LES 4V - Léon Deffontaines

  • il y a 8 mois
Jeff Wittenberg reçoit Léon Deffontaines, porte-parole et chef de file du Parti Communiste Français aux élections européennes, sur le plateau des 4 Vérités. 





Depuis les débuts de l’attaque du Hamas sur Israël en octobre dernier, la coalition de la Nupes s’affaiblit de plus en plus, les anciens alliés devenant tour à tour de nouveaux opposants. Début novembre, Fabien Roussel s’exprimait au micro de RTL sur le manque de consensus dans les différents partis de gauche à propos du conflit : « Ces dernières semaines ont contribué à enclencher cette rupture avec la France insoumise et ses dirigeants en total décalage avec les valeurs que porte la gauche », avant d’annoncer le départ du PCF de LFI. 




C’est donc indépendamment de la coalition de gauche que le Parti Communiste entend se présenter aux prochaines européennes, qui se tiendront le 9 juin prochain. Selon les sondages, les partis les plus populaires de l’électorat français sont Renaissance et le Rassemblement National. A gauche, c’est le Parti Socialiste, vraisemblablement incarné par Raphaël Glucksmann, de Place Publique, qui mène la danse. Avec à peine 2% d’intention de vote, le PCF peut-il prouver sa pertinence pour rester dans la course malgré un déficit clair de popularité ? 




Une absence de popularité des communistes dont Léon Deffontaines, leur porte-parole, est particulièrement conscient, expliquant sa stratégie d’exploiter la notoriété de son président Fabien Roussel pour faire connaître son nom et les valeurs qu’il défend. Des valeurs, mais surtout une frange de la population qu’il estime oubliée des autres partis politiques, qu’il défend. Pour lui, la priorité reste les intérêts des ouvriers et agriculteurs français. En se réappropriant les termes sarkozystes de « France qui se lève tôt » pour les replacer dans un discours lui étant nettement plus favorable, Deffontaines, prévoit de défendre la réindustrialisation du pays et le combat mené par les agriculteurs pour pouvoir vivre dignement de leur activité. 




Une défense partielle du projet européen 




Pour « envoyer des députés européens en capacité de défendre les intérêts de la France qui se lève tôt », l’ancien secrétaire général des jeunesses communistes compte s’opposer à l’élargissement de l’Union Européen et au libéralisme, qui sape selon lui les conditions de travail des plus populaires en France. Défendre les intérêts français en combattant la construction européenne ? Une antithèse qui semble tout droit sortie d’un discours de l’extrême-droite. Pourtant, Léon Deffontaines s’explique : c’est le libéralisme économique européen qui a mis en concurrence les travailleurs au lieu de les protéger et a créé une hausse des prix de l’énergie en France, alors que le pays produit l’énergie la moins chère d’Europe. De plus, bien qu’il rappelle l’importance de soutenir l’Ukraine face à l’invasion dont elle est victime depuis presque deux ans, l’intégrer ainsi que la Moldavie dans les rangs de l’Union Européenne menacerait les ouvriers et agriculteurs français qui seraient rapidement remplacés par la main d’oeuvre moins chère d’Europe de l’Est. 




Issu d’une famille d’agriculteurs, il exprime sa compréhension face à la colère de ces derniers, et se veut plus proche de ceux dont il défend les intérêts que la fameuse “Gauche caviar”, notamment incarnée par Glucksmann. Selon lui, il s’agit d’une gauche qui s'accommoderait trop bien du libéralisme économique et serait trop déconnectée des intérêts des classes populaires pour comprendre leur mécontentement ou les raisons pour lesquelles elles sont séduites par les discours du Rassemblement National ou se sentent aliénées par les discours des représentants de la gauche. Sa candidature et le projet porté par les communistes seraient donc l’alternative aux socialistes des centres-villes et à la montée en puissance du parti de Jordan Bardella.

