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00:00 7h, 9h, Europe 1 Matin.
00:02 Il est 7h12 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le procureur de la République de Grenoble.
00:08 Bonjour Éric Vaillant.
00:10 Bonjour monsieur Pavlenko.
00:12 Bienvenue sur Europe 1. Alors c'est l'un des plus grands chantiers du département de l'ISER en ce moment. Grande Alpes,
00:17 400 hectares de projet urbain, c'est au sud de Grenoble avec un concept de ville-parc, un RER métropolitain,
00:24 un lac baignable également. Bref, un très très gros programme de travaux publics.
00:28 Sauf que le chantier est à l'arrêt à cause de faits très graves dont vous avez été saisi, Éric Vaillant, en tant que
00:34 procureur de Grenoble, des faits de raquettes qui visent les entreprises qui travaillent sur ce chantier. Que se passe-t-il à Grande Alpes, Éric Vaillant ?
00:42 Il se passe à Grande Alpes ce qui se passe sur d'autres chantiers de la métropole
00:48 grenobloise. Les entreprises de travaux publics qui y travaillent sont régulièrement raquettées par des délinquants
00:55 selon un système tout à fait mafieux.
00:58 Vous parlez de système mafieux tout de même. Comment se déroule concrètement ce raquette, Éric Vaillant ?
01:03 Eh bien, ça se passe comme on le voit dans tous les films américains sur la mafia, c'est soit tu payes,
01:10 soit tu ne pourras plus travailler. Et alors les modalités peuvent différer. Ça peut être
01:15 "embauche-moi", "embauche mon cousin", "embauche mon frère" ou "prends ma société de nettoyage"
01:20 ou "prends un contrat avec ma société de sécurité".
01:24 Voilà comment ça se passe très concrètement en pratique. Donc ça veut dire que les entreprises
01:28 démarrent le chantier et quelqu'un vient leur imposer par la menace d'embaucher telle boîte de gardiennage, tel ouvrier ?
01:34 Oui, elle voit arriver des petits jeunes, des jeunes délinquants sur le chantier qui
01:41 menacent
01:43 les salariés, qui leur font peur ou qui dégradent un bien du chantier, un engin.
01:49 Eh bien, si l'entreprise fait ce qu'on lui ordonne, en général le chantier peut reprendre.
01:53 Donc ça veut dire que les entreprises payent, qu'elles se taisent parce que c'est en quelque sorte le prix de la paix sociale, Éric Bayan ?
02:00 Comme dans un système mafieux, il y a donc de l'omerta, il y a des menaces et donc les
02:06 chefs d'entreprise ou leurs salariés qui sont en première ligne peuvent avoir peur de représailles et donc certains chefs d'entreprise
02:13 pourraient faire soit quitter complètement le chantier et arrêter, soit payer d'une manière ou d'une autre.
02:20 Moi, cela fait donc plusieurs années, 5 ans que je suis procureur de la République à Grenoble, ça fait un moment que j'entends parler de
02:27 ce type d'affaires. J'ai lancé plusieurs enquêtes qui n'ont pas abouti et là j'en ai une en cours. Il y a des noms qui circulent
02:34 d'auteurs de ces pratiques, voilà, mais j'ai besoin de témoignages. Et c'est pour ça que je suis très favorable à la médiatisation
02:42 de ce racket contre les entreprises
02:45 du BTP
02:47 grenobloise parce que je suis persuadé qu'il y a des chefs d'entreprise qui vont finir par parler aux policiers, aux gendarmes ou à moi-même
02:54 ou qui vont m'écrire et je suis persuadé aussi que les groupements professionnels du bâtiment
02:58 pourraient prendre en charge un peu la question et organiser les réunions qui vont bien pour qu'on arrive à mettre
03:06 hors d'état de nuire ces délinquants.
03:08 C'est vrai que c'est assez inhabituel, on va le dire Eric Vaillant, qu'un procureur comme vous le faites prenne la parole.
03:16 Mais est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur le profil des racketteurs ?
03:19 Si j'ai bien compris, ce sont des gens des cités autour des chantiers ?
