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"Tout ce que j'ai fait dans ma vie, même les conneries, j'ai essayé de les faire le mieux possible." Après une vie d'aventures, de la prison à la prostitution, Muriel a décidé d'ouvrir son bouchon lyonnais. Pour neo, elle revient sur son parcours atypique. ‍

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Transcript
00:00 Je crois que dans la vie, on paye ce qu'on a fait la vie d'avant.
00:02 Je dois être un sacré crapule.
00:03 Parce que la vision, elle a été salée.
00:05 Allez, un petit dijou pour terminer le repas.
00:08 Je ne peux même pas dire aux gens, j'ai volé, on m'a forcé.
00:10 Ou je me suis prostituée, on m'a forcé.
00:12 Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait toute seule.
00:14 Salut, t'es où ? Tu ne veux pas venir boire un coup ?
00:16 J'ai ma mère qui s'est fait assassiner quand j'avais deux ans.
00:19 15 ans, je suis partie toute seule à Paris en stop.
00:21 Et ça a été la porte ouverte à faire que des conneries.
00:24 Aujourd'hui, j'ai fait un petit salé aux lentilles,
00:27 de la dogue, du jus de bœuf.
00:28 J'ai rencontré des gens aussi pour mes demois.
00:30 Ils se défonçaient, je me suis défoncé avec eux.
00:32 La première fois que je me suis fait arrêter,
00:34 j'ai attiré quelques orfèvres, j'étais presque fière.
00:36 Et quand je vois les gens qui se battent pour la retraite à 64 ans,
00:39 moi j'aurais tombé trimestre à 90 ans.
00:42 J'ai fait la cigale toute ma vie, maintenant il faut assumer.
00:45 Ici, vous êtes au Bouchon de Muriel,
00:49 le café des artisans, l'établissement que je tiens depuis 20 ans.
00:52 Je me suis lancée dans cet établissement bizarrement.
00:55 Quand on rentre sur le marché de l'emploi à 48 ans
00:58 avec un CV vierge et pas de calife,
01:00 c'est dur de trouver du boulot.
01:01 J'adorais cuisiner et j'ai eu l'idée d'ouvrir me lancer dans la cuisine.
01:05 Qu'est-ce qu'on mange ici ?
01:06 Gâteau de foie quenelle, saboté pomme boulangère,
01:09 tripes à la lionnelle, sablés de sapeur.
01:11 C'est l'esprit des Bouchons, c'est convivial,
01:13 les gens se rencontrent, il y a du partage.
01:16 C'est l'ambiance surtout.
01:17 J'ai grandi comme j'ai pu, comme j'ai voulu.
01:20 On traînait dans le métro, on volait les touristes.
01:22 On faisait les poches, on fumait, l'acide.
01:25 Mais heureusement que c'est pas maintenant,
01:27 parce que quand je m'imagine comment j'étais à 16 ans, 15-16 ans,
01:31 quand je vois à Paris le square du crack et tout,
01:33 ce serait maintenant, j'aurais plongé dedans complètement.
01:36 Qu'est-ce que vous prenez ?
01:37 Un petit rouge, un petit blanc ?
01:38 Moi je pense qu'à 16 ans, la prison m'a sauvé la vie.
01:42 J'étais dehors, je me défonçais, je faisais des conneries.
01:45 J'avais jamais eu de cadre.
01:47 Les temps où j'étais en prison, je retrouvais un cadre,
01:49 je pouvais me poser.
01:51 J'avais rencontré quelqu'un qui était en prison,
01:53 qui faisait une grosse peine.
01:55 Il a dit "Bon, ça suffit les conneries, tu vas venir à Lyon".
01:59 Donc je suis venue à Lyon,
02:01 et c'est un ami à lui qui m'a réceptionnée.
02:03 Sa femme se prostituait.
02:05 J'ai vu qu'elle gagnait plein de fric.
02:07 Je me suis dit "C'est pas con ça".
02:10 Et voilà comment je suis venue me prostituer.
02:12 J'avais 23-24 ans.
02:14 Les gens peuvent être choqués,
02:16 mais pour moi déjà c'est un métier comme un autre.
02:18 Et j'ai arrêté à 48 ans quand j'ai ouvert ici.
