Aujourd'hui, Le 6-9 propose un plateau spécial pour revenir en détail et en profondeurs sur les enjeux soulevés par la mort de l'opposant russe à Vladimir Poutine, Alexei Navalny. Nous serons en compagnie de 3 expertes des questions liées à la Russie : Elsa Vidal, Galia Ackerman et Marie Mendras.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00 France Inter, Alibadou, le 6/9.
00:07 Et le grand entretien de la matinale consacrée à la mort d'Alexei Navalny, le principal
00:12 opposant à Vladimir Poutine est mort hier dans une prison au-delà du cercle polaire.
00:17 Il y a de nombreux enjeux que nous souhaitions décrypter avec nos invités.
00:22 Elles sont trois ici en studio, Marie Mandras, Galia Ackermann, Elsa Vidal.
00:28 Bonjour à toutes les trois.
00:30 Marie Mandras, vous êtes politologue au CNRS et au CERI Sciences Po.
00:34 Vous êtes autrice de « La guerre permanente, l'ultime stratégie du Kremlin ».
00:39 C'est chez Kalman Levy.
00:40 Vous avez rencontré, connu Alexei Navalny, Galia Ackermann.
00:45 Vous êtes spécialiste de la Russie, directrice de la rédaction du site Desk Russie.
00:50 Et vous avez travaillé notamment sur le livre noir de Vladimir Poutine qui avait été publié
00:55 chez Robert Laffont.
00:57 Elsa Vidal, vous êtes journaliste responsable de la rédaction russe de RFI, experte des
01:02 sociétés post-soviétiques et autrice de la fascination russe.
01:07 Autant dire que toutes les trois, vous connaissez bien la situation dans ce pays et sous ce
01:13 régime, celui de Vladimir Poutine.
01:15 Première question peut-être pour commencer.
01:18 Qu'est-ce que vous avez ressenti hier à l'annonce de la mort d'Alexei Navalny ?
01:23 Marie Mandras, est-ce que vous avez été surprise ?
01:26 Est-ce que c'était l'aboutissement logique d'une histoire qui datait finalement de
01:31 plusieurs années maintenant ?
01:32 Même si on sait que c'est possible, le choc a été terrible pour moi et je pense
01:39 pour des millions de Russes, d'Européens, d'Ukrainiens.
01:45 D'abord, comprendre ce choc.
01:47 On n'est pas tout de suite dans l'analyse de pourquoi, comment.
01:59 Dans un deuxième temps, ce que j'ai ressenti, c'est la mort.
02:11 La mort qui peut arriver à chaque instant et qu'en fait, Alexei lui-même vivait avec
02:20 la mort depuis son empoisonnement du 20 août 2020.
02:26 Je voudrais rappeler aussi qu'il a failli mourir vers la fin de sa grève de la faim
02:34 en avril 2021 parce qu'il n'avait accès à absolument aucun soin médical.
02:43 Et donc, le clan Poutine ne sait plus faire qu'une chose.
02:53 C'est détruire et anéantir tous ceux qu'il nomme ses ennemis.
03:00 Mais le problème, c'est que les ennemis, c'est plus de la moitié de la planète et
03:04 en fait, c'est toute la population russe qui subit toutes les conséquences de cette
03:10 terrible guerre.
03:12 Et puis enfin, je dirais que le troisième sentiment que j'ai eu, bien sûr d'abord
03:21 pour Yulia, la femme d'Alexei Navalny et ses enfants, Zakhar et Daria.
03:29 Et je me suis dit aussi, la Russie est en deuil.
03:33 Je voudrais insister sur le fait que Navalny n'est ni un opposant, ni un dissident.
03:39 Il était la grande figure de la Russie démocratique et je suis convaincue.
03:46 J'espère que Elsa et Galia partagent ce point de vue.
03:51 Entre 20 et 30 millions de personnes en Russie sont en deuil comme nous.
03:57 On va continuer le tour de table.
03:58 Galia Ackermann, vous connaissez très bien les dissidents et depuis de nombreuses années
04:02 les dissidents russes.
04:03 Dieu sait que c'est difficile et dangereux et qu'il faut beaucoup de courage pour se
04:08 poser à Vladimir Poutine.
