• il y a 11 mois
Une personne sur quatre est atteinte d’un trouble psychique à un moment de sa vie. Et la pandémie de Covid-19 a encore renforcé ces troubles. Pour briser le tabou, personnalités et anonymes se confient au micro de Yahoo dans "Tourments", le nouveau format de Yahoo.
Sylvain Augier, ancien présentateur de "La carte aux trésors", est atteint de bipolarité. Auteur de l’ouvrage “Je reviens de loin” (ed. Télémaque), paru le 12 octobre dernier, le journaliste de 68 ans se confie dans celui-ci sur son combat contre la maladie, un mal qui le ronge depuis des années et dont il a bien voulu évoquer au micro de Yahoo. Il est notamment revenu sur les pensées suicidaires qui ont ponctué sa vie mais aussi sur la manière dont il est parvenu à se détacher de tout ça et à reprendre le dessus. Il a également tenu à délivrer un message d’espoir afin de donner de la force à celles et ceux qui en sont atteints.
Le trouble bipolaire est une maladie psychique chronique responsable de dérèglements de l’humeur avec le plus souvent une alternance d’états d’exaltation et de dépression. Favorisée par des facteurs biologiques et génétiques, cette maladie apparaît le plus souvent chez le jeune adulte. En France, on estime qu'entre 1 et 2,5% de la population est touchée par ce trouble, mais ce chiffre serait sous-évalué.

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Transcription
00:00 Bonjour, je m'appelle Sylvain Augier, je suis journaliste et animateur à la télévision.
00:04 J'ai créé la carte au trésor qui a duré pendant 10 ans avec 4 hélicoptères.
00:08 J'ai filmé toute la France vu du ciel en hélico.
00:11 J'ai volé en avion de chasse, avion d'armes.
00:14 J'ai essayé à peu près tout ce qui va vite, très vite même.
00:17 J'ai fait de la radio, j'ai rencontré beaucoup de gens passionnants.
00:20 J'ai adoré ce métier que je fais maintenant depuis 40 ans,
00:24 avec en plus un livre qui vient de sortir et dont nous allons parler.
00:27 Voilà.
00:29 Un jour, pour une très belle occasion, un anniversaire, le bicentenaire du parachutisme,
00:34 j'ai emmené avec moi Michel Drucker et Jean-Paul Belmondo
00:37 pour sauter à 4500 mètres verticale de la tour Eiffel au-dessus de Paris.
00:41 Belmondo m'a dit à la arrivée que c'était la plus belle cascade qu'il avait faite de sa vie
00:47 et j'en ai un souvenir extraordinaire.
00:48 Belmondo avait demandé à être accompagné par sa copine dans la vie.
00:52 Tout le monde a sauté, elle aussi, sauf qu'elle s'est évanouie à la sortie
00:56 tellement elle a eu peur du vide et elle est restée évanouie.
00:59 Toute la chute libre, les cinq minutes que ça durait,
01:02 ils ont fini par tomber dans un arbre où elle était encore évanouie,
01:05 elle n'a rien vu, voilà.
01:06 Elle a tout raté.
01:07 Dommage.
01:08 J'explique dans le livre que j'ai écrit que je ne voulais pas punir mon corps,
01:12 mais le nourrir.
01:13 C'est ce qui fait que j'ai voulu me confronter à la vitesse,
01:17 aux dangers, aux risques, aux risques mortels d'ailleurs, de certains sports.
01:21 Je faisais tout ça parce que je voulais vivre quelque chose de fort.
01:26 Je suis un anxieux de nature.
01:27 Quand j'étais petit, j'étais anxieux.
01:29 Je voulais combattre la peur par l'affront,
01:34 c'est-à-dire que plus je prenais de risques et plus j'en réchappais.
01:38 Par exemple, la chute libre,
01:39 ça ressemble vraiment à un suicide raté quand on se jette dans l'avion.
01:43 Chaque fois, c'était une victoire, une victoire sur la peur et la mort.
01:47 Le 24 août 88, j'avais 33 ans.
01:49 Je volais dans les Hautes-Pyrénées en parapente.
01:52 Nous étions un petit groupe de 10
01:54 et j'avais pris une aile très performante.
01:56 Et à un moment, un courant d'air chaud a fermé ma voile.
