Stella a été victime de transphobie lorsqu’elle travaillait dans un grand magasin. Elle nous raconte les conditions dans lesquelles elle devait travailler mais aussi le comportement déplacé de ses managers, de ses collègues mais aussi des client.e.s !
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00:00 Un jour, j'avais une perruque, on m'a arraché ma perruque dans le magasin,
00:02 et la personne, c'était une maman de je sais pas, 50 ans,
00:05 qui m'a tiré la perruque et qui m'a dit « Ah ! »
00:08 Je voulais voir si vous étiez un homme ou une femme.
00:10 Bonjour à tous, je m'appelle Stella, j'ai 21 ans,
00:12 et je vais vous raconter une anecdote sur la transphobie au travail que j'ai vécue.
00:17 Ça s'est passé il y a deux ans, en 2021,
00:20 j'ai postulé pour un grand magasin,
00:22 puisque je voulais travailler pour financer mes opérations principalement,
00:27 donc j'ai pu décrocher un CDI au sein de cette entreprise.
00:31 Le premier entretien que j'ai eu dans leur loco,
00:34 je me suis sentie pas très à l'aise avec la recruteuse.
00:38 Je ne comprends pas le fait que sur mon contrat, on m'appelle monsieur,
00:42 et qu'on me dise dès le début que je vais être dans le vestiaire des hommes,
00:46 et que je vais pas avoir ma place dans le vestiaire des femmes,
00:49 parce que malheureusement, mon genre n'est pas changé sur ma carte d'identité.
00:53 J'ai quand même pris le job parce que j'en avais vraiment besoin.
00:55 J'ai direct commencé à travailler le lendemain,
00:57 donc j'arrive dans les vestiaires des hommes,
01:00 en déposant mes affaires, donc j'étais très gênée et j'étais dévastée.
01:03 J'avais une manageuse à moi,
01:05 mais il y en avait trois qui dirigeaient l'étage auquel je travaillais,
01:08 dans le grand magasin,
01:09 sauf qu'aucune d'elles ne respectait vraiment mes pronoms et se trompait.
01:14 Ça les faisait rire et elles me prenaient pas vraiment au sérieux.
01:17 Malheureusement, encore une fois, ils ont eu accès à mon deadname,
01:21 donc des fois, ils se trompaient,
01:23 alors que sur ma carte d'identité, il vient marquer Stella,
01:25 et dans tous les cas, je m'appelle Stella.
01:27 Donc, j'étais choquée, mais j'ai continué à travailler.
01:31 Les jours passent, etc.
01:32 Au niveau de mes supérieures, ça passe pas.
01:34 Elles sont pas du tout agréables.
01:35 Elles font aucun effort et pour eux, c'est comme un petit jeu,
01:38 comme si j'étais un personnage qu'ils faisaient rire et que je m'habillais en fille.
01:41 Enfin, je sais pas, je n'étais pas prise au sérieux.
01:43 Une semaine passée, j'en pouvais plus,
01:46 parce que je devais me changer chez les hommes.
01:49 Et même les hommes me regardaient et me disaient "Mais qu'est-ce que tu fais là ?" etc.
01:52 Je les regardais en mode "Bah oui, je ne dois pas être là, vous avez raison,
01:56 mais je n'ai pas le choix."
01:58 Donc après, j'en parle à ma manageuse en lui disant
02:01 "Bah écoutez, je suis un peu gênée d'être chez les garçons,
02:05 c'est pas là où je dois être,
02:07 et en plus, je me prends des remarques chez les garçons, etc."
02:09 Et elle me dit "Bah écoute, moi, ça me gêne pas,
02:12 mais j'ai pas envie que ça les gêne, etc.,
02:14 qu'il y ait une personne transgenre dans les vestiaires, etc.
02:17 Je sais qu'il y en a quelques-unes qui seront pas à l'aise avec ça."
02:19 Et j'étais en mode "Bah oui, mais j'aurais changé mon sexe sur ma carte d'identité,
02:23 j'aurais été chez les femmes."
02:24 Elle m'aurait dit "Bah oui, je fais d'accord,
02:26 donc vous êtes juste complètement transphobes."
02:28 Et puis en plus d'avoir les managers qui étaient transphobes,
02:31 en plus d'avoir les hommes et les femmes des vestiaires
02:34 qui voulaient ni de moi chez les hommes, ni de moi chez les femmes,
02:37 aux toilettes c'était pareil.
02:38 Les clients s'y sont mis aussi.
02:40 Un jour, j'avais une perruque, on m'a arraché ma perruque dans le magasin,
02:43 et la personne, c'était une maman de je sais pas, à 50 ans,
02:46 qui m'a tiré la perruque et qui m'a dit
02:48 "Ah, je voulais voir si vous étiez un homme ou une femme."
02:50 Et j'étais juste choquée et j'étais juste...
