Fin des imams détachés : une prise de conscience pour lutter contre les influences étrangères ?

  • il y a 8 mois
Débat avec Djemila Benhabib, militante et écrivaine, Auteure de “Islamophobie mon oeil” (Editions Kennes) et Guylain Chevrier, membre de la direction du Comité Laïcité République et ancien membre de la mission laïcité du Haut Conseil a l'intégration

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##LES_GRANDS_DEBATS_DU_MATIN-2024-01-03##

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Transcript
00:00 Le Grand Matin Sud Radio, 7h-10h, Benjamin Gleize, Laurence Perrault.
00:05 Et jusqu'à 10h, voici le grand débat avec ce sujet, Benjamin, la fin des imams détachés, est-elle une bonne idée ?
00:11 Vous en parlez avec vos invités, Djemila Benhabib qui est militante et écrivaine,
00:16 auteur entre autres de "Islamophobie, mon oeil" aux éditions Ken,
00:19 mais également avec Guylain Chevrier qui est membre de la direction du comité Laïcité République
00:24 et ancien membre de la mission Laïcité du Haut Conseil à l'intégration.
00:27 Bonjour à vous deux, merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio pour parler de ce sujet passionnant,
00:33 mais qu'il faut décortiquer beaucoup de choses à dire sur ce sujet-là.
00:37 Déjà, première question, c'est important Djemila Benhabib, c'est de savoir ce qu'est exactement un imam détaché.
00:44 C'est important de le préciser, d'expliquer ce que c'est, d'où viennent-ils, combien sont-ils en France,
00:48 et quand on parle d'imam détaché, de quoi on parle tout simplement ?
00:52 On parle en fait d'imams qui sont rattachés à trois États essentiellement,
00:55 qui sont le Maroc, l'Algérie et la Turquie, et en fait on les dénombre,
01:01 on en compte 300 à peu près sur le territoire français,
01:05 donc historiquement, dans les années 50-60, la France avait réellement un besoin en matière d'imam,
01:13 et donc elle s'est tournée vers les pays qu'elle connaissait, qu'elle connaissait un peu, ou même bien,
01:20 et donc elle les a invités à organiser, disons de façon plutôt formelle, la prédication en France.
01:33 Dans les mosquées françaises.
01:35 Guylain Chevrier, ça veut dire qu'en gros, ces imams détachés, ils arrivent de l'étranger,
01:40 ils sont financés par ces trois États, notamment, c'est ça ?
01:43 Ils sont payés par ces trois États, évidemment.
01:45 Guylain Chevrier, oui.
01:47 Oui, effectivement, alors c'est toute la question, puisque avec la décision à partir du 1er janvier
01:53 de ne plus accepter l'arrivée sur notre territoire d'imams détachés,
01:58 c'est la volonté effectivement qu'on aille vers des imams français
02:03 qui parlent donc effectivement dans l'esprit républicain, s'adressent à d'autres français.
02:11 Et donc effectivement, là on est sur quelque chose de tout à fait important,
02:15 même si on doit y mettre un certain nombre de précautions.
02:18 Jamila Benhabib, vous vous parlez d'une part de la souveraineté qui est restituée
02:24 grâce à cette décision qui a été prise depuis le 1er janvier, c'est-à-dire ?
02:29 En fait, à chaque fois qu'un État fait appel à un autre État pour résoudre un problème,
02:35 parce que c'est ce qui est arrivé dans les années 50,
02:38 c'est une partie de la souveraineté qu'on partage avec un autre État,
02:44 pour lequel évidemment on doit faire confiance.
02:48 Il y a une certaine confiance à avoir et la confiance, en fait, elle se gagne.
02:54 Elle n'est plus là la confiance aujourd'hui ?
02:56 La confiance, elle s'est un peu érodée, parce que l'islam a évolué,
03:02 il y a eu des convulsions historiques, il y a eu des interférences,
03:08 évidemment, et l'islam a totalement changé.
03:10 Et la sociologie des musulmans en France, elle s'est totalement métamorphosée.
03:15 Donc il y a une véritable réflexion à avoir concernant l'organisation de l'islam en France.
03:20 Et je ne pense pas que cette mesure qui a été faite d'une façon assez isolée,
03:24 parce qu'on ne nous dit pas quelle est la vision globale que l'on partage
03:30 concernant la formation des imams, qui va remplacer ces imams,
03:35 comment ces imams... - Qui va financer et comment on va les remplacer.
