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00:00 Il est 7h46, Robert Badinter, l'abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l'homosexualité et bien d'autres combats.
00:08 Qu'est-ce que vous retenez de ces combats justement ? Qu'est-ce qui vous a marqué ?
00:13 Appelez-nous pour en parler au 04 76 46 45 45 pour nous faire part de vos souvenirs, de ce que vous avez comme ça en tête quand vous entendez le nom de Robert Badinter.
00:21 Et nous revenons sur l'hommage qui lui est rendu aujourd'hui, Laurent Gallien.
00:24 Oui, et nous y revenons avec Maître Jean-Yves Balestas, invité dans ce studio. Bonjour.
00:28 Bonjour. Vous êtes une des personnes qui a pu approcher Robert Badinter, le côtoyer notamment à l'occasion de colloques à Grenoble.
00:35 C'était dans les années 2000, me semble-t-il, si mes souvenirs sont bons.
00:39 Robert Badinter, quand on l'approchait, c'était quoi ? Une figure impressionnante ?
00:43 Bon, le bonhomme n'était pas immense, c'était pas un colosse, mais quelle était sa prestance, sa présence ?
00:48 Robert Badinter était un confrère, c'est-à-dire un homme qui était passionné par la profession d'avocat
00:55 et qui se mettait toujours à la hauteur de l'avocat qui était très vite impressionné par Robert Badinter.
01:04 En ce qui me concerne, j'ai pu avec André Valigny organiser un colloque...
01:11 Qui était alors président du Conseil Général de l'ISER.
01:13 À l'époque président du Conseil Général de l'ISER, organiser un colloque national sur le thème, bien sûr,
01:21 la justice est rendue au nom du peuple français, mais elle est aussi rendue par le peuple français.
01:26 Et Robert Badinter, passionné par ce thème, avait séduit, bien sûr,
01:33 mais surtout apporté cette humanité qui a, je le dis avec simplicité, forgé ma vie.
01:43 Ma vie d'avocat, ma vie de bâtonnier.
01:45 Chaque thème, il la disait, vous êtes des professionnels du droit, vous êtes des bons techniciens du droit,
01:52 mais vous ne seriez jamais un avocat si vous ne mettez pas de l'humanité dans vos propos et dans votre vie.
01:58 C'est vraiment pour moi un mentor, c'est une lumière qui s'éteint
02:03 et qui, effectivement, pour la profession d'avocat, perturbe.
02:07 - Est-ce que quand on est avocat, jeune avocat, on rêve finalement d'avoir un jour une plaidoirie
02:12 à faire comme celle de Robert Badinter dans l'affaire Henry ?
02:15 Parce que sa plaidoirie publique, c'est celle devant l'Assemblée nationale,
02:18 c'est son discours, finalement, pour l'abolition de la peine de mort.
02:21 - Oui, il l'a dit, être devant l'Assemblée nationale, c'est pas être devant un tribunal.
02:27 Et il n'était pas, effectivement, dans son intervention, en novembre 1981, devant une juridiction.
02:38 Il a convaincu les députés, mais lorsqu'il plaidait, il l'indiquait, il n'écrivait pas sa plaidoirie,
02:47 il s'adressait aux jurés et il les mettait, j'allais dire, face à leurs responsabilités.
02:53 C'est sa force de conviction qui emportait la fierté de la profession d'avocat.
03:00 - Quand on voit les évolutions du droit, alors effectivement, on parle de l'abolition de la peine de mort,
03:08 il n'y a pas que ça chez Badinter, on l'a dit tout à l'heure, des pénalisations de l'homosexualité.
03:12 Il a aussi mis en place les travaux d'intérêt général, qu'on appelle, qui est une peine alternative.
03:18 - Oui, c'est sa dernière intervention.
03:21 - Mais de l'humanité dans la justice, c'était ça ?
03:23 - Sa dernière intervention devant la télévision, c'était effectivement le message qu'il a donné aux avocats.
03:29 Technicien, oui, humanité avant tout, et cette humanité, vous devez la porter, et il me l'a demandé lors de ce colloque,
03:38 en me disant "Balestas, si vous êtes bâtonnier, vous devez vous intéresser à ceux qui sont au bord du chemin".
