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"Maman, j'ai arrêté l'avion" s'intéresse ce mois-ci à la bétonisation. Comment en finir avec le béton qui grignote nos paysages quand les Français se rêvent tous propriétaires d'une maison individuelle, et que l'État fait face à une crise du logement ? Comment « laisse béton » quand la France est championne d'Europe des grandes surfaces et pas la dernière pour ce qui est de l'artificialisation des sols ? Il va falloir lever le pied si l'on veut protéger nos écosystèmes et lutter contre l'étalement urbain et les inondations, car les sols stockent du carbone et retiennent l'eau, ils agissent sur et pour le climat. L'état vise le ZAN en 2050 : comment faire pour que cela ne reste pas un voeu pieu ? Comment concilier urgence écologique, crise du logement, vitalité économique et épuisement des ressources ?

Pour répondre à ces questions, Daphné ROULIER, en collaboration avec Raphaël HITIER reçoit :
- Philippe Bihouix, ingénieur, directeur général de l'AREP, auteur de La ville stationnaire, comment mettre fin à l'étalement urbain ? (Actes Sud)
- Sylvain Massonneau, vice-président du Pôle Habitat pour la Fédération Française du bâtiment et directeur général de la société de construction Tradimaisons
- Hélène Peskine, architecte, urbaniste en chef de l'État, secrétaire générale du PUCA (Plan Urbanisme Construction et Architecture)

Présenté par : Daphné Roulier, avec la collaboration de Raphaël Hitier
Année : 2023 / Durée : 52' - Production : LCP-Assemblée nationale, en collaboration avec Nova Production

"Maman j'ai arrêté l'avion" est un magazine sur la transition écologique présenté par Daphné Roulier.
Chaque mois, Daphné Roulier abordera un thème lié à l'actualité suivi d'un débat avec ses invités. Ensemble ils se poseront des questions concrètes et politiques quant à la transition écologique que nous devons tous mener. Comment agir ? Comment s'organiser collectivement ? Quelles solutions sont à notre portée ? Quelles sont les fausses pistes à éviter ?
L'émission de 52 minutes est construite autour de reportages tournés sur le terrain et d'interviews de politiques et/ou d'experts en plateau menées par Daphné Roulier avec, à ses côtés, Raphaël Hitier, docteur en neuroscience et réalisateur de documentaires scientifiques.
La militante écologiste Camille Etienne participera également à l'émission sous une forme artistique et percutante.

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Transcription
00:00 Bonjour à toutes et à tous. Comment on finit avec le béton qui grignote nos paysages quand les Français se rêvent tous propriétaires d'une maison individuelle
00:08 et que l'État fait face à une crise du logement ? Comment laisse béton quand la France est championne d'Europe des grandes surfaces ?
00:15 Et pas la dernière en ce qui concerne l'artificialisation des sols, Raphaël.
00:19 Dans les années 70, Daphné, un Français en moyenne vivait dans 25 mètres carrés.
00:24 Aujourd'hui, c'est 40 mètres carrés de surface habitable par personne. Conséquence, beaucoup de construction évidemment et une accélération de l'artificialisation des sols.
00:33 L'étalement urbain augmente trois fois plus vite que la population. Chaque année, c'est l'équivalent de la surface de Marseille qui disparaît sous une route, un supermarché, un parking ou une zone pavillonnaire.
00:43 Et enfin, un paradoxe pour finir, la part grandissante de logements vacants, vides, qui cohabitent avec le manque persistant de logements.
00:51 Sur le terrain, en effet, les élus se lamentent de la désertification des centres-villes, mais se crispent dès qu'on leur parle de sobriété foncière.
00:59 Pourtant, il va falloir lever le pied si l'on veut protéger nos écosystèmes et lutter contre l'étalement urbain et les inondations.
01:05 Car les sols stockent du carbone et retiennent l'eau. Ils agissent donc sur et pour le climat.
01:11 L'État vise le ZAN en 2050, non pas la célèbre friandise à la réglisse, mais la zéro artificialisation nette.
01:18 Comment faire pour que ça ne reste pas un vœu pieux ? C'est toute la question.
01:22 Au fait, maman, je vais arrêter l'avion.
01:46 Alors, comment concilier urgence écologique, crise du logement, vitalité économique et épuisement des ressources ?
01:52 Pour en parler, Hélène Pesquine, architecte urbaniste en chef de l'État et secrétaire générale du PUCA, le plan Urbanisme, Construction et Architecture.
02:01 À vos côtés, Philippe Biwix, ingénieur, directeur général de l'AREP, la plus grande agence de maîtrise d'œuvres en France,
02:08 sorte de laboratoire de l'éco-conception et auteur notamment de La Ville stationnaire.
02:12 Et enfin, Sylvain Massonneau, vice-président du Pôle Habitat pour la Fédération française du bâtiment et directeur de Tradis Maison, votre entreprise familiale de construction.
02:22 Bonjour et bienvenue à vous trois.
02:24 Avant de vous laisser la parole, intéressons-nous à l'habitat.
02:28 La maison individuelle avec jardin, ce rêve de propriétaire que la France promeut depuis les années 60, serait-il un modèle à déconstruire ?
02:35 Le BTP représente aujourd'hui 25% des émissions de gaz à effet de serre.
02:39 Il y a donc urgence à changer de logiciel. Pourtant, le rythme des constructions de baisses-guerres, seule la grogne monte.
02:46 Le tout oppose, c'est un reportage d'Emma Guizot et Xavier Lhuizet.
02:50 [Musique]
02:57 Angers, la ville où il fait le plus bon vivre en France, d'après de nombreux palmarès.
03:02 Et d'abord parce qu'il s'agit d'une ville verte, aux espaces naturels nombreux,
03:07 comme dans le quartier des Hauts de Saint-Aubin, où une prairie de 6000 m2 donne aux riverains comme Karine le sentiment d'être à la campagne.
03:15 [Bruits de pas]
03:17 - Je vais vous montrer la beauté de ce parc au plein cœur d'Angers.
03:22 Regardez ça.
03:23 Et voilà, le matin j'ai du silence. Là on entend au loin les voitures, c'est normal, on est quand même dans Angers, on est quand même dans une ville.
03:30 Mais on entend en même temps les oiseaux tout le temps quoi.
03:33 [Bruit de pas]
03:35 On respire.
03:36 Mais ce parc là est menacé.
03:39 Un projet de lotissement doit bientôt y voir le jour.
03:42 19 logements, dont 10 maisons individuelles.
03:45 Une zone de plus promise à la bétonisation.
