Sans surprise, l'annonce de Gérald Darmanin d'une révision constitutionnelle pour supprimer le droit du sol à Mayotte a divisé dimanche la classe politique, la droite et l'extrême droite réclamant l'élargissement de la mesure à toute la France, et la gauche promettant de s'y opposer. En déplacement dans l'île de l'océan indien confrontée à une grave crise migratoire et à une situation sociale et sécuritaire explosive, Gérald Darmanin a annoncé "l'inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle". Cette mesure a été aussitôt applaudie par la droite et l'extrême droite.
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00:00 [Générique]
00:05 - Et avec nous pour en parler, le député LR de Mayotte. Bonjour Mansour Kamardine.
00:09 Nous sommes également avec Amandine Attalaya, éditeure et éditeuse politique à BFM TV.
00:12 Et puis on va retrouver Isabelle Gollins qui est en duplex de Mayotte.
00:15 Ça fait trois semaines qu'à Mayotte, des collectifs citoyens ont érigé des barrages
00:19 pour dénoncer l'immigration et l'insécurité sur l'archipel.
00:22 Quelle réaction aux annonces de Gérald Darmanin ? Est-ce que ces barrages ont été levés depuis hier, Isabelle ?
00:29 - Non, les barrages ne sont pas levés. On va vous montrer.
00:32 On est sur l'un des barrages qui bloquent l'un des ports de Petit Air.
00:36 En fait, qui bloquent les traversées des bateaux entre Petit Air et Grand Air, les deux îles.
00:41 Il y a beaucoup de monde ce matin parce que ce port est proche de l'aéroport.
00:45 Donc tous les gens qui arrivent par avion essaient de se rendre sur Grand Air.
00:49 Seuls deux bateaux, en gros, passent par jour ici.
00:52 Certains bateaux également pour des véhicules d'urgence, des ambulances ou même des camions militaires.
00:57 C'est inédit. Il y a quelques minutes, on a vu des camions militaires,
01:00 de gendarmes qui attendaient ici depuis plusieurs heures et qui ont pu traverser.
01:04 Mais vous voyez, blocage toujours. À quelles conditions les barrages seront levés ?
01:08 Hier, le ministre de l'Intérieur a passé plus de trois heures avec les représentants de ses collectifs citoyens.
01:13 Ce qu'ils demandent, ce sont des engagements par écrit.
01:16 C'est-à-dire concrètement, ils attendent la lettre du ministre qui actera les mesures et le calendrier des mesures.
01:22 Parce que ce qu'il faut comprendre, c'est qu'ils sont très méfiants.
01:25 Ils nous parlent tous de la crise de 2018. Ils en ont marre des belles promesses.
01:29 Et donc voilà, il y a un habitant qui nous disait "Sincèrement, on ne sait pas.
01:32 Personne ne sait. Beaucoup d'incertitudes.
01:34 Mais en tout cas, s'ils reçoivent cette lettre, normalement, les barrages devraient être levés mercredi matin."
01:39 Mansour Kamardine, la fin du droit du sol à Mayotte, c'était une demande très forte à la fois des collectifs d'habitants,
01:44 mais aussi des élus locaux et notamment les élus les Républicains dont vous faites partie.
01:49 Est-ce que vous vous réjouissez de cette annonce de Gérald Darmanin ce matin ?
01:53 Je crois que c'est une des plus belles déclarations ou des annonces faites par le ministre de l'Intérieur
02:00 parce que c'est un sujet que nous portons depuis au moins 2005.
02:05 Et pourquoi ça ? Parce que tout simplement, nous souhaitons que Mayotte reste Mayotte, c'est-à-dire française.
02:11 Nous ne voulons pas qu'elle soit versée dans les mains d'une puissance étrangère.
02:17 Donc c'est une excellente chose.
02:19 Vous faites un lien direct, Mansour Kamardine, entre l'accès à la nationalité et l'immigration.
