• il y a 11 mois
Les loups sont de plus en plus nombreux en France. Ils étaient 430 en 2018, ils seraient désormais plus de 1100. Si c’est une bonne nouvelle pour notre écosystème, cela ne réjouit pas les éleveurs : certains se sentent impuissants face aux attaques de ce grand prédateur sur leurs troupeaux. Dans ce reportage vidéo, « Libération » tente de savoir comment nous pouvons cohabiter avec les loups.

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Transcription
00:00 Les loups gagnent du terrain en France.
00:03 Ils seraient désormais plus de 1000 sur notre territoire,
00:07 une population doublée en 5 ans.
00:09 Une très bonne nouvelle pour l'écosystème,
00:12 un peu moins pour les éleveurs.
00:13 22 brebis tués, donc je ne veux pas prendre de risque.
00:16 55 départements sont aujourd'hui en proie à des attaques de loups.
00:20 Ils étaient 31 il y a 5 ans.
00:22 L'État veut mieux protéger les éleveurs face à cette prédation
00:25 de plus en plus importante.
00:27 Il n'y avait aucun plan loup qui avait interrogé le statut de l'espèce.
00:29 C'est la première fois que c'est interrogé.
00:31 C'est un niveau zéro de responsabilité politique.
00:33 Quels sont les véritables moyens de protection ?
00:36 Suffisent-ils à accepter la présence des loups ?
00:39 Ça fait partie de ces races de chiennes qui ont été sélectionnées
00:42 pour protéger les troupeaux contre loups, ours.
00:45 Avec ce reportage, on a essayé de dépasser le clivage
00:48 qui sépare les pros des antiloups.
00:50 En fait, on a voulu répondre à une question centrale,
00:54 comment pouvons-nous cohabiter avec le loup ?
00:57 [Musique]
01:05 Voilà, on est arrivé. On est à Weville.
01:07 Je suis à la place de l'église de Weville.
01:09 On est près de Neuchâtel, c'est dans les Vosges.
01:11 Ici, c'est l'une des 120 zones de présence permanente du loup en France.
01:15 On a rendez-vous avec Claude Moureau, qui est un éleveur ici à Weville.
01:18 On a rendez-vous avec lui parce qu'il a déjà subi
01:20 des attaques de loups sur son exploitation.
01:23 Regardez par exemple, j'ai trouvé une photo de lui.
01:25 C'était en 2015. Il y a une pancarte avec écrit "Vive le loup"
01:28 et avec les carcasses de 6 moutons pendus à son engin.
01:31 En fait, il avait exposé ça aux yeux de tous
01:33 quand il venait de subir une attaque de loup.
01:35 Donc, on va aller en discuter avec lui parce qu'on va voir
01:37 comment a évolué la situation ici et comment il s'est adapté aussi
01:39 à la présence du loup dans le secteur.
01:41 On va aller le voir.
01:42 [Musique]
01:50 C'est ici que vous avez vos brebis, du coup ?
01:52 Voilà, ici il y a les brebis. Normalement, là, elles sont rentrées.
01:55 Pourquoi est-ce qu'elles sont rentrées ?
01:56 Parce que la sorcière n'a plus trop d'herbe.
01:58 Et puis, de toute façon, avec les attaques de loups la nuit,
02:00 je ne vais plus prendre de risques.
02:01 Je préfère qu'elles soient rentrées puisqu'elles vont annihiler au mois de mars.
02:05 Donc, je ne vais pas prendre de risques.
02:07 Claude m'explique avoir subi trois attaques successives en 2023.
02:11 À chaque fois, le loup lui a tué une brebis.
02:15 En 2015, j'ai donné. Il y a eu en tout 22 brebis tuées.
02:19 Donc, je ne vais pas prendre de risques.
02:21 À ce moment-là, c'était le loup qui avait tué vos brebis ?
02:23 Oui, le loup. Et puis après, il n'y a plus d'agneaux.
02:25 Le troupeau a eu des problèmes de prolificité et tout.
02:29 Et c'est notre gain-pain, donc on ne peut pas se permettre de prendre trop de risques.
02:32 Après ces attaques, en 2015, Claude a cherché le soutien d'élus locaux
02:36 et du ministère de l'Agriculture, notamment pour obtenir des aides financières.
