Peut-on vraiment manger français et à quel prix ? Écoutez Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution et chroniqueur sur RTL, et Lionel Mauguin, chef de rubrique au magazine 60 millions de consommateurs.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 30 janvier 2024 avec Yves Calvi.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h - 9h, RTL Matin.
00:06 Il est 8h23, bonjour Lionel Mauguin.
00:09 Bonjour.
00:10 Vous êtes chef de rubrique "Au magazine 60 millions de consommateurs", je salue également notre camarade Olivier Dauvert, spécialiste de la grande distribution,
00:15 que vous retrouvez régulièrement sur RTL, Julien Courbet, les petits matins. Merci à tous les deux d'être avec nous dans ce studio.
00:22 Peut-on vraiment manger français et surtout à quel prix ? C'est la question du jour.
00:25 Lionel Mauguin, la colère des agriculteurs est aussi un rappel à l'ordre sur nos achats à nous, consommateurs.
00:31 Les produits étrangers à prix bas sont évidemment plébiscités.
00:34 Cette différence de prix est-elle une réalité ? Est-ce que vous nous la confirmez ?
00:37 Oui, oui, malheureusement, effectivement, il y a une différence de prix entre les produits, notamment les fruits et légumes produits en France et ceux qui sont importés.
00:46 D'ailleurs, depuis 1990, les importations de fruits et légumes ont explosé de 60% dans notre pays, qui est quand même traditionnellement un pays agricole.
00:57 Donc il y a un gros problème. Il y a des raisons structurelles.
01:01 Ce qu'on nous dit, c'est qu'il y a 150 000 hectares de terres maraîchères et arboricoles qui ont disparu depuis 1990.
01:09 Donc l'un va avec l'autre.
01:11 Il y a aussi moins de production française, on importe plus et elle devient plus chère pour des raisons de coût du travail essentiellement.
01:18 Alors Olivier Dauver, vous allez illustrer ça avec les fameuses tomates dont nous parlons depuis ce matin.
01:23 Je vous laisse tout expliquer.
01:24 Oui, je suis venu avec une barquette de tomates cerises.
01:27 C'est une barquette de tomates cerises marocaines qui sont très belles d'ailleurs, qui sont vendues à 99 centimes les 250 euros.
01:34 Moins d'un euro.
01:35 Imbattable. Pourquoi sont-elles aussi compétitives ?
01:37 Parce que le Maroc est un pays où le coût du travail est plus bas.
01:40 Pour faire simple, elles ont été ramassées à environ un euro de l'heure pour celui qui l'a fait.
01:45 En France, pour la même tâche, on le paierait 14 euros de l'heure avec les charges.
01:49 Et comme le Maroc bénéficie de ce qu'on va appeler un accord de libre-échange, pour des raisons d'ailleurs politiques intéressantes,
01:55 il faut développer le Maroc, il faut stabiliser l'Afrique du Nord,
01:58 et bien il y a 300 000 tonnes de tomates qui rentrent tous les ans en France sans droit de douane.
02:03 Les droits de douane sont utilisés, je vous le rappelle, pour compenser les écarts entre pays, notamment sur les salaires.
02:08 Donc ça veut dire que là, on met directement en compétition, sans amortisseur, le paysan marocain ou le paysan français
02:15 qui a perdu la bataille avant même de la mener. C'est ça qu'il faut comprendre.
02:19 300 000 tonnes, vous venez de le rappeler.
02:21 L'exemple du poulet est édifiant, nous devons importer plus de 50% de notre consommation de volaille, car notre production française ne suffit plus.
02:27 Alors, ce n'est pas uniquement qu'elle ne suffit plus, c'est que le consommateur ne sait pas quand il achète une volaille qui n'est pas française.
02:33 Là, je suis venu avec des plats cuisinés d'une marque de distributeurs, mais c'est valable pour tout le monde et pour toutes les marques.
02:40 Eh bien, j'ai un poulet à l'Andalouse où la volaille est française, j'ai un gros drapeau bleu-blanc-rouge dessus,
02:45 on me le dit parce qu'on en est fier.
02:46 - Je gonfle mon buste.
02:47 - Exactement, on va m'expliquer que c'est de la transparence.
02:50 Pas du tout, c'est du marketing positif, j'en fais un élément de valeur.
02:54 Et dans la même gamme, j'ai un poulet basquaise où cette fois-ci, je vous prends en témoin Yves,
02:58 je n'ai pas de logo bleu-blanc-rouge dessus parce que la volaille n'est pas française.
03:02 Pourquoi ? Parce que quand je retourne, je peux lire en tout petit "poulet origine UE".
03:07 Ça veut dire qu'on ne me donne l'origine que quand elle est positive, on me la cache quand elle est négative.
03:12 Ça ne s'appelle pas de la transparence, c'est de l'hypocrisie.
03:14 - C'est quoi le problème ?
03:16 - C'est tout ce que vient de décrire Olivier Dauvert sur ce problème-là, c'est l'information au consommateur.
03:23 Il y a une forte volonté des consommateurs français de soutenir l'agriculture en achetant français, ça c'est clair.
03:29 - Jusqu'au moment où ils ouvrent leur porte-monnaie ?
03:32 - Mais aussi pour des raisons qualitatives, bien souvent.
03:35 Mais vous avez raison, jusqu'au moment où on ouvre le porte-monnaie, effectivement 99 centimes,
03:40 les tomates cerises, même moins bonnes peut-être que les françaises, c'est imbattable.
