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00:00 Générique
00:02 ...
00:06 -Bonjour et bienvenue dans cette invitée de la rédaction
00:09 un peu spéciale, puisqu'aujourd'hui, nous ne sommes pas sur notre plateau,
00:14 mais devant les locaux d'Emmaüs, à Èvres-sur-Indre.
00:17 Hier, nous fêtions les 70 ans de l'appel de l'abbé Pierre.
00:20 C'était le 1er février 1954.
00:22 Un discours diffusé sur les radios françaises
00:25 pour venir en aide aux sans-abri, alors à la merci du froid.
00:28 C'est un point clé dans l'histoire du mouvement Emmaüs.
00:31 Avec nos invités, des compagnons, des bénévoles,
00:34 mais aussi l'un des responsables de cette communauté.
00:37 Générique
00:39 ...
00:43 Henri Cronia, bonjour. -Bonjour.
00:45 -Qu'est-ce qui a poussé l'abbé Pierre à lancer cet appel
00:47 le 1er février 1954 ?
00:49 -Ce qui a poussé l'abbé Pierre, c'est la souffrance.
00:52 C'est les gens qui souffrent, qui sont dans les rues,
00:55 qui crevaient dans les rues, c'est bien le mot.
00:58 A cause du froid, on n'avait pas d'action.
01:02 L'abbé Pierre en avait marre.
01:04 Heureusement que cette voie est sortie de lui
01:07 et que ça a poussé énormément de Français
01:10 à pouvoir l'aider dans son action.
01:12 -Devant leurs frères mourants de misère,
01:14 une seule opinion doit exister entre hommes.
01:17 La volonté de rendre impossible que cela dure.
01:21 -A l'époque, il était déjà connu. C'était qui, l'abbé Pierre ?
01:25 -Il avait déjà un parcours, l'abbé Pierre.
01:28 C'était un ancien combattant, il était ancien député.
01:31 Mais à ce moment-là, c'était juste quelqu'un
01:35 qui n'en pouvait plus, de voir des gens souffrir.
01:39 C'était une voie en lui qui est sortie, ce jour,
01:43 à Radio-Luxembourg.
01:45 Et puis derrière, il y a plein de gens
01:48 qui se sont joints à son action.
01:50 Il y a plein de gens connus, de personnes connues,
01:53 de personnalités qui l'ont aidé.
01:55 -A ce moment-là, en 1954,
01:57 il avait déjà fondé le mouvement Emmaüs,
01:59 cinq ans plus tôt, en 1949.
02:01 Comment c'est né ? D'où lui est venue cette idée ?
02:04 -C'est dans cette maison d'aneuil Plaisance
02:07 qu'il avait loué, avec son argent de député,
02:11 c'est là que ça a tout commencé.
02:14 De base, c'était l'abbé Pierre qui faisait vivre
02:16 toute la communauté,
02:18 toutes les personnes qu'il accueillait dans la maison.
02:21 Mais ensuite, il n'était plus député,
02:24 donc il n'avait plus d'argent,
02:26 il s'est retrouvé en difficulté pour faire vivre tout le monde.
02:29 Donc l'idée est venue de quelqu'un,
02:32 d'une personne accueillie qui, auparavant, était chiffonnier.
02:35 L'idée est venue de cette personne-là, de ce compagnon-là.
02:38 C'est comme ça que s'est née l'activité d'Emmaüs.
02:42 -La chiffonnerie, c'est l'ancêtre de ce que vous faites.
02:45 L'activité s'est beaucoup développée.
02:47 C'est plus large.
02:48 -Aujourd'hui, on fait beaucoup plus de choses,
02:51 mais on reste bien implantés dans nos racines.
02:54 Aujourd'hui, on fait de la récupération à domicile
02:57 de tout type de matériel qui pourrait être réutilisé
03:01 pour ensuite revendre à des prix solidaires
03:04 pour faire vivre la communauté.
03:07 Et ça, ça se fait avec des personnes
03:09 qui ont été rejetées dans un premier temps par la société,
03:13 qui n'ont pas trouvé leur place dans une société
03:16 où on demande vraiment un rendement spécifique
03:20 pour avoir du travail.
03:22 Chez nous, on n'a pas ça.
03:24 Les personnes donnent leur maximum et on fait vivre la communauté.
03:28 Et puis c'est un bon résultat, parce qu'on y arrive.