03:45 Et c'est effectivement autour de deux thèmes que je me suis investi, c'est la condition des tensions,
03:51 et vous le savez, le militantisme que le baro de Grenoble éprouve auprès de la maison d'arrêt de Vars,
03:55 cette maison d'arrêt qui n'est indigne des valeurs de la République,
03:59 et puis le deuxième testament, le deuxième message de Romain Vaninter, c'est en dehors de l'humanité,
04:05 c'est "je sais ce que c'est que l'injustice, je ne sais pas ce que c'est que l'injustice,
04:12 si effectivement il y a une injustice, vous devez vous révolter".
04:16 C'est un homme qui savait se révolter sans éclaboussement, avec dignité, avec efficacité, à tout moment, sur tous les sujets sociaux.
04:24 - Et justement l'héritage de Robert Vaninter, on en parle avec vous au 04 76 46 45 45,
04:29 Yvette nous appelle du Grand Lens, bonjour Yvette ! - Bonjour Yvette !
04:33 - Bonjour ! - Et Yvette avec vous, on va justement revenir sur forcément la première chose que l'on retire
04:38 des combats de Robert Vaninter, l'abolition de la peine de mort, ça vous a beaucoup marqué ?
04:42 - Oui, alors je vous raconte, quand j'avais 9 ans, on a exécuté aux Etats-Unis des époux Rosenberg,
04:50 et à partir de ce jour, à chaque fois qu'on parlait d'une exécution, d'un condamné à mort,
04:56 j'étais malade, mais malade, pas possible, je ne comprenais pas.
05:01 Et le jour où Robert Vaninter a aboli la peine de mort, je crois que ça a été un des plus beaux jours de ma vie,
05:08 et je pense à lui chaque fois qu'on parle de remettre ou de...
05:14 Donc pour moi c'est l'homme génial. J'ai été vraiment...
05:20 - Touché par ce... - Oui, et aujourd'hui je pense que c'est bien de lui consacrer une journée.
05:26 - Les époux Rosenberg, ils avaient été arrêtés pour communisme en l'occurrence, c'était une époque un peu sombre.
05:32 - Et après il y a eu l'histoire de Ranucci aussi qui a été exécutée, puis après quand on a dit qu'il était innocent,
05:38 tout ça c'est des souvenirs qui me rendent malade à chaque fois.
05:44 - Merci beaucoup Yvette de ce témoignage. - C'est un témoignage au Grand Mans,
05:47 c'est un témoignage qu'a connu l'époque de l'abolition de la peine de mort,
05:50 qui a connu avant celle de la peine de mort quand elle était appliquée,
05:53 alors aux Etats-Unis elle l'est encore, dans certains états d'ailleurs.
05:57 Mais l'abolition de la peine de mort a laissé des traces aussi chez les plus jeunes avocats qui n'ont pas connu cette époque-là.
06:02 Je vous propose d'écouter Alice Berthez, vous la connaissez, maître Jean-Yves Ballestas,
06:05 elle est avocate à Grenoble et présidente des Jeunes Avocats.
06:09 - C'est un héritage qui est immense et qui n'est même pas quantifiable,
06:13 quand on le sait que lorsqu'on va devant la cour d'assise, la peine capitale n'est plus encourue,
06:20 et il y a même certains grands avocats qui indiquaient que finalement on avait enlevé l'essence même
06:25 de la plaidoirie à la cour d'assise et de tout ce que peut vivre un avocat,
06:28 parce que justement il n'y a plus cette peine capitale qui peut être prononcée.
06:33 De se dire que l'enjeu est tellement différent, parce que l'enjeu n'est plus irrévocable.
06:40 - Voilà pour la position, la réflexion d'Alice Berthez, donc jeune avocate.
06:45 Maître Jean-Yves Ballestas, on a entendu aussi notre district tout à l'heure,
06:49 l'hommage national il est amplement mérité. Alors, Albert Ballinter ?