03:38 - Exactement. Et donc c'est cet ensemble, en fait, aujourd'hui,
03:42 qu'il nous manque pour pouvoir mesurer la portée de cette action
03:46 qui est, à mon avis, somme toute très modeste.
03:50 - Vous partagez ce constat, Guylain Chevrier ?
03:53 - Oui, alors il y a un nouveau cadre qui doit être posé relativement aux associations
04:01 qui gèrent les lieux de culte musulmans, pour leur permettre d'embaucher
04:05 ces imams anciennement détachés, en quelque sorte,
04:10 avec un délai de trois ans, effectivement, pour les remplacer.
04:14 Donc on est sur une voie qui est celle d'une reprise en main, en quelque sorte,
04:19 effectivement, de ce côté. Je ne sais pas si on peut parler vraiment de souveraineté,
04:25 mais parce qu'on voit bien qu'on est face à un échec.
04:30 C'est que ce qui avait été mis en place avec le Conseil français du culte musulman
04:34 par exemple depuis 2003, n'a pas fonctionné dans la mesure où un certain nombre de sondages
04:40 nous renvoient qu'une large majorité de nos concitoyens de confession musulmane
04:44 n'adhèrent pas au pacte républicain ou très, très difficilement,
04:47 sur certains aspects, pas sur d'autres. Il y a des sondages très récents
04:51 qui en témoignent de manière assez éloquente.
04:53 Donc je crois que là, on voit bien le fossé qui s'est creusé.
04:57 Et il y a des choses, sans aucun doute, à rattraper.
05:00 - Est-ce qu'on vise, très clairement, il faut se poser aussi la question,
05:03 est-ce qu'on vise ici les frères musulmans, l'influence, l'entrisme qu'ils ont en France, Guylain Chevrier ?
05:09 - Alors oui, certainement. On a cette difficulté de l'islam politique.
05:16 Et d'ailleurs, c'est l'une de nos difficultés avec ces imams détachés
05:20 qui viennent de pays où la religion n'est pas séparée de l'État,
05:23 et donc avec un discours qui nécessairement ne colle pas à nos institutions républicaines
05:28 puisque l'État en France est séparé des cultes.
05:32 Et d'ailleurs, effectivement, on a par exemple la Grande Mosquée de Paris
05:37 qui a créé récemment une alliance des mosquées au niveau européen
05:42 avec des leaders musulmans européens,
05:45 et où étaient invités des leaders salafistes et des frères musulmans.
05:50 Donc on voit bien qu'on est loin d'avoir réglé véritablement la question.
05:55 - Djibila Benhabib, ce qui est intéressant et important de dire,
06:00 c'est que concernant ces imams détachés, l'idée c'est que là,
06:04 on n'en recrute plus de l'étranger, mais les imams détachés qui sont toujours en France, ils restent ?
06:09 - Oui, ils restent. En fait, moi je voudrais plutôt lever une ambiguïté
06:15 qui ferait croire que le danger viendrait d'ailleurs,
06:21 viendrait finalement de ces imams qui sont envoyés par des États.
06:25 Et donc finalement, il y aurait un fossé entre les imams locaux, disons,
06:29 et les imams étrangers qui viennent d'ailleurs.
06:31 Et donc les imams locaux sont davantage porteurs d'un discours, disons,
06:36 plus serein, plus modéré, en harmonie avec les valeurs de la République.
06:43 Et on l'a vu, ce n'est pas forcément le cas.
06:47 Et en plus de ça, il y a des prédicateurs comme ça qui deviennent de grands influenceurs
06:52 et qui sortent du lot. On l'a vu avec Tariq Ramadan,
06:55 à quel point c'était un homme d'une grande influence,
06:58 parce que non seulement il jouissait évidemment d'un réseau de mosquées
07:03 qui faisait donc sa promotion, la promotion de ses idées,
07:06 mais il a été aussi porté par une sphère médiatique, par une sphère académique.
07:11 Et donc on est face à un problème qui est complexe,
07:14 qui dépasse largement la simple prédication et qui dépasse aussi les mosquées.
07:19 - Avec l'enjeu, la question aussi du numérique, des réseaux sociaux, d'Internet,
07:24 c'est là aussi où on a cette influence-là ?