03:31 -Et d'ailleurs, en écho à cet appel de 1954,
03:33 il y a beaucoup de gens qui ont vécu une partie de leur vie
03:36 à la rue avant de venir ici. -Oui.
03:39 Il y a pas longtemps, il y a le nouveau film
03:41 sur la vie de l'abbé Pierre qui est sorti,
03:43 "Une vie de combat",
03:45 et puis on a fait une sortie communautaire.
03:47 Il y a beaucoup de compagnes et de compagnons
03:50 qui sont sortis en larmes,
03:53 parce qu'ils se sont vus dans le film, pour certains d'entre eux.
03:57 Dans certains parcours, ils se sont vus eux-mêmes,
04:00 parce qu'ils étaient à la rue auparavant
04:02 ou parce qu'ils avaient d'autres parcours différents et compliqués,
04:06 mais ça les a vraiment touchés.
04:07 -Et il y en a de plus en plus, des personnes en précarité,
04:10 qui font appel à Emmaüs ?
04:12 -On est toujours dans la même situation.
04:15 Moi, je suis arrivé à Emmaüs il y a dix ans.
04:18 J'ai l'impression qu'on est toujours dans la même situation,
04:21 on a toujours le même nombre de demandes, voire plus,
04:24 des personnes en précarité, des personnes qui sont dans la rue,
04:27 qui viennent nous faire des demandes pour les accueillir.
04:31 Nous, on accueille jusqu'à notre maximum,
04:33 mais après, on est obligés aussi de refuser,
04:35 donc oui, c'est un crève-cœur,
04:37 mais malheureusement, on a l'impression
04:40 qu'il y a rien qui change.
04:41 -Et ils sont actuellement combien de compagnes et compagnons, ici ?
04:45 -A Emmaüs, Touraine, on a deux sites communautaires,
04:48 à Èvre et à Chineau.
04:50 On accueille respectivement
04:51 67 et 15 personnes pour Chineau, aussi.
04:56 -Donc 67 à Èvre. -67 à Èvre, oui.
04:59 -Hier, vous étiez dans les rues de Tour
05:02 pour l'anniversaire de cet appel de l'abbé Pierre.
05:04 Est-ce que l'objectif, c'était de sensibiliser la population ?
05:08 Il y en a besoin, de faire ça ?
05:11 -Je pense que si.
05:13 C'est pour ça que notre commission a décidé
05:16 de faire juste une action de sensibilisation
05:19 et pas forcément de la manifestation
05:21 ou des choses plus lourdes.
05:23 On avait juste envie de dire à la population
05:26 qu'Emmaüs est toujours là.
05:29 Il y a 70 ans, l'abbé Pierre faisait son appel.
05:32 Nous, on est toujours là, on fait toujours appel à vous.
05:35 Et il y a toujours besoin.
05:37 Il y a toujours besoin que chacun puisse donner ce qu'il peut donner
05:41 pour aider le prochain.
05:43 Que ce soit à travers des associations comme Emmaüs
05:46 ou d'autres associations, mais que les gens s'engagent,
05:49 que les gens se rendent compte qu'il y a des personnes qui souffrent
05:53 et qu'on n'est pas juste, nous,
05:56 en étant enfermés dans notre maison au chaud devant la télé,
05:59 on ne se rend pas compte de ce qui se passe dehors.
06:02 Il faudrait peut-être sortir, voir.
06:04 -Vous participez à aider ces gens-là.
06:06 Est-ce que l'Emmaüs Touraine se porte bien ?
06:09 -Oui. -Aujourd'hui ?
06:11 Est-ce qu'il y a des manques ?
06:12 -Emmaüs Touraine se porte bien aujourd'hui.
06:15 Je vous disais, on est autosuffisants,
06:17 donc on n'a pas besoin de subventions.
06:20 C'est grâce au travail des compagnons et des bénévoles
06:23 et des salariés qu'on vit aujourd'hui
06:25 et qu'on peut faire des solidarités
06:27 envers d'autres familles, envers d'autres associations.
06:30 -Tout l'argent que vous récoltez de ces ventes-là, par...
06:34 -Tout l'argent qu'on récolte, ça va juste faire en sorte
06:38 que nous, on puisse vivre, payer nos factures.
06:41 Ca va faire en sorte... -Qu'on vive des communautés.
06:44 -On va aider des communautés Emmaüs en national,
06:47 qui en ont peut-être, elles, besoin,
06:49 parce qu'elles sont moins fortunées que nous.