03:48 - Quand je suis venue ici, clairement ce qui m'a fait craquer c'est le parc,
03:52 où mes enfants pouvaient aller après l'école, avant l'école, le week-end.
03:56 Moi j'invitais des amis en bas à faire des parties de pétanque, où je jouais aux baskets avec mon fils.
04:01 Clairement je ne pourrais pas supporter de voir les arbres tomber.
04:05 [Musique]
04:07 Début octobre, le permis de construire a été accordé par la mairie d'Angers.
04:11 Karine et d'autres riverains ont fondé un collectif.
04:14 Ce soir, alors que le conseil municipal se réunit, ils ont décidé de se mobiliser devant la mairie.
04:20 - Vous êtes en juin ? - Oui.
04:22 Et d'informer leurs concitoyens.
04:24 - On se mobilise dans un des quartiers des Hauts-de-Saint-Aubin,
04:28 on va nous retirer un îlot de fraîcheur pour construire des maisons.
04:32 - Je ne sais pas à quelle heure ils vont venir les écrire.
04:34 - Donc nous on ne veut pas de béton, on ne veut pas que les arbres soient coupés,
04:39 on veut que les enfants d'école primaire puissent découvrir ce que c'est que la faune, la flore.
04:46 - Il y a souvent un grand discours théorique sur l'écologie, comment préserver notre planète,
04:52 et en fait, rien que dans nos quartiers, il se passe des trucs de dingue.
04:56 Les riverains interpellent une des élues qui a voté pour ce projet.
05:00 Sophie Fouché-Maillard, pourtant membre de la liste Angers Ecologiques et Solidaires.
05:05 - Il n'y avait pas le même météo et le même climat il y a 30 ans que maintenant.
05:10 Et conserver des arbres en temps de canicule, je pense que c'est prioritaire.
05:16 - On a un mur qui est resté dans le 20e seigle, je crois.
05:18 - Alors il faut un petit peu de nuance, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui ont manque de logement.
05:22 Donc la question c'est où les mettons ?
05:24 Alors, faut-il bétonner ou pas ?
05:26 Comment faire pour construire de nouveaux logements sans polluer ?
05:29 La France artificialise chaque année 20 à 30 000 hectares de terrain,
05:33 l'équivalent de 2 à 3 fois la ville de Paris.
05:35 Le premier facteur, c'est la construction de logements.
05:38 68% des sols artificialisés le sont pour l'habitat.
05:42 Ce phénomène accélère le réchauffement climatique, nuit à la biodiversité et perturbe le cycle de l'eau.
05:47 Mais le BTP emploie près de 2 millions de personnes dans notre pays.
05:51 Et les Français rêvent de maisons individuelles alors que les besoins en logement augmentent.
05:56 Alors peut-on continuer de construire ? Le modèle du pavillon est-il soutenable ?
06:01 Deux visions s'opposent.
06:02 Yannick Noder est député de l'ISER et vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
06:07 Héloïse Lecier est journaliste à Reporter, média dédiée à l'écologie.
06:11 - Ah ben y a de gros besoins effectivement de construire des logements.
06:15 Par contre, il faut aussi accepter que tout le monde n'a pas forcément envie de vivre dans une tour, dans une métropole.
06:21 - Le pavillon avec jardin, pour tous ceux qui en voudraient, c'est sûr que c'est impossible.
06:26 Les industriels qui tentent de continuer à vendre ce rêve, sont en train de tromper les gens.
06:33 Ville du Bois dans l'Essone, près de Paris.
06:37 Un petit village propret de 17 maisons, toutes neuves, coquettes et vides.
06:44 Car en réalité, personne n'habite ici.
06:47 Nous sommes à Dom Expo, un catalogue à ciel ouvert, le village des maisons à essayer.
06:53 C'est ici que les Français viennent toucher du doigt leurs rêves, comme Miora et Christian.
06:58 Le couple à deux jeunes enfants, et ras-le-bol de vivre dans un appartement.
07:02 - Je vais vous présenter un petit peu le pavillon.
07:06 Donc là on a une cuisine ouverte avec un plan de travail, un îlot central.
07:10 En fait, tout l'espace ici fait à peu près 12 mètres carrés.
07:13 Je vais vous montrer les chambres en haut et puis on se mettra dans mon bureau.
07:16 Ici, ils vont choisir le modèle de la maison qu'ils vont faire construire à la campagne.
07:21 - Je vous laisse vous installer.
07:23 C'est vrai qu'à la sortie de Covid, il y a eu un très grand engouement pour les pavillons.
07:27 Effectivement, le fait d'être confiné dans les appartements a donné envie à beaucoup de personnes
07:31 de vouloir avoir un beau petit jardin pour pouvoir faire du barbecue.
07:35 Miora et Christian sont conquis et prêts à signer.
07:39 - 297 000 euros pour avoir un AVE 3, un petit bureau et un petit jardin de 100 mètres carrés.
07:48 - J'espère réaliser leur ambition.
07:51 Donc maintenant on a un challenge de demain, c'est de visiter le terrain à Saint-Cheran.
07:55 Et à la suite de cette visite, madame va me valider si l'environnement est OK à 200 %.
08:02 Un pavillon individuel, c'est plus qu'un simple habitat.
08:05 C'est un lieu à soi, un idéal, directement à portée des Etats-Unis.
08:11 Né après la Seconde Guerre mondiale, dans l'esprit de cet homme,
08:15 William Leavitt, le roi des banlieues, le serial promoteur des pavillons.
08:19 C'est lui qui met en place ces zones résidentielles immenses.
08:23 - Partout dans le pays, 38 000 maisons ont été construites en 1958.
08:28 Produites en masse, elles ne coûtent que 10 000 dollars chacune.
08:33 Ces jeunes familles profitent d'un morceau du rêve américain.
08:37 Ces dizaines de milliers de pavillons signent l'avènement des classes moyennes américaines.
08:42 - C'est la belle vie en banlieue.
08:45 Un modèle qui modifie pour toujours les paysages.
08:49 La maison individuelle s'étale toujours plus loin des centres-villes.
08:53 C'est le règne du tout voiture, avec ses routes, ses échangeurs et ses ronds-points.
08:58 Ce modèle s'installe en France dès la fin des années 60.
09:01 Encouragé par les pouvoirs publics, le pays doit devenir une nation de propriétaires.
09:06 - C'est près de 90% des Français qui ont envie d'être propriétaires de leur logement.
09:13 C'est parce que vous imaginez que la qualité de vie est différente et meilleure,
09:18 avec un peu le rêve du pavillon, de la maison, des enfants, du chien.