02:00 La voile s'est pliée en deux comme ça.
02:03 Elle est partie en torche et j'ai touché le sol à 80 ou 100 km/h.
02:08 Heureusement, dans de l'herbe et pas des rochers,
02:10 sinon je ne serais pas là pour vous en parler.
02:13 Mais mon pied s'est retrouvé arraché au bout de l'artère
02:16 avec le sang qui coulait comme un tuyau d'arrosage.
02:19 Il n'y avait pas d'autre mot.
02:20 On n'a que 5 litres de sang dans le corps.
02:21 Donc je savais que j'étais condamné à terme si les secours n'arrivaient pas vite.
02:26 Et j'avais l'épaule complètement disloquée.
02:30 J'ai prié, espérant qu'un secours viendrait me chercher.
02:34 Et j'ai eu la chance.
02:36 L'hélicoptère a été appelé à temps.
02:37 J'ai été rapatrié à toute vitesse en hélicoptère en transfusion
02:42 parce que j'avais perdu beaucoup de sang.
02:44 Malheureusement, les complications sont arrivées très vite,
02:47 à savoir la gangrène,
02:48 qui est l'infection de la peau qui monte jusqu'au genou ou presque,
02:53 et à cause de laquelle on doit amputer le membre abîmé.
02:58 L'infection osseuse, on m'a fait plusieurs greffes.
03:01 On m'a monté une espèce d'antenne de télévision sur le pied.
03:07 Et heureusement, je n'ai pas écouté mes chirurgiens
03:09 qui me disaient qu'il valait mieux une bonne prothèse qu'un mauvais pied.
03:13 Moi, je voulais garder mon pied et marcher normalement.
03:16 C'était mon premier vœu.
03:18 J'ai passé six mois à l'hôpital.
03:19 J'ai continué à faire mon émission de radio tous les jours,
03:22 tous les après-midi.
03:23 Chic Planète, qui était un voyage autour de ma chambre
03:26 que je faisais avec un invité à mes pieds,
03:28 qui ne revenait pas d'être dans un hôpital.
03:30 C'était en direct et ça m'a donné beaucoup de force
03:34 pour affronter l'épreuve.
03:35 Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts
03:37 et je m'en suis rendu compte à cette occasion-là.
03:40 Mon père était maniaco-dépressif et son père était neurasthénique.
03:44 C'est comme ça qu'on disait ça à l'époque.
03:46 Moi, je redoutais de devenir comme eux
03:48 et de finir ma vie dans un hôpital psychiatrique
03:51 avec des électrochocs comme on les soignait à l'époque.
03:54 Aujourd'hui, ça n'est plus le cas.
03:55 On a fait beaucoup de progrès.
03:57 Quand j'étais adolescent, j'avais des moments de doute terrible,
04:00 des moments de baisse de morale non fondée
04:04 qui tenaient à je ne sais quoi.
04:05 Je restais sur mon lit dans le noir
04:08 pendant toute une demi-journée
04:10 alors qu'on m'appelait pour aller jouer en vacances.
04:12 À 35 ans, j'ai vécu une phase maniaque,
04:16 c'est-à-dire d'excitation en arrivant à Guadeloupe
04:20 pour la victoire de Florence Artaud dans la Route du Rhum.
04:23 J'ai passé une semaine sur-excitée
04:25 à louer des petits avions, des catamarans,
04:28 inviter tout le monde à déjeuner,
04:29 dépenser tout ce que j'avais sur ma carte bleue.
04:32 Et quand je suis rentré à Paris,
04:33 j'ai eu un contre-coup, une dépression suicidaire
04:37 qui est le danger de la bipolarité,
04:38 qui est la maladie dont je souffre depuis 20 ans maintenant,
04:43 facilement même plus que ça.
04:44 Quand j'ai été atteint par la dépression suicidaire,
04:47 j'étais vraiment littéralement emprisonné,
04:49 otage de moi-même.
04:51 Je subissais un châtiment que je ne comprenais pas,
04:55 des doutes épouvantables, des angoisses indicibles.
05:00 Il m'a fallu des années pour en guérir
05:03 et pour enfin maintenant, aujourd'hui, depuis peu de temps,
05:07 être capable de vivre heureux, zen,
05:10 et de prendre chaque instant comme il vient,
05:12 comme un cadeau.