06:51 On va aider des groupes Emmaüs à l'international, aussi,
06:56 qui sont dans des pays beaucoup plus défavorisés.
06:59 Et aussi, on va faire de la solidarité locale
07:02 avec d'autres associations ou en direct,
07:04 avec des assistants sociaux qui accompagnent
07:07 des personnes en difficulté, qui ont besoin de meubler un appartement,
07:11 qui vont passer par nous pour avoir des tarifs beaucoup plus bas
07:14 qu'on peut avoir aussi au magasin.
07:16 Et puis, plein de solidarités qu'on peut faire
07:20 avec d'autres structures, oui.
07:23 -Donc, toujours besoin de plus de dons et de monde
07:25 pour venir vous aider ?
07:27 -Euh...
07:28 Moi, je dirais qu'aujourd'hui, en Touraine,
07:31 on a vraiment beaucoup de chance,
07:34 parce que la population nous reconnaît,
07:36 la plupart de la population nous reconnaît aujourd'hui,
07:39 en nous donnant des affaires qui sont réemployables.
07:43 Et on a aussi une clientèle qui fréquente nos salles
07:46 de plus en plus, je dirais, aussi, par la conscience écologique.
07:50 Donc, de ce côté-là, nous, on se porte bien.
07:55 Ca n'empêche qu'on a toujours besoin de bénévoles,
07:59 de compétences, de personnes qui souhaitent donner de leur temps,
08:02 que ce soit une demi-journée par semaine,
08:04 mais qui souhaitent vraiment s'investir.
08:07 -A Evre, une cinquantaine de bénévoles
08:09 pour aider 67 compagnons.
08:11 Je vais rencontrer Jean-Jacques,
08:13 il est ici depuis 28 ans.
08:15 Bonjour, Jean-Jacques. -Bonjour.
08:18 -Expliquez-moi ce que vous êtes en train de faire.
08:21 -Là, j'ai en train de nettoyer
08:23 les affaires qu'on reçoit
08:25 par les clients.
08:27 -Vous êtes plutôt spécialiste des bibelots, vous ?
08:30 -Oui, à peu près.
08:32 -Vous aviez déjà fait ce genre d'activité
08:34 avant d'arriver à Emmaüs ? -Non, j'étais bouché avant.
08:37 -Vous étiez bouché ? -Oui.
08:39 -Et comment vous vous êtes retrouvé ici ?
08:41 C'est totalement différent.
08:43 -Ah, c'est un parcours à peu près du combattant.
08:46 J'étais à la rue,
08:50 et on en avait marre de faire la manche
08:55 dans le froid.
08:57 Et faire la manche, c'est pas évident.
09:00 Il nous a demandé si ça nous intéressait,
09:04 Emmaüs. On a dit oui.
09:06 Et là, je suis venu ici,
09:08 et puis ça fait 28 ans que je suis ici.
09:12 J'ai fait à peu près tous les postes.
09:14 Et le plus...
09:18 qui m'intéressait, c'est les bibelots.
09:21 -Et donc, ça vous plaît d'être dans cette communauté,
09:23 de vivre ici ? -Oui.
09:25 -Qu'est-ce que ça vous apporte ?
09:27 -Bon, déjà, la chaleur humaine.
09:31 On a d'autres compagnons, d'autres horizons.
09:35 -Comment vous vous projetez dans l'avenir ?
09:37 Vous, qui êtes là depuis 28 ans,
09:39 comptez-vous rester encore ?
09:42 -J'espère. J'espère.
09:45 J'essaye d'apprendre à certaines personnes
09:49 à démonter une lampe à pétrole,
09:51 soit à nettoyer certains bibelots,
09:54 à regarder les bijoux,
09:56 si c'est de l'or, de l'argent, de la platine.
09:59 Ça...
10:03 Il faut toujours transmettre
10:07 ce qu'on a appris.
10:09 Moi, j'ai appris avec beaucoup d'ancienne.
10:13 -Vous êtes aidé tous les jours par des bénévoles
10:16 qui s'occupent des ventes,
10:18 ou font du travail dans des ateliers, comme vous.
10:22 Je vais vous laisser finir de nettoyer votre chandelier,
10:25 et je vais aller retrouver Dominique, bénévole.
10:27 C'est parti.
10:28 Bonjour, Dominique.