04:09 Lorsque vous avez appris la mort d'Alexei Navalny, même question, est-ce que vous avez
04:14 été surprise, émue ou est-ce que vous vous êtes dit que c'est finalement une sorte
04:20 de logique, la culture de la mort comme on vient de l'entendre ?
04:24 C'est un régime criminel, donc on ne peut s'attendre qu'à des répétitions et à
04:31 répétition à des morts d'opposants.
04:34 Mais c'est le troisième grand choc que j'ai vécu de ce genre parce qu'il y avait d'abord
04:40 Anna Politkovska en 2006.
04:42 Anna Politkovska était aussi une amie et j'ai traduit tous ses livres sauf un.
04:49 Elle était aussi une amie de Marie.
04:54 Là, le choc était absolument incroyable parce qu'on était en 2006, donc c'était
05:00 en quelque sorte plus surprenant.
05:02 Maintenant, hélas, ce n'est plus surprenant.
05:05 Ensuite, en 2015, c'était Boris Nemtsov et maintenant Alexei Navalny.
05:11 Mais il faut aussi que je souligne une différence parce que pour Anna et pour Boris Nemtsov,
05:19 c'était quand même des tueurs à gage et finalement, on n'a pas trouvé les commanditaires
05:26 même si on sait où pointent les traces.
05:29 Là, Navalny était dans le pouvoir entier du système pénitentiaire.
05:36 Et vous savez, une chose est certaine, c'est que les explications qui nous ont été données
05:43 sur sa mort sont totalement incohérentes et frauduleuses.
05:47 Pas vraies, tout simplement.
05:49 Et donc, on sait très bien qu'il a été tout simplement éliminé.
05:54 On ne connaît pas seulement le détail.
05:57 Donc, c'est un grand choc et une grande douleur.
06:00 - Elle s'abidale ? - Je dis "nous" parce que je dirige une rédaction
06:05 de journaliste russe ou anciennement russe.
06:09 On l'a appris pendant qu'on préparait notre couverture pour le 24 février.
06:14 On a vu l'information sortir petit à petit.
06:18 - L'anniversaire de l'invasion de l'Ukraine.
06:20 - Oui, l'anniversaire de l'invasion de l'Ukraine.
06:22 D'abord, c'est un grand silence qui s'est fait dans la rédaction.
06:25 Première chose.
06:26 Et après, je pense que j'ai vu chez mes collègues et chez moi,
06:31 le moment où d'abord, effectivement, on a été submergé par une vague d'émotions.
06:36 Moi, je ne connais pas du tout personnellement Alexei Navalny.
06:38 C'est une figure politique pour moi.
06:40 Mais on a tous senti qu'on entrait dans un nouveau chapitre de la vie politique en Russie
06:47 et qu'on a ressenti, je crois, un nouveau choc.
06:50 Il y a eu le choc du 24 février.
06:51 Il y a eu le choc de la mobilisation en Russie.
06:54 Et là, il y a la mort de Navalny.
06:56 Donc, c'est une vague de répression.
06:57 Et on sait que ça va emporter avec soi beaucoup d'espoir en Russie.
07:02 J'aimerais que la colère domine, mais je pense que c'est d'abord une forme d'espoir qui est morte.
07:05 Beaucoup de gens nous écrivent et nous disent "je n'arrive plus à respirer".
07:09 L'espoir est mort. Je n'arrive plus à respirer.
07:11 - Marie-Mamanasse, à caisse.
07:13 - Oui, mais je pense néanmoins que Navalny a toujours dit que sa mort ne devait pas être une fin.
07:19 Il a toujours dit qu'il ne fallait pas avoir peur et qu'il fallait au contraire s'unir
07:24 et qu'ensemble les Russes étaient forts.
07:26 Je pense que sa volonté de se remettre entre les mains de l'état russe
07:29 était une manière de faire la démonstration qu'en supprimant la peur,
07:34 peut-être les Russes pouvaient découvrir leur capacité collective à s'emparer de leur destin.
07:39 - Je vous posais la question Marie-Mandrasse,
07:41 puisque vous avez consacré un chapitre éliminé à l'excès de Navalny,
07:45 comme si c'était un projet politique, un projet mûri par Vladimir Poutine ou son régime.
07:50 En tout cas, depuis longtemps, vous parliez il y a un instant Elsa de nouveaux chapitres.
