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Écoutez l'interview de l'astronaute française à l'agence spatiale internationale.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 19 janvier 2024 avec Yves Calvi.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Il est 8h21, bonjour Sophie Adnaud.
00:08 Bonjour Yves.
00:09 Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, vous êtes lieutenant-colonel de l'armée de l'air et surtout notre première femme française pilote d'essai d'hélicoptère.
00:16 27 ans après Claudia Ingeret, l'agence spatiale européenne vous a choisi parmi plus de 22 000 candidats.
00:22 Et pour tout dire, il n'est pas impossible que vous partiez sur la Lune.
00:25 Sophie Adnaud, pourquoi avoir postulé ? Votre boulot vous ennuyait, pourtant pilote dans l'armée de l'air, c'est pas vraiment plan-plan.
00:32 Effectivement, j'adorais mon travail de pilote dans l'armée de l'air et de l'espace, de pilote d'essai ensuite,
00:38 mais pour moi devenir astronaute c'était un rêve d'enfant, mais depuis que je suis toute petite.
00:42 Et quand la sélection s'est ouverte, c'est vraiment sans aucune hésitation que j'ai postulé.
00:48 Et quoi gamine, vous projetiez quoi quand vous regardiez le ciel, l'espace ?
00:52 Je rêvais, je lisais les biographies d'astronautes, que ce soit les tout pionniers,
00:57 le premier Jean-Loup Chrétien en France, à l'époque surtout des biographies des astronautes français.
01:02 Et je crois qu'il y a un vrai déclic qui s'est passé dans ma tête quand Claudia Ingeret a décollé.
01:07 Le moins qu'on puisse dire en tout cas, c'est que vous aimez les sensations fortes.
01:10 Vous avez entre autres un brevet de parachutisme sportif, une licence de planeur.
01:14 Vous êtes une hyperactive qui aime le danger ou qui aime se confronter au danger ?
01:18 Alors, je ne dirais pas le danger particulièrement, mais oui, j'aime l'aventure, j'aime l'adrénaline.
01:26 Et j'aime aller sur les bords, pour aller chercher mes limites, voir un petit peu comment on progresse,
01:33 comment on affronte l'inconnu, comment on réagit en milieu hostile, comment on progresse.
01:39 Et à chaque fois, j'ai l'impression de progresser, j'adore ça.
01:41 Alors justement, comment avez-vous réagi à votre sélection parmi 22 500 candidats ?
01:45 Ça a vraiment été une surprise ?
01:46 Oui, ça a été une explosion de joie formidable, mais aussi un mix d'émotions.
01:52 Parce qu'en même temps, on se dit "Waouh, sacrée responsabilité, j'y vais, je représenterai la France dans l'espace".
01:59 Il y aura un entraînement avec même les questions habituelles qu'on se pose quand on est face ou en bas de l'Everest.
02:06 On se dit "Est-ce que j'y arriverai aussi ? Comment ça se passera ? Quelle sera l'équipe ?"
02:10 Donc, il y a eu à la fois cette explosion de joie et à la fois toutes ces questions qui m'ont traversées en disant
02:15 "Waouh, au boulot maintenant !"
02:17 Dites-moi, vous êtes aussi maman, mère de famille, maman d'un petit garçon.
02:21 J'imagine que cette décision n'est pas évidente pour vous et pour vos proches.
02:24 Je suis pas sûr que j'aimerais voir ma femme, moi, partir dans l'espace. Vous voyez ce que je veux dire ?
02:28 Oui, mais alors c'est un projet où on s'y est préparé en famille.
02:31 Et j'ai une famille incroyable qui me soutient.
02:34 Et ça a été une explosion de joie pour tout le monde aussi, et on est très très soudés.
02:38 Et puis j'allais dire, on a un côté très simple.
02:40 On a chacun des envies, des choses qu'on aime, et quand l'un est heureux, les autres sont heureux pour lui.
02:46 Et c'est vraiment aussi simple que ça.
02:48 Donc, il y a une vraie solidarité familiale.
02:49 Ah oui, oui. Et je pense que, pour moi, mais comme pour beaucoup d'astronautes de mes collègues
02:53 qui sont aussi dans l'aventure en famille, c'est très très souvent qu'on entend "la famille est soudée"
03:00 et on les remercie. D'ailleurs, j'en profite pour les remercier, parce que quand on fait des choses
03:05 qui sortent un petit peu de l'ordinaire, en général, il y a une famille qui soutient derrière.
03:09 Vous avez commencé votre entraînement en avril 2023 à Cologne, en Allemagne.
03:12 On imagine des tests physiques extrêmement difficiles.
03:15 On pense notamment à l'horrible centrifugeuse. Racontez-nous.
03:18 Oui, c'était une drôle d'expérience.
03:21 C'est vrai que c'était la première fois que j'expérimentais 6G en continu dans le sens du torse.
03:29 On prend 4 fois son poids dans une centrifugeuse, je crois.
03:32 La 6G, c'est 6 fois son poids.
03:34 6 fois son poids. Ça en arrive à un moment où il faut imaginer l'image où les traits sont tirés.
03:40 Quand on pèse son poids, le corps est scotché contre le siège.
