• il y a 10 mois
C'est le deuxième roman que signe l'autrice, et c'est le coup de coeur littéraire d'Isabelle Sorente. "Photosynthèses", c'est l'histoire d'un personnage non binaire, de genre poétique, mutable, passionné par la botanique et le monde de la nuit, où l'amitié joue un rôle fondamental.

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Transcription
00:00 Maxime, vous êtes donc avec nous jusqu'à 20h.
00:03 On a amené aussi dans nos valises, ici à Poitiers, Isabelle Sorante,
00:07 qui a elle-même emporté dans son sac un livre, une publication récente, ma chère Isabelle.
00:13 Oui, ça s'appelle "Photosynthèse" et c'est signé Camille Cornu.
00:16 Je vais donc commencer par un extrait.
00:18 Évidemment, les plantes voient absolument tout,
00:22 d'une façon tellement différente qu'on ne peut même pas imaginer.
00:26 Il faut accepter que les feuilles sont des yeux, les tiges sont des yeux,
00:29 que toute la plante est un œil, un organisme œil qui se nourrit de ce qu'il voit.
00:34 J'ai peur de la fin du monde et de la disparition des plantes.
00:36 Peut-être que si on pouvait prouver qu'elles sont des yeux, on les respecterait mieux.
00:41 C'est par ces lignes envoûtantes que nous entrons donc dans la tête du personnage principal de "Photosynthèse",
00:46 le nouveau roman de Camille Cornu.
00:49 Un personnage non binaire, ou plutôt de genre indéterminé,
00:52 de genre insaisissable, de genre poétique, de genre mutable,
00:56 débordant comme les tiges, les feuilles et les fleurs des plantes cultivées partout dans son appartement.
01:01 Je ne vais pas vous mentir, c'est un coup de cœur.
01:04 Camille Cornu n'en est pas à son coup d'essai,
01:07 puisque Camille fait partie, aux côtés d'autrices comme Wendy Delorme et Rebecca Chaillon,
01:11 du collectif littéraire queer RERQ.
01:14 "Photosynthèse", c'est son deuxième roman.
01:16 C'est donc l'histoire de quelqu'un qui se passionne pour la botanique,
01:19 mais aussi pour le monde de la nuit et pour l'amitié.
01:22 L'amitié joue un rôle déterminant dans cette histoire.
01:25 Iris, elle, Mimo sont ces personnes avec qui on danse toute la nuit.
01:29 Elles sont aussi la famille choisie,
01:31 les personnes sûres, composant l'écosystème au sein duquel la voie narrative parvient à se déployer.
01:37 Les amis, on le sait, sont essentiels quand on vit en rupture avec sa famille,
01:41 à cause du genre indéterminé notamment,
01:44 dont on comprend vite dans le roman que la famille ne l'a pas vraiment appréciée.
01:48 "On fait parfois venir les familles pour reconnaître les corps", écrit Camille Cornu.
01:52 "C'est une tradition à chaque naissance et chaque décès,
01:55 mais la famille ne reconnaît pas, la famille n'a jamais reconnu."
01:59 Alors, c'est difficile de reconnaître ce qui se déploie entre les mots,
02:03 entre les cases, en dehors des cases.
02:05 Même écrire cette chronique en respectant la non-binarité ne va pas forcément de soi.
02:11 J'ai recours à des expressions comme "personnage principal", "voie narrative".
02:15 Camille Cornu emploie les formes contractées, parfois les astérisques,
02:19 pour créer l'indétermination dans son texte.
02:21 Mais ne croyez pas que sa langue soit difficile à lire.
02:23 Au contraire, elle est classique, fluide, entêtante,
02:27 comme ces plantes qui poussent entre les interstices du béton.
02:31 Mais photosynthèse, c'est d'abord une histoire d'amour.
02:34 Le personnage principal rencontre quelqu'un qui habite au nord d'un pays anglophone,
02:38 on ne saura pas lequel.
02:40 Une relation intense commence au gré d'aller-retour en avion et de rêves éveillés.
02:44 Car Camille Cornu est capable de vous faire passer d'un chapitre
02:47 où on débat de l'opportunité de traduire "sex work" par "travail du sexe" ou "prostitution"
02:54 à un chapitre complètement onirique
02:57 où deux amants se donnent rendez-vous sur un sous-marin en plein milieu de l'océan.
03:01 C'est ce réalisme magique qui traverse tout le roman.
03:05 Alors, il y a quelque chose d'indéniablement politique dans le réalisme magique,
03:10 quelque chose qui abolit les frontières et questionne les identités,
03:13 comme un outil de résistance en notre monde d'accélération.
03:16 C'est pour ça que la littérature et la poésie sont vitales, particulièrement aujourd'hui.
03:22 Elles sont notre photosynthèse à nous, notre façon de faire de l'oxygène avec le néant.
03:28 Comme le dit le grand romancier islandais Jön Kalmán Siffhånsson,
03:32 "Celui qui est en quête de la réalité trouve la poésie.
03:35 Celui qui est en quête de la poésie se trouve lui-même.
03:38 Celui qui est en quête de lui-même a le pouvoir de voyager entre les univers."
03:43 Une phrase qui aurait pu figurer en exergue du fascinant roman de Camille Cornu.
03:48 Lisez donc "Photosynthèse" qui vient de paraître dans l'excellente collection "Sorcières" aux éditions Cambourakis.
03:54 Merci Isabelle Sorante pour cette prescription littéraire dont vous pouvez trouver les références sur la page de l'émission sur franceinter.fr Isabelle.

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