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Les Vignobles Neipperg, une entreprise familiale qui a su remettre en question la vision de la viticulture à cette époque en revenant aux racines de l'art vinicole. Entre tradition et innovation, Les Vignobles Neipperg incarnent l'excellence et la passion du vin. Ludovic von Neipperg, directeur technique, revient sur le parcours exceptionnel de la société.

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Transcription
00:00 - Le grand entretien avec Ludovic von Neyperg, qui est directeur technique de Neyperg.
00:04 Neyperg, c'est un nom de famille, évidemment. - Exactement.
00:06 - Et qu'est-ce qu'il y a, ce nom de famille ? C'est une entreprise ? C'est une société ?
00:11 - Alors, on se voit comme un vignoble familial.
00:15 Et donc, notre origine, elle remonte à peu près au XIIIe siècle.
00:20 - Ah oui. - Ou un petit peu plus ancien.
00:22 - Ah oui. - Et donc, on a une famille qui est très très ancienne.
00:26 Mais ça, ça se perd un petit peu dans les brumes de l'histoire. Donc, on ne sait pas trop.
00:30 Mais depuis toujours, on a cultivé une colline qui s'appelle Neyperg, justement.
00:36 Et on a planté des vignes là-bas.
00:39 Et c'est mon grand-père, qui lui était vigneron,
00:43 qui, quelque part, est tombé amoureux de Saint-Emilion.
00:46 Donc, Saint-Emilion, ville médiévale, mais où on pratique la vigne déjà.
00:50 Enfin, on pratique la vigne déjà, mais on ne l'a pas fait.
00:53 Mais où on pratique la vigne déjà, enfin, on pratique la véticulture déjà, depuis le IVe siècle.
00:58 Et il est tombé amoureux de cet endroit.
01:01 Et donc, il a décidé, en 1971, d'acheter ses premières vignes en France.
01:07 C'est comme ça qu'il a acquis Canon-la-Gaffelière et La Mondehote,
01:11 qui, aujourd'hui, sont des premiers crus, mais qui, à l'époque, n'étaient pas très connus.
01:15 Et la première personne à réellement s'en occuper,
01:19 et qui soit en même temps de la famille, c'est mon père.
01:22 Puisque mes parents sont arrivés tous les deux en 1983,
01:26 pour se dédier entièrement à la gestion des vignes en France.
01:30 - Alors, c'était une région viticole prestigieuse.
01:34 Qu'est-ce que vous apportez de différent ?
01:37 - Je pense que ce qu'on apporte de différent,
01:41 c'est d'abord la recharge de la qualité à travers quelque chose de plus naturel.
01:49 C'est-à-dire que mon père, dès le début,
01:53 il avait compris que les vins qui avaient été produits avant l'ère industrielle,
01:58 c'était des vins qui étaient vraiment beaucoup plus radieux,
02:02 beaucoup plus bien meilleurs à la garde.
02:05 Et que les vins qui étaient produits après cette période-là,
02:08 c'était des vins qui avaient un côté un petit peu à queue, un petit peu dilué.
02:12 Enfin bref, la qualité n'était pas du tout au rendez-vous.
02:15 Et donc, il a eu l'intuition que c'était réellement cette agriculture industrielle
02:20 qui avait rendu ses vins un petit peu mauvais.
02:25 Et donc, dès le début, il a eu l'ambition de rechercher la qualité
02:29 à travers quelque chose de plus artisanal, quelque chose d'un peu plus naturel.
02:33 - Donc, il a fait de la culture biologique avant que ce soit,
02:38 non pas à la mode, mais plus qu'à la mode aujourd'hui.
02:41 - Tout à fait, exactement.
02:43 Il a eu cette intuition-là.
02:45 Et donc, plus tard, ça s'est traduit par une certification en agriculture biologique
02:49 pour, on va dire, nos crus les plus reconnus.
02:53 Mais ça ne reste qu'une certification.
02:56 Et d'ailleurs, elle était là depuis très longtemps.
02:59 Donc, c'est vraiment pas...
03:00 Enfin, pendant très longtemps, on ne l'a même pas marqué sur l'étiquette.
03:02 C'est vraiment une histoire de conviction.
03:04 - Comment faire perdurer à la fois la tradition familiale
03:07 et concilier ça avec l'évolution du temps ?
03:11 - C'est très compliqué. Là, c'est vraiment le cœur de notre métier.
03:14 C'est vraiment...
03:16 C'est l'observation de la sensibilité.
03:18 Et donc, on doit être capable de savoir analyser la plante, le sol,
03:22 de connaître l'état.
03:24 Est-ce qu'il y a un stress ? Est-ce qu'il y a un problème ?
03:26 Est-ce qu'au contraire, tout va bien ?
