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Clique, c'est présenté par Mouloud Achour, tous les jours à 19h45 en clair sur CANAL+ ! 

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Transcription
00:00 -Laurie, il y a quelqu'un qu'on voulait faire venir sur cette émission.
00:03 Elle s'appelle Judith Schemla et elle a notamment joué
00:06 dans "Camille Redouble" de Noé Milovski
00:08 ou encore dans "Une vie" de Stéphane Brisé
00:10 ou "Le sens de la fête" de Toledano et Nakash.
00:13 Vous la retrouvez aussi chaque lundi
00:14 dans la série événements de Canal+, d'argent et de sang.
00:17 -Travaille toute la journée comme une bête.
00:19 -On dit que t'allais faire des affaires avec eux.
00:20 Tu t'intéresses à l'écologie, maintenant ?
00:22 C'est quoi, ces conneries ?
00:23 -T'en crois quoi, on les fait comment, les affaires ?
00:25 -Mais tu vois pas que c'est des escrocs ?
00:27 C'est ça qui t'excite, maintenant, les escrocs ? Les gangsters ?
00:30 -C'est pas des gangsters.
00:32 T'en as rencontré où, toi, des gangsters ? Au country club ?
00:35 -Ah, ça va. Et toi, t'en as rencontré où ? Au poker ?
00:37 Tu vois pas qu'ils vont nous arnaquer ?
00:39 -Mais personne va m'arnaquer.
00:40 Les affaires, ça se fait avec tout le monde. C'est le jeu.
00:43 -Bonsoir, Judith Schemla. Merci beaucoup d'être là.
00:48 -Merci. -Vous êtes actrice, chanteuse, lyrique.
00:51 Je vous présente Laurie Perret.
00:53 -Bonjour. -Bonjour, Laurie.
00:54 -On vient de voir que vous êtes dans la série d'argent et de sang
00:57 de Xavier Giannoli, qui revient sur l'arnaque à la taxe carbone.
01:01 Aujourd'hui, si on souhaitait vous recevoir,
01:02 c'est pour parler de votre livre "Notre silence nous a laissés seuls",
01:05 aux éditions Robert Laffont.
01:07 C'est un livre-choc dans lequel vous revenez sur les violences
01:09 dont vous avez été victime de la part des deux pères de vos enfants.
01:13 La première fois que vous êtes sortie du silence,
01:15 c'était en juillet 2022.
01:16 Vous aviez publié des photos de votre visage tuméfié,
01:19 prise un an auparavant.
01:21 Le résultat, de violences conjugales, de coups portés
01:24 par les pères de votre fille et de votre fils,
01:27 qu'est-ce que ça a fait, je dis, de libérer la parole ?
01:30 -Alors, c'est pas du tout, moi, dans mon cas,
01:35 c'est pas du tout un acte que j'ai réfléchi.
01:39 C'est un acte qui... Voilà, c'est...
01:42 C'est une explosion de...
01:45 De trop, trop, trop d'acceptation, trop de silence,
01:51 trop de chercher des solutions,
01:54 de protéger, de couvrir, en fait, ce qu'on accepte,
01:59 ce qu'on endure malgré soi,
02:02 et puis, un moment...
02:05 Il pue d'issue, quoi.
02:07 L'impasse totale et la croyance qu'une décision judiciaire
02:12 telle qu'une peine de prison avec sursis
02:15 est vraiment une chose sérieuse.
02:17 -Qui a été ordonnée à l'encontre de votre deuxième compagnie.
02:20 -Voilà, et que si on reporte plainte, prison, quoi.
02:23 On veut pas nuire à ce point ou se dire que,
02:27 "Ouh là là, le lien avec l'enfant, le père, la prison,
02:31 "ouh là là, c'est l'horreur."
02:34 Donc, en fait, je parle publiquement, je dis...
02:37 Voilà, la réalité, c'est ça, c'est que mon visage, ça a été ça,
02:40 c'est toi, l'auteur, donc maintenant, fous-moi la paix, en fait.
02:43 -Ce livre, c'est un moyen d'inscrire cette parole durablement ?
02:47 -Non, c'est pas du tout ça.
02:49 Ce livre, c'est vraiment l'histoire de...
02:51 Enfin, c'est pas pour dire,
02:53 "Voilà tout ce qu'on m'a fait subir, c'est terrible, pauvre de moi."
02:56 -Vous le liez aussi à une histoire collective, systémique.