09:23 - Comme la fast fashion, on consomme du vêtement, là on va consommer du logement.
09:27 On va construire, construire, construire.
09:29 Faire croire un peu ce rêve que la maison serait accessible pour tous.
09:33 Ce qui est bien sûr impossible en termes d'espace.
09:36 Ça nécessiterait de détruire beaucoup trop d'espace naturel.
09:39 Or, en France, 10% du territoire est déjà bétonné,
09:44 contre moins de 3% au niveau européen.
09:46 Et ça n'est pas près de s'arrêter.
09:48 À Sens de Bretagne, un projet de lotissement menace un petit bois aux arbres centenaires.
09:56 - J'ai trouvé des racines !
09:58 L'artificialisation des sols détruit la biodiversité.
10:02 Car bétonner, c'est recouvrir la terre, l'imperméabiliser,
10:06 et porter atteinte à ses fonctions biologiques.
10:09 - Alors, le cèdre de la classe.
10:11 Ce jour-là, le collectif Arocaria a décidé de nommer et montrer au grand public
10:17 tous les arbres qui vont être détruits.
10:19 - Tiens, vas-y, fais le tour.
10:22 - Le but de ces petits panneaux, c'est vraiment de sensibiliser et de révéler, en fait,
10:26 ce que contient ce parc.
10:28 Parce qu'en fait, on ne peut pas dire que c'est que des sapins.
10:31 Quand on a eu des premiers échanges avec le lotisseur,
10:34 ils nous ont dit "bon, oui, il va falloir couper, mais bon, c'est globalement que des sapins".
10:37 En fait, non, il y a vraiment autre chose que des sapins.
10:40 Il y a une quarantaine d'arbres, il y a plein d'arbustes aussi.
10:43 Et donc, c'est dommage, en fait, de supprimer tout ça.
10:46 Les arbres et les sols stockent le CO2.
10:49 Tous ont leur utilité et alimentent des écosystèmes vitaux pour la biodiversité en plein effondrement.
10:55 - Donc les ronces sont poussées et, au travers des ronces,
11:00 poussent les jeunes arbres, les jeunes qui se sont ressemés.
11:05 Donc vous voyez surgir des noyés, vous voyez surgir des petits chênes,
11:09 des petits châtaigniers, etc.
11:11 Et les ronces les protègent des prédateurs,
11:14 ce qui fait que pendant... jusqu'à ce qu'ils aient assez de force pour commencer à pousser et à devenir grands.
11:20 - Toutes les espèces qui sont ici, même celles qu'on n'aime pas,
11:24 c'est-à-dire même les ronces, même les orties,
11:27 ont un rôle à jouer dans la biodiversité.
11:29 Toutes, toutes sans exception.
11:31 Le terrain est privé.
11:33 Les travaux autorisés pourraient commencer à n'importe quel moment.
11:36 Mais le collectif compte lancer des recours.
11:40 Au niveau national, une loi a été votée en juillet dernier
11:43 pour essayer d'enrayer cette bétonisation galopante.
11:46 C'est le ZAN, pour "Zéro Artificialisation Nette des Terres Naturelles et Agricoles",
11:52 un objectif imposé par la loi Climat et Résilience de 2021.
11:56 Pendant 10 ans, les élus doivent diviser par deux le rythme d'artificialisation des terres.
12:01 Puis, à partir de 2050, il ne leur sera plus possible de consommer le moindre hectare de terre
12:06 sans en rendre l'équivalent à la nature.
12:08 C'est l'idée de compensation écologique.
12:11 Quand vous devez faire des aménagements d'espace,
12:14 vous pouvez enlever les arbres, si vous en replantez le double.
12:17 On peut effectivement construire un endroit qui n'était pas construit,
12:22 donc l'artificialiser, si par ailleurs, dans un autre endroit finalement,
12:26 on revégétalise ou de nouveau on rend perméable ces surfaces.
12:31 Cette idée qu'on pourrait détruire et puis reconstruire par ailleurs
12:36 l'équivalent en termes de qualité écologique, c'est faux.
12:41 Si vous détruisez une forêt où il y a des arbres depuis des décennies,
12:46 il y a toute une vie qui s'est installée,
12:48 vous n'allez jamais retrouver les mêmes qualités écologiques
12:52 et cela prend vraiment beaucoup de temps pour que la vie revienne à nouveau.
12:57 Pour beaucoup de communes alors, une seule solution,
13:00 redensifier les centres-villes pour éviter l'étalement urbain.
13:03 - C'est fermé ? - Oui, je pense.
13:06 Nous retournons à Angers, dans les Hauts-de-Saint-Aubin,
13:09 où la destruction d'un parc est contestée par les riverains.
13:12 Mais selon son promoteur et son architecte, le projet est vertueux.
13:16 - Voilà, donc on est sensiblement par ici,
13:20 derrière vous, les quatre maisons qui vont s'étaler sur toute la longueur du terrain.
13:25 Il s'agit de densifier des parcelles vacantes en ville ou dans les villages,
13:29 des "dents creuses" selon les termes des urbanistes,
13:32 une solution qui permet d'éviter la consommation de zones purement rurales ou agricoles.
13:37 - Tout le monde veut bien qu'on densifie la ville à condition que ça ne soit pas à côté de chez soi.
13:41 C'est un peu la règle et on est très régulièrement soumis à ce type de problème.
13:46 - Dans le principe du ZAN, on voit bien que l'idée c'est quand même de construire la ville sur la ville
13:50 et plutôt que d'étendre en dehors de la collectivité,
13:53 ce qui gère des surcoûts, des transports,
13:56 donc ça va dans le sens de l'histoire de construire à l'intérieur de la ville.
14:00 Construire en ville et sacrifier les îlots de verdure ou bétonner à la campagne,
14:04 le dilemme est de taille.
14:06 L'été dernier, Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes,
14:10 a relancé le débat en déclarant vouloir sortir de la loi ZAN
14:14 qu'il qualifie de "ruralicide", "destructrice" pour les campagnes.
14:18 - Si on veut que les commerces de proximité perdurent,
14:21 si on veut que les classes scolaires puissent se maintenir,
14:26 il faut quand même que certaines communes puissent avoir un certain nombre de logements
14:31 pour le renouvellement notamment de ces populations.
14:34 Sinon on va se retrouver avec des territoires vieillissants,
14:37 sans aucun apport de population nouvelle,
14:39 avec une économie au point mort et plus du tout aucun service.
14:42 Mais "bétonner", signifie-t-il vraiment développer les zones rurales ?
14:47 En Loire-Atlantique, ça n'est pas l'avis de nombreux riverains de la carrière d'Utahin.
