Mort de Lucas à l'hôpital de Hyères

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00:00 Il avait 25 ans et toute sa vie devant lui, Lucas est mort aux urgences de hier, le 1er octobre dernier, d'un choc sceptique.
00:08 Et aujourd'hui la question est de savoir s'il a été victime du manque de moyens, de la désorganisation du système de santé, d'une erreur.
00:15 Vous êtes donc sa maman Corinne Godefroy, vous avez porté plainte contre l'hôpital pour homicide involontaire.
00:20 Vous êtes persuadée que votre fils aurait pu être sauvé ?
00:22 Oui, oui je le pense tout à fait.
00:25 Pourquoi ?
00:26 En fait, dans le cas d'un choc sceptique, la prise en charge est très importante.
00:31 En fait, ce qui est important c'est le temps.
00:33 C'est-à-dire que si ces choses-là sont prises dès le départ, il y a une chance de sauver la personne.
00:39 Si les choses sont prises trop tard, il n'y a plus de chance de sauver la personne.
00:42 Ce qui semble être le cas, cette histoire est incompréhensible.
00:45 Elle commence dans l'après-midi du 30 septembre, quand Lucas est pris de douleurs au ventre, de vomissements, sa compagne appelle le 15.
00:52 Est-ce que très vite ça paraît grave ?
00:54 Oui, alors en fait ça paraît grave très vite.
00:57 Ils avaient d'abord appelé SOS Médecins, en fait.
00:59 Et l'état de Lucas se dégradait.
01:03 Donc ses lèvres sont devenues bleues, il avait du mal à respirer.
01:06 Du coup, ils ont appelé le 15, en plus de SOS Médecins.
01:09 Le médecin d'SOS Médecins a pris la mesure du danger,
01:16 du fait qu'il fallait y aller rapidement puisqu'il a préféré ne pas attendre la venue de SOS Médecins,
01:21 et envoyer Lucas directement aux urgences de hier pour aller plus vite.
01:25 Et quand il arrive aux urgences, est-ce qu'il est pris en charge ?
01:28 Non, effectivement non. Il est classé "high", comme on l'appelle, c'est-à-dire que léger, cas pas grave.
01:36 Il est mis de côté, il est jeune, il a mal au ventre, et il s'en est resté là, ils le mettent sur un brancard, dans un couloir.
01:43 Ce qui est terrible, c'est que Lucas va vous raconter en temps réel ce qui se passe, parce que vous échangez par message, c'est ça ?
01:50 Voilà, tout à fait.
01:51 Vous êtes à l'extérieur, vous n'avez pas le droit de rentrer, vous ?
01:53 Non, on n'a jamais pu rentrer, on ne l'a pas vu vivant, ils nous ont jamais laissé le voir, on n'a pas pu l'accompagner.
01:59 Qu'est-ce qu'il vous dit dans ces messages ?
02:01 Qu'il souffre énormément, qu'il se plaint à tout le monde qu'il n'arrive pas à respirer, mais que personne ne s'occupe de lui,
02:06 qu'il ne sait plus quoi faire, c'est dramatique, les messages sont de plus en plus dramatiques, et il ne se passe rien en fait.
02:15 Il ne se passe rien, mais à côté de lui, il y a des gens.
02:17 Il y a un jeune homme notamment, qui lui aussi est aux urgences, hospitalisé, et qui voit tout, qui entend tout.
02:23 Qui voit tout, qui entend tout, qui en témoignera à nous, on ignorait son existence en fait, à ce moment-là.
02:30 En sortant des urgences, il va faire six lettres commandées à l'ARS, au ministère de la Santé, au procureur, au directeur de l'hôpital, au chef de service des urgences,
02:41 pour dénoncer la situation, il appelle ce courrier en objet "Oeil sur la mort d'un patient".
02:48 Et alors à un moment donné, il y a un médecin qui finalement s'occupe de Lucas, en tout cas qui s'approche de lui.
02:53 Oui, alors il y a un premier médecin, on va dire, effectivement pas qui s'occupe de Lucas du tout, mais qui s'approche de Lucas, qui le prend en charge, mais en fait non, à 20h.
03:02 Nous c'est au moment où on est en train de prendre la décision de le sortir de là, lui-même veut partir,
03:07 et puis finalement un médecin le prend en charge, donc on se dit "ça y est, il a vu un médecin, donc qu'est-ce que t'as dit le médecin, qu'est-ce qu'il en a pensé, qu'est-ce qu'il a décidé de faire ? Il a rien en fait."
03:17 Ce qu'il faut dire, c'est qu'il va faire une réflexion votre fils, il va lui dire "vous avez mangé quelque chose de pas frais, c'est ça déjà ?"