03:27 Est-ce qu'il faut ne rien faire ?
03:28 Aussi, très intéressant, très important.
03:30 Et il faut pouvoir s'en souvenir.
03:32 Parce que c'est une boîte à outils qu'on va pouvoir ressortir.
03:35 Et on a tous en tête les millésimes un petit peu que nous aimons bien
03:40 et les vins que nous voulons reproduire.
03:42 Et il faut que les personnes qui ont pris des décisions à ce moment-là,
03:47 que ce soit mon père ou les personnes avant nous
03:50 ou les personnes qui ont travaillé à la vigne,
03:52 qui ont été hauchées à ce moment-là,
03:54 qu'elles puissent nous dire "Mais qu'est-ce qu'on a fait à ce moment-là ?
03:56 Comment ça se fait que c'est si bon ?"
03:57 Il faut pouvoir s'en souvenir.
03:59 Et puis, il faut pouvoir le transmettre avec les autres.
04:03 Donc, il y a vraiment un côté humain.
04:05 C'est vraiment un travail d'équipe aussi.
04:07 - Comment observez-vous la terre, le sol ?
04:10 - Alors, la légende dit que les moines mangeaient de la terre.
04:15 Nous, on ne fait pas ça.
04:17 Mais il y a des indices. En fait, c'est assez simple.
04:20 Il y a beaucoup d'instincts.
04:22 Et on voit rapidement...
04:24 Quand on a vu un très beau sol, on ne peut plus voir un sol détruit.
04:27 Et on voit rapidement qu'un sol très sombre, assez souple,
04:32 où il n'y a pas de flaques, par exemple.
04:35 La présence de flaques, c'est vraiment un gros indicateur.
04:39 Et quand on prend la voiture ou on prend le train,
04:43 on voit des grands champs inondés.
04:45 Alors là, on peut se poser des questions sur la qualité des sols.
04:47 - Et donc, la vigne, vous l'observez tous les jours.
04:51 Vous observez les sols, vous observez les pieds de vigne.
04:57 L'œil humain a beaucoup d'importance par rapport à toute la technologie.
05:01 Et que vous apporte la technologie ?
05:03 - Alors, l'œil humain, effectivement, c'est la base.
05:07 Puisque, aujourd'hui, on n'a pas de capteur plus performant que l'œil humain.
05:11 Et puis, il y a une histoire de ressenti.
05:13 Ça va sonner un petit peu ésotérique,
05:16 mais il y a vraiment une communication entre les vignes et les humains.
05:21 Parce que c'est un sentiment, en fait.
05:23 Si je prends une photo d'une vigne stressée,
05:27 il y a quelques indices qui vont me dire que c'est une vigne stressée.
05:30 Mais je ne vais pas le savoir aussi bien que si j'avais été sur la parcelle
05:34 et si j'avais vraiment pu ressentir le stress, quelque part.
05:39 - On va voir les chiffres de votre société avec Virginie Masse,
05:42 et on se retrouve juste après.
05:44 - La famille de votre invité, Michel, fait du vin depuis à peu près 800 ans.
05:48 Profondément attachée à la terre, c'est la troisième génération en France
05:52 qui est actuellement à la tête de l'héritage familial.
05:55 L'entreprise collabore à ce jour avec 50 employés
05:59 et a 11 étiquettes différentes en rouge et en blanc.
06:02 Enfin, elle possède 6 propriétés indépendantes,
06:06 dont 2 premiers crus et 1 cru classé,
06:08 et a 140 hectares de vignes sur Saint-Emilion et les côtes de Castillon.
06:13 - Donc, le son de chiffres est très impressionnant.
06:16 Vous avez 11 étiquettes différentes.
06:18 - Tout à fait.
06:19 - 140 hectares de vignes sur Saint-Emilion, c'est colossal.
06:22 - Alors, on est plutôt à 140 au total,
06:26 puisqu'il y en a 90 qui sont en côte de Castillon.
06:29 Côte de Castillon, c'est une appellation pour laquelle on a un attachement très fort,
06:33 parce que c'est une appellation qui n'a pas encore la reconnaissance qu'elle mérite,
06:37 puisque les sols sont vraiment très qualitatifs.
06:40 Et il y a un terroir très semblable au plateau de Saint-Emilion, finalement.
06:44 Donc, potentiellement une qualité qui pourrait rivaliser,
06:48 mais à l'heure actuelle, il n'y a pas autant de moyens qui sont mis dans la production.
06:53 Et donc, notre ambition dans ce projet-là, ça a réellement été de reprendre les mêmes moyens
06:59 mis en oeuvre pour produire des premiers crus à Saint-Emilion,
07:03 et faire un côte de Castillon.