14:53 Depuis 35 ans, cette carrière de grès est inexploitée.
14:56 La nature a repris ses droits, les arbres ont repoussé,
14:59 et la carrière s'est remplie d'eau.
15:02 Mais la préfecture a autorisé un grand groupe de BTP à reprendre l'activité.
15:06 Pendant 15 ans, plus de 2 millions de tonnes de granulats seront extraits
15:10 et des déchets inertes du bâtiment seront enfouis dans les caves de la carrière.
15:15 Ce jour-là, différentes associations et des centaines de riverains
15:20 se sont réunis pour manifester leur mécontentement.
15:23 "Nous, nos gamins, ils sont appris à nager ici, certains.
15:29 Et voilà, c'est un lieu qui nous est cher.
15:32 On n'a pas envie de voir 80 camions tous les jours circuler dans les villages
15:36 pour ensuite venir enfouir des déchets du bâtiment.
15:39 Ben non ! Ni ici, mais ni ailleurs en fait."
15:42 Les projets de construction concernent essentiellement
15:47 les villes de Nantes et Rennes, à 50 kilomètres de là.
15:49 "Ils viennent ici, s'accaparer des ressources ici
15:52 et viennent ensuite déposer les déchets, recevoir les déchets des villes.
15:57 Et donc la population se sent elle-même aussi de déchets,
16:00 mis au rebut de la même manière."
16:02 La construction d'une maison individuelle génère en moyenne
16:10 une tonne et demie de déchets et consomme 15 fois plus d'espace au sol
16:13 que l'habitat collectif.
16:15 "On ne peut pas envisager en France des villages, demain,
16:20 où tout serait en collectif.
16:22 On ne pourra pas remplacer un village de 300 habitants
16:26 par deux immeubles de 20 étages."
16:29 "Ce qu'il faut aussi, c'est changer les imaginaires.
16:32 Et peut-être qu'on peut rendre aussi l'habitat en immeuble plus enviable.
16:39 Et justement, en gardant des espèces verts
16:41 et en proposant des espèces qui sont moins standardisées,
16:44 moins bétonnisées aussi."
16:46 Si le rythme d'artificialisation ne ralentit pas,
16:50 280 000 hectares d'espaces naturels supplémentaires
16:53 risquent d'être bétonnés d'ici 2030,
16:56 soit plus que la superficie du Luxembourg.
16:59 L'idéal de la maison avec jardin est plébiscité par 75% des Français
17:04 à l'heure de l'urgence climatique.
17:06 Est-ce que ce rêve pavillonnaire est,
17:08 comme l'affirmait l'ancien ministre du Logement, Emmanuel Wargon,
17:10 un non-sens écologique ?
17:13 "Je crois que d'abord, le pavillon, la maison individuelle,
17:15 ça peut être un rêve quand on est une jeune famille,
17:17 quand la famille s'agrandit, que l'appartement n'est plus assez grand.
17:20 Et puis à un moment, peut-être ce rêve va se transformer en difficulté.
17:23 Quand les ados vont être grands, on passe son temps dans la voiture
17:26 parce qu'on est très dépendant de la voiture.
17:28 Il y a un moment, peut-être on vieillit, on n'a plus envie de faire le jardin
17:31 tous les week-ends, tourner la pelouse, être loin du kiné,
17:34 du bar des copains quand on prend sa retraite, etc."
17:36 "Ca reste pour l'instant plébiscité quand même, largement."
17:39 "Et donc, dans la question, c'est effectivement de dire
17:41 à quel point on parle et quel rêve on introduit chez nos concitoyens
17:44 parce qu'il y a des envies, un moment, peut-être, de métropole trépidante,
17:47 puis il y a peut-être d'autres temps de vie et d'autres manières d'habiter,
17:50 y compris dans des maisons.
17:52 On peut imaginer de plus en plus des choses qui se développent
17:55 avec du béguinage, par exemple, des gens qui vont décider de vieillir ensemble,
17:58 de l'habitat intergénérationnel, des couples âgés
18:01 qui vont accueillir un jeune actif ou des étudiants."
18:03 "Des communautés, mais c'est totalement marginal pour l'instant."
18:05 "C'est marginal, mais c'est des choses qui pourraient avoir vraiment un intérêt
18:09 parce qu'on lutterait contre ce puissant levier,
18:13 un levier d'artificialisation et un levier de demande de logement
18:17 qui est la décohabitation.
18:19 On est passé de 3,1 par foyer dans les années 60
18:23 à 2,2, 2,1 aujourd'hui,
18:26 qui font que, effectivement, même à population constante,
18:29 voire même à population légèrement décroissante,
18:31 comme ça peut être le cas, par exemple, en Allemagne,
18:33 eh bien, il y a encore un puissant besoin de construire ou d'accueillir
18:37 et donc on doit aller chercher aussi, et peut-être d'abord,
18:41 des mécanismes de sobriété en allant imaginer des mécanismes de recohabitation.
18:45 Alors, ce n'est pas forcément simple, mais ce sont des possibilités."
18:47 "500 000 nouveaux logements par an seraient nécessaires
18:50 pour éviter une crise de logement majeure de l'offre en France.
18:53 Comment loger davantage d'habitants sans étendre toujours plus les villes ?"
18:57 "Alors, pour revenir un petit peu à la réponse précédente,
19:01 en fait, on a des maisons individuelles aujourd'hui sur le territoire français.
19:04 En fait, 30% des Français, à peu près, un peu plus,
19:06 habitent dans des maisons individuelles aujourd'hui,
19:08 donc elles existent dans le stock.
19:09 Et en fait, on a toujours cette idée que la maison individuelle,
19:11 ce serait du flux, c'est des maisons en plus à construire demain.
19:14 Alors qu'en réalité, on a aussi une question de qui habite dans ces maisons aujourd'hui
19:17 et peut-être pas les familles qui auraient intérêt et qui aspirent légitimement
19:21 à accéder à une maison individuelle, parce que les gens ont effectivement
19:24 des aspirations à habiter dans un logement plus grand,
19:26 avec un espace extérieur à un moment donné de leur vie,
19:29 notamment au moment de construire leur famille, disons-le comme ça.
19:32 Mais d'abord, les familles ne durent plus 20, 30, 40 ans
19:35 comme elles ont pu durer ces dernières décennies.
19:38 De plus en plus, on a besoin de deux maisons ou de deux logements
19:40 pour une même famille, avec parfois deux chambres dans chacune des maisons.
19:43 Finalement, peut-être que tout est déjà là, que la question,
19:45 c'est effectivement de valoriser l'existant ou de le transformer, non ?