02:24 Il y a une corrélation plus directe entre l'immigration, les violences, les déstabilisations que nous connaissons,
02:33 les bidonvilles qui se construisent, qui montent comme des champignons autour de nos villes
02:38 et qui détruisent l'environnement, le paysage. Oui, il y a une corrélation directe.
02:42 Vous savez, Mayotte aujourd'hui, c'est 374 km2, 450 000 habitants, dont deux tiers sont d'origine étrangère
02:50 et la moitié de ces deux tiers est d'origine clandestine.
02:54 Imaginez un seul moment qu'on vous dise que la France, sur ses 68 millions d'habitants,
03:00 a globalement un peu plus de 42-43 millions d'étrangers,
03:06 dont la moitié, c'est-à-dire à peu près 20-21 millions d'étrangers en situation irrégulière.
03:15 Je ne suis pas sûr que les analystes que nous entendons depuis hier auraient la même réflexion,
03:21 auraient les mêmes arguments juridiques à développer, qui sont d'ailleurs des arguments qui ne tiennent pas,
03:25 parce que depuis 2005 que nous proposons la fin du droit de la Mayotte,
03:31 on nous a expliqué que c'était anticonstitutionnel et puis finalement,
03:35 le Conseil constitutionnel, à travers l'amendement Tannay, a dit que ce n'était pas un droit constitutionnellement garanti
03:41 parce qu'il s'agissait du droit des étrangers qui est différent du droit des Français.
03:45 Alors, la fin du droit du sol, on le rappelle, et c'est ce qu'a dit Gérald Darmanin hier,
03:48 c'est qu'il ne sera plus possible de devenir Français si on n'est pas soi-même enfant de parents français à Mayotte.
03:53 La grande question, c'est pourquoi faire une exception de Mayotte, amandit Nathalia,
03:58 la droite et l'extrême droite se sont évidemment engouffrées dans cette brèche d'estière.
04:01 Écoutez Marion Maréchal sur BFM TV.
04:04 Moi, la question que je pose, c'est puisque aujourd'hui, les ministres de l'Intérieur
04:08 enfin se rendent compte de la nécessité de supprimer le droit du sol à Mayotte,
04:10 pourquoi ils n'étendent pas cette suppression à l'ensemble du territoire français ?
04:15 Parce que la réalité, c'est que ce que vit au Mayotte aujourd'hui, c'est ce que vivra la métropole dans 30, 40, 50 ans.
04:21 Mais...
04:22 Il n'y a pas eu que Chéry Conquête, il y a eu le Rassemblement national, il y a eu Éric Ciotti aussi.
04:26 Gérald Darmanin a ouvert en quelque sorte la boîte de Pandore.
04:29 Oui, clairement, puisque le gouvernement s'était refusé ces dernières années à modifier, à supprimer le droit du sol à Mayotte,
04:36 et tout d'un coup, il change d'avis en disant "c'est parce que la situation est devenue bien pire que maintenant on est obligé d'agir".
04:41 Mais en effet, il sont plusieurs parmi lesquels Marine Le Pen, par exemple, en 2018,
04:45 à avoir déjà proposé de faire des changements dans la loi pour pouvoir supprimer le droit du sol.
04:51 Et quand on dit à Mayotte, forcément les autres partis politiques disent
04:54 "pourquoi pas la Guyane, pourquoi pas l'outre-mer, pourquoi pas même toute la France en fait ?"
04:59 Reconquête et Marine Le Pen voudraient tout simplement supprimer le droit du sol.
05:02 La question c'est "est-ce que c'est possible ?"
05:04 Oui, c'est possible. Il faut une révision de la Constitution pour ça,
05:09 et on peut rentrer dans les détails ensuite sur la faisabilité.
05:12 Oui, parce que politiquement, il faut quand même avoir une majorité pour faire passer ce genre de mesures,
05:16 si tant est qu'elles ne soient pas frappées d'anticonstitutionnalité.
05:19 C'est ça. En fait, on peut contourner l'anticonstitutionnalité si on révise la Constitution.
