Incidents en série dans les Boeing : la faute à pas de chance ?

  • il y a 8 mois
Avec Xavier Tytelman, ancien aviateur militaire, rédacteur en chef du magazine Air & Cosmos.

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Transcript
00:00 Un nouvel incident chez Boeing, un 747 a pris feu en plein vol.
00:04 Cela s'est passé jeudi à Miami aux Etats-Unis.
00:08 Atterrissage d'urgence encore pour Boeing, c'est deux semaines après l'épisode de la porte arrachée.
00:13 Souvenez-vous, là aussi c'était en plein vol.
00:16 Dans les deux cas, pas de blessés graves.
00:18 Mais si vous me permettez, cela fout mal pour le constructeur.
00:21 On en parle tout de suite avec Xavier Tittleman.
00:24 Bonjour Xavier Tittleman.
00:25 Bonjour, madame.
00:27 Vous êtes ancien aviateur militaire, rédacteur en chef du magazine Air & Cosmos
00:33 et donc spécialiste de la question.
00:35 Est-ce que c'est la loi des séries pour Boeing ?
00:39 Est-ce que le constructeur est en cause ?
00:41 Alors, c'est la loi des séries médiatiquement en tout cas, c'est vrai que c'est très compliqué en ce moment.
00:45 Par contre, les moteurs, ce n'est pas Boeing.
00:48 Les moteurs sont partagés entre Airbus et Boeing.
00:50 Les autres constructeurs du monde entier, même les Chinois, utilisent les mêmes marques.
00:54 Safran, etc. Pratt & Whitney.
00:56 Donc là, oui, ça tombe sur un Boeing, mais c'est vraiment le hasard de que ça tombe sur un Boeing.
01:00 Ça aurait pu être sur un Airbus de la même manière et ce n'est pas la faute du constructeur.
01:03 Donc jeudi, c'était le moteur qui a pris feu, effectivement.
01:07 Deux semaines plus tôt, la porte arrachée, c'était un boulon qui était en cause.
01:12 Oui, tout à fait. Alors là, par contre, il y a un problème de contrôle qualité chez Boeing
01:15 qui est récurrent depuis plusieurs années, sur lequel ils travaillent beaucoup.
01:18 Mais là aussi, on n'est toujours pas certain.
01:20 Est-ce que c'était la charnière du côté, dans le fuselage, auquel cas c'est Boeing qui devait la mettre en place ?
01:28 Et si c'est la charnière de l'autre côté qui a lâché, là également, ça peut être le sous-traitant.
01:32 Dans tous les cas, c'était un problème quand il a été monté.
01:35 Mais là aussi, ce n'est pas forcément Boeing qui est en cause.
01:37 Et le contrôle qualité, aujourd'hui, ils font énormément d'efforts pour y remédier.
01:41 Par exemple, chez Airbus ou chez Dassault, ils ont des sortes de tournevis connectés
01:44 qui permettent de savoir de quelle manière ça a été serré.
01:47 Et si tous les boulons sont effectivement serrés, peut-être que Boeing n'a pas encore implémenté toutes ces pratiques.
01:51 - Combien de temps ça peut prendre, cette enquête, si on peut dire ?
01:56 - À mon avis, il y a des gens qui le savent, tout simplement parce qu'il y a d'autres avions qui ont été investigués.
02:01 Ils ont vérifié la totalité de la flotte mondiale.
02:03 Ils ont vu qu'il y en avait d'autres sur lesquels certains boulons étaient mal serrés.
02:07 Et donc, ça a été corrigé.
02:08 Donc, corriger le problème, c'est déjà fait.
02:10 Avoir une confirmation juridique que c'est la faute de Boeing ou de son sous-traitant,
02:14 ça, certainement qu'il faudra attendre encore quelques semaines.
02:16 - Effectivement, ce sont de longues procédures, on imagine bien.
02:20 Pour le coup, la faute à Boeing ou pas, c'est Boeing qui paye les pots cassés, on va dire.
02:26 J'imagine qu'il y a forcément des répercussions,
02:29 ou qu'il y aura des répercussions dans le choix d'un vol des consommateurs.