19:48 Peut-être, entre un tiers et deux tiers sont déjà là,
19:51 malheureusement, ils ne sont pas nécessairement là où les gens veulent habiter aujourd'hui.
19:54 Mais d'un point de vue environnemental, entre le modèle le plus pertinent,
19:58 en urbanistiquement parlant, c'est quoi ?
20:01 - Environnement. - On comprend que ce n'est pas la maison individuelle,
20:04 mais est-ce que c'est pour autant la ville ultra-dense,
20:07 et comme on l'entendait dans le reportage, des bâtiments de 20 étages ?
20:10 Est-ce qu'on peut avoir une direction architecturale
20:13 qui serait la moins impactante en termes environnementaux ?
20:16 - Alors, ça fait un peu débat, il y a assez peu de recherches aujourd'hui
20:20 en architecture sur le sujet.
20:21 Il y a quelques articles scientifiques qui ont commencé à sortir
20:23 qui essayent de comparer les émissions de CO2 sur un cycle de vie,
20:27 donc à la fois le CO2, l'énergie qui sont dans les matériaux qu'on va utiliser,
20:32 et puis ensuite sur la durée de vie des quartiers de ville ou des bâtiments.
20:36 Et il semblerait qu'il y ait un seuil de contre-productivité,
20:39 disait le fameux écrivain Ivan Illich dans les années 70,
20:42 c'est-à-dire que oui, le petit collectif de quelques étages serait plus efficace,
20:47 mais quand on va passer une certaine taille,
20:49 alors est-ce que c'est 5, 6, 7, 8, 10 étages,
20:51 et bien là, enfin, on va mettre en œuvre des structures beaucoup plus puissantes,
20:55 on va avoir des fondations,
20:57 les fondations consomment beaucoup de béton, beaucoup d'acier,
21:00 et là, effectivement, on passe dans une gamme où finalement,
21:03 ça va devenir beaucoup moins intéressant du fait de la consommation de ressources,
21:06 et donc on est un peu rattrapé par la patrouille,
21:08 et ça devient peut-être un petit peu moins bien.
21:10 C'est un peu cette idée-là.
21:11 - Donc la ville ultra-dense n'est pas forcément la solution écologiquement ?
21:14 - Voilà, quand on arrive dans des métropoles où on se retrouve avec des projets,
21:18 où on commence par construire, je ne sais pas,
21:20 2 mètres d'épaisseur de béton pour couvrir des voies ferroviaires,
21:24 mettre des immeubles dessus pour bien amortir le foncier,
21:26 là on sent qu'il y a effectivement une intensité en énergie
21:29 qui n'est peut-être pas très rentable sur la durée de vie.
21:32 Mais ça pose la question, effectivement, de l'aménagement du territoire.
21:35 C'est ça la vraie question, parce qu'effectivement, on parle d'un stock, en fait.
21:38 La ville, dès qu'on va parler de la ville, c'est un stock.
21:40 90% de la ville de 2050, elle est déjà là.
21:43 C'est celle-là qu'il faut s'occuper, ce n'est pas juste du neuf et de la transformation.
21:47 Juste un chiffre, si on voulait suivre la stratégie nationale bas carbone,
21:51 qui est en train d'être révisée, mais telle qu'elle est dans la loi aujourd'hui,
21:53 le programme de rénovation thermique qu'il faut mener sur le logement,
21:57 sur les équipements publics, sur les bureaux,
22:00 il faut multiplier par 20 la vitesse à laquelle on va aujourd'hui.
22:04 On en a encore très loin.
22:05 Je ne sais pas comment on va faire ça, avec quels moyens organisationnels,
22:07 quels moyens humains, quels moyens financiers, mais c'est cette idée.
22:10 Donc cette ville qui est déjà là, 30 millions de logements, à peu près,
22:13 de résidences principales, 3,6 millions de résidences secondaires et de tourisme,
22:18 pas que des longères normandes, il y a aussi plein de petits appartements,
22:21 de ski, etc. Et puis 3 millions de logements vacants.
22:24 Et effectivement, ces 3 millions de logements vacants,
22:26 on sait qu'il y en a au moins un million qu'on pourrait aller chercher,
22:28 qui est vacant depuis plus de deux ans.
22:30 Et du vacant, il y en a même dans les zones tendues, aujourd'hui,
22:32 parce que ce sont des formes urbaines qui plaisent moins.
22:35 On est en centre-ville, on est moins éclairé, on n'a pas la baie vitrée,
22:39 on n'a pas, effectivement, potentiellement le jardin.
22:42 La rénovation, c'est compliqué.
22:43 Aller chez le banquier avec un projet de rénovation,
22:45 c'est beaucoup plus compliqué qu'avec un projet neuf,
22:47 parce qu'il y a plus de risques.
22:49 Tous les opérateurs savent qu'on peut avoir des mauvaises surprises,
22:52 donc on n'a pas forcément son prix.
22:53 Alors, justement, est-ce que c'est moins cher de construire
22:56 que de réhabiliter Sylvain Massonneau ?
22:58 Aujourd'hui, c'est une certitude.
22:59 Quand on échange avec, que ce soit des promoteurs privés
23:02 ou des bailleurs sociaux, sur la réhabilitation du parc existant en ville,
23:06 ce que l'on constate, c'est que le coût de fabrication,
23:09 de remise à niveau d'un logement ancien
23:12 en un logement dans les standards neuf,
23:14 c'est le prix du neuf à plus ou moins 20%.
23:17 Et là-dedans, il y a quand même le coût de l'acquisition du bâti initial.
23:20 Donc, quand on additionne les deux, on se retrouve effectivement
23:22 avec un prix de sortie qui ne correspond pas au prix du marché.
23:25 Donc, ça coûte plus cher de rénover, de réhabiliter.
23:28 Oui, parce que le foncier urbain coûte plus cher que le foncier urbain.
23:32 Donc, en fait, l'équation part surtout des niveaux de prix du foncier et du sol,
23:36 pas tellement nécessairement du bâtiment,
23:37 qui lui est plutôt souvent une charge,
23:39 puisque finalement, il faut le réhabiliter et le transformer.
23:43 La question, elle est plutôt celle de à qui ça profite
23:45 et à qui ça ne profite pas.
23:46 En fait, les bénéfices de la réhabilitation, ils sont collectifs.
23:49 C'est l'optimisation des réseaux existants, de la voirie,
23:52 des ordures ménagères, des systèmes d'infrastructures, d'énergie, etc.