03:23 Bien sûr, oui, donc c'est la seule différence. On est bien dans un système de mafieux parce qu'il y a des pressions
03:29 pour se faire payer, pour obtenir une prestation, il y a des menaces. On est aussi dans un système mafieux parce qu'il y a une omerta
03:35 mais on n'est pas dans le système mafieux au sens donc de la mafia italienne avec un capo di capo qui
03:41 commande tout Grenoble. En réalité, il y a des bandes dans les quartiers, il y a des chefs
03:46 de ces bandes et ce sont des responsables de ces bandes
03:51 qui peuvent faire du trafic de stupéfiants par ailleurs ou qui peuvent avoir plusieurs activités dont celle-ci
03:56 seulement parfois si elle est suffisamment rémunératrice et elle l'est. Donc voilà, ce sont
04:01 ces caïds
04:04 de quartiers qui pilotent ce genre de rackettes.
04:08 Éric Vaille, en procureur de Grenoble, vous êtes l'invité d'Europe 1 ce matin. Alors quand on fait une rapide recherche sur internet, on se rend compte que
04:14 ce racket de chantier malheureusement est une pratique extrêmement courante dans tout le pays.
04:20 Et en 2017, il y avait eu un précédent à Marseille sur le chantier de la rocade de la ville avec un procès retentissant
04:26 en 2017 qui avait abouti à des condamnations.
04:28 C'est votre objectif à vous, à Grenoble ?
04:31 Mais bien sûr, je vous l'ai dit, donc je ne lâcherai pas. Donc
04:37 ces affaires-là sont importantes.
04:39 Ceux qui sont courageux dans cette affaire pour l'instant, c'est les élus. Je pense donc au maire des Chirol,
04:45 Renzo Sully, je pense à Éric Piolle, je pense à Christophe Ferrari. Donc ce sont les élus qui actuellement,
04:52 parce qu'ils sont directement concernés, parce qu'ils veulent voir leurs projets municipaux ou de métropole
04:57 aboutir, aboutir vite et bien, qui dénoncent les faits au parquet. Donc eux sont courageux. Après,
05:04 on a besoin d'autres preuves pour aboutir et j'aimerais bien arriver à un procès et surtout à la condamnation
05:10 de ces auteurs.
05:12 Et vous, Éric Vaillant, à titre personnel, en tant que procureur, vous subissez des pressions ? Est-ce que vous avez peur pour vous-même ?
05:17 Je vous remercie de prendre soin de ma santé, mais en réalité, je n'ai vraiment pas peur de ce sujet.
05:23 C'est mon travail de lutter contre la délinquance.
05:25 Et voilà, il y a
05:26 un certain nombre de gros délinquants auxquels je m'attaque depuis des années et je n'ai jamais eu le moindre souci. Donc en effet,
05:31 j'ai pas peur. En tout cas, on retient ce matin, Éric Vaillant, l'appel que vous lancez sur Europe 1 aux entreprises grenobloises. En substance, n'ayez pas peur.
05:38 Venez témoigner.
05:40 Signalez-nous les faits si vous êtes victime de raquettes. Est-ce qu'on peut dire que c'est valable
05:45 pour les entreprises dans tout le pays également, Éric Vaillant ?
05:48 Oui. Alors, il ne faut pas que tous les chefs d'entreprise de France se mettent à écrire à Grenoble. Je ne m'occuperai que des affaires
05:54 grenobloises, bien évidemment. Mais ce que je veux dire, c'est que les chefs d'entreprise doivent en parler à leur groupement
05:59 professionnel. Que les groupements professionnels peuvent accompagner les chefs d'entreprise et que le procureur de Grenoble, mais je suis sûr que tous les procureurs de France
06:06 sont à disposition de ces groupements et de ces chefs d'entreprise qui voudraient participer à une action
06:11 pour qu'en effet on arrive à quelque chose d'efficace et qu'on arrive à la condamnation de ces raquetteurs.
06:16 Merci beaucoup, Éric Vaillant. Je rappelle que vous êtes le procureur de la République à Grenoble.
06:21 Et on a donc entendu cet appel que vous lancez. Appel à témoignage aux entreprises grenobloises qui seraient victimes de raquettes. Bonne journée.

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