07:55 Est-ce que ce n'est pas plutôt une régression quand on pense à la culture de la mort sous Staline ?
08:00 Staline qui disait « la mort résout tous les problèmes ».
08:03 Pas d'homme, pas de problème.
08:06 En l'occurrence, Marie-Mandrasse, comment est-ce qu'on peut interpréter
08:10 tout simplement la nécessité de tuer un opposant qui était dans une prison
08:15 complètement perdue à 3000 kilomètres de Moscou ?
08:19 Une prison isolée, ce qu'on appelle le loup polaire IK3 ?
08:23 - C'est une dictature.
08:25 C'est une dictature et qui est dirigée par un forcené.
08:31 Il faut vraiment être un forcené et être dans une sorte de folie paranoïaque,
08:43 qui est un phénomène clinique connu,
08:46 où il faut anéantir tous les autres pour ne pas être soi-même anéanti.
08:50 Vladimir Poutine…
08:51 - Même si Alexei Navalny ne représentait pas une menace directe,
08:55 même s'il n'allait pas se présenter aux élections contre Vladimir Poutine dans un mois ?
09:00 - C'est parce que nous réagissons en être des êtres humains avec une forme de rationalité.
09:05 Il n'y a plus rien de tout ça chez les hommes qui sont au Kremlin
09:11 et qui dirigent l'armée. L'existence même de Navalny
09:17 est intolérable pour Vladimir Poutine depuis une dizaine d'années.
09:23 N'oublions pas que la tentative d'empoisonnement en août 2020,
09:32 elle aurait dû le tuer. Elle aurait véritablement dû le tuer.
09:36 C'était déjà en 2020, on n'était pas encore dans la guerre en Ukraine.
09:43 - Il a choisi pourtant, Alexei Navalny, de retourner en Russie.
09:46 Il aurait pu rester à l'étranger, il aurait pu rester en Allemagne où il était soigné, Gelia Ackermann.
09:52 C'est assez paradoxal, on ne sait pas si c'est un engagement qui nécessite un courage fou
09:57 ou une forme de sacrifice. C'est d'ailleurs à lire la plupart des journaux ce matin.
10:01 Vous dites que c'est la même chose, Elisabeth Vidal ?
10:04 - Oui, c'est la même chose. J'ai dit souvent qu'il y avait une figure christique chez Navalny.
10:07 Il a fait le don de sa personne à la société russe en espérant inspirer et libérer.
10:11 Excuse-moi, Galia, vas-y. - Galia Ackermann.
10:14 - Je pense que ce n'était pas exactement comme ça.
10:18 Je pense qu'au moment où il a pris la décision de rentrer en Russie,
10:23 c'était parce qu'il avait connaissance, quand il avait été encore empoisonné en 2020,
10:30 d'une Russie encore un peu moins horrible que celle dans laquelle il est revenu plusieurs mois plus tard.
10:38 Il avait été arrêté à plusieurs reprises.
10:40 À chaque fois, il a purgé la peine d'un mois, de deux semaines.
10:45 Il a été aussi en liberté conditionnelle.
10:52 C'est-à-dire que là, on l'accusait seulement d'avoir fait une infraction en fonds mineurs
11:04 de ne pas être présenté au contrôle judiciaire parce qu'il était en Allemagne.
11:09 Et je pense qu'il pensait qu'il était en quelque sorte même protégé par cette tentative d'empoisonnement,
11:16 qu'il n'oserait pas le faire une seconde fois.
11:19 Et il rentrait en pensant, oui, ils vont m'arrêter, c'est sûr.
11:23 Mais il ne pensait pas que ça allait être d'un procès à un autre procès
11:28 et qu'ils allaient couper de 19 ans et qu'on essaierait de tuer lentement ou rapidement.
11:35 Parce que l'évolution de la société a été verticale.
11:39 C'est un trou dans lequel tombait la Russie.
11:44 Le trou de la répression et de l'horreur qui a précédé la guerre.
11:49 Parce qu'il fallait tout nettoyer avant de commencer cette guerre.
11:53 Je rappelle aux auditeurs qu'ils peuvent vous poser des questions,
11:58 intervenir au 01 45 24 7000 au Standard Inter ou sur l'application France Inter.