05:25 Il y a deux façons de le faire.
05:27 Soit, en fait, on le fait par référendum, la suppression du droit du sol,
05:32 auquel cas, c'est par exemple ce que propose Éric Zemmour,
05:35 et bien ça s'applique, ça ne peut pas être contesté par le Conseil constitutionnel.
05:38 Soit on révise la Constitution.
05:41 Pour réviser la Constitution, il faut réunir le Congrès,
05:45 c'est-à-dire tous les députés, tous les sénateurs qui vont voter.
05:48 Il faut avoir trois cinquièmes de ces voix pour que ça passe.
05:51 Ce n'est pas simple aujourd'hui, parce qu'Emmanuel Macron a une majorité relative
05:54 et parce qu'il lui faudrait, par exemple, les voix de la droite pour que ça passe.
05:57 Et la droite dit "Vous nous avez si mal traité, par exemple, sur le projet de loi immigration,
06:01 avec tout ce qu'on voulait, qui a ensuite été retoqué par le Conseil constitutionnel,
06:05 que même si on est d'accord sur le fond, pourquoi est-ce qu'on vous ferait ce cadeau aujourd'hui ?".
06:09 Le Rassemblement national peut dire aussi "Nous, on est d'accord pour Mayotte,
06:13 mais on veut beaucoup plus, on veut tout le territoire, donc pareil, ça ne nous suffit pas.
06:16 Pourquoi est-ce qu'on vous donnerait nos voix sur ce projet-là ?".
06:19 Donc ce n'est pas gagné politiquement, ça va être difficile quand même de faire cette révision de la Constitution.
06:24 Emmanuel Macron l'a promis pour Mayotte en 2024, en tout cas, quoi qu'il en soit.
06:28 – Gérald Darmanin dit hier "C'est pour Mayotte et c'est seulement pour Mayotte".
06:31 – Oui.
06:32 – La question va se poser de l'étendre ?
06:35 – Pour l'instant, non, mais je vais vous dire en même temps,
06:38 pour l'instant, le gouvernement disait qu'il n'en était pas question du tout ces dernières années.
06:42 Et c'est là où c'est difficile à justifier auprès des Français.
06:47 Le gouvernement, pour l'instant, non, ne veut s'en tenir qu'à Mayotte.
06:50 – Parce qu'en plus, il a aussi annoncé hier, Gérald Darmanin,
06:53 la mise en place d'un rideau de fer maritime.
06:55 En quoi ça va consister et quel est l'objectif ?
06:59 – L'objectif, c'est d'arriver à réduire toute l'immigration illégale
07:03 qui vient notamment des Comores, parce qu'il y a, vous savez,
07:05 beaucoup de bateaux de pêcheurs qui sont appelés les "Quassa-Quassa"
07:08 qui arrivent avec des migrants vers Mayotte et qui sont très difficiles à intercepter.
07:12 Donc l'idée de ce rideau de fer, c'est de mettre des moyens technologiques en résumé.
07:16 C'est-à-dire par exemple des radars maritimes,
07:19 de développer d'autres techniques qu'on n'a pas encore mises en œuvre
07:22 pour arriver à intercepter davantage de bateaux.
07:25 À vrai dire, pour l'instant, Gérald Darmanin a donné très peu de détails,
07:28 il dit juste qu'il y aura plus de moyens déployés
07:31 pour arriver à stopper l'immigration illégale, puisque monsieur le redisait,
07:34 il y a 50% aujourd'hui d'étrangers sur le sol de Mayotte.
07:38 Mansour Kamardine, ça va aussi être la fin du visa territorialisé
07:41 qui empêchait les détenteurs d'un titre de séjour maorais de venir dans l'Hexagone.
07:46 Il y a un côté un peu la carotte et le bâton,
07:49 c'est-à-dire on enlève le droit du sol, mais on enlève aussi les visas territorialisés, non ?
07:53 C'était aussi une demande de votre part ?