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Transcript
00:00 Bonjour, Acky, bonjour. Bonjour. Bonjour, Léon Desfontaines.
00:03 Vous allez en effet porter les couleurs du Parti communiste aux élections européennes du 9 juin prochain,
00:07 en concurrence avec trois autres listes de gauche.
00:10 On va en parler d'ailleurs de cette concurrence, mais intéressons-nous d'abord à ce que vous,
00:13 vous proposez priorité à la souveraineté européenne, refus d'élargir l'UE, sortie du marché européen de l'énergie.
00:20 Ça ne vous classe pas vraiment parmi les pro-européens convaincus ? Est-ce qu'on peut dire ça ?
00:25 Non, moi je souhaite que le 9 juin prochain, lors des élections européennes, on puisse envoyer un message clair,
00:30 et notamment envoyer des députés européens qui seront en capacité de défendre les intérêts de la France,
00:33 et surtout de la France qui se lève tôt, des travailleurs de ce pays.
00:37 Et donc je souhaite fixer comme priorité la réindustrialisation de notre pays,
00:40 et avec un message clair que je souhaite envoyer, c'est celui de reprendre la main en France et en Europe,
00:45 reprendre la main sur les prix de l'énergie, reprendre la main sur l'industrie qui part à l'étranger
00:49 et qui est mise en concurrence à l'échelle européenne, à l'échelle mondiale,
00:52 et reprendre la main aussi sur les choix qui sont en train de s'imposer,
00:55 notamment auprès de nos agriculteurs sur les questions de l'élargissement de l'Ukraine et de la Moldavie,
01:00 qui ont des conséquences désastreuses pour nos agriculteurs.
01:03 Défendre l'emploi français, comment on le fait dans un cadre européen ?
01:06 Vous dites qu'il faut empêcher que les entreprises s'installent ailleurs,
01:09 mais il faut aussi faire venir des entreprises sur notre sol.
01:11 Est-ce qu'on n'a pas besoin de l'Europe ? Est-ce qu'on peut encore raisonner franco-français comme vous venez de le faire ?
01:16 Non, bien sûr qu'on a besoin de l'Europe. On a besoin d'une coopération organisée à l'échelle européenne.
01:20 Mais on a aussi besoin de défendre les intérêts de la France.
01:23 Je vous donne un exemple sur les questions énergétiques,
01:25 parce que c'est un sujet qui va arriver très vite à l'ordre du jour et dans l'actualité avec l'augmentation des factures d'électricité.
01:30 Grâce au mix énergétique nucléaire renouvelable que nous avons en France,
01:33 nous produisons l'électricité la moins chère d'Europe.
01:35 Pourtant, aujourd'hui, on est dépendant d'un traité qui met en place un marché unique de l'énergie,
01:40 qui a pour conséquence d'indexer le prix de l'électricité qu'on produit en France sur le prix du gaz,
01:44 et avec des factures trois à quatre fois plus chères.
01:46 Finalement, l'Allemagne est en train de nous mener dans le ravin avec ses choix politiques, notamment en matière énergétique.
01:51 Et ils souhaitent justement rester concurrentiels sur le marché européen.
01:55 Et donc, c'est pour ça qu'ils imposent ce marché aux Français.
01:57 Eh bien, moi, je souhaite en sortir parce que ça va contre l'intérêt de la France, tout simplement, et des travailleurs français.
02:01 Vous disiez à l'instant que vous étiez aussi contre l'élargissement de l'UE, y compris à l'Ukraine.
02:07 Pourtant, ce pays réclame son adhésion.
02:10 Un processus est d'ailleurs lancé par Bruxelles.
02:13 Pourquoi vous êtes contre cette procédure, justement, qui aiderait un pays qui est aujourd'hui en guerre,
02:19 qui a été agressé par la Russie ?
02:21 Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
02:22 Tout d'abord, je tiens à réaffirmer que l'aide envers l'Ukraine et la coopération envers l'Ukraine,
02:26 nous avons vaudé toutes les aides envers l'Ukraine parce qu'on pense que c'est indispensable de les aider
02:29 face à l'invasion dont ils ont été victimes, avec l'invasion de la Russie.
02:33 Mais l'élargissement de l'Union européenne est un tout autre sujet.
02:35 D'ailleurs, personne aujourd'hui va vous dire qu'il faut intégrer l'Ukraine alors qu'elle est en guerre contre la Russie.
02:39 Je le dis sur les aspects concrets que ça va avoir pour nos concitoyens, notamment pour les travailleurs de ce pays.
02:46 Le SMIC en Ukraine est de 150 euros par mois, en Moldavie il est de 50 euros par mois.
02:51 Si demain on les élargit, alors il y aura une concurrence déloyale.
02:53 En Roumanie, il est beaucoup plus faible qu'en France et c'est un pays qui est déjà dans l'UE.
02:56 Et moi, je vous donne un exemple.
02:57 Chez moi, la usine de Whirlpool à Amiens a été délocalisée en Pologne parce que la manœuvre était moins chère.
03:02 Comment voulez-vous redonner espoir en Europe auprès de ces ouvriers qui ont vu leur usine délocalisée à l'étranger ?