10:30 -Là, est trié tout le linge que nous recevons,
10:33 les dons, pour des vêtements d'enfants de 3 ans...
10:36 Non, de la naissance. -De la naissance à 14 ans.
10:40 -Brigitte, une bénévole également.
10:43 -Bonjour. -Elle est là une fois par semaine,
10:46 ou deux.
10:47 Là, notre Benjamin, comme je disais tout à l'heure.
10:50 -Bonjour. -90 ans.
10:54 -Et qui est très active.
10:56 Ici, c'est la salle de tri.
10:58 Ici, c'est tout ce qu'on reçoit dans la pièce d'à côté.
11:01 Ça vient ici, c'est trié, c'est répertorié.
11:04 Et là, c'est notre grande réserve pour la grande vente.
11:08 On prépare les deux grandes ventes par an.
11:12 Tout ça, c'est le beau linge
11:14 que l'on va mettre en vente au mois d'avril et au mois d'octobre.
11:18 -Vous êtes bénévole chez Emmaüs AF Surinbre depuis 7 ans.
11:22 -Ça fera 7 ans dans quelques jours.
11:24 -Comment vous êtes retrouvée ici ?
11:26 -Le président, à l'époque, qui était un ami,
11:29 avait besoin de bénévoles et il m'a proposé de venir.
11:32 J'ai accepté, une journée par semaine,
11:35 et puis je suis tombée dans le chaudron, comme on dit.
11:38 -Votre spécialité, c'est le rayon du linge ?
11:41 -Oui. Tout ce qui est linge, tri du linge,
11:43 lavage, repassage et vente.
11:46 -Vous avez choisi de vous engager ici
11:49 parce que la pauvreté et la précarité,
11:51 c'était des sujets qui vous venaient à coeur ?
11:53 -Bien sûr. C'était quelque chose auquel il faut remédier.
11:57 Et puis ça m'a plu.
11:59 Et puis c'est très agréable de rendre service.
12:03 -Si vous êtes toujours là,
12:04 ça vous apporte quelque chose ?
12:06 -Bien sûr.
12:07 Il y a une... Comment dire ?
12:09 Une ambiance et puis surtout une raison de vivre.
12:14 Quand le soir, on rentre chez soi, on est content, on a fait plaisir.
12:18 D'abord les compagnons,
12:19 puis la clientèle et puis nous, du travail accompli.
12:23 -On se sent utiles ?
12:24 -Ah oui, tout à fait.
12:26 Sinon, on le ferait pas trois fois par semaine.
12:28 -Vous êtes assez nombreux,
12:30 comme bénévole, ici ? -Non.
12:32 Non. C'est vrai qu'il faut assurer la relève.
12:35 Les bénévoles vieillissent.
12:37 Nous avons entre 70 et 90 ans.
12:40 Il faut penser qu'on ne sera pas éternels.
12:43 Et puis surtout que nous avons une vie à côté.
12:45 Il faut assurer la relève.
12:48 Si du jour au lendemain, nous partons toutes,
12:50 il n'y aura rien de manque.
12:52 -Est-ce que, comme l'abbé Pierre l'a fait en 1954,
12:55 il faut encore appeler à la solidarité des gens ?
12:57 -Bien sûr. La solidarité en tant que bénévole,
13:00 parce que la solidarité, les clients sont là,
13:04 ils sont présents, donc il n'y a pas de souci,
13:06 mais au niveau des bénévoles.
13:08 En amont, il y a du travail à faire.
13:10 -Il y a encore trop de gens dans des situations compliquées.
13:14 -De plus en plus, il faut être là pour les aider.
13:17 Les compagnons sont de plus en plus nombreux.
13:19 Il y a de plus en plus de besoins,
13:21 que ce soit pour des familles à l'extérieur d'Emmaüs,
13:24 avec des enfants.
13:25 On a ce qu'il faut, mais il faut pouvoir distribuer.
13:28 -Merci beaucoup, Dominique,
13:30 et à toute l'équipe d'Emmaüs à Èves-sur-Indre.
13:33 On espère que vous aurez des retours,
13:35 de nouveaux bénévoles et de nouveaux dons pour aider Emmaüs.
13:38 L'invité de la rédaction, c'est terminé.
13:41 Je vous retrouve très bientôt pour un prochain numéro.
13:44 Je vous souhaite un très bon week-end.
13:47 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:50 Générique
13:52 ...