03:45 C'est vraiment une expérience assez originale.
03:49 Finalement, pour la plupart des gens, on pourrait lier ça à un immense roller-coaster.
03:54 On peut prendre aussi ça comme un petit peu amusant.
03:58 Une montagne russe puissance 10.
04:01 Vous avez rencontré le reste de l'équipe avec qui vous pourriez partir ?
04:04 Vous vous entendez bien avec eux ? Il y a toutes les nationalités.
04:07 Aujourd'hui, je m'entraîne avec les astronautes européens.
04:10 Les 5 astronautes de carrière de ma promotion 2022.
04:16 Mais quand je partirai dans l'espace, on partira avec une équipe internationale.
04:20 C'est vrai que j'ai eu l'occasion de rencontrer quelques astronautes américains, japonais, etc.
04:26 Mais je ne sais pas encore quel sera mon équipage, puisque je ne sais pas encore quand je décollerai.
04:30 Il y a la guerre en Ukraine. Est-ce qu'elle peut remettre en cause les équipes,
04:33 notamment avec les astronautes russes, dans la Station Spatiale Internationale ?
04:37 Peut-il y avoir des tensions, des frictions ? Ça me paraît inimaginable.
04:40 Cette question est posée ?
04:43 À nos niveaux d'astronautes, on est tous là comme scientifiques, techniciens.
04:48 Et franchement, ça se passe bien entre nous.
04:50 Et on a tout intérêt à ça, puisque la moitié de l'équipage à bord de la Station Spatiale Internationale est russe.
04:57 La moitié de la station est russe.
05:00 Donc, à notre niveau, on travaille ensemble sur les procédures.
05:04 On est ensemble pendant six mois.
05:07 Il ne peut pas y avoir de guerre là-haut ?
05:10 Exactement. L'aventure spatiale humaine, c'est un très très beau symbole de la coopération.
05:16 Et c'est arrivé dans l'histoire aussi. Il y a eu des exemples dans l'histoire.
05:20 En pleine guerre froide, il y a eu une poignée de main entre un astronaute russe et un astronaute américain dans l'espace.
05:24 C'est très très symbolique. Et je pense que les astronautes, on est très attachés à cette coopération pacifique.
05:30 C'est un domaine, le spatial, qui va dépasser les conflits sur Terre pour s'unir dans l'espace.
05:37 On est ailleurs, d'une certaine façon.
05:39 En quelque sorte.
05:40 Quand est prévue votre première mission ? À quoi va-t-elle ressembler ? Vous êtes prête ?
05:45 Alors, je me prépare tous les jours.
05:48 La première mission, je ne sais pas encore exactement quand elle aura lieu.
05:52 Pour l'instant, on aura le macaronage d'astronautes, c'est-à-dire la remise de brevets qui sera le 30 avril.
06:00 Au mois de mai, il y aura une annonce qui sera faite pour dire quels sont les deux premiers de la promotion qui partiront.
06:08 Il y aura une possibilité en printemps 2026.
06:13 Ensuite, on a chacun un créneau de 6 mois avant 2030, qui est la date de désorbitation de l'ISS a priori.
06:23 Une toute dernière question. Vous arrivez-t-il d'avoir, je ne dirais pas peur, parce qu'on sent votre équilibre,
06:28 mais une forme d'inquiétude ou de fébrilité qui serait parfaitement légitime à l'idée d'être si loin de notre Terre,
06:33 confronter un inconnu à l'imprévu ?
06:36 Alors, effectivement, l'espace reste un milieu complexe, hostile, où il y aura beaucoup d'imprévus à gérer.
06:42 Et c'est ça qu'on apprend dans la formation d'astronaute, c'est de gérer l'imprévu en équipage,
06:46 avec le soutien des équipes sol, le soutien incroyable des équipes sol.
06:50 On apprend toutes les procédures, les procédures normales, certes, quand tout se passe bien,
06:53 mais aussi les procédures d'urgence.
06:55 Que faire en cas de feu à bord ? Comment ? Que faire en cas de manœuvre d'évitement de la station,
07:00 s'il y a un débris ou une micrométéorie qui menace d'arriver ?
07:05 Que faire si un système tombe en panne ? Comment faire pour le réparer, etc. ?
07:09 Donc ça, ça va faire partie des entraînements qui vont suivre.
07:12 Pour l'instant, moi, j'en suis vraiment qu'au tout début.
07:14 Ça fait huit mois que j'ai commencé. C'est passionnant.
07:17 Et ce que j'aime... Bon, déjà, j'aime apprendre de manière générale.
07:20 C'est un peu l'histoire de ma vie, finalement, apprendre des nouvelles compétences, des nouvelles choses.
07:24 Mais aujourd'hui, ce qu'on nous apprend, c'est aussi à gérer les situations d'inconfort.
07:32 Et je pense que la qualité des astronautes, c'est d'apprendre à gérer ces situations d'inconfort en équipe,
07:38 pour pouvoir dépasser une situation qui n'est pas nominale et puis arriver à faire la mission malgré tout.
07:44 Une forme d'équilibre. Merci beaucoup, Sophia Adnaud, d'avoir pris la parole ce matin.
07:48 Merci.
07:49 [SILENCE]

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