02:58 -Ouais, non, mais puis surtout, c'est décrypter comment moi,
03:03 moi, moi, personnellement,
03:05 ma responsabilité aussi de ne pas voir.
03:11 -C'est ça qui est le plus trouble.
03:12 -Ne pas voir, mais on participe beaucoup à ça.
03:15 Chacun à notre façon, en fait.
03:17 On a une société qui est très, très violente,
03:20 et en fait, on y participe chacun à notre façon,
03:24 soit pour la perpétuer comme ça, soit pour la changer.
03:27 Donc moi, maintenant, je passe de l'autre côté,
03:30 je décide que non, que ça, je veux plus participer à ce cercle-là.
03:35 Mais j'y ai participé en acceptant des choses inacceptables,
03:41 mais on croit que par amour,
03:43 que les choses vont se transformer, que c'est pas si grave.
03:46 On minimise beaucoup,
03:48 jusqu'au jour où, en fait, c'est trop dangereux.
03:53 C'est dangereux pour tout le monde, pour les enfants,
03:55 pour les hommes aussi, à qui on permet de continuer à agir comme ça.
04:00 -Vous dites "J'ai longtemps consenti."
04:03 À quoi est-ce que vous avez consenti ?
04:05 -Bah...
04:08 J'ai participé à minimiser la gravité de...
04:13 d'atteinte à ma dignité.
04:15 Et donc, pour moi, c'est aussi participer à ce que...
04:19 Enfin, accepter que les femmes ne soient pas respectées
04:24 ou que l'individu dans la sphère privée ne soit pas respecté.
04:27 Il y a des hommes qui se font maltraiter aussi, c'est pas...
04:30 Mais pour moi, ça vient de notre système patriarcal de domination
04:36 des êtres, de la nature, des enfants, des femmes.
04:39 Longtemps, les femmes, et encore aujourd'hui, sont...
04:43 Enfin, même si on se le dit pas comme ça,
04:46 sont la propriété de leurs hommes.
04:50 Il y a beaucoup d'hommes qui, sans se le dire,
04:52 parce que tout le monde va se dire "Ah, la violence",
04:54 non, mais en fait, on la condamne chez les autres,
04:57 mais chez soi-même, on se l'autorise.
04:59 C'est en soi-même qu'il faut aller voir, mais c'est sociétal.
05:03 -Vous dites autre chose, vous dites...
05:05 "Nous haïssons secrètement les victimes, car elles nous renvoient
05:07 à une image lamentable de notre communauté."
05:10 Pourquoi ?
05:11 -Parce que je pense qu'on participerait autrement
05:18 à l'évolution de notre monde si...
05:22 Si on avait conscience, si on osait le regarder comme il est.
05:28 Et c'est pas joli joli, quoi.
05:30 On n'a pas trop envie de...
05:32 On se dit "Si on le regarde vraiment comme il est,
05:34 on peut s'employer à le changer."
05:36 Donc ça dérange un peu notre confort.
05:38 -Vous dites autre chose qui fait étrangement écho à l'actualité,
05:41 par ailleurs, c'est...
05:42 On a l'impression que cette question que vous posez,
05:51 Judith Chamblat, elle obsède aujourd'hui la société.
05:53 Et vous, vous semblez avoir tranché.
05:55 -Je sais pas.
05:56 Je sais pas si ce sont des questions,
05:59 des vraies questions qu'on doit...
06:00 Enfin, qu'on peut plus mettre de côté.
06:03 On peut plus mettre de côté.
06:04 Je pense que c'est bien, en fait,
06:07 qu'on ne se dise pas "la sphère privée, c'est le privé".
06:11 Et puis non, en fait,
06:13 des violences sont des violences,
06:16 ce ne sont pas des disputes de couple,
06:18 ce ne sont pas des conflits, c'est des violences,
06:20 c'est des choses inacceptables.
06:21 Évidemment qu'on aime les hommes talentueux,
06:24 les êtres talentueux.
06:26 On n'a pas envie de se dire "Oh là là,
06:27 "mais alors ça veut dire qu'il ne vaut plus rien."
06:30 Non, c'est pas vrai.
06:32 Mais je veux dire, il faut...
06:33 Enfin, on a beaucoup participé à créer ce mythe
06:37 de l'artiste tyrannique
06:40 à qui on pardonne tout parce que c'est un génie.
06:44 Mais non.
06:45 Je veux dire, il y a des génies.
06:47 On n'est pas...
06:49 On a construit ça.
06:50 Notre société a construit ça, a permis ça.