05:13 J'ai appris que la vie était un cadeau divin.
05:15 J'ai une foi spirituelle très forte
05:17 qui me vient d'une foi catholique que j'ai perdue.
05:20 Mais j'ai gardé une foi spirituelle
05:21 qui m'a permis de surmonter tous les obstacles de la dépression.
05:25 Le danger de la bipolarité, c'est le suicide.
05:27 Il y a 250 000 tentatives de suicide par an en France
05:31 et 6 000 suicides réussis
05:33 pour les gens qui sont atteints de la bipolarité.
05:36 J'ai fait partie de cela, j'ai fait une tentative de suicide.
05:39 Une seule, mais elle était violente.
05:40 Je me suis mis devant un TGV qui arrivait à 160 km/h,
05:44 c'est très vite, c'est 40 mètres à la seconde.
05:47 Au dernier moment, je me suis reculé
05:49 parce que le cerveau reptilien qui nous fait survivre
05:53 m'a fait reculer et j'avais eu une peur bleue, noire.
05:57 Après avoir fait ça, je n'ai plus jamais tenté quoi que ce soit,
06:00 mais je me suis acheté une corde pour me pendre.
06:02 J'ai commandé un produit aux États-Unis
06:06 qui était, paraît-il, létal, que je n'ai jamais reçu, heureusement.
06:09 J'ai voulu acheter une arme automatique.
06:12 J'ai acheté un tuyau pour me brancher
06:14 sur le poste japon de la voiture de mon fils.
06:17 Je vais vous dire que j'étais vraiment
06:20 atteint par une envie de disparaître.
06:22 Mais tout ça s'est évanoui avec la guérison que je vis aujourd'hui.
06:28 Grâce au psychiatre que j'ai rencontré,
06:30 il ne me viendrait plus à l'idée de tenter quoi que ce soit.
06:33 C'était vraiment un moment où j'étais perdu.
06:35 Ça ne m'empêchait pas de faire mon métier
06:37 et d'afficher un sourire et une bonhomie
06:41 dans les émissions que j'animais.
06:42 Je me cachais de tout le monde.
06:45 Et puis aujourd'hui, j'ose l'avouer,
06:47 pour essayer de rendre service à ceux qui sont bipolaires,
06:50 qui ne savent pas qu'ils le sont ou qui ne se soignent pas.
06:53 D'où l'importance de ce livre que j'ai appelé "Je reviens de loin",
06:57 parce que je ne devrais pas être là à vous le raconter.
07:00 Je devrais être ailleurs, loin de là.
07:02 Mais j'ai voulu dire que c'était possible d'en sortir.
07:06 Il m'arrive quand j'ai un contre-coup de dépression,
07:10 c'est rare maintenant,
07:11 il m'arrive d'appeler l'hôpital psychiatrique
07:14 et d'y faire un séjour d'une semaine
07:16 pour subir de la kétamine,
07:18 qui est un médicament mis au point par les Américains,
07:21 qui est un gaz qui fait planer au-dessus du corps et au-dessus de la tête,
07:27 et qui, mené par une infirmière psychiatrique spécialisée,
07:31 donne une légèreté à l'état d'esprit.
07:34 Et je n'hésite pas à me faire hospitaliser une semaine,
07:38 s'il y a besoin.
07:39 J'ai la chance d'avoir une femme solide, généreuse, ouverte,
07:45 qui ne m'a pas abandonné malgré la difficulté de me suivre,
07:50 qui est en permanence là, qui ne me fait pas de cadeaux.
07:53 Elle me critique, elle m'engueule,
07:56 elle me secoue les fesses, comme elle dit.
08:00 Elle a une valeur folle à mes yeux.
08:02 Elle m'a sauvé d'un danger que je pratiquais à un moment,
08:06 je prenais de la morphine.
08:08 Elle m'a dit "si tu continues, je te quitte".
08:10 J'ai arrêté dans la minute.
08:11 Elle est vraiment indispensable à ma vie.
08:14 Ça fait 33 ans qu'on est mariés, avec deux enfants,
08:17 et elle est vraiment le bonheur incarné.
08:20 Je l'aime comme je ne pensais pas que j'aimerais quelqu'un toute ma vie.
08:24 [Générique]

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