéro 9, où on encourage les esprits énergiques à
06:53 ne pas se laisser aller à l'abattement. Ou deux mois plus tard, le gymnaste numéro
07:01 11 qui rappelle à l'occasion d'une célébration, qu'on donne un poème pour fêter ce cinquantenaire,
07:15 on écrit un poème à la gloire des gymnastes patriotiques, et que finalement, lu en présence
07:25 du président de la République. Là encore, ça donne un peu la teneur pour les éléments.
07:33 Alors, quelle permanence sur cette période-là ? Finalement, forcément c'est la première
07:39 période, donc on n'a pas encore d'abandon. Ce qu'on voit, c'est que dans ces célébrations,
07:45 le banquet c'est quelque chose de très fort et de très important, avec beaucoup d'autorités
07:48 politiques et militaires qui sont invitées. Des défilés derrière les étendards, les
07:54 drapeaux avec tenue, fanfare, des grandes fêtes de plein air, des pratiques collectives
08:00 ou simultanées notées et appréciées par les juges sur l'ordre et l'obéissance,
08:05 des pratiques de présentation sur l'espace de travail, garde à vous avant de passer
08:13 sur la graie, des pratiques qui mettent en évidence une complétude physique, il s'agit
08:20 de développer toutes les qualités physiques, des déplacements en rythme binaire, évidemment,
08:26 et puis des noms, des patriotiques, des récompenses, un certain nombre d'éléments. Pour continuer
08:33 un petit peu sur cette idée militaire, donc deux extraits du gymnaste qui nous montrent
08:47 finalement qu'on glorifie les camarades modestes, actifs, patriotes, désintéressés, c'est
08:55 le premier extrait, où dans le deuxième on rappelle les quatre sillons qui signent
09:02 l'image que l'on veut proposer, c'est écrit comme ça dans l'article, l'amour
09:06 de la France, le respect des lois de la République, la discipline sociale et la solidarité, et
09:13 l'éducation des forces physiques et morales. Vous voyez que sur ces quatre sillons, trois
09:18 ont très nettement une valance militaire et un une valance éducative, donc quand on
09:23 parle des abandons, des glissements. Pour continuer un petit peu ce panorama, on a comparé
09:32 des articles sur des périodes clés, et toujours sur cette manière de célébrer les anniversaires,
09:40 par exemple en 1903, c'est la démonstration, on met la focale sur les discours lors du
09:49 banquet, sur effectivement la Marseillaise jouée par le 49e régiment d'infanterie.
09:56 Le programme montre, et les invités montrent le poids des militaires, mais sans l'étouffer
10:05 totalement. Par exemple, on voit le belge Cuperus, qui est connu pour ses positions
10:15 éducatives pour la gymnastique européenne, et qui s'oppose même à Casalet, qui était
10:20 un peu plus versé sur la compétition, qui prononce le discours. Donc on voit un affaiblissement
10:25 de cette militarisation en quelque sorte. En 1953, vous voyez en milieu, les photographies
10:35 valorisent plutôt des allégories militaires, un certain nombre de choses comme ça. En
10:51 1953, on remet comme seule photo de l'événement dans le gymnaste, les officiels qui se déplacent
11:00 pour rendre hommage au monument aux morts. Donc vous voyez comment les choses évoluent
11:15 un petit peu dans cette glorification. Toujours pareil, là on a tenu à montrer qu'à partir
11:22 de 1936, comme vous le voyez sur la photo, il n'y aura plus de présidents de la République
11:32 qui seront présents au fait de la gymnastique. Donc peut-être là, il y a une inflexion.