23:56 Ça profite au collectif, à la collectivité elle-même,
23:59 qui aura moins de frais de fonctionnement.
24:01 En revanche, évidemment, le développement d'un projet
24:03 par un noticier en extension urbaine aujourd'hui,
24:06 il profite à l'acheteur.
24:07 Et par contre, ça coûte à la collectivité,
24:09 puisqu'il va falloir étendre les réseaux.
24:10 Justement, il y a peut-être un enjeu précisément des moyens mobilisés.
24:14 Est-ce qu'il ne faudrait pas lancer un plan Marshall de la rénovation ?
24:18 Il est un peu engagé, on va dire ça comme ça,
24:21 en partie d'ailleurs par cet objectif de zéro artificialisation nette.
24:24 En fait, cet objectif, il avait d'abord pour vocation
24:27 de valoriser la biodiversité.
24:28 C'est-à-dire, c'était stop à l'artificialisation
24:30 parce qu'on a besoin de sauver la biodiversité.
24:32 Et en fait, ça donne une indication aussi de ce qu'est la valeur du sol.
24:35 Le sol est vivant, il a des usages très différents,
24:37 qu'on soit en ville d'ailleurs ou en dehors de la ville,
24:39 qui peuvent être agricoles, forestiers, vivriers,
24:42 mais aussi urbains au sens social.
24:45 Et donc, à partir du moment où on donne une valeur plus importante à ce sol
24:48 parce qu'il devient plus rare, on se pose la question
24:51 vers quoi on veut l'orienter.
24:53 Et pour donner un exemple qui est un peu contre-intuitif,
24:56 nous, on travaille beaucoup sur des petites et moyennes villes
24:58 où justement il y a du logement vacant, des chœurs de bourg qui sont un peu désertés.
25:02 En fait, le premier levier de réinvestissement de ces chœurs de ville,
25:05 c'est la végétalisation.
25:07 C'est-à-dire justement de donner du confort de vie,
25:09 d'édensifier parfois des chœurs d'îlots qui sont très anciens
25:12 ou qui ont été bâtis en fond de cour, etc.
25:14 pour redonner un peu de sol vivant en ville.
25:16 Vous, Sylvain Massonneau, comment est-ce que vous anticipez précisément
25:19 la mise en place progressive du ZAN prévu par la loi ?
25:21 Je dirais là, l'exercice actuel de la crise économique est un bon exercice
25:25 puisque on a moins 50% de vente dans le logement neuf
25:28 qui correspond peu ou prou à l'objectif de 2030
25:31 qui nous est fixé par l'État.
25:32 Donc, quelque part, on va pouvoir tester économiquement et socialement
25:35 le résultat de la mise en application à échéance 2030 du ZAN.
25:38 Donc, c'est un bon exercice.
25:39 On voit quand même que ça chahute un peu les certitudes politiques.
25:41 Mais ça chahute aussi votre secteur du bâtiment
25:43 parce que la hausse des prix des matières premières,
25:46 la frilosité des banques,
25:47 Exactement.
25:48 La hausse des taux d'intérêt.
25:49 Ça nous pousse à la diversification.
25:51 On a évoqué la rénovation qui est aujourd'hui clairement
25:53 dans le viseur de tous les acteurs de la construction.
25:56 Vous compris.
25:57 Moi compris.
25:58 Ça devrait donc devenir votre cœur de métier.
26:00 Promoteur maison, cœur ou en tout cas une activité certaine,
26:04 clairement identifiée et mobilisable économiquement,
26:07 techniquement pour nos clients.
26:09 Donc, ça, on sait faire.
26:10 Ce qu'on ne sait pas très bien faire, c'est maîtriser le prix de sortie
26:13 pour qu'il soit accessible.
26:15 Donc là, on recherche.
26:16 Quels sont les leviers sur le prix de sortie ?
26:18 Plus on expérimente, plus on affine les diagnostics en amont
26:22 et on est capable de maîtriser les coûts de sortie
26:23 puisqu'on maîtrise les aléas.
26:25 Je crois que c'est très important de nous laisser faire des expériences.
26:28 Et là, je pense que l'État devrait encourager les expériences
26:30 et les encourager, je suis désolé, mais fiscalement
26:33 parce qu'il faut de l'argent pour ça.
26:35 Des monnaies financières pour orienter vers la rénovation
26:37 plutôt que la construction.
26:38 Ou des TVA plus clairs.
26:39 Quand franchement, vous faites aujourd'hui la rénovation de l'ordre de bâtiment,
26:42 entre la TVA 10, la TVA 20, vous grattez la tête,
26:45 bien souvent, vous finissez avec un redressement fiscal
26:46 et la TVA 20 partout, et vous avez tout mangé.
26:49 Donc ça, je crois que là-dessus, l'État se doit d'accompagner le mouvement
26:53 et de se montrer peut-être généreux dans un premier temps,
26:56 mais pour pousser des acteurs à être capables de se lancer dans ces projets-là.
26:59 Ça, je pense que c'est indispensable.
27:01 Et l'autre gros levier dont on n'a pas trop parlé dans le reportage
27:04 c'est beaucoup entendu la bétonisation.
27:06 La bétonisation, bien sûr qu'on utilise du béton,
27:08 mais ce béton-là, c'est une matière, première, extrêmement chère,
27:11 extrêmement émettrice de carbone.
27:13 Donc on essaye de la maîtriser au mieux.
27:15 En la maîtrisant au mieux, on s'adosse à des partenaires
27:17 qui aujourd'hui sont des industriels,
27:19 qui toussent des carbones très lourdement,
27:21 soit la fabrication du clincaire pour faire le béton,
27:23 soit la fabrication des produits industriels finis,
27:26 je pense notamment aux planchers, les prémures, les prédales.
27:29 Aujourd'hui, tous les industriels sortent des produits
27:31 qui en deux ans ont perdu 30% de poids carbone.
27:33 30% !
27:35 On ne prenait pas en compte aussi la carbonatation du béton,
27:39 qui restocke dans son cycle de vie du béton,
27:42 à peu près 15% durant sa vie,
27:44 mais au moment où on va le déconstruire,
27:46 et ça a été dit dans le reportage de la carrière,
27:48 quand on fragmente le béton, on augmente sa surface
27:50 et donc sa capacité à capter du béton.
27:52 Le carbone.
27:54 Le béton va restocker entre 50 et 60% du carbone
27:57 qu'il a émis pendant sa production.
27:59 C'est colossal.
28:01 - Le méton vert, c'est un mythe urbain ou c'est une réalité ?
28:06 - La prise en compte de la carbonatation pendant la durée de vie,
28:09 oui on peut, mais c'est quand même pas...