06:53 - Oui, cette lumière de ce siècle, on ne peut pas ne pas effectivement rendre cet hommage,
07:04 cette profession immobilisée. Mais vous l'avez dit, il a peine de mort bien sûr,
07:08 mais il a bouleversé le droit, il a bouleversé le droit sur le délit de l'homosexualité bien sûr,
07:13 en droit civil. Imaginez cet homme, et je l'ai bien connu à travers mon père qui était bâtonnier,
07:19 qui faisait partie de la commission Ballinter, de dire que voilà, vous êtes cycliste,
07:24 vous êtes piéton, vous avez un droit à indemnisation même si vous êtes fautif,
07:29 à l'origine parfois du drame ou de l'accident. C'est un bouleversement de la responsabilité civile.
07:35 C'est lui qui l'a conduite, cette réforme qui protège à jamais piétons et cyclistes
07:41 au cadre d'accidents de la circulation. Ça encore c'est une révolution.
07:45 - Il était aussi déjà question de sa panthéonisation, ça vous êtes pour ou contre ?
07:49 C'est une position un peu plus compliquée peut-être ?
07:51 - Peut-être par taquinerie, il a été professeur de droit à Panthéon-Sorbonne.
07:57 Panthéon-Sorbonne, ça serait un juste rechour des choses.
08:01 - On repart au 04-76-46-45-45 pour retrouver Alexandre qui nous appelle de Saint-Martin-de-Vinou.
08:08 On parle aujourd'hui de l'héritage de Robert Badinter, est-ce que vous avez peut-être retenu de ses combats ?
08:13 Bonjour Alexandre. - Oui bonjour Mathieu, bonjour à votre invité.
08:17 Que je salue aussi un grand avocat. La justice est en deuil et puis la République même.
08:24 Parce que pour moi, il m'a marqué par son combat, par sa ténacité malgré son parcours,
08:33 déjà de sa vie à lui personnelle. - Son parcours de vie qui n'a pas été simple.
08:39 - Et comme vous disiez M. Baletas, maître, il s'est battu sur tout plein.
08:48 Et si on a tous ces trucs qui ont évolué dans la justice, dans le pénal et dans le public,
08:53 c'est grâce à un maître, Badinter d'ailleurs, on peut dire que c'était vraiment...
08:59 C'est un grand homme et moi je l'ai combattu auprès du Parti Socialiste dans ma jeunesse.
09:05 Et c'était une personne politique que j'apprécie en dehors de ce que son combat...
09:10 - Une figure qui vous a marqué à double titre. Donc Alexandre, merci pour votre témoignage.
09:14 - Merci beaucoup Alexandre de votre témoignage. Alexandre qui ira écrire un mot à la mairie.
09:17 - Oui tout à fait, parce que la mairie de Grenoble a ouvert un livre d'or en mairie dans l'aule publique,
09:22 si vous voulez laisser vos réflexions. Merci Alexandre d'être intervenu.
09:25 On va aller voir également Claude Coutas, maître Claude Coutas, bonjour. - Bonjour.
09:31 - Avocat, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de côtoyer Robert Badinter, mais en tout cas vous êtes un admirateur.
09:37 - Un admirateur parce que quand on est avocat, lui aurait été avocat par hasard,
09:42 mais quand on est avocat c'est forcément un repère, c'est forcément quelqu'un qui est un exemple.
09:47 - Et qu'est-ce que... Vous regardez, quand vous avez appris sa mort,
09:51 qu'est-ce qui vous est venu tout de suite immédiatement à l'esprit ?
09:54 - Eh bien vous voyez j'y pensais encore lundi en allant à la maison d'Arrêt de Var.
09:57 Je voyais ces parloirs tels qu'on les voit aujourd'hui, et je me disais mais c'est lui qui a enlevé les séparations dans les parloirs.
10:03 Avant il y avait des séparations pour que les familles ne se touchent pas.
10:06 Aujourd'hui on a un peu plus d'humanité et j'y pensais en me disant "ça c'est lui".
10:11 Je me disais aussi "je peux saisir la Cour européenne des droits de l'homme aujourd'hui".