11:38 En revanche, il y a toujours, comme vous le voyez, l'arrivée dans une gare avec l'étendard,
11:44 le drapeau et se tourner un peu vers la ville, vers le public, vers la cité. Donc on va
11:57 passer celle-ci. Et donc arrive un tournant important à partir de 1963 avec Arthur Magatian,
12:07 un DTN nouvellement nommé dans le cadre de la politique gaullienne, on en a parlé plusieurs
12:12 reprises, et qui va amener un tournant sportif à la gymnastique, trop souvent enseigné
12:19 comme un système d'éducation physique et non comme un sport d'itines. Donc cette position
12:27 qui va se structurer, on va le voir par la suite, génère très rapidement des oppositions
12:32 au sein des membres et qui peuvent s'exprimer dans la revue Le Gymnaste à travers l'opinion
12:38 et donc où on demande le maintien des exercices simultanés parce qu'ils sont garantis, la
12:45 garantie d'une approche éducative. En effet, quand on travaille simultanément, on se cale
12:51 sur le plus faible du groupe et on ne fait pas d'élitisme. Et on revient à d'anciens
12:58 principes comme cette gravure là où le gymnaste triomphe de la maladie, vous voyez, donc pour
13:04 montrer qu'il y a des bas dans le monde de la gymnastique. Également, sur la question
13:16 des équipements qui sont assez importants, où on déplore finalement, au moment où
13:22 on fait une planification des équipements en France, où on déplore l'abandon d'équipements
13:28 de salles de gymnastique spécialisées au profit de salles de gymnastes polyvalents,
13:33 comme le COSSEC, etc., qui ont vu le jour. Et notamment aussi qu'il n'y ait pas, dans
13:37 la capitale, à Paris, de grandes salles susceptibles de pouvoir accueillir un événement international
13:43 en gymnastique et qui oblige à organiser des championnats d'Europe à Grenoble par
13:47 exemple. Donc, bon, les permanences, je ne les cite pas, puisqu'elles sont permanentes,
13:54 on en a déjà parlé, mais on abandonne tout ce qui est banquets, invitations, tous les
14:00 défilés derrière les étendards, les pratiques collectives simultanées, tout ce qui renvoie
14:06 à l'ordre, à l'obéissance, aux commandements militaires sont en perte de vitesse. Voilà.
14:13 Et donc arrive cette troisième période à partir de 1986 où on décide de créer à
14:25 la fédération des événements internationaux, des événements qui vont toucher la politique.
14:36 Parce que, comme vous voyez sur les deux flèches bleues, jusque-là, on faisait une gymnastique
14:42 pour des initiés ou des techniciens. On ne plaisait qu'à ceux-là. Il n'y avait
14:45 qu'eux qui comprenaient la gymnastique et les autres étaient un petit peu, restaient
14:50 sur leurs fins devant le spectacle. Et également, dans la politique fédérale, il s'agit
14:57 de véhiculer de l'émotion, la nôtre, les valeurs, etc. Et c'est ce qu'on dit
15:04 pour célébrer le 120e anniversaire. Donc ces événements-là vont faire glisser petit
15:12 à petit la gymnastique vers quelque chose de beaucoup plus spectaculaire, au prix d'un
15:18 certain nombre d'abandons, qui sont cette fameuse polyvalence des six agrés indispensables
15:24 et incontournables pour pouvoir concourir individuellement ou concourir au cours général.
15:30 Il fallait donc faire tous les agrés, etc. Ce qui était une garantie de formation, cette
15:34 fameuse complétude dont on a parlé au début. C'est la fin des imposés et c'est aussi
15:38 la fin de la notation sur disque qui était très sclérosante. Et on passe à une addition
15:47 d'exécution, ça ça l'a toujours été, et de difficultés. Du coup, on en arrive
15:53 à une gymnastique où le spectaculaire l'emporte parce qu'on développe une gymnastique
15:59 de très haute performance. Mais ça, ça a été déjà en marche depuis 1950. Mais
16:06 par exemple, dans les Internationaux de France, voilà comment on relate le fait. Eric, Eric,
16:12 Eric Thésimire, t'es trop beau. Effectivement, on nous dit dans le journal, c'est lui qui
16:16 a fait le spectacle à Bercy. Regardez son look, ses cheveux décolorés, son petit bouc
16:21 blond. Enfin, que des informations gymniques sur la haute performance, vous voyez. Donc
16:26 le show gymnique ici, il faudra cliquer là, je ne sais pas comment on fait pour mettre
16:30 le son, se poursuit. Par exemple, c'est ce qui a été choisi pour fêter les 150 ans
16:35 de la Fédération cette année, donc en septembre. Tout à l'heure, quand j'avais fait l'essai
16:44 de l'écarture, ça fonctionnait. Donc c'était simplement un show pyrotechnique avec des
16:48 musiques, etc. etc. très, très dynamique et qui ont permis de basculer de l'autre
16:56 côté. Juste pour une dernière petite phrase pour dire, je voulais terminer sur le fait
17:04 qu'on avait mobilisé des archives sonores. Une archive sonore, c'est un peu raté, mais
17:09 que c'était aussi des archives utiles puisqu'on était sur les archives et que par exemple,
17:13 ces trois périodes qu'on a vues là, militaires et éducatives, très sportives et chauds,
17:20 ça peut s'illustrer par cette fameuse musique là dont j'ai envie de vous parler. Mais la
17:24 première période par les Orphéons militaires et la marche aux pas et la deuxième période
17:28 par la succession d'hymnes nationaux. Donc les archives sonores sont aussi quelque chose
17:32 d'important.
17:32 [SILENCE]