06:53 En ne voulant pas prendre à bras le corps
06:56 le problème des violences.
06:59 On peut être un artiste non violent et très talentueux.
07:02 Je pense que ça augmente même le talent.
07:06 On perd beaucoup de temps avec la violence.
07:09 Les artistes eux-mêmes perdent beaucoup de temps.
07:12 Vraiment.
07:13 Mais il faut démonter ce mythe-là.
07:17 Et non, un homme peut être extrêmement talentueux.
07:20 Et comme le dit Blanche Gardin,
07:22 on ne dit pas du boulanger qui fait une très bonne baguette.
07:25 "Ah bah oui, il est violeur, mais il fait une très bonne baguette."
07:28 Voilà.
07:29 Ça se pose pas comme question.
07:31 Il y a des choses qui sont inacceptables.
07:33 C'est tout.
07:34 -Ce livre, vous le dédiez à vos enfants.
07:37 C'est les victimes collatérales de toute cette violence.
07:40 Vous avez un message à adresser aux femmes qui, comme vous,
07:43 hésitent, renoncent parfois,
07:45 n'arrivent pas à trouver la bonne réaction.
07:48 -Je pense que...
07:50 On se fait beaucoup piéger par amour.
07:53 En se demandant ce que c'est que l'amour,
07:56 ce que c'est que protéger nos enfants,
07:58 ce que c'est qu'offrir une belle vie,
08:00 ce que c'est, dans l'union de la famille,
08:03 même si on doit accepter des choses terribles,
08:06 je pense qu'il faut en effet revoir ce que c'est que l'amour.
08:10 Il n'y a pas d'amour sans respect.
08:12 Il n'y en a pas.
08:13 C'est pas vrai.
08:15 C'est pas vrai.
08:16 C'est de l'attachement, du besoin de possession,
08:18 du besoin de contrôle, mais l'amour sans respect,
08:21 il n'existe pas.
08:22 Donc, pour moi, je pense que la clé,
08:24 c'est se tourner vers soi,
08:27 se redonner à soi du respect,
08:29 savoir qu'on pourra pas offrir une belle vie à nos enfants
08:34 si on ne se respecte pas,
08:36 si on ne leur apprend pas à se respecter
08:39 et si le modèle, c'est une mère ou un père
08:41 qui ne se respectent pas.
08:43 Donc, oui, si on n'a pas le droit à ce respect dans notre vie,
08:47 il faut partir, il faut casser, il faut casser ce moule-là.
08:51 -Merci beaucoup, Judith.
08:52 Je rappelle qu'évidemment, le numéro contre les violences,
08:55 si vous êtes victime de violences conjugales,
08:58 c'est le 3919, surtout.
08:59 N'hésitez pas. Merci, Judith, pour votre parole.
09:02 On l'a dit, vous êtes aussi une comédienne accomplie.
09:04 On vous retrouve par ailleurs chaque lundi
09:07 sur Canal+, pour la série "D'argent et de sang",
09:10 de Xavier Giannoli.
09:11 Vous y incarnez la femme de Jérôme Mathias,
09:14 qui est jouée par Nish Nader.
09:15 Vous avez aimé interpréter ce rôle-là ?
09:17 -Ouais. C'était pas une partie de plaisir,
09:20 parce que, ben, c'est vraiment...
09:22 Là, c'était...
09:23 Xavier Giannoli m'a vu arriver, j'avais encore la...
09:26 Il savait pas ce qu'il me proposait.
09:28 Il savait pas ma vie, et puis il m'a vue avec cette marque au visage,
09:32 et il me proposait justement ce rôle d'une femme totalement broyée.
09:35 Donc, bon...
09:37 C'était pas ce que j'ai fait de plus joyeux,
09:40 mais je savais de quoi... Voilà.
09:44 -Vous êtes incroyable dedans.
09:45 Je vous l'ai dit la dernière fois que je vous écris.
09:47 Je suis fan de cette série, j'envoie un message à Ramzi,
09:50 je le trouve génial. -Il est génial.
09:51 -Il y a vraiment un seul problème,
09:53 c'est que vous n'envoyez qu'un seul épisode par semaine,
09:56 et c'est extrêmement frustrant.
09:58 -Requête de Laurie Perret, en tout cas, l'épisode 10,
10:01 qui sort lundi à 21h sur Canal+.
10:03 Et les premiers épisodes sont évidemment disponibles sur MyCanal.
10:06 Merci beaucoup, Judith. -Merci à vous.
10:08 ...