02:40 Il s'est équipé de clôtures électriques, de pièges photos
02:46 et surtout d'un patou, un chien de protection.
02:49 Il s'appelle Marco et sa mission, c'est de défendre le troupeau face aux prédateurs.
02:54 Avant 2023, je n'avais plus d'attaques avec lui.
02:59 C'est bien, hein Marco ? Tu es un bon chien, tu protèges les loups.
03:02 Mais les récentes attaques annoncent un retour en force du loup sur les terres vaugiennes.
03:09 Pour l'instant, les pertes sont acceptables et heureusement,
03:12 car Claude ne sait pas vraiment comment il pourrait mieux se protéger du loup.
03:16 En partant de chez Claude, une question importante reste sans réponse.
03:21 La cohabitation entre les éleveurs et les loups est-elle seulement possible ?
03:27 Oui, allô monsieur Abel ? Bonjour, Emmanuel Décour, appareil journaliste pour Libération.
03:36 Je vous appelle suite à notre échange de mail concernant les loups, j'aurais aimé vous rencontrer.
03:40 Jean-David Abel est vice-président de la fédération France Nature Environnement.
03:44 Il vient de la Drôme, une zone de présence permanente du loup, comme les Vosges,
03:48 mais encore plus concernée par des attaques de loups sur des élevages.
03:52 Lui et son association travaillent en collaboration avec les éleveurs sur la question de la cohabitation.
03:58 Il y a beaucoup de pays mondiaux où le loup a des populations importantes et ça coexiste.
04:03 C'est-à-dire que des endroits où le loup a toujours été, dans le Caucase, dans les Balkans, sur la péninsule ibérique,
04:08 on coexiste, ce qui ne veut pas dire qu'on ne tue pas des loups.
04:11 Bien sûr qu'on tue, on prélève des individus, etc.
04:14 Mais on ne veut pas l'éradiquer.
04:17 Dans des pays comme le nôtre, où le loup avait été absent pendant presque un siècle, pendant quelques générations,
04:23 psychologiquement, culturellement, c'est plus difficile.
04:26 Et donc ça veut dire qu'il y a un travail à la fois d'apprentissage technique sur la protection des troupeaux,
04:32 mais aussi un travail d'accompagnement des éleveurs.
04:34 Justement, pour accompagner et protéger les éleveurs, l'Europe et la France veulent déclasser le statut du loup.
04:40 Ils passeraient d'espèces strictement protégées à protégées.
04:43 Il n'y avait aucun plan loup qui avait interrogé le statut de l'espèce.
04:46 C'est la première fois que c'est interrogé.
04:48 Ce qui permettrait de passer d'une logique de tir dérogatoire à une logique de prévention par tir de gestion.
04:52 L'idée, concrètement, c'est de faciliter les tirs sur les loups.
04:55 Faire croire, comme le font aujourd'hui le gouvernement, le ministère de la Culture,
04:59 que c'est comme ça qu'on va protéger et sauver le pastoralisme, c'est juste un mensonge.
05:04 Cette gestion de la présence du loup uniquement par les fusils ne permettra jamais que des milliers de tropeaux soient protégés du début de l'année à la fin de l'année.
05:12 N'importe quel responsable public doit tenir un discours de responsabilité qui est de "on va coexister avec cette espèce"
05:18 plutôt qu'on va vous en débarrasser, on va en tuer un maximum.
05:21 C'est un niveau zéro de la politique, de responsabilité politique.
05:25 Bon, alors en attendant d'avoir des solutions à la hauteur de l'enjeu au sommet de l'État,
05:32 on va aller voir des initiatives locales.
05:35 Parce que des éleveurs qui font en sorte que la cohabitation avec le loup se déroule du mieux possible, ça existe.
05:41 Bon, me voilà à la gare Montparnasse à Paris.
05:46 Je vais prendre mon train en direction de Bordeaux dans quelques minutes pour après me diriger vers Libourne.
05:53 J'ai rendez-vous avec un éleveur du coin de Libourne qui s'appelle Éric Gouthièrez,
05:56 qui pense beaucoup justement à la question de la cohabitation avec les loups.