07:56 Le souhait pour nous, c'est d'arriver à une immigration suffisamment jubilée,
08:03 parce qu'encore une fois, Mayotte est en train d'être emportée par le tsunami migratoire.
08:08 Tous les secteurs d'activité à Mayotte sont impactés par l'immigration.
08:13 Nous pensons qu'avec cette mesure, ça obligera le gouvernement
08:18 d'être beaucoup plus regardant, de ne pas délivrer comme ça,
08:21 très simplement, chaque jour à la petite semaine des titres de séjour,
08:26 de vérifier si les documents sont bien réunis, ainsi de suite.
08:30 Ce qui permettrait déjà, à mon avis, d'annuler près de 80% des titres de séjour
08:37 qui sont délivrés à Mayotte.
08:38 Donc la vraie difficulté, c'est qu'il faut que l'État se donne les moyens
08:42 pour considérer avec le risque que ces personnes puissent aller dans l'Hexagone.
08:47 Le gouvernement doit se donner plus de moyens, plus de contrôles,
08:50 plus de vérifications des documents, parce qu'aujourd'hui, Mayotte est devenue
08:54 le champion de la fabrication de faux papiers, de fausses reconnaissances d'identité,
09:00 de logements, de comment on appelle ça ?
09:06 - Marchands de sommeil.
09:07 - Les marchands de sommeil.
09:08 C'est tout ça qu'il faut combattre pour dissuader les migrants de venir
09:12 et qu'ils sachent qu'à Mayotte, il n'y aura pas d'avenir, car Mayotte,
09:15 c'est un petit territoire qui n'a pas les moyens d'abriter l'ensemble de,
09:20 je dirais, de la misère de la zone et donc de l'immigration venant d'un peu partout,
09:24 y compris de l'Afrique des Grands Lacs.
09:26 - Mais la mesure phare annoncée par Gérald Darmanin, c'est bien la suppression
09:29 du droit du sol à Mayotte. Il faudra pour cela une révision constitutionnelle.
09:32 Est-ce que ça peut passer ? Quel danger ?
09:34 Écoutez la constitutionnaliste Anne-Charlene Bézina.
09:37 - Pour réviser la constitution, on le sait, il faut ou un référendum
09:41 ou trois cinquièmes des membres du Parlement qui arrivent à se mettre d'accord.
09:44 Il faut vraiment élargir la majorité jusqu'au LR.
09:47 Est-ce qu'on ira jusqu'au Rassemblement national ?
09:50 On sait que pour la loi immigration, ça a créé un tollé jusqu'à la veille de la discussion.
09:53 Donc c'est ça la grande question. Est-ce qu'on a une majorité suffisamment large
09:57 pour faire réviser notre constitution sur ce point précis ?
10:00 Et est-ce que ça ne restera que ce point précis ?
10:02 Est-ce que ça crée un appel d'air pour limiter le droit du sol
10:05 sur d'autres parties du territoire national ?
10:08 Est-ce que ça le constitutionnalise pas un peu ?
10:10 C'est pas une annonce qui n'a pas d'effet constitutionnel.
10:13 Il faut vraiment réfléchir à cela, à tête reposée.
10:16 Avec quel calendrier, Amandine ?
10:18 Rapide. Il va y avoir deux choses.
10:20 D'abord, il y a un projet de loi Mayotte qui va arriver assez rapidement
10:24 dans lequel il y aura par exemple le changement sur les titres de séjour.
10:27 Et puis, il y a une révision de la constitution, cette fois qui arrivera en 2024
10:32 pour la remise en question, la suppression du droit du sol.
10:35 Le problème, c'est qu'il y a d'autres choses à réviser dans la constitution.
10:38 Il y a l'inscription de l'IVG, il y a la Corse.
10:41 Alors la question, c'est est-ce qu'Emmanuel Macron va tout mettre
10:44 dans la même session, dans le même rassemblement du congrès ou pas.
10:47 C'est en suspens, mais en tout cas, on promet que ça arrivera très vite du côté du gouvernement.