02:35 - Oui, c'est un petit peu la même chose qu'on avait eu après le Rio-Paris,
02:38 où les gens avaient commencé à éviter l'Airbus A330.
02:40 Là, on est sur une situation où on a une récurrence.
02:43 On a eu des accidents, pour le coup, le Boeing 737 Max,
02:46 lorsqu'il a été sorti, il y a eu deux accidents.
02:48 Et là, c'était la faute du constructeur qui avait eu un problème de conception.
02:52 Derrière, les problèmes de qualité, ça, c'est des choses qui doivent se réparer petit à petit.
02:56 Mais finalement, il faut comprendre qu'il y a aussi une tension sur le marché.
02:59 C'est-à-dire que si vous voulez commander un avion aujourd'hui,
03:01 vous êtes livré au mieux en 2028, 2029.
03:04 Donc, ça veut dire que vous ne pouvez pas dire, finalement, je vais changer d'avis,
03:08 je vais abandonner ma commande de Boeing que je vais recevoir l'année prochaine
03:11 pour prendre des Airbus parce que je serai livré en 2029.
03:13 Donc, ça fait qu'il y a une telle tension et tout le monde a la certitude
03:17 que le contrôle qualité, ils vont le réparer, c'est facile.
03:20 Un avion qui est mal conçu, là, c'est un problème.
03:22 Et là, il y aura des doutes et là, il y aura des compagnies qui pourraient changer d'avis.
03:25 Mais un contrôle qualité qui a été mal fait sur un appareil maintenant,
03:29 on sait très bien qu'ils vont le réparer et qu'il n'y aura aucun souci dans l'avenir.
03:32 - C'est bien noté. Effectivement, la tension dans les marchés
03:35 peut jouer en la faveur, finalement, du constructeur.
03:39 Malgré tout, vous vous animez le compte de Twitter qui s'appelle "Peur Avion".
03:46 Justement, pour les personnes qui, en voyant ces actualités,
03:50 vous l'avez dit, c'est quand même des épisodes médiatiques,
03:53 est-ce qu'il faut avoir peur de monter dans un Boeing aujourd'hui, tout simplement ?
03:57 - Non, évidemment que non. Et de toute façon, ils ne perdent pas la confiance des professionnels.
04:01 C'est-à-dire que les pilotes qui prennent la raison tous les jours
04:03 savent à quel point ces appareils sont fiables,
04:05 savent à quel point ces situations sont gérées.
04:07 Que ce soit la perte d'un moteur, un avion peut même décoller sur un seul moteur
04:11 et même il est capable de planer.
04:13 Si on coupe les deux moteurs, un avion va planer pendant une demi-heure sur plus de 200 km
04:16 et il reste manœuvrable.
04:17 On l'a déjà vu dans le passé.
04:18 Donc même si on devait aller jusqu'au bout de la démarche et penser à la situation catastrophe,
04:23 elle reste gérable.
04:24 Et que ce soit un Airbus ou un Boeing, c'est exactement la même chose.
04:27 Un avion qui a perdu son hublot, sa porte en vol,
04:32 l'avion ne s'est pas craché, il n'y a pas eu de mort.
04:34 Donc c'est vrai que ce sont des choses qui sont très spectaculaires,
04:36 mais il faut bien réaliser qu'aujourd'hui il n'y a jamais eu autant de Boeing qui ont volé dans le monde
04:39 et on n'a jamais eu autant de morts en avion qu'en ce moment.
04:42 Tout simplement parce que, quel que soit le côté dramatique et visuel de ces événements,
04:47 aujourd'hui on n'a quasiment plus aucun accident qui soit mortel
04:50 et c'est vraiment ça qui est important.
04:51 - Autant de morts ou aussi peu de morts, j'imagine que vous vouliez dire.
04:54 - Aussi peu de morts, oui.
04:55 - Oui, vous êtes ancien aviateur militaire.
04:58 Mettez-nous un peu dans la peau, pourquoi pas, d'un pilote qui doit gérer cette situation de crise.
05:04 Comment réagir ? Vous avez dit qu'on est quand même accompagné.
05:08 Maintenant les appareils sont faits pour gérer ces catastrophes, on va dire, ces événements, ces incidents.