02:53 Perruque à la main, j'étais en mode...
02:55 "Bah c'est super."
02:57 Donc mon quotidien était rythmé d'aller tous les matins
02:59 aux vestiaires des hommes, devoir me changer,
03:01 devoir me mettre sans nu,
03:02 travailler avec des gens qui me jouent au masculin,
03:04 me faire insulter par des clients,
03:06 me faire prendre en photo,
03:07 me faire tirer les cheveux pour savoir si j'ai une perruque ou pas.
03:10 D'un coup, je partais aux toilettes et j'étais juste en train de pleurer
03:14 parce que je ne méritais pas ça et c'était extrêmement violent.
03:17 Et ça n'a pas duré très longtemps
03:19 parce que j'ai été virée au bout de 22 jours exactement.
03:21 Mes collègues ont fait une pétition pour que je sois dans les vestiaires des femmes,
03:25 sauf que ça a commencé à faire beaucoup de bruit, etc.
03:27 Les manageuses étaient en mode "Oui, Stella, tu le comprends,
03:30 il ne faut pas trop que ça fasse de bruit, etc.
03:32 C'est comme ça, tu ne seras pas chez les femmes."
03:34 Point.
03:35 Quatre, cinq jours avant que je parte,
03:37 même le directeur du grand magasin
03:39 et plein de gens au-dessus, des manageuses, etc.
03:42 venaient me regarder, venaient me mépier,
03:44 venaient voir ce que je faisais, comment je travaillais, etc.
03:47 Il y a un moment, j'ai dit que j'en avais marre
03:49 et qu'il fallait que ça s'arrête.
03:50 Au fur et à mesure des derniers jours où j'étais là,
03:54 plus personne ne me parlait,
03:55 tout le monde me regardait super mal, etc.
03:57 Et à un moment, ma manageuse qui m'a embauchée
04:00 vient me voir à la fin de la journée et me dit
04:02 "Écoute, Stella, on va mettre fin à ton contrat
04:04 parce qu'en fait, tu as un retard de deux minutes
04:07 et un autre de quatre.
04:08 Tu peux faire une aide de recommandation
04:09 parce que oui, tu as bien bossé,
04:10 mais en tout cas, dans les retards, chez nous, ce n'est pas possible.
04:13 Nous, on est très ouvert, etc.
04:15 On peut s'habiller comme on veut,
04:16 on supporte la Pride,
04:18 on supporte le mois des Fiertés, etc."
04:20 Je ne me suis jamais sentie aussi mal de ma vie au travail.
04:24 J'ai remis toute ma vie en question.
04:26 Je n'ai pas fait de procédure
04:27 parce que je n'avais pas la force de le faire
04:29 puisque j'étais en début de transition,
04:30 j'avais vraiment besoin de travail.
04:31 Ça m'avait surtout découragée
04:33 puisque je me suis dit
04:33 "Si ça va être comme ça toute ma vie,
04:35 je préfère juste me tuer et ça ira plus vite."
04:37 Et j'étais juste complètement choquée
04:39 et détruite par cette expérience.
04:41 Il faut fermer sa gueule et on ne peut juste rien dire.
04:43 Je n'ai pas entamé de procédure judiciaire
04:45 parce que j'avais autre chose à faire
04:47 et parce que si je devrais faire des procédures judiciaires
04:49 avec toute la transphobie que j'ai eue au travail,
04:51 on ne s'en sortirait pas.
04:52 Ça a été comme ça depuis très longtemps.
04:54 Maintenant, aujourd'hui, j'ai de la chance,
04:56 j'ai un travail incroyable
04:58 dans lequel je peux m'épanouir,
04:59 mais c'est vrai qu'on ne peut pas continuer comme ça.
05:02 Et puis, il y a beaucoup de personnes trans
05:04 qui juste abandonnent,
05:06 qui se tuent, qui n'ont pas la force de continuer à travailler,
05:09 qui se cachent, qui n'arrivent plus à sortir de chez elles,
05:10 qui n'arrivent pas à s'assumer.
05:12 J'ai réussi à faire ce travail sur moi-même,
05:14 de me dire, dans tous les cas, je le ferai toute ma vie,
05:16 mais j'ai pu quand même trouver après un travail
05:19 juste basé sur mes compétences
05:21 et pas basé sur mon genre ni ma sexualité, etc.
05:24 Mais dans tous les cas,
05:25 il faudrait que tous les métiers soient décompliqués sur ça.
05:27 C'est juste normal
05:29 et il ne devrait pas y avoir de discrimination
05:31 juste parce qu'on est une personne transgenre.
05:33 On ne mérite pas ça
05:34 et il faut se battre pour garder nos droits
05:36 et il faut se battre pour se faire entendre.
05:37 Donc, c'est très important.
05:38 Donc, il y a de l'espoir,
05:39 Mais il faut se battre avant beaucoup.