07:26 - Absolument. Et je pense que c'est ça le nœud véritablement du problème,
07:30 parce que depuis la guerre en Syrie,
07:36 on a compris à quel point on avait aussi affaire à une jeunesse,
07:41 à une partie de la jeunesse qui était vulnérable,
07:45 sans véritablement de culture, disons, tournée vers le pays d'origine.
07:51 Certains jeunes sont aussi issus de familles catholiques
07:54 qui ont été tentées par le djihad,
07:56 et donc on le voit à quel point ces influenceurs
07:59 qui peuvent prêcher dans n'importe quel pays du Moyen-Orient,
08:03 ont aussi une capacité d'influencer sur une jeunesse française.
08:08 - Et c'est là qu'on a une solution pour lutter contre ça ?
08:11 - Précisément, j'ai pu m'en rendre compte.
08:14 Il y a quelques années, lorsque j'ai rencontré des familles
08:17 dont les enfants ont été envolés en Syrie, dont certains sont morts,
08:21 ils me disaient qu'ils avaient perdu le contact à l'intérieur même de leur maison,
08:25 avec leurs propres enfants.
08:27 Et donc, vous voyez, on est véritablement face à un problème d'une grande complexité,
08:32 et je ne voudrais pas laisser croire que finalement,
08:35 ce geste qui a été posé par Darmanin, c'est la solution idéale.
08:40 Parce que c'est loin de l'être.
08:42 - Bilain Chevrier, ce geste de Gérald Darmanin n'est pas la panacée,
08:46 mais est-ce que, en plus de cette mesure, cette décision peut être contournée
08:51 par ces États, par l'Algérie, par le Maroc ou encore la Turquie ?
08:55 - Écoutez, déjà, effectivement, cette décision, si elle est bonne,
09:00 effectivement, il faut qu'elle s'inscrive dans une vision plus globale
09:05 au regard des difficultés que nous rencontrons dans l'intégration
09:09 de nos concitoyens de compréhension musulmane,
09:11 et particulièrement des plus jeunes, qui sont les plus résistants.
09:14 Et ça, c'est un vrai signe inquiétant, puisque la nouvelle génération
09:19 est encore plus éloignée dans les enquêtes d'opinion
09:22 de notre pacte républicain.
09:24 Alors effectivement, il faut se recentrer aussi sur des enjeux
09:29 qui sont liés au rapport entre le religieux et la société,
09:33 et la conception que l'islam peut en avoir.
09:35 Si on ne s'attaque pas à cette question, à savoir,
09:38 l'islam n'autorise aucune autonomie, pas simplement du politique,
09:43 mais du droit.
09:44 L'histoire de notre pays s'est construite sur, justement,
09:49 l'autonomisation du droit, c'est-à-dire du passage de la loi
09:53 dite par les dieux à un droit fait par les hommes.
09:56 C'est quelque chose qui n'a pas eu lieu dans les pays d'origine,
09:59 de référence, y compris de ces jeunes aujourd'hui
10:01 qui mythifient leur pays d'origine, qui le sacralisent,
10:04 et qui sont dans un rapport qui est plus, même, à l'umma,
10:08 c'est-à-dire à la nation au-dessus des nations,
10:10 et donc qui peuvent constituer, à un moment donné,
10:12 aussi une nation dans la nation, dans notre propre pays,
10:15 comme c'est le cas dans un certain nombre de pays.
10:17 C'est ce qui était, d'ailleurs, noté, une des inquiétudes
10:20 des gouvernants du Royaume-Uni, à un moment donné,
10:24 qui avait fait la lune de l'actualité.
10:26 Donc on a cet enjeu qui est très fort, qui est aussi un enjeu
10:29 de quel doit être l'islam de demain, et c'est un enjeu d'adjornamento,
10:34 c'est-à-dire de comment on discute du faux sur ce qu'est l'islam.
10:38 - On va y revenir, justement, on poursuit le débat,
10:41 sujet passionnant avec vous, Guylain Chevrier et Jamila Benhabib.
10:45 On y revient dans un instant, on rappelle peut-être, Laurence,
10:47 la question qu'on vous pose sur notre compte Twitter Sud Radio.
10:49 - Exactement. Depuis le 1er janvier 2024, plus aucun, ni même étranger,
10:52 ne peut être envoyé par son pays d'origine pour prêcher
10:55 dans les mosquées françaises. Selon vous, est-ce que c'est
10:58 un bon choix, et que cette mesure va permettre de lutter
11:02 contre l'influence des frères musulmans ?