03:44 D'autant plus que la grande distribution, par une péréquation des marges, favorise les prix bas
03:51 parce que c'est souvent en promotion, il faut bien reconnaître les tomates cerises marocaines.
03:54 Et donc les agriculteurs s'interrogent à juste titre, à mon avis,
03:58 sur est-ce qu'il n'y a pas une marge supplémentaire sur les produits français
04:02 par le fait que ces produits d'origine étrangère sont plus en avant
04:06 et donc avec des marges plus écrasées de la part des distributeurs.
04:09 C'est quand même étonnant, je crois qu'Olivier Dauvert pourrait peut-être le confirmer,
04:12 c'est que sur les rayons fruits et légumes, les distributeurs font une marge nette de 3%.
04:17 À comparer aux autres rayons, en moyenne c'est un ennemi net pour une grande surface.
04:23 Donc pourquoi ?
04:24 - Donc ils gagnent une partie de leur argent avec les fruits et légumes, bien compris.
04:27 - Voilà, ça m'a été confirmé par les OCDE, par certains distributeurs,
04:30 et donc il y a peut-être aussi un problème de distributeurs là au milieu.
04:34 - Olivier Dauvert.
04:35 - À la base, le sujet c'est d'utiliser le pouvoir de la carte bleue.
04:39 Si on veut sauver les agriculteurs, ça ne se fera qu'avec les consommateurs
04:43 parce qu'au final c'est bien lui qui paye.
04:44 On peut demander pendant une période de crise aux distributeurs de remettre quelques centimes,
04:48 aux industriels de remettre quelques centimes,
04:49 ça ne dure qu'un temps parce que la concurrence ensuite remet tout ça au même niveau.
04:53 C'est bien parce qu'en bout de chaîne, il y a un consommateur qui paiera plus cher,
04:57 mais en sachant pourquoi.
04:58 Et encore une fois, pas tous les consommateurs.
05:00 Évidemment que l'origine France est plus chère,
05:03 mais il faut au moins permettre à celui qui le peut et celui qui le veut
05:06 de pouvoir utiliser sa carte bleue pour favoriser l'agriculture française.
05:11 Et puis ensuite, il y en a qui ne pourront pas,
05:12 il y en a qui devront se contenter des tomates marocaines à 89 centimes.
05:16 Ce n'est pas grave, mais au moins celui qui le veut, il peut changer sa façon de consommer.
05:20 Dit autrement, il faut conforter les raisons de choix des produits français
05:24 avec l'origine France et il faut donner des raisons de non-choix
05:27 pour les autres produits en disant d'où ils viennent.
05:30 C'est aussi bête que ça.
05:32 Ça peut s'appeler du protectionnisme, mais il faut savoir,
05:34 veut-on sauver l'agriculture française, oui ou non ?
05:37 Si on veut le faire, il faut donner des raisons de non-choix de produits qui viennent d'ailleurs.
05:41 - Vous venez de nous dire que ça commence avec l'étiquetage ?
05:42 - Oui, bien sûr, c'est la première étape.
05:44 La transparence, l'honnêteté dans la revendication des origines.
05:48 Si c'est UE, déjà, ça ne veut rien dire.
05:50 UE, la France, elle est dans l'UE.
05:51 Ça pourrait être français.
05:52 Non, si c'est UE, c'est soit polonais, soit...
05:55 Quand du magret de canard est bulgare et qu'on me le met UE
05:58 et qu'il faut chercher sur le produit en tout petit, origine Bulgarie,
06:01 avec une boîte dont l'adresse est dans le Gers pour le vendre,
06:04 parce que ça sonne bien le Gers pour le foie gras et le magret,
06:07 eh bien, ce n'est quand même pas de la transparence,
06:09 c'est du foutage de gueule, de l'hypocrisie.
06:11 - Il y a des pratiques aussi tordues que celles qu'on est en train de décrire ?
06:14 - Absolument.
06:14 Et effectivement, on ne peut que militer pour ce que propose Olivier Dauvert,
06:19 c'est-à-dire de mettre des drapeaux, même s'ils ne sont pas français.
06:23 Mais comme ça, l'information, elle est connue du consommateur.
06:28 Et j'ajouterais que peut-être qu'on achètera des tomates cerises marocaines,
06:31 mais de temps en temps, quand on peut, on doit pouvoir,
06:34 même quand on est pauvre, acheter des produits de meilleure qualité.
06:38 Et donc là, l'information est très importante,
06:40 et effectivement, il faudrait un moyen d'imposer,
06:43 et c'est le combat d'Olivier depuis cinq ans qu'on ne peut que soutenir,
06:46 c'est de montrer d'où viennent l'origine des produits,
06:50 et du détail dans les produits transformés.
06:53 - Il y a un petit collectif qui s'appelle, en vérité,
06:55 c'est quelques PME, quelques grands groupes, mais ils ne sont pas nombreux,
06:58 qui propose à minima de mettre sur le produit la part d'origine française,
07:02 la part d'origine européenne et la part d'origine du reste du monde.
07:06 À minima, ça serait bien, parce que vous verriez dans un rayon,
07:09 sauce tomate par exemple, certains produits auront quasiment rien
07:13 qui vient de France ou d'UE, pourquoi ?
07:15 Parce que c'est de la tomate chinoise.
07:16 Je n'ai rien contre les Chinois, mais quand j'en achète,
07:18 j'ai envie de le savoir.
07:20 Ce n'est pas plus compliqué que ça, ça s'appelle le pouvoir de la carte bleue,
07:23 et il faut qu'on l'utilise, surtout en ce moment.
07:25 !