03:08 Je vous cite Whirlpool, je peux vous citer Goodyear.
03:10 Il y a un nombre d'entreprises colossales qui ont délocalisé à l'Est parce que la manœuvre était moins chère d'un côté.
03:14 Et de l'autre, on a des patrons qui en France nous disent "c'est simple, la manœuvre est moins chère à l'Est,
03:18 donc si vous ne baissez pas les salaires ici en France, eh bien je vais partir à l'étranger".
03:21 Mais ces pays sont déjà dans l'UE, M.Defontaine, ils ne vont pas qu'ils en sortent.
03:23 Non, du coup, aidons-les pour l'instant.
03:25 Soucions-nous de notre industrie, de l'Union européenne libérale telle qu'elle est construite.
03:29 Remettons en cause justement ce libéralisme qui met en concurrence à l'échelle européenne les travailleurs entre eux et après on en rediscutera.
03:34 Vous l'avez cité à l'instant, il y a un mouvement qui s'étend et on le voyait dans le journal de 7h30 dans plusieurs pays,
03:40 c'est la colère des agriculteurs.
03:41 Elle est massive en Allemagne, elle commence à prendre plusieurs formes en France.
03:45 On a vu notamment des manifestations en haut de Garonne.
03:48 Je précise que vous, Léon Defontaine, vous êtes né dans une famille d'agriculteurs, une très grande famille dans la Somme.
03:54 Est-ce que vous êtes solidaire de ce mouvement qui notamment dénonce les directives européennes, les normes environnementales ?
04:00 Je le suis d'autant plus que je connais très personnellement des membres de ma famille qui sont dans ces mobilisations-là.
04:05 Mais vous savez, moi, j'ai une famille d'agriculteurs qui m'a appris les richesses de la terre, la nécessité de les préserver
04:10 et qui aujourd'hui nous disent "ça suffit".
04:12 Ça suffit d'être montré du droit constamment lié sur la question environnementale parce que les premiers écologistes, je pense que ce sont les agriculteurs.
04:21 Ils disent que ça suffit, qu'ils veulent pouvoir vivre de leur travail et donc ils sont aujourd'hui pris à la gorge par l'industrie agroalimentaire,
04:30 notamment avec l'actalis, sur la question du glyphosate.
04:33 Ils le disent "Aidez-nous à en sortir, accompagnons justement nos exploitations agricoles pour permettre de sortir de ce glyphosate".
04:40 Mais une interdiction qui tombe par l'Union européenne, comme ça qui s'impose aux agriculteurs, aurait des effets dévastateurs.
04:47 Donc moi je dis "Travaillons avec nos agriculteurs, écoutons-les, permettons-leur d'avoir un revenu qui leur permette justement de vivre de leur travail".
04:54 C'est tout ce qu'ils demandent, de pouvoir vivre dignement de leur travail et écoutons-les aussi et nous construirons la société de demain respectueuse de l'environnement, aussi et surtout avec eux.
05:02 Mais est-ce que, par exemple, sur cette question du glyphosate, on vient de l'entendre, vous avez une spécificité à gauche,
05:07 parce que par exemple à gauche il y a d'autres mouvements comme la France Insoumise, comme les écologistes qui sont pour l'interdiction
05:13 et qui ont critiqué justement les décisions européennes dans ce sens.
05:16 Est-ce que vous avez une petite musique différente, qu'on entend aussi chez votre leader, Fabien Roussel, dans cette nuppesse qui de fait d'ailleurs n'existe plus vraiment aujourd'hui ?
05:25 Oui on a une singularité et d'ailleurs je le vois d'autant plus au vu de l'interview que nous a donnée Raphaël Glucksmann chez vos confrères de France Inter le dimanche dernier.
05:32 Raphaël Glucksmann, futur tête de liste qui sera soutenue par le Parti Socialiste et Place Publique.
05:35 Selon toute vraisemblance. Et quand je vois Raphaël Glucksmann nous dire que, nous défendre finalement les mêmes discours politiques qui sont tenus par le Parti Socialiste
05:44 sur la question européenne depuis 1986 avec l'acte unique, Maastricht en 1992, le traité constitutionnel européen en 2005 et qui nous ont amené François Hollande en 2012,
05:53 finalement cette gauche qui s'accommode très bien du libéralisme et qui nous donne des leçons de morale,
05:57 et bien je dis heureusement que nous avons plusieurs listes à gauche. Et là c'est ce que je souhaite porter, c'est celle qui va défendre justement les intérêts de la France
06:03 et surtout de la France qui se lève tôt et des travailleurs de ce pays. Et je pense que c'est d'autant plus important...
06:07 Vous dites la France qui se lève tôt, ça rappelle, vous vous doutez d'un président de la République qui parlait de la France qui se lève tôt et Gabriel Attal a repris cette expression.
06:13 Et c'est d'autant plus important qu'il ne se sent pas représenté par ce discours de cette gauche justement, qu'on est passé de la gauche du caviar à la gauche du dollar,