12:04 Il y a de très nombreuses questions qui ont trait à la répression, à cette forme de répression.
12:10 Comment se fait-il que ce soit une forme de spécificité russe
12:15 quand on considère qu'Andropov, par exemple, dit l'un de nos auditeurs,
12:20 Andropov a laissé partir Solzhenitsyn, par exemple.
12:23 Alors que c'était une menace peut-être encore plus grande à l'époque de l'URSS
12:27 que ce que pouvait représenter Alexei Navalny pour Vladimir Poutine aujourd'hui.
12:32 Elsa Vidal.
12:33 Écoutez, moi, j'aborde les choses un petit peu différemment de Noiri.
12:37 Je pense que ce qui est, et ça éclaire la situation de la guerre en Ukraine,
12:40 aussi ce qui se passe avec Navalny.
12:42 La crainte principale de Vladimir Poutine,
12:44 et je pense que ce qui a structuré son désir de guerre
12:48 et aussi la manière dont il essaye d'établir son emprise désormais sur la société via l'église et l'armée,
12:55 c'est qu'il perd le contrôle, il perd en popularité, il perd en confiance.
12:59 Il y a eu des sondages en 2008 qui montraient très bien
13:01 qu'on avait moins confiance dans l'institution présidentielle.
13:03 Donc le président de la République française, Emmanuel Macron,
13:06 a raison quand il dit que le Kremlin a peur.
13:08 Oui, Vladimir Poutine doit rester au pouvoir.
13:12 Il doit rester au pouvoir pour sauver sa vie, sauver son système.
13:15 Et la peur qu'il a, ce n'est non pas des nazis en Ukraine,
13:19 ce n'est même pas précisément de l'expansion de l'OTAN,
13:22 c'est de la popularité de la démocratie auprès de générations de Russes
13:27 qui sont de plus en plus actives.
13:29 Et la popularité de Navalny, on n'arrête pas de nous attaquer,
13:32 en tout cas moi depuis hier, en me disant
13:33 "mais vous dites que Navalny a été la victime de Vladimir Poutine".
13:36 Il n'avait que 2% d'intention de vote.
13:39 Ce n'est pas... En fait Navalny, tout comme Poutine,
13:41 c'est le nom de plein de gens.
13:43 - C'est le nom de plein de gens ?
13:44 - Navalny, c'est une créature collective.
13:47 C'est tous les gens qui rêvent d'un autre futur pour la Russie.
13:50 Et c'est aussi ce qui s'est passé là très récemment.
13:53 On a vu un candidat aux élections en Russie, Boris Nadyezhdin,
13:57 qui n'a pas pu finalement se présenter.
13:59 Pourquoi ? Parce qu'on a vu des dizaines de milliers de Russes
14:02 venir s'engager à ses côtés parce que cet homme,
14:05 s'est exprimé contre la guerre.
14:08 Et donc ce désir de démocratie, ce désir de paix,
14:12 il est chez de nombreux Russes.
14:14 Il va à l'encontre du pouvoir de Vladimir Poutine.
14:16 Et c'est pour ça que Vladimir Poutine fait sa guerre contre nous.
14:20 Il essaye de s'établir en contre-modèle.
14:22 Et Navalny, c'était l'exemple qu'on pouvait être démocrate,
14:27 opposant, faire entendre une voix, même depuis le Grand Nord.
14:30 Il fallait que cet homme disparaisse.
14:32 - Galia Ackermann, est-ce qu'on entendait la voix d'Alexei Navalny ?
14:35 C'est une question qu'on peut se poser ici en France,
14:38 puisqu'on n'avait même pas le droit de prononcer son nom
14:42 à la télévision publique, par exemple.
14:45 - On le désignait par des sobriquets,
14:49 genre ce personnage, ce jury, ce, ceci, ce, cela.
14:55 C'est d'ailleurs la manière de Poutine d'éviter de prononcer
14:58 le nom de ses adversaires.
15:00 Mais ce que j'aimerais vous dire quand même,
15:03 c'est qu'à Descrussies, on a commencé à publier
15:07 les posts de Navalny, qui publiaient via ses proches,
15:10 ses avocats, sur Instagram.
15:13 Et on l'a suivi pendant deux ans.