11:04 Vous répondez actuellement non à 69% sur X.
11:09 - 9h45 sur Sud Radio, à tout de suite.
11:11 - Le Grand Matin Sud Radio, 7h-10h, Benjamin Gleize, Laurence Perrault.
11:17 - Et le grand débat jusqu'à 10h avec cette question,
11:20 la fin des inams détachés, est-elle une bonne idée ?
11:22 On vous rappelle que depuis le 1er janvier de cette année,
11:25 plus aucun, ni même étranger, ne pourra être envoyé
11:27 par son pays d'origine pour prêcher dans les mosquées françaises.
11:30 Vous en parlez, Benjamin, avec Jamila Benhabib,
11:33 qui est militante et écrivaine, auteur de "Islamophobie, mon oeil",
11:37 et également avec Guylain Chevrier, membre de la direction
11:40 du comité laïcité république, et ancien membre de la mission
11:43 "Laïcité du Haut Conseil à l'intégration".
11:45 - Jamila Benhabib, on en parlait juste avant la coupure,
11:49 il y a la question qui se pose, c'est sur la question des financements.
11:53 Si ces financements ne viennent plus du Maroc, de l'Algérie,
11:56 de la Turquie, d'où peuvent-ils venir ?
11:59 Puisque l'État ne peut pas intervenir ici en France.
12:01 - Oui, non seulement l'État ne peut pas intervenir,
12:03 mais en fait, il y a des imams qui sont payés.
12:06 C'est le cas de la plupart des imams qui sont payés
12:10 par les mosquées elles-mêmes, donc par des associations.
12:13 Ce sont des associations qui se constituent et qui payent les imams.
12:18 Encore là, il y a des locaux qui contribuent au financement,
12:22 il y a des fondations privées étrangères qui contribuent au financement,
12:26 il y a des États qui contribuent au financement.
12:28 Donc les sources de financement sont évidemment multiples.
12:32 Mais qui finance ?
12:34 - Mais si les financements des États ne sont plus là,
12:36 comment fait-on ? Ça va être compliqué justement pour ces mosquées.
12:39 Comment vont-elles pouvoir faire ?
12:41 - On peut lever un impôt, on peut imaginer toutes sortes de financements.
12:47 Il y a des fondations aussi privées qui sont extrêmement influentes,
12:51 très riches au Moyen-Orient et en Turquie.
12:58 Mais en fait, on va déplacer le problème.
13:02 Je crains que cette question du financement,
13:04 si elle n'est pas résolue en France,
13:06 et si on ne coupe pas aussi le financement étranger,
13:10 en fait, on ne fera que réinventer finalement un problème
13:15 qu'on a tenté de résoudre.
13:17 - Après, vous le disiez justement hors antenne,
13:20 c'est que la Belgique, par exemple, finance,
13:23 propose de financer le culte musulman,
13:26 mais que ça ne résout pas le problème.
13:28 - Oui, tout à fait. En fait, il y a plusieurs pays européens
13:30 qui financent les cultes.
13:32 Le modèle français est un modèle assez particulier.
13:36 C'est une laïcité plutôt d'indifférence vis-à-vis des religions.
13:39 Ce n'est pas le cas des autres pays européens
13:41 où il y a plutôt une neutralité de reconnaissance.
13:45 On reconnaît les cultes et par conséquent,
13:47 il y a certains États qui subsidient le culte.
13:49 En Belgique, en fait, on subsidie le culte musulman
13:53 et pourtant, les problèmes demeurent.
13:55 Les problèmes sont là parce que,
13:57 comme le disait Guylain tout à l'heure,
13:59 il y a une bataille véritablement politique,
14:01 idéologique, intellectuelle, culturelle à mener,
14:04 et celle-ci, elle doit se mener à l'intérieur du pays.
14:07 Alors, avec qui va-t-elle se mener ?
14:09 Sinon, avec les laïcs qui ont un héritage musulman,
14:14 mais pas seulement, qui partagent parfaitement
14:17 les valeurs de la République et qui sont en harmonie,
14:19 évidemment, avec le pacte républicain.
14:21 Guylain Chevrier, cette question du financement,
14:23 elle est centrale ?