28:11 - Ça vous fait sourire quand même.
28:13 - Oui, c'est pas une grande quantité
28:15 par rapport à ce qui va être émis nativement
28:17 dans une cimenterie, quand on va fabriquer le clinquer,
28:19 qui est le composant principal,
28:21 avec quelques additifs du ciment.
28:25 Si le ciment venait dans quelques semaines à la COP...
28:29 - Oui, 28.
28:31 - 28, il serait 3ème ex-aequo avec l'acier au niveau mondial,
28:34 derrière les Etats-Unis, la Chine et les Etats-Unis.
28:37 On émet malheureusement nativement du CO2
28:41 et il n'y a pas tellement de solutions.
28:44 L'industrie nous propose la capture du CO2
28:47 et le stockage géologique.
28:49 D'ici 2050, il va falloir se retrousser les manches
28:52 pour que ça fonctionne et qu'il y en ait suffisamment.
28:54 Donc moi j'y crois comme un truc.
28:56 - Deux tiers des logements construits dans le monde sont en béton.
28:58 Béton qui est responsable d'au moins 5% des émissions de gaz à effet de serre.
29:02 Il n'est pas inutile de se demander de quoi est fait le béton.
29:06 Raphaël Ittier, ça tombe bien, vous avez une réponse en béton.
29:09 C'est l'heure de votre Climatoscope.
29:11 - Alors dans le monde, la plupart des constructions aujourd'hui
29:20 se font en béton, qui est composé aux deux tiers de sable.
29:23 Conséquence, l'humanité extrait 50 milliards de tonnes de sable
29:26 et de granulats par an.
29:28 C'est on considère la deuxième ressource la plus exploitée sur la planète.
29:32 Et c'est un phénomène qui s'accélère et qui s'accélère très vite
29:35 juste pour avoir un titre indicatif.
29:37 Ces quatre dernières années, la Chine a consommé autant de sable
29:40 que les Etats-Unis en un siècle.
29:42 - Et que sait-on de l'impact sur l'environnement du béton ?
29:44 - C'est pas encore clair, mais l'ONU en septembre
29:47 a tiré la sonnette d'alarme sur le sujet.
29:49 La première chose à savoir, c'est que les ressources en sable
29:52 sont majoritairement inexploitables sur la planète
29:54 puisque ce sont d'abord les déserts
29:57 et que ce sable est juste impropre à la construction,
30:00 donc on ne peut pas l'utiliser. - Pourquoi ?
30:02 - Parce qu'il a été usé par le vent,
30:04 donc il est plutôt lisse, plutôt de petite taille,
30:06 et pour qu'un béton soit solide,
30:08 il faut quelque chose qui soit avec des angles saillants
30:10 pour que ça s'agglomère correctement
30:13 et que ça fasse quelque chose qui est un peu de répondant
30:15 en termes de contraintes physiques.
30:18 Et donc, du coup, personne n'utilise ce sable
30:20 qui est pourtant là à disposition.
30:22 - A titre d'exemple,
30:24 le gratte-ciel qui est le plus haut du monde à Dubaï
30:26 est en béton, évidemment, mais est-ce que vous savez
30:28 d'où vient le sable qui a permis sa construction ?
30:30 - Non. - D'Australie.
30:32 - En tout cas, le sable ne vient pas du désert,
30:34 et donc les gerboises et les fenêtres sont donc épargnées,
30:36 c'est une bonne nouvelle. - Pour elle.
30:38 - Mais d'où vient le sable, alors ?
30:40 - Le sable qu'on utilise vient des carrières,
30:42 il vient des plages, du fond des lagues,
30:44 du lit des rivières, il vient des fonds marins,
30:46 des endroits où, a priori, il y a de la vie,
30:48 et donc, du coup, un impact potentiel
30:50 sur l'environnement quand il y a une exploitation,
30:52 parce qu'il faut savoir que ce sont des systèmes
30:54 de raclages, de fonds sableux
30:56 qui embarquent un petit peu tout,
30:58 et quand il y a des bestioles dedans,
31:00 que ce soit des plantes, des petits animaux, des crustacés,
31:02 ou tout ce que vous voulez, tout ça est embarqué avec,
31:04 au mieux, c'est déplacé, au pire, c'est détruit,
31:06 et puis, même la faune et la flore
31:08 qui restent, qui a été un peu épargnée
31:10 par la première vague, est-elle aussi impactée,
31:12 puisque, du coup, il y a de la turbidité
31:14 qu'on appelle dans le milieu,
31:16 ça resuspend du sédiment,
31:18 donc la photosynthèse ne se fait pas bien,
31:20 et donc c'est toute la chaîne alimentaire locale
31:22 qui peut être impactée par cette exploitation.
31:24 Alors, à titre d'exemple,
31:26 les scientifiques ont établi un lien
31:28 entre l'extraction du sable et le déclin
31:30 de la population des dauphins,
31:32 du gange, c'est un exemple.
31:34 Il y a eu le recul des prairies marines en Indonésie,
31:36 ainsi que le recul des tortues terrestres
31:38 en Malaisie, enfin, il y a eu le grand
31:40 boom de l'Asie du Sud-Est
31:42 qui a eu beaucoup d'impact sur l'environnement.
31:44 L'extraction du sable a aussi
31:46 des conséquences en termes de topographie,
31:48 c'est-à-dire que ça modifie les courants,
31:50 ça modifie les profondeurs,
31:52 et donc tout ça, eh bien, met un peu le chaos
31:54 dans les habitats, et ça a aussi
31:56 une incidence plus large,
31:58 c'est que dans les embouchures de fleuves
32:00 qui sont exploitées, le sol descend,
32:02 l'eau de mer remonte, donc le sel
32:04 diffuse dans les terres adjacentes
32:06 qui sont donc empoisonnées,
32:08 et quand c'est des terres agricoles, c'est un problème,
32:10 et on sait que c'est le cas dans l'embouchure
32:12 du Mekong, dont le sol est
32:14 descendu, et c'est une zone
32:16 de grande exploitation agricole.
32:18 - Vous aviez conscience, Sylvain Massonneau,
32:20 de ces chiffres ? 50 milliards de tonnes de sable
32:22 et de granulats extraites tous les ans.
32:24 Est-ce que vous, vous recyclez, comme d'autres entreprises,
32:26 le béton ?
32:28 - Déjà, la loi avec la REP nous l'impose,
32:30 on a l'obligation de récupérer nos déchets,
32:32 mais on regarde, ce que je disais tout à l'heure,
32:34 du coût, aujourd'hui, de nos matières premières,
32:36 on a l'obligation de s'y intéresser.
