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L'alcool reste la substance la plus couramment expérimentée et consommée par les adolescents : un collégien sur dix a déjà été ivre. Guillaume Airagnes, directeur de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, livre les conclusions de l'enquête.

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Transcription
00:00 6h21 et à votre micro Marion Lourds, c'est un addictologue et directeur de l'Observateur
00:05 français des drogues et tendances addictives.
00:08 Bonjour Guillaume Eragne.
00:09 Bonjour.
00:10 Vous venez avec une bonne nouvelle ce matin qui va sans doute surprendre bon nombre d'entre
00:14 nous.
00:15 Les ados, collégiens, lycéens, consomment moins de tabac, moins d'alcool, moins de
00:18 cannabis par rapport à 2018.
00:20 C'est ce que montre votre nouvelle étude ?
00:21 Absolument.
00:22 Alors merci de votre invitation.
00:24 C'est vrai que ça surprend.
00:25 Pourtant ce sont des tendances que l'on observe déjà depuis un certain temps, depuis en
00:30 fait les années 2010.
00:32 On commence à voir une tendance à la baisse des consommations et même des expérimentations
00:37 en fait d'alcool, tabac, cannabis chez les collégiens, les lycéens.
00:41 Là ce que l'on a observé dans cette nouvelle vague d'enquêtes en 2022, donc l'enquête
00:45 dite en classe, donc une enquête à base de tirage au sort de lycéens et de collégiens
00:52 sur le territoire.
00:53 Dans tous les milieux.
00:54 Voilà, dans tous les milieux.
00:55 Ce qui nous permet effectivement de confirmer ces données de diminution.
01:01 Alors c'est une enquête en classe qui est menée par l'OFDT mais en lien et grâce
01:07 à l'association en classe, grâce à l'EHESP et au ministère de l'Éducation nationale
01:12 qui nous aident beaucoup.
01:13 Et donc on tire au sort aléatoirement, ce qui fait que les données que l'on produit,
01:17 c'est des données qui représentent l'ensemble en fait.
01:19 On peut les extrapoler à l'ensemble des collégiens et des lycéens du territoire
01:23 national.
01:24 On peut donner tous les chiffres mais par exemple, moitié moins de collégiens disent
01:27 avoir expérimenté la cigarette l'an passé.
01:29 De 21 à 11%.
01:31 La consommation régulière d'alcool a été divisée par 3 chez les lycéens.
01:35 On passe de 17 à 5%.
01:37 Comment on l'explique cette baisse ?
01:38 Oui, alors effectivement, ce sont des chiffres vraiment, comme ceux que vous venez de citer
01:43 par exemple, qui sont assez spectaculaires.
01:45 Une diminution de l'usage quotidien du tabac chez les lycéens de presque 2,8 fois.
01:52 Vous disiez effectivement pour l'usage d'alcool, une diminution par 3 chez les lycéens de
01:59 l'usage régulier.
02:00 On a aussi des baisses vraiment importantes de l'usage de cannabis.
02:03 L'usage de cannabis dans le mois, -65% chez les lycéens.
02:08 Alors, ça s'explique de différentes façons.
02:11 C'est vrai que depuis ces dernières années, l'action publique a joué un rôle important
02:14 en termes de campagne d'information, de prévention, de développement des programmes de renforcement
02:20 des compétences psychosociales auprès des lycéens, des collégiens.
02:23 Peut-être aussi un début de meilleur respect des interdits protecteurs, puisqu'il faut
02:28 rappeler que l'alcool, le tabac, ce sont des substances qui normalement ne peuvent
02:32 pas être vendues à des mineurs.
02:33 Alors, il reste encore beaucoup à faire sur cette thématique-là, mais quand même, ce
02:38 qu'on peut observer, c'est un début d'amorçage finalement, d'une dénormalisation des consommations
02:43 de substances psychoactives chez les jeunes.
02:45 Donc ça, c'est vraiment le témoin que les actions doivent être renforcées, continuées,
02:51 amplifiées, avec aussi la question d'une transformation dans les habitudes de consommation
02:58 chez les jeunes et sur leur modalité de sociabilisation, qui peuvent aussi avoir évolué durant ces
03:03 dernières années.
03:04 - Et ce que vous dites, c'est qu'à ce stade, en tout cas, on n'a pas identifié de transfert
03:07 vers d'autres produits ?