02:21 Peut-être parce que j'étais grand-mère.
02:23 Quand je suis devenue grand-mère et tout,
02:25 et bon, il y a un jour où il faut s'arrêter.
02:27 Quand on ne peut plus courir,
02:29 quand on n'a plus beaucoup d'atouts à mettre en évidence,
02:31 il ne reste pas grand-chose à part le travail.
02:33 Muriel, dans notre quartier,
02:35 c'est d'abord l'un des seuls restaurants
02:37 qui nous fait chaque jour un petit menu lyonnais.
02:40 Et on boit des canots,
02:42 ce qui n'est pas désagréable.
02:44 Je tiens un bistrot, je suis la seule patronne de bistrot
02:46 qui ne boit jamais d'alcool.
02:48 J'aime pas.
02:49 J'ai pris des plis dans ma vie,
02:50 j'ai cru que j'allais mourir,
02:51 j'ai dit jamais de plis.
02:52 Je me lance dans l'inconnu,
02:53 peut-être que si j'avais réfléchi un peu plus,
02:55 je ne l'aurais pas fait.
02:56 Parce que là, je pense que je me suis mis en prison ce jour-là.
03:00 Quand j'ai créé ça.
03:02 Pas en prison vis-à-vis des clients,
03:04 parce que j'adore mes clients,
03:05 j'adore faire à manger et tout,
03:06 mais je me suis mis en prison dans un système.
03:09 Quand je pense aux impôts, le RSAF, tout ce cinéma,
03:12 jusqu'à 48 ans, je ne connaissais pas tout ça.
03:15 Moi, je me souviens quand on allait en boîte
03:18 ou qu'on était dans le métro à 8h du matin,
03:20 je voyais les gens partir au boulot.
03:22 Le grand silence et la tête qu'ils faisaient,
03:24 je me disais, c'est ça le travail.
03:26 Bon, ben, c'est difficile.
03:28 Moi, les gens me disent,
03:29 maintenant, tu es heureuse, tu ne te passes.
03:31 Je ne suis pas malheureuse, je ne suis pas heureuse, je vis.
03:33 J'ai essayé de faire un mouchon vraiment ancien,
03:37 il faut que ce soit chargé, plein de photos et tout.
03:39 Là, il y a M. Coff, Thierry Marc, M. Boclus,
03:42 qui m'a convié dans cette cuisine
03:43 parce qu'ils voulaient me connaître.
03:44 De toute façon, tout ce que j'ai fait dans ma vie,
03:46 même les conneries,
03:47 j'ai essayé de les faire le mieux possible.
03:48 J'ai une relation privilégiée avec les Japonais.
03:52 Il y a 6-7 ans,
03:54 il y avait une émission mondiale sur les bistrots
03:56 et je ne sais pas sous quels critères ils m'ont choisi,
03:58 mais ils sont venus, ils m'ont choisi.
04:00 Et la télévision japonaise, NHK,
04:02 est restée ici une semaine.
04:03 Et depuis, c'est grand amour avec eux.
04:06 Ça leur arrive de faire le détour pour venir me voir.
04:08 J'essaye maintenant d'ouvrir que le jeudi,
04:11 vendredi et samedi soir
04:12 parce que je commence à fatiguer un petit peu.
04:14 Après, je ne regrette pas du tout ma vie.
04:17 Si c'était à refaire,
04:18 je pense que je referais la même vie.
04:20 Ça a été difficile par moments,
04:22 mais je n'ai pas à galérer tous les jours.
04:24 Il y a quelque chose qui m'insupporte
04:27 quand on me pose la question
04:28 où les gens me font un compliment.
04:30 "C'est super, vous en êtes sortie."
04:32 Et ça, je n'accepte pas
04:34 parce que je ne me suis sortie de rien du tout.
04:35 Je suis la même personne.
04:37 J'ai les mêmes amis depuis 40 ans,
04:39 la même mentalité.
04:41 Et pour moi,
04:42 si demain je reconnais que je m'en suis sortie,
04:45 ce serait renier mes autres vies.
04:46 Et mes autres vies, je ne les renie pas.
04:49 Sous-titrage Société Radio-Canada
04:51 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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