Dominique Raimbourg, ancien député socialiste de Loire-Atlantique, ancien président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et avocat de profession.
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00:00 - Notre invité ce matin, ancien député socialiste, ancien président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et aussi avocat.
00:07 - Bonjour Dominique Rimbour. - Bonjour M. Crosel.
00:09 - La France rend hommage ce midi à Robert Badinter, socialiste comme vous, homme de droit comme vous, avocat comme vous,
00:16 et auteur de la préface du livre que vous avez co-écrit avec Stéphane Jacot sur les prisons en 2015,
00:21 "Prison, le choix de la raison". Qui était pour vous Robert Badinter ?
00:25 - Ah c'est un personnage extrêmement important. C'est un personnage qui a une vie extraordinaire.
00:31 D'abord ça commence sous le signe de l'antisémitisme, des persécutions nazies.
00:36 Il est présent, à quelques minutes près, au moment où Klaus Barbie exécute la rafle qu'il a décidé
00:43 et est en train d'embarquer son père, qui ne reviendra jamais des camps de concentration.
00:47 Ensuite, il devient un avocat qui réussit brillamment. Il est aussi professeur de droit.
00:54 Il a un parcours universitaire de haut niveau. Et puis il se lance dans cette lutte contre la peine de mort.
01:00 - C'est une mer des batailles. - Cette mer des batailles, avec une première défaite en 1972 avec Roger Bontemps.
01:07 Alors qu'il assiste à l'exécution de cet homme-là. Et puis ensuite, il sauve la tête de Patrick Henry.
01:16 Au même endroit, à Troyes, dans le Varnacourt d'Assise de Troyes, et il sauve la tête de Patrick Henry.
01:21 Avec cet argument imparable qui consiste à dire "la peine de mort n'est pas dissuasive".
01:26 D'ailleurs, Patrick Henry était dans la foule qui hurlait à mort lorsque Bochevet et Bontemps passaient dans le convoi pénitentiaire.
01:33 - C'est effectivement ce parallèle qu'il fait et qu'il explique dans son discours à l'Assemblée Nationale.
01:40 Le jour où il propose au vote des députés l'abolition de la peine de mort en septembre 1981.
01:47 - C'est ça. C'est d'autant plus intéressant qu'en 1907, il y avait une tentative d'abolition de la peine de mort.
01:52 C'est Aristide Briand qui la portait. Et cette tentative a échoué parce qu'il y a eu un crime monstrueux
01:57 où une petite fille a été tuée, violée, découpée et les morceaux de son corps ont été répartis dans les gares parisiennes.
02:04 Et l'Assemblée qui au départ était favorable à l'abolition s'est retournée compte tenu de ce crime.
02:10 Et là, il y avait le contre-exemple avec Patrick Henry.
02:13 - Alors je le disais, Robert Badinter a préfacé un livre sur les prisons que vous avez écrit avec Stéphane Jacot,
02:18 qui est un ancien parlementaire de droite. Donc c'est un livre avec deux points de vue sur la prison.
02:24 Comment vous l'avez convaincu de venir faire cette préface ?
02:28 Parce qu'effectivement, s'il n'y a pas la peine de mort, il y a la prison comme peine la plus lourde en France.
02:33 - Ça s'est passé très simplement. J'aimerais vous raconter une histoire extraordinaire, mais ça s'est passé par un échange de courriel.
02:40 On lui a proposé, et un peu à ma grande surprise, parce que c'était quand même un homme d'une envergure autre que la mienne,
02:47 et bien à ma grande surprise, il a accepté de préfacer ce livre.
02:51 Qui est un peu... Alors je ne veux pas me pousser du col, mais c'est un peu le parallèle.
02:56 Moi j'étais étonné qu'on incarcère autant et qu'on incarcère aussi mal.
03:01 Les prisons sont surpeuplées. Aujourd'hui nous avons presque 76 000 détenus pour 61 000 places.
03:06 Et curieusement, personne ne se préoccupe de la sortie. C'est-à-dire que la sortie se fait sans beaucoup de suivi.
03:14 Notamment sur les courtes peines, qui sont les gens les plus difficiles.
03:17 La réinsertion pour éviter la récidive, c'est un sujet qui est complexe, mais effectivement qui tenait aussi à cœur de Robert Badinter,
03:23 puisque c'est toute la chaîne pénale que lui, avocat et ancien ministre de la Justice, il avait à cœur.
03:29 On le dit, c'est l'homme de l'abolition. On est dans un contexte de radicalisation politique aujourd'hui.
03:34 On voit bien quand même que notre société est crispée.
03:37 Est-ce que cette abolition de la peine de mort pourrait être menacée selon vous dans notre pays, peut-être,
03:45 par des élus qui à une époque, ou un parti politique comme le Rassemblement National, qui a été contre pendant longtemps, contre l'abolition ?
03:52 Je ne le pense pas. Je ne le pense pas parce que la peine de mort n'a pas d'efficacité.
03:57 C'est pas parce qu'on exécutera 7, 8 personnes tous les 10 ans, à peine même pas, que ça changera quoi que ce soit.
04:04 Donc ça veut dire que c'est acquis pour toujours selon vous ?
04:06 Je pense qu'en France en tout cas c'est acquis pour toujours.
04:08 A gauche, oui.
04:09 Je soulignais aussi qu'il n'est pas que l'homme de l'abolition de la peine de mort.
04:12 Il est celui qui en 1985 fait adopter une loi qui modifie complètement le régime de l'indemnisation,
04:18 notamment des victimes d'accidents de la circulation.
04:21 C'est un peu compliqué techniquement à expliquer, mais il a mis en place un système d'indemnisation automatique,
04:27 alors qu'autrefois il fallait démontrer la responsabilité, dossier par dossier.
04:32 Et surtout il y avait des victimes qui restaient sans indemnisation.
04:35 Et je pense que ça mérite aussi le regard, parce que c'est quelque chose de très important.
04:40 C'est une autorité morale, une figure de la gauche en France, Robert Badinter.
04:44 Qui pour prendre sa suite ?
04:46 Est-ce qu'on aura encore un Robert Badinter selon vous un jour dans la vie politique française ?
04:51 Alors c'est très difficile à dire, parce qu'il ne faut pas oublier que lorsqu'il est contre la peine de mort,
04:55 il fait l'objet de critiques très très vives.
04:57 C'est pas populaire à l'époque.
04:58 A l'époque c'est pas populaire.
05:00 Et évidemment c'est avec le regard en arrière, le regard qui est porté sur l'histoire,
05:05 que l'on considère que c'est un grand homme.
05:08 Et les grands hommes sont reconnus toujours après.
05:10 Pendant, c'est beaucoup plus difficile.
05:12 Merci en tout cas d'être venu ce matin Dominique Rimbaud.
05:14 Merci à vous.
05:15 Nous parlons de Robert Badinter qui a préfacé votre livre "Prison, le choix de la raison"
05:19 paru en 2015 et co-écrit avec Stéphane Jacot.
05:21 Robert Badinter dont le nom pourrait bien figurer au Panthéon d'ailleurs,
05:25 puisque c'est un petit peu la suggestion du chef de l'État qui préside un hommage Place Vendôme,
05:30 à midi tout à l'heure.
05:31 Merci beaucoup Dominique Rimbaud.