Le géographe et essayiste Christophe Guilluy sur le mouvement de blocage des agriculteurs : Christophe Guilluy : «Il y a une crise agricole liée aux normes européennes que subissent les paysans. Ce sont des normes imposées par des gens qui ne s'imposnent aucunes normes».
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00:00 Alors oui, il y a une crise agricole, de fait, une crise agricole qui est notamment liée aux normes européennes que subissent les paysans.
00:10 D'ailleurs, ce qui est très intéressant, c'est que ce sont des normes qui sont imposées par des gens qui ne s'imposent aucune norme,
00:17 qui sont dans le no limit du marché. Ça, c'est le petit paradoxe.
00:22 Après, évidemment, il faut voir beaucoup plus loin encore. C'est-à-dire que la crise qu'on vit aujourd'hui vient des territoires de la France périphérique.
00:29 Cette France périphérique que j'ai essayé de conceptualiser depuis une vingtaine d'années, où vit finalement la majorité de ce qu'étaient les travailleurs de ce pays.
00:40 Des paysans, certes, mais aussi des ouvriers, des employés. Bref, tous ces gens qui sont maintenant un peu en périphérie du modèle économique que j'appelle aujourd'hui les dépossédés.
00:51 Dépossédés, pourquoi ? Parce qu'ils sont dépossédés, évidemment, de leur travail, une dépossession sociale de fait.
01:00 C'est finalement cette France périphérique, le cimetière de ce que j'appelais hier la classe moyenne occidentale.
01:07 Et quand on regarde les choses d'un peu près, on se rend compte que toutes ces crises émanent toujours de ces territoires.
01:14 En France, on se souvient des Gilets jaunes, mais aussi aux Pays-Bas, mais aussi en Allemagne, mais aussi aux États-Unis.
01:22 Et finalement, on a bien une réaction, non pas à des marges, parce que si vous pensez la crise agricole, celle des paysans, comme une crise des marges,
01:35 ce que veut absolument représenter aujourd'hui le pouvoir, alors vous êtes dans un traitement, j'allais dire technocratique.
01:43 Donc elle est existentielle ?
01:45 Bien sûr qu'elle est existentielle, c'est-à-dire que pourquoi 80% des gens se reconnaissent à travers ce mouvement,
01:51 comme d'ailleurs, c'est à peu près le chiffre qu'on avait au départ en tout cas du mouvement des Gilets jaunes,
01:57 c'est qu'il y a bien là quelque chose du commun de ce que vit la majorité ordinaire.
02:04 Et cette dépossession, les paysans aujourd'hui sont en train de la porter.
02:10 Mais ne pas oublier une chose, c'est que ces coups de butoir vont continuer.
02:15 Aujourd'hui, vous avez la crise agricole, naïvement, le pouvoir pense pouvoir régler le problème,
02:21 ce qu'il va faire très certainement, comme avec les Gilets jaunes, à coups de chèques, à coups de représentations,
02:28 j'allais dire très segmentées de la société, c'est-à-dire qu'on va vous dire "oui, mais finalement, les paysans, c'est quoi ?
02:33 C'est 1,5% de la population active, c'est pas grand chose, donc ce n'est pas le modèle qui est en cause."
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