07:04 Et c'est vraiment l'ambition du Château d'Aiguille.
07:06 - Aujourd'hui, oui.
07:07 - Aujourd'hui.
07:08 - Qui sont vos clients ?
07:09 Il y en a toutes sortes, tu imagines.
07:11 - Oui.
07:12 - Mais tu es arrivé d'en faire partie ?
07:13 - On est très honoré de faire partie de votre cave.
07:17 Mais de manière générale, nos clients,
07:21 alors évidemment, on ne les connaît pas tous,
07:23 mais ce sont des personnes qui sont attachées à des valeurs familiales.
07:26 Ce sont des personnes qui aiment bien les choses stables,
07:30 les choses...
07:32 Enfin, la famille, quelque part, ça donne un côté un petit peu rassurant.
07:38 Et ce côté familial, je pense que c'est aussi un gage de qualité,
07:43 puisque dans le monde des grands vins,
07:47 on ne peut pas faire de compromis, on ne peut pas faire de raccourcis,
07:50 parce que ça va se voir à long terme.
07:52 Évidemment, nous, on travaille sur le long terme.
07:54 On n'a pas intérêt à tricher.
07:56 - Qu'est-ce qui vous différencie des autres viticulteurs ?
08:00 - Je pense que ce qui nous différencie des autres viticulteurs,
08:04 c'est cette approche un petit peu déraisonnable parfois
08:10 vers le respect des sols.
08:13 Réellement, on travaille pour avoir des sols les plus sains possibles,
08:18 pour avoir des vignes les plus vieilles possibles,
08:20 et pour pouvoir faire perdurer les vieilles parcelles.
08:23 - Combien de temps vit une vigne, un pied de vigne ?
08:26 - Alors, normalement, on devrait pouvoir la garder peut-être 100 ans,
08:30 mais à l'heure actuelle, avec les problèmes de compaction des sols,
08:35 c'est plus compliqué.
08:37 Et on voit souvent dans les vignes commerciales des arrachages après 30 ans.
08:41 Mais chez nous, la plus vieille parcelle, elle date des années 30, par exemple.
08:45 Donc on n'est pas loin du but, et on essaye de les faire perdurer.
08:48 Et donc c'est beaucoup d'entretiens,
08:50 de faire en sorte que ces vignes ne subissent pas trop de stress
08:53 pour qu'elles puissent rester productives longtemps.
08:55 - Est-ce que le réchauffement climatique est un problème ?
08:58 - Le réchauffement climatique est un problème,
09:00 mais il y a heureusement beaucoup de solutions.
09:02 C'est-à-dire que nous avons encore une boîte à outils,
09:06 nous avons beaucoup de leviers qui nous permettront de nous adapter.
09:11 Il ne faut pas oublier qu'à Bordeaux, on produit des vins sans irrigation,
09:17 ce qui n'est pas le cas dans la majorité des régions viticoles du monde.
09:21 Et donc le fait, déjà, de pouvoir produire autant de vins sans irrigation,
09:26 c'est déjà une victoire.
09:28 Ensuite, il y a quelques aspects organoleptiques du vin,
09:32 c'est-à-dire la montée des alcools,
09:34 c'est-à-dire le manque d'acidité parfois.
09:38 Et pour ces problèmes-là, on a déjà des manières de les résoudre,
09:42 notamment en plantant des cépages locaux, mais qui sont un peu plus tardifs,
09:48 ou alors, justement, en travaillant sur la couverture totale des sols,
09:51 c'est-à-dire des vignes enherbées complètement,
09:53 qui permettent un effet tampon.
09:55 - Quels sont vos objectifs à court et moyen terme ?
09:58 - À court et moyen terme...
10:01 Alors à court terme, déjà, c'est de bien réussir à faire notre millésime 2023,
10:07 qui est encore tout petit et qui entame son voyage dans les barriques.
10:10 Donc on espère qu'il en ressortira exceptionnel.
10:13 - Il est prometteur ? - Il est très prometteur.
10:16 Il est très frais parce que les acidités sont assez bonnes,
10:21 donc on va avoir un bon équilibre.
10:23 Les alcools ne sont pas trop hauts, donc pour ça, on est assez content.
10:27 Et les tannins sont assez doux, donc on cumule quand même pas mal de bons points.
10:31 Ensuite, l'avenir dira réellement ce qu'il en est.
10:34 Et sur le long terme, enfin, court long terme...
10:38 - On court moyen, en fait. - Voilà, moyen long terme,
10:41 effectivement, chez nous, la problématique la plus urgente,
10:47 c'est d'essayer de garder nos vieilles vignes en vie coûte que coûte.
10:53 - Merci beaucoup. - Merci à vous.
10:56 (sonnerie)
10:58 [SILENCE]

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