06:20 celle qui se sent plus à l'aise comme le disait Raphaël Glucksmann à New York en Picardie. On a besoin aujourd'hui d'avoir une gauche qui est capable de dire
06:27 "oui la construction libérale européenne nous a conduit droit à la catastrophe, a amené la ruine de nos agriculteurs, la fuite en avant de notre industrie,
06:34 et qu'aujourd'hui il faut reprendre la main". Ça ne veut pas dire qu'il faut sortir de l'Union Européenne, c'est-à-dire qu'il faut construire une nouvelle coopération à l'échelle régionale
06:39 qui permette de respecter, de redonner du pouvoir d'achat et surtout de permettre de revaloriser le travail en France.
06:45 – C'est toute gauche du dollar, je reprends votre expression comme vous l'appelez.
06:48 Pardon mais lorsqu'on regarde les sondages, les enquêtes d'opinion qui ne valent que ce qu'elles valent à ce stade,
06:54 elles montrent plutôt que 8 à 10% des électeurs seraient prêts à voter notamment pour Raphaël Glucksmann
06:58 et votre liste pour l'instant est plutôt crédité de 2-3%. Comment vous allez vaincre ce déficit de notoriété ?
07:05 – Il y a un enjeu clair et net, c'est que pour l'instant j'ai un déficit de notoriété vis-à-vis de Raphaël Glucksmann.
07:09 Maintenant ce que j'observe c'est que le parti socialiste est en train de nous vendre la même soupe
07:12 que ce qu'ils avaient fait avec François Hollande et je pense que c'est important de pouvoir incarner une autre gauche.
07:16 Maintenant il y a un enjeu, c'est de me faire connaître, de faire connaître nos propositions
07:19 et en ce sens le discours qui est porté par Fabien Roussel va être d'autant plus important
07:23 et Fabien Roussel va peser de tout son poids et moi je souhaite bien profiter de sa notoriété,
07:27 de la notoriété d'autres élus comme André Chassagne par exemple pour pouvoir me faire connaître,
07:31 faire connaître nos propositions notamment de défense de la souveraineté énergétique,
07:34 la souveraineté alimentaire de notre pays, la réindustrialisation, je pense que c'est indispensable
07:38 et ce discours finalement il est majoritaire à gauche.
07:41 On a besoin de se réadresser à ces électeurs de gauche qui se sentent victimes justement de la libéralisation de notre société.
07:45 Ces électeurs, est-ce qu'ils sont encore à gauche ?
07:47 Les ouvriers, les classes populaires, les agriculteurs dont on parlait tout à l'heure,
07:52 aujourd'hui vous le savez ils votent majoritairement pour le Rassemblement National,
07:55 ils votent pour, ils risquent de voter, ils voteront peut-être pour Jordan Bardella le 9 juin prochain,
08:00 vous êtes conscient de ce phénomène qui n'est pas du tout conjoncturel,
08:04 qui est structurel maintenant depuis plusieurs années,
08:06 comment vous allez réussir là où vos prédécesseurs dans les différentes listes européennes n'ont pas réussi ?
08:12 Il faut se poser la question de pourquoi celles et ceux qui votaient à gauche il y a encore une dizaine d'années
08:16 ne votent plus à gauche aujourd'hui ?
08:17 Et les discours qui sont portés par les responsables politiques de la gauche aujourd'hui en sont les premiers responsables.
08:23 Parce que quand je vois un discours qui nous dit finalement que l'élargissement de l'Ukraine aura des effets bénéfiques pour notre société
08:30 et que si on n'est pas favorable à l'élargissement autant voter directement à l'extrême droite,
08:33 ce qui a tenu les propos qu'a tenus Raphaël Glusman, je dis qu'il ne s'adresse pas aux ouvriers de chez moi,
08:37 il ne s'adresse pas aux agriculteurs de chez moi, aux ouvriers de Goudhier qui, lorsque j'avais 11 ans,
08:41 ont vu leur entreprise annoncer un plan social.
08:44 La différence entre lui et moi c'est qu'à 11 ans, moi je savais ce que le mot désindustrialisation,
08:47 j'ai appris ce que voulait dire le mot désindustrialisation.
08:50 Parce que le parent d'un de mes meilleurs amis justement travaillait à Goudhier et annonçait que sa boîte allait être délocalisée à l'étranger.
08:56 Et bien visiblement aujourd'hui il ne sait toujours pas les conséquences que ça a, en tout cas il les nie,
09:00 et bien moi je pense que c'est indispensable aujourd'hui de pouvoir défendre justement ces ouvriers qui ont perdu leur usine,
09:05 de défendre ces agriculteurs qui se sont à mettre en concurrence avec aujourd'hui la Nouvelle-Zélande ou le Brésil.
09:09 Et donc c'est ce que je souhaite faire justement dans cette campagne.
09:11 On a compris que c'est ce que vous défendrez dans les mois qui viennent pour ces élections européennes,
09:14 vous serez donc tête de liste du Parti communiste.
09:16 Merci Léon de Fontaine.
09:18 Merci beaucoup à tous les deux. Merci à Frédéric Chevalier qui a travaillé.

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