10:15 Avant on ne pouvait pas, il n'y avait pas de saisie des indiques, ce sont des petites choses,
10:18 mais qui sont maintenant intégrées dans notre quotidien.
10:20 Moi si vous voulez, quand je suis devenu avocat, ça fait 17 ans que la peine de mort a été abolie,
10:25 mais ce sont des choses qu'on a conservées et qui nous sont précieuses.
10:30 On peut avoir oublié que ça vient de lui.
10:33 - Ça vient de lui, et qu'il y a plein d'autres choses, si je vous écoute bien aussi,
10:36 qui viennent de lui, notamment ces séparations dans les parloirs.
10:39 C'est vrai qu'on a l'image un peu du film à l'américaine avec la vitre au milieu et l'interphone,
10:43 mais dans les parloirs on peut effectivement se voir, se toucher.
10:47 Maître Jean-Yves Balestas, je reviens vers vous.
10:49 Merci Claude Coutaz pour votre intervention ce matin, je reviens vers vous.
10:52 On a parlé tout à l'heure avec Alexandre de Saint-Martin-Villou du parcours de vie aussi de Robert Banninter.
10:57 Vous avez une anecdote là-dessus qui est assez frappante,
11:01 en tout cas qui représente le personnage un peu et son combat.
11:03 Ça a fermeté quelque part aussi un peu sa dureté ?
11:06 - Oui, on déjeunait ensemble, j'étais installé en face de lui,
11:10 et au dessert de ce repas, il y avait une sorte de soupe de fruits,
11:14 et servie dans une coupe.
11:17 Et j'observe qu'il n'a pas de cuillère, le serveur a omis de l'installer,
11:22 donc de façon discrète, je lui pousse ma cuillère pour qu'il puisse s'en saisir,
11:27 et là il m'observe, il se met à hurler "Balestas, ne faites jamais ça devant moi !"
11:32 Interloqué, je ne comprends pas, il prend la cuillère, il me dit "voyez-vous cet instrument,
11:38 c'est ce qui différencie l'homme de l'animal."
11:41 Dans les camps nazis, on servait de la soupe le soir, et on servait une cuillère sur deux.
11:49 Et celui qui n'avait pas de cuillère était obligé de laper le liquide,
11:52 et l'autre pouvait se nourrir un peu avec la cuillère.
11:55 Donc quand vous avez une cuillère, vous la gardez.
11:58 C'est entendu Balestas ?
12:00 Ça m'a marqué, et il a ajouté "Voyez, ça me revient maintenant,
12:06 j'étais avocat, j'étais homme politique, mais j'ai un grand regret dans ma vie.
12:13 Le grand regret de ma vie, c'est de ne pas avoir écrit le code pénal européen.
12:17 Parce que c'est l'Europe qui peut sauver, j'allais dire, les démocraties.
12:23 J'étais visionnaire, il n'y avait pas encore l'invasion de la Russie.
12:26 En la matière, Robert Badinter, je vous coupe, pardon,
12:29 M. Jean-Luc Balestas, parce qu'on va arriver à la fin de cette séquence.
12:32 M. Jean-Luc Balestas, donc Robert Badinter, une histoire de justice,
12:36 mais aussi une histoire du XXe siècle, on peut le dire, profondément française et européenne.
12:40 Oui, écrivain, philosophe, historien, mais vraiment, il était un homme européen,
12:46 il croyait vraiment à la justice européenne, au moins au parquet général européen,
12:50 qu'il souhaitait ardemment. Bref, un homme qu'on ne peut pas oublier,
12:54 un éclairage, une lumière qui est un chemin à poursuivre.
12:59 On va rester là-dessus. Merci M. Jean-Luc Balestas d'être venu nous rendre visite dans ces studios,
13:03 à l'occasion de cet hommage national et local également, devant le palais de justice de Grenoble,
13:07 notamment à midi, à Robert Badinter.
13:09 Tous ces souvenirs échangés, s'ils vous ont touché, que vous avez envie de partager,
13:12 tout ça, vous n'hésitez pas à les partager, cette réécoute sur notre site internet.