03:08 - Alors, à ce stade, non.
03:11 On n'a pas identifié ce type de risque.
03:15 En revanche, ce n'est pas forcément parce que la diminution de l'expérimentation et
03:20 des usages de substances chez les jeunes diminue que leur santé mentale s'améliore pour autant.
03:26 D'ailleurs, ces dernières années, on a plutôt eu tendance à observer une dégradation
03:31 de leur santé mentale.
03:32 Donc ça, ça fait partie des paramètres à bien, bien repérer.
03:35 Sûrement, il y a d'autres facteurs qui peuvent contribuer à cette altération plus importante
03:40 de la santé mentale chez les jeunes.
03:41 Deux autres, peut-être, points de vigilance quand même, même si l'expérimentation
03:45 et les usages ont tendance à diminuer.
03:47 Chez ceux qui sont dans les usages, je pense notamment aux usages d'alcool, rapidement,
03:53 ils sont dans des usages à risque.
03:54 - Binge drinking ?
03:55 - Voilà.
03:56 Alors, effectivement, à cet âge-là, ce que l'on définit par binge, c'est des consommations
04:02 de au moins cinq verres en une occasion.
04:04 Et ça, effectivement, ils sont encore en 2022, 34,5% chez les lycéens à avoir déclaré
04:13 un comportement comme ça dans le mois qui est précédé l'enquête.
04:15 Donc, effectivement, il y a encore beaucoup d'actions à conduire à destination des jeunes.
04:21 - Et puis, il faut relativiser, c'est vrai que sur l'alcool, 27% des ados en sixième
04:25 ont déjà testé l'alcool, parfois même dès le primaire.
04:28 Il faut quand même continuer ce changement de culture, c'est ce que vous dites.
04:31 - Absolument, exactement.
04:32 Donc, effectivement, les chiffres montrent qu'on va vraiment dans le bon sens.
04:34 Ils sont très encourageants.
04:35 Quand on dit effectivement qu'ils ont consommé, déjà consommé, déjà expérimenté en
04:40 sixième, c'est comme vous le dites, très fréquemment, parce que ça a déjà été
04:44 initié, souvent plutôt en famille, alors que le tabac, le cannabis, c'est plutôt avec
04:48 leur père dans le milieu scolaire.
04:50 - Leur père, leur semblable.
04:53 - Leur père, PIRS, voilà, exactement.
04:55 Donc, il y a aussi des actions à conduire d'information, de sensibilisation auprès
05:00 des parents, auprès de l'environnement familial sur ces stratégies de dénormalisation.
05:04 - Et puis sur le tabac, alors, ce que vous dites, c'est qu'une génération sans tabac
05:07 est possible, mais il y a quand même l'usage de la cigarette électronique qui devance
05:11 celui de la cigarette.
05:12 Est-ce que là, vous êtes sur une ligne dure ? Est-ce que vous dites qu'il faudrait interdire
05:15 la vente, comme dans 34 pays, dont l'Inde, le Brésil, la Turquie ?
05:19 - Alors ça, effectivement, ce n'est pas à moi de le dire.
05:22 En revanche, parmi les points de vigilance que je voulais mentionner, on ne peut pas
05:26 expliquer la baisse de la consommation de tabac chez les jeunes par un remplacement
05:32 par la cigarette électronique.
05:33 C'est un véritable changement dans les comportements des jeunes avec une vraie baisse de la consommation
05:40 de tabac.
05:41 En revanche, en parallèle, on a une augmentation quand même importante du vapotage, du vapotage
05:47 dit exclusif, c'est-à-dire des jeunes qui ne consomment pas de tabac, mais qui rentrent
05:52 dans le vapotage exclusif.
05:55 Et ça, entre 2018 et 2022, ce type de comportement a été multiplié par quatre.
06:01 On est passé de 0,6% des jeunes vapoteurs exclusifs chez les lycéens en 2018, pour
06:06 2,6% sur l'ensemble des jeunes lycéens en 2022.
06:10 Donc ça, c'est aussi un gros point de vigilance pour les années à venir.
06:15 - Guillaume Eragne, médecin, addictologue, directeur de l'Observatoire français des
06:19 drogues et tendances addictives, merci beaucoup à vous d'être venu sur France Inter.
06:22 - Merci pour votre invitation.
06:23 - Merci à tous les deux.

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