05:59 Alors lui, il n'a pas encore subi d'attaque de loups, les loups ne sont pas présents encore dans sa zone.
06:03 Mais ça pourrait arriver dans les prochains mois et les prochaines années.
06:06 C'est pour ça que lui et d'autres éleveurs préfèrent anticiper cette question de la cohabitation.
06:10 Et c'est de ça que je vais aller discuter avec lui, donc je vais vite me dépêcher pour avoir mon train pour Bordeaux.
06:26 Salut les filles ! Doucement, doucement, doucement.
06:29 La plus âgée, à ma droite, maintenant qu'elle est à ma gauche, c'est un ail.
06:36 Et la plus jeune, Tia.
06:40 Pourquoi elles sont ici alors ?
06:44 Elles sont ici parce qu'elles font partie des moyens de protection qu'on met en œuvre.
06:52 Ça fait partie de ces races de chiens qui ont été sélectionnées au travers des âges pour protéger les troupeaux contre loups, ours, éventuellement rôdeurs.
07:01 Mais principalement pour les loups et les ours.
07:04 Le chien de protection, associé aux bergers et aux clôtures électriques, serait actuellement le trio le plus efficace pour se protéger des attaques de loups.
07:12 Vous choisissez donc d'anticiper la prédation en amenant des patous avant d'avoir été victime ?
07:17 Si vous voulez, nous on n'invente rien. On sait qu'on est en front de colonisation.
07:22 Dans la décennie prochaine, ou deux décennies, la totalité de l'Hexagone sera occupée par le loup.
07:27 Et parce qu'on a rencontré d'autres éleveurs qui, eux, pour le coup, sont en zone à loups ou à ours,
07:33 et qui subissent les attaques, on suit un petit peu leur parcours.
07:40 Donc avant de faire ça dans l'urgence et de se retrouver dans la même situation dramatique qu'ont vécu des éleveurs des Alpes et du sud-est de la France,
07:48 on a décidé de démarrer avant, pour être un peu plus serein.
07:52 Eric tente de faire entendre que cette anticipation des moyens de protection adaptés au territoire doit être la priorité,
07:59 bien avant les tirs qui ne doivent être qu'un moyen de défense complémentaire à la protection, dans les zones où la pression des loups est trop importante.
08:06 On doit retrouver la même réciprocité avec le loup que le loup a avec le ours ou avec le puma.
08:12 Ces animaux, dans la nature, ils ont un comportement qui leur sauve la vie d'ailleurs, c'est l'évitement.
08:19 Ils passent leur temps à s'éviter, et ils ne se rendent compte qu'à partir du moment où il faut qu'ils sauvent leur peau.
08:26 Si on trouve les moyens de faire ça, à ce moment-là on aura gagné.
08:30 C'est-à-dire qu'effectivement on pourrait avoir un cadre environnemental dans lequel on a un retour des grands prédateurs, et de l'élevage en plein air.
08:38 Eric place son positionnement comme la voie du milieu. Il refuse d'entrer dans les débats stériles des pros et antiloups.
08:45 Je crois qu'on ne peut continuer à compter que sur nous.
08:49 Et c'est bien ça, finalement, l'enseignement principal que l'on peut tirer de ces rencontres.
08:55 La cohabitation avec les loups est inévitable car leur propagation est importante.
09:00 Mais si les loups sont plus nombreux, le nombre de victimes dans les troupeaux reste stable depuis 2017.
09:05 Et dans les Alpes, où la prédation des loups est la plus intense, les troupeaux se maintiennent mieux qu'ailleurs en France.
09:11 La cohabitation est donc possible, mais la présence du loup reste quand même une véritable difficulté à gérer pour les éleveurs.
09:18 C'est justement pour cela qu'il vaut mieux anticiper la cohabitation et innover dans les moyens de protection.
09:24 Mais ce n'est pas la direction que semblent vouloir prendre le gouvernement et la Commission européenne pour le moment.
09:30 A notre échelle, une réflexion sur notre place en tant qu'être humain serait utile,
09:34 pour se rappeler que notre monde est aussi celui de milliers d'autres espèces avec qui on doit trouver les moyens de cohabiter, y compris avec le loup.
09:44 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
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