14:25 Oui, d'ailleurs, la loi dite "contre le séparatisme",
14:29 confortant le respect des principes républicains d'août 2021,
14:33 a prévu des limites dans ce domaine
14:35 avec un contrôle des dons de plus de 10 000 euros
14:38 pour les associations gestionnaires de lieux de culte.
14:41 Cela étant, effectivement, la question du financement
14:45 n'est pas peut-être la véritable question centrale,
14:48 même si elle a bien sûr une importance très grande.
14:51 Mais c'est effectivement la vision que peuvent avoir
14:55 nos concitoyens et nos confessions musulmanes
14:57 de leur rapport à la religion et d'arriver à,
15:00 effectivement, faire que ces jeunes Français d'aujourd'hui
15:04 s'identifient à leur pays, parce que, rappelons que
15:07 nous sommes dans un pays où notre conception,
15:10 je dirais, du fait de faire société,
15:12 part de la volonté de vivre ensemble sur le fondement
15:15 d'un certain nombre de principes qui doivent être absolument partagés,
15:18 même si on n'en a pas une pleine conscience,
15:20 mais qui fondent notre liberté.
15:22 C'est un espace protégé par la loi, à l'intérieur duquel
15:24 on peut agir librement sur toute une série de sujets,
15:27 dont la liberté de conscience.
15:29 Et cette liberté de conscience, on doit s'interroger
15:31 de savoir pourquoi, elle télescope le sentiment religieux
15:35 de nos concitoyens et de confessions musulmanes,
15:37 très majoritairement dans les enquêtes d'opinion,
15:40 comme si la laïcité les agressait,
15:42 alors qu'en fait, c'est au contraire un espace de liberté.
15:46 Alors, il y a une réponse quand même,
15:48 c'est ce rapport, ce conflit de loyauté avec le pays d'origine
15:51 et les discours qu'on laisse se propager,
15:53 et peut-être le manque d'une certaine cohérence
15:56 du discours politique en la matière.
15:58 Et la question de savoir aussi comment on organise l'islam en France,
16:03 puisque c'est ce qu'on voit, on a beaucoup de mal,
16:06 justement, à l'organiser, c'est très compliqué, Gemma Benabib.
16:09 Oui, c'est très compliqué, parce que d'abord,
16:11 il n'y a pas véritablement de hiérarchie,
16:13 donc, chez les musulmans, en tout cas, pas chez les sunnites,
16:19 donc, il y a aussi l'influence des États qui est là,
16:25 qui est prépondérante.
16:27 Qui n'est pas la même selon les États.
16:28 Oui, qui n'est pas la même selon les États.
16:30 Par exemple, en Belgique, on retrouvera évidemment
16:34 les deux grandes diasporas, à savoir marocaine et turque,
16:37 en France, il y a plutôt la diaspora algérienne
16:42 qui est beaucoup plus importante, du point de vue, évidemment,
16:45 du poids historique, et dans d'autres pays,
16:48 c'est un peu différent.
16:51 J'aimerais revenir sur ce que disait Guillain
16:54 par rapport à la fracture générationnelle.
16:58 Parce que ça, c'est sans doute l'élément central, effectivement.
17:01 Oui, on ne la retrouve pas seulement chez les musulmans.
17:03 En fait, on la retrouve dans l'ensemble de la société.
17:06 Et ça, il faut avoir l'honnêteté de le dire.
17:09 En fait, le religieux est plus perméable chez les jeunes.
17:13 Et les jeunes ne comprennent pas l'importance,
17:16 la nécessité de la séparation des pouvoirs politiques
17:20 et des pouvoirs religieux, principe fondamental de la démocratie,
17:23 principe aussi fondamental de la souveraineté populaire.
17:26 Quand on parle de souveraineté populaire,
17:28 eh bien, ça veut dire qu'on doit réfléchir,
17:30 que le peuple doit réfléchir de par lui-même.
17:33 Or, chez les jeunes générations qui sont beaucoup plus influencées
17:37 par un modèle qui est anglo-saxon,
17:39 qui s'accomode du fait religieux,
17:42 eh bien, disons que la prudence n'est pas là.
17:47 En fait, on rétorquera, un jeune rétorquera,
17:50 "bon, qu'est-ce que ça va changer ? Qu'est-ce que ça t'enlève ?"
17:54 En fait, on entend ces réflexions qui sont très naïves.