15:16 C'est-à-dire qu'aujourd'hui même, vous pouvez entendre sa voix,
15:21 lire ce qu'il a écrit de prison.
15:23 C'est pratiquement un journal de prison.
15:26 Et vous savez, dans un post, le jour de son anniversaire,
15:30 il a écrit ceci.
15:33 Je n'ai pas pris la page pour citer exactement.
15:38 Mais il a écrit qu'il est plein d'optimisme
15:43 parce que là, je pense que s'il est devenu le personnage
15:46 un peu christique, il est devenu plutôt en prison
15:49 qu'avant la prison parce qu'il pensait pouvoir vaincre.
15:53 Et lui, il disait, je veux rester optimiste
15:58 parce que je paie pour le droit d'avoir mes convictions.
16:02 Et quand il y aura assez de gens qui vont partager ce point de vue,
16:08 la Russie va devenir libre.
16:10 Ça en disant sur son courage, Marie Maindras,
16:14 comment faire le portrait rapidement de celui qu'on désigne
16:18 comme l'ennemi public numéro un de Vladimir Poutine ?
16:21 Est-ce que l'expression d'ailleurs est juste à vos yeux ?
16:25 C'est l'ennemi de Poutine et du régime.
16:29 Ce n'est pas un ennemi public.
16:31 Il n'y a pas de vie publique en Russie.
16:32 Il n'y a pas de vie politique.
16:36 Oui, je vais vous parler d'Alexei Navalny,
16:42 mais je voudrais aller dans le sens de ce qui vient d'être dit.
16:47 Avant que toutes les chaînes YouTube et sites de Navalny ne soient fermées.
16:55 Sa fondation pour la lutte contre la corruption, très, très importante.
16:59 Je vais en dire un mot, ne soit également fermée.
17:04 Avant que la plupart de ses collaborateurs n'aient été obligés de partir en exil
17:11 ou se soient trouvés en prison.
17:13 Les sites de la fondation, les sites du mouvement politique de Navalny,
17:20 parce que Navalny était aussi un leader de mouvement politique,
17:25 ils étaient suivis constamment par entre 10 et 20 millions de personnes,
17:32 à la fois de l'intérieur de la Russie et à l'extérieur.
17:35 Donc, j'insiste beaucoup sur le fait que Alexei Navalny et toute son équipe,
17:41 tous ses représentants dans les nombreuses provinces de la Fédération de Russie,
17:47 ils représentent des millions de personnes et notamment beaucoup de jeunes.
17:55 Donc, le travail de Navalny, il a commencé en 2011.
18:00 Je crois que j'aurais juste donné ce rappel du moment où il a commencé à devenir ce géant politique,
18:09 comme l'a titré hier la Novaya Gazeta Europe.
18:14 Il a lancé comme slogan, pour lutter contre les fraudes et la fabrication des élections législatives de décembre 2011,
18:23 il a lancé comme slogan "Abas le parti des escrocs et des voleurs", c'est-à-dire le parti du pouvoir.
18:32 Il a fait passer un message, ensuite grâce aux enquêtes de sa fondation anticorruption,
18:38 que le régime Poutine était non seulement un régime corrompu, mais aussi un régime qui volait les voix des gens
18:49 et que la corruption était tout autant économique que politique.
18:54 Bonjour Isabelle, bienvenue sur France Inter.
18:58 Bonjour à tous.
18:59 Vous vouliez partager avec nos invités un témoignage ?
19:02 Oui, je suis dans un état épouvantable depuis hier.
19:05 Je voulais dire à Elisabeth Dalle, Gaël Kerman et son acolyte, je voulais vous dire à tous que
19:11 je fais partie des gens qui ont un chagrin immense et je fais partie des gens qui ne supportent plus
19:18 qu'on soit juste à constater les décès et les atrocités.
19:22 Je voudrais au quotidien qu'on se lève pour tous ces gens qui luttent pour nous.
19:28 Je vous en supplie, pour que Navalny reste en vie, il faut continuer son combat.
19:33 Il faut parler de tous les opposants.
19:36 Tous les opposants continuent le combat.
19:39 On a cité tout à l'heure Vladimir Karamurza, il y a aussi Yacine,
19:43 il y a aussi tous les gens qui cette nuit en Russie sont allés déposer des fleurs,
19:47 il y a ceux qui sont partis et puis il y a tous ceux qui travaillent en Russie.