05:16 Là, il y a eu un atterrissage en force et un atterrissage d'urgence dans les deux cas.
05:24 Mais il y avait-il un risque quand même ? Et comment réagir en tant que pilote ?
05:28 - Alors les pilotes, ils vont avoir simplement déjà des extincteurs dans l'avion
05:31 qui permettent d'être déclenchés dans les moteurs.
05:34 C'est-à-dire qu'ils vont pouvoir éteindre les moteurs s'il y a un éventuel incendie.
05:37 Et à partir du moment où ils ont perdu un moteur, l'appareil va continuer à voler normalement avec ce qu'on appelle une dérive.
05:42 C'est-à-dire que c'est comme si vous êtes en canoë-kayak et que vous ne pouvez plus paille-gailler que du côté droit,
05:46 mais que vous avez un volant qui permet de compenser.
05:48 Donc même si on pousse plus fort d'un côté que de l'autre, l'avion va voler quasiment normalement.
05:52 Il y a une compensation qui se fait automatiquement avec des systèmes de réglage.
05:56 Et le reste du vol se fait tout à fait normalement.
05:58 Il faut se souvenir qu'il y a quelques années, quand on n'était pas aussi dramatiquement, médiatiquement informé comme aujourd'hui,
06:05 il y avait un avion qui avait décollé de San Francisco.
06:07 Il avait perdu son moteur au décollage.
06:09 Il en avait quatre, comme le Boeing 747.
06:11 Et finalement, ils avaient vérifié.
06:13 Tout était stabilisé.
06:14 Il s'était permis de terminer leur vol et de faire la totalité du vol vers Londres,
06:18 sûrement trois moteurs au lieu de quatre.
06:20 Donc il n'y a pas une urgence absolue de devoir se poser quand on perd un moteur.
06:24 Certes, effectivement, aujourd'hui, les procédures font qu'on le fait le plus rapidement possible.
06:28 Ils vont se poser instantanément sous le premier aéroport.
06:30 Mais c'est quelque chose qui est relativement facile à gérer.
06:33 Et cet événement-là, Xavier Tittleman, l'avion était aussi en feu ou il y avait un moteur qui ne tournait plus ?
06:39 Parce que ça n'a pas du tout les mêmes conséquences pour ceux qui sont dans l'avion.
06:44 Bien sûr, il y avait un moteur en feu.
06:46 Et le fait d'avoir déclenché les extincteurs fait que le moteur avait été arrêté.
06:51 Mais en réalité, après, à partir du moment où on sait confiner,
06:55 qu'on sait d'où ça vient, quel est le problème,
06:57 si c'était un influx d'huile ou quelque chose qui n'a pas été géré facilement,
07:01 ça permet quand même d'avoir une certitude sur la fiabilité des autres moteurs.
07:05 D'accord.
07:06 Et après, quand on a une dépressurisation, quand on a perdu un hublot,
07:10 là, on n'a même pas la possibilité de monter à une altitude de croisière.
07:13 Donc, c'est-à-dire que l'avion qui va commencer son décollage...
07:15 Vaut mieux pas.
07:16 Oui, parce que là, il fait moins froid.
07:18 Il va faire un peu froid, oui.
07:19 Effectivement.
07:20 Donc, à partir du moment où l'avion perd sa pressurisation,
07:23 là, par contre, il y a un atterrissage qui est très rapide,
07:25 mais vous n'avez jamais eu de mort pour cause de dépressurisation dans ces conditions-là.
07:28 On peut avoir des outils de barre automatique,
07:30 on redescend, on se repose,
07:32 et puis, effectivement, d'un point de vue pilotage,
07:34 à part avoir des masques à oxygène pour éviter de s'évanouir à cause du manque d'oxygène,
07:38 là, il n'y a aucune procédure, l'avion vole tout à fait normalement.
07:40 On descend, on se repose et on respire.
07:42 Merci beaucoup, en tout cas, Xavier Tittleman, pour ces paroles rassurantes.
07:47 Je rappelle que vous êtes rédacteur en chef du magazine Air Cosmos
07:50 et ancien aviateur militaire.
07:52 On invite les auditeurs à vous rejoindre sur Twitter, sur #PeurAvion.
07:57 *Musique*

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