03:24 Oui, en fait, tous les gens qui ont mal au ventre pensent que c'est quelque chose qu'ils ont mangé la dernière fois, et c'est le cas de Lucas,
03:30 il se dit "c'est ce que j'ai dû manger peut-être le midi du vendredi, qui a fait que j'ai commencé à être malade vendredi soir",
03:36 et c'est ce qu'il pense, et donc le médecin lui dit "vous avez mangé du poulet à la crème, la crème fraîche ne devait pas être fraîche."
03:43 Il fait aussi une autre allusion parce que votre fils portait des dreadlocks, qu'est-ce qu'il lui dit, qu'est-ce qu'il semble lui faire comprendre ?
03:49 Il lui demande "est-ce qu'il a fumé de l'herbe ?"
03:51 Sous-entendu donc, c'est un peu de sa faute ?
03:54 Oui, ou alors je veux dire qu'il n'y a aucun rapport en fait, quelle est cette question, mis à part que ça doit être un délit de faciès,
04:03 excusez-moi, mais pour poser cette question, est-ce qu'on l'aurait posée à moi par exemple, je pense pas.
04:07 Vous pensez qu'on a sous-estimé sa douleur ?
04:11 Ah oui, complètement, mais de façon hallucinante, puisque au niveau du dossier médical, à un moment donné, ils évaluent sa douleur à 1.
04:20 Or, moi j'étais en contact avec des médecins qui m'ont dit "mais quand on souffre d'un genre de péritonite, d'une infection au ventre,
04:26 avec 20 000 blancs, mais la douleur elle est insurmontable."
04:31 Qu'était le cas ? Lucas va finalement mourir dans la nuit d'un choc sceptique.
04:35 Et ce sont d'autres médecins qui vous alertent sur ce qui s'est passé, c'est ça qui est très rare, ils vous envoient le dossier, anonymement.
04:41 Alors oui, on a été alertés de différentes façons en fait.
04:45 La première fois, on a vu le médecin du SMUR qui avait fait le dernier massage cardiaque à Lucas,
04:50 qui nous a dit "vous devriez demander le dossier médical".
04:53 Ensuite, on a vu, en allant aux urgences à notre médecin, qui nous a dit "vous devriez porter plainte et médiatiser l'affaire".
04:59 Ensuite, on va chez Lucas, et là dans la boîte aux lettres, il y a une enveloppe venant de l'hôpital de hier,
05:04 et derrière avec le cachet des urgences, avec des résultats originaux de gaz du son,
05:09 le CD-ROM, du scanner, un compte-rendu médical de sa prise en charge, anonymement, comme ça dans l'enveloppe.
05:16 Donc on s'est dit, nous on pensait déjà que quelque chose ne s'était pas bien passé, c'est sûr,
05:22 mais ça nous a incité à se dire "on n'est pas les seuls à le penser en fait".
05:26 - Et donc vous avez toutes les preuves qu'il y a eu manifestement un dysfonctionnement,
05:29 au moins un dysfonctionnement, certainement des erreurs.
05:32 Vous pensez qu'un tel drame ça peut se reproduire, c'est peut-être pour ça que vous êtes là ce matin ?
05:35 - Exactement, en vérité. C'est-à-dire qu'on nous a fait comprendre qu'il y avait surtention dans l'hôpital,
05:41 que c'était samedi, pas de chance, qu'ils étaient débordés, qu'ils étaient saturés.
05:46 Donc on se dit "du coup, vaut mieux pas aller à l'hôpital le samedi",
05:49 ou alors s'ils sont tout le temps saturés, bien sûr que la vie des autres personnes est en jeu,
05:54 et je pense que ce système doit changer, c'est certain.
05:56 - C'est ça la réalité des hôpitaux aujourd'hui alors ?
05:59 - Eh bien en tout cas, nous on l'a vécu aux urgences d'hier,
06:02 j'ose espérer que ce n'est pas partout en France comme ça,
06:05 parce que sinon on risque sa vie partout aux urgences en fait en France.
06:09 - Vous allez vous battre Corinne Gauthrois ?
06:10 - Ah oui, oui, ça oui, c'est déjà en cours, oui absolument.
06:13 - Merci infiniment d'avoir eu le courage de venir nous en parler,
06:17 et tenez-nous au courant de cette histoire évidemment.
06:19 - Merci pour Lucas.
06:20 - Vous êtes la maman de Lucas.
06:21 - Merci pour votre témoignage, et effectivement ça donne quelques frissons,
06:23 et ce témoignage est à partager dès maintenant sur votre application ici,
06:27 par France Bleu et France 3.

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