17:59 Et donc, on a le fardeau de la démonstration.
18:02 Et d'essayer de défendre, en fait, un principe
18:09 qui reste un principe qui est extrêmement important.
18:13 On le voit aujourd'hui à travers le monde,
18:15 à quel point, lorsque les religions influent dans le politique,
18:19 eh bien, c'est un véritable désastre.
18:21 Et donc, on a un modèle à préserver, évidemment,
18:25 mais on a surtout un modèle à expliquer.
18:28 On a un modèle à incarner auprès de l'ensemble.
18:31 En fait, de la jeunesse.
18:33 Et la jeunesse, disons, qui se reconnaît dans l'islam,
18:36 n'échappe pas à toutes ces influences internationales.
18:39 - Guylain Chevrier, comment on le fait, ça, justement ?
18:42 - Alors, je crois que, et c'est ce que j'ai d'ailleurs proposé
18:46 dans une publication récente sur Atlantico,
18:50 je crois qu'on ne peut plus faire l'économie
18:52 d'un grand débat public national sur le sujet.
18:54 Il faut arrêter de jouer.
18:56 Il faut absolument poser les grandes questions
18:59 qui sont celles relatives à nos acquis,
19:03 que ce soit les acquis politiques,
19:06 du droit civil ou économique et social,
19:09 qui constituent un tout, qui forment une liberté globale.
19:12 D'ailleurs, la France est ce pays qui est allé le plus loin
19:15 dans la séparation du religieux et du politique,
19:19 en le formalisant par une loi.
19:21 Mais ce qui a eu toute une série de conséquences,
19:23 et qui est aussi venu d'une volonté, par exemple,
19:26 du mouvement révolutionnaire français et syndical,
19:29 d'en finir avec un État qui soit sous l'influence des cultes,
19:33 parce que le culte en France a aussi encadré
19:36 la vie de l'entreprise, particulièrement au XIXe siècle.
19:40 Donc, ça a été un progrès considérable pour la liberté aussi
19:43 des ouvriers, de la société, qui a donné lieu ensuite
19:47 à la conquête de grands acquis collectifs
19:50 en termes de protection sociale.
19:52 Donc, tout ça devrait être expliqué tout à fait autrement.
19:54 Et là, il y a un véritable problème.
19:56 Montrer les enjeux qui sont ceux de ces choix de société
20:00 qui se sont construits historiquement.
20:02 Je pense que sans ce grand débat, nous n'y arriverons pas.
20:05 D'autant qu'on a effectivement une parole,
20:07 parfois même présidentielle, qui avec l'an même temps,
20:10 ne nous permet plus de savoir toujours exactement
20:13 où nous en sommes au regard de ces enjeux-là.
20:15 En tout cas, je l'aurais compris,
20:17 la question de la fin de ces imams détachés
20:20 n'est pas l'entièreté de ce débat.
20:22 C'est que le début. Il faut aussi aller plus loin
20:25 sur cette question-là pour résoudre le problème.
20:27 Jemila Benhabib, un grand merci d'avoir été avec nous ce matin
20:30 sur Sud Radio, militante, écrivaine, auteure de "Islamophobie, mon œil"
20:34 que je montre pour ceux à l'écran qui nous suivent sur sudradio.fr,
20:37 sur Facebook de Sud Radio, aux éditions Ken.
20:41 Un grand merci aussi, Guylain Chevrier, docteur en histoire,
20:43 vice-président du Comité Laïcité République,
20:47 en tout cas, ancien membre de la mission Laïcité du Haut Conseil,
20:51 à l'intégration.
20:53 Merci à vous deux pour la qualité de ce débat.
20:56 C'était important d'aller plus loin sur cette question-là.
20:59 Un grand merci à vous, un grand merci aux auditeurs
21:01 qui ont été présents encore au standard de Sud Radio 0826 300 300.
21:05 Dans un instant, Laurence Perrault.
21:07 - Hop là, Valérie Exper, vous allez retrouver Valérie avec son invité,
21:11 plantu, puis c'est le grand retour de notre amie Dédé Bercoff,
21:14 qui a fini ses vacances.
21:16 Et quant à nous maintenant, puisqu'il est pratiquement 10h,
21:19 rendez-vous demain ! A demain ! Très bonne journée à tous ! C'est sûr c'est drôle !

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