19:51 Il y a beaucoup de volontaires qui, de manière très discrète, à un niveau individuel,
19:55 sans se mettre bien sûr en valeur dans les rues parce qu'on ne peut pas le faire de la même manière en Russie,
20:00 sont mobilisés.
20:01 Je pense qu'en Russie, il y a quand même des gens qui luttent.
20:03 Bien sûr, ce n'est pas la majorité, mais il y a des gens qui luttent.
20:05 Et les idées de Navalny et d'autres idées, parce qu'il y a d'autres projets pour une Russie démocratique,
20:10 ces idées-là, elles continuent de faire leur chemin.
20:13 Et il y a deux ans, un documentaire qui lui était consacré avait reçu l'Oscar du meilleur documentaire.
20:18 Navalny, on avait un moment très fort qu'on a pu revoir hier à la rediffusion de ce film
20:25 où Navalny prononçait ces mots "Mon testament au cas où l'on me tue est très simple, ne vous laissez pas faire".
20:32 C'est assez impressionnant de prononcer ces mots.
20:35 Est-ce qu'il y a aussi une coïncidence avec la conférence de sécurité de Munich ?
20:40 Est-ce que cette mort survient ?
20:42 Oui, bien sûr, Elisabeth, vous levez les yeux au ciel.
20:45 Hier, on a tout de suite réagi, pareil dans la rédaction, en disant en fait, ce que fait Vladimir Poutine au monde,
20:51 c'est de nous faire un gigantesque bras d'honneur et de dire un tout petit peu avant la conférence de sécurité de Munich,
20:58 là où en 2007, il a fait son coming out en disant "Maintenant l'Occident, la superpuissance occidentale, c'est terminé,
21:05 on ne cherchera plus à vous rejoindre, on va affirmer notre souveraineté et tout ce qui sera fait en Russie
21:11 sera fait par nous sans avoir la moindre attention pour vos normes".
21:16 Et bien là, il nous le répète, il clôt le cycle commencé en 2007, juste avant, il tue l'opposant et juste avant aussi la date anniversaire.
21:23 Oui, mais l'effet boomerang a été immédiat.
21:28 Yulia Navalnaya a eu l'immense courage de parler à la conférence, sa femme Yulia Navalnaya,
21:36 elle a parlé avec une force et une dignité, elle n'a pas parlé d'elle et elle a dit "Nous devons tous continuer le combat pour mettre à terre ce régime abominable".
21:52 Et Volodymyr Zelensky, le président ukrainien que nous recevions à Paris hier, a eu aussi des mots extrêmement justes sur la signification de cet assassinat.
22:05 Le mot de la fin, Galia Ackerman ?
22:07 Le mot de la fin, c'est que cet assassinat vient à un moment important parce que Vladimir Poutine certainement ne veut pas que Navalny,
22:18 qui a toujours combattu pour qu'on vote tout autre candidat sauf Poutine, qu'il n'y ait pas de dérangement en quelque sorte.
22:28 Il l'a déjà fait dans le passé, il l'a refait maintenant parce que la voix de Navalny a été audible via les gens de sa fondation, via les autres opposants.
22:44 Il a soutenu Nadezhdin d'ailleurs et son appel était vraiment "Votez tout sauf Poutine".
22:53 Et ça c'est totalement inadmissible pour Poutine.
22:56 Donc je pense que ce n'est pas une coïncidence qu'il soit éliminé, je ne grins pas le mot maintenant.
23:03 Merci infiniment en tout cas à toutes les trois de nous avoir aidé à comprendre les enjeux de la mort et de ses conséquences.
23:10 La mort d'Alexei Navalny, Marie Mendras, je rappelle donc ce livre "La guerre permanente, l'ultime stratégie du Kremlin".
23:18 C'est chez Kalman Levy, Elsa Vidal "Fascination russe" c'est chez Robert Laffont.
23:23 Et quant à vous Galia Ackerman, vous êtes donc à la tête du site Desk Russie et vous avez dirigé le livre noir de Vladimir Poutine.
23:34 Le livre noir auquel s'ajoute donc une nouvelle page.
23:38 Merci infiniment à toutes les trois.
23:39 Suivez la revue de Fred.
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