32:38 Mon entreprise, de 2007,
32:40 on a ratifié NFHQE, donc haute qualité environnementale,
32:42 ça fait partie, depuis 2007,
32:44 on n'a pas attendu les récentes actualités
32:46 pour s'y mettre, depuis 2007, on s'est penchés
32:48 sur ce sujet-là, et on s'est dit, qu'est-ce qu'on peut faire de mieux ou différent ?
32:50 Qu'est-ce qu'on va pouvoir apporter ?
32:52 Parfois, c'est modeste,
32:54 mais même le modeste, il est utile.
32:56 - Et quel est le modeste, en l'occurrence ?
32:58 - Je vais prendre des exemples tout simples, mais sur les laines
33:00 que l'on vient mettre dans les combles pour isoler,
33:02 initialement des laines minérales.
33:04 Aujourd'hui, on fait beaucoup avec de la laine de bois.
33:06 On a beaucoup
33:08 d'isolants aujourd'hui qui sont issus de la récupération
33:10 industrielle, que ce soit des tissus,
33:12 des PVC, etc.
33:14 C'est peu en quantité sur l'impact total d'un bâtiment,
33:16 mais c'est un bon début.
33:18 - Pourquoi pas, on parlait tout à l'heure de beaucoup de béton,
33:20 on utilise assez peu de bois
33:22 dans la construction en France, aux Etats-Unis,
33:24 c'est plutôt beaucoup le cas, qu'est-ce qui fait
33:26 qu'elle est la contrainte,
33:28 qu'elle est l'inconvénient, qui fait qu'on n'utiliserait
33:30 pas plus ce bois ?
33:32 - Le bois, historiquement, la filière française
33:34 l'a peu valorisé, ou alors dans du très haut de gamme,
33:36 on n'avait pas de très grosses
33:38 productions, comme l'ont eu les Allemands, notamment sur
33:40 des OSB, des choses comme ça,
33:42 des panneaux, mais maintenant,
33:44 on l'intègre, il y a
33:46 beaucoup, par exemple dans une maison,
33:48 c'est anecdotique, mais quand on a un carrelage,
33:50 on fait historiquement des plaintes en
33:52 carrelage. Maintenant, nous, systématiquement,
33:54 on fait de la plainte bois. C'est peu,
33:56 mais à l'échelle de 300 000 logements,
33:58 ça fait des quantités importantes.
34:00 - Mais sur le bâtiment lui-même, on peut en dire quelque chose.
34:02 - Et sur le bâtiment lui-même, on fait bien sûr,
34:04 moi je fais de la construction bois partiellement pour
34:06 certaines de mes maisons, on peut faire
34:08 des planchers intermédiaires, des escaliers en bois, etc.
34:10 Tout ce qu'on va pouvoir ajouter sera du mieux.
34:12 Ce ne sera pas 100% pour l'instant,
34:14 en tout cas pas pour mon entreprise, mais on y va
34:16 tout doucement. - Les deux architectes que vous êtes,
34:18 par quoi peut-on remplacer le béton ?
34:20 - Alors moi, je voudrais répondre à ce que vous disiez,
34:22 aux Etats-Unis, en Amérique du Nord plus généralement,
34:24 la construction bois est très très ancrée,
34:26 pour une très forte majorité
34:28 des maisons individuelles sont construites en bois, et maintenant,
34:30 même les petits collectifs sont construits en bois, dans les zones
34:32 où on commence à penser à l'intensification,
34:34 y compris aux Etats-Unis, ça existe. En Amérique du Sud,
34:36 c'est plutôt la daube et la terre
34:38 qui a été utilisée historiquement, alors elle a été
34:40 remplacée progressivement, notamment
34:42 pour les centres émergents,
34:44 les grandes villes émergentes des pays du Sud par les tours en béton,
34:46 mais les tours américaines du début du siècle
34:48 dernier, elles étaient en structure
34:50 acier, donc en fait on a su faire autrement.
34:52 Je pense qu'il y a une question d'imaginaire
34:54 collectif, notamment dans les pays émergents
34:56 et les pays d'Asie en particulier,
34:58 d'Asie du Sud-Est, considèrent
35:00 que la tour en béton, c'est
35:02 un peu l'objet qui montre la modernité,
35:04 qui montre l'accès à une certaine catégorie
35:06 de pays
35:08 développés au contraire
35:10 dans le monde moderne, et je pense qu'il y a
35:12 aussi beaucoup à travailler, je le redis,
35:14 ça paraît un peu anecdotique, mais en fait cette question de comment
35:16 on perçoit ce qui est vertueux
35:18 pour plein de raisons, pour des raisons d'attractivité
35:20 économique autant que pour des raisons d'engagement
35:22 écologique,
35:24 ça joue beaucoup sur les filières et leur capacité à se
35:26 structurer, à trouver un modèle économique
35:28 viable et des clients à
35:30 un niveau de marché suffisamment stable.
35:32 Il y a une question aussi de coûts de main d'oeuvre, non ?
35:34 Utiliser le...
35:36 Oui absolument, on utilise le bois en charpente par exemple,
35:38 on utilise le bois en menuiserie, effectivement, dans tout le
35:40 second oeuvre, mais quand on parle effectivement
35:42 des maisons, on doit être à
35:44 près 10% peut-être de part de marché si on est
35:46 en ossature et structure bois, et puis
35:48 un petit peu en dessous en petits collectifs,
35:50 il faut d'abord se dire
35:52 que oui,
35:54 ça intéresse tout le monde le bois, parce que c'est quelque chose qui
35:56 s'industrialise bien, et ça, ça plaît beaucoup
35:58 aux constructeurs de dire "je vais jouer au Lego, je vais plus vite
36:00 finalement que de bétonner, que de
36:02 maçonner, etc." Donc comme à un moment il y a
36:04 un peu de pénurie de main d'oeuvre, ça intéresse.
36:06 Par contre, effectivement il y a des questions de filières
36:08 derrière et de capacité,
36:10 on ne va pas multiplier par 10 ce qu'on sort
36:12 des forêts françaises, on espérait jusqu'à
36:14 pas très longtemps avoir des forêts françaises assez
36:16 en forme, avec beaucoup de plantations, des pins d'eau glace
36:18 etc., qui datent des années 50, donc qui
36:20 donnent toute leur puissance aujourd'hui de
36:22 capture du CO2 et de croissance,
36:24 et qui attâtera le changement climatique,
36:26 les bio-invasions, les maladies, les sécheresses,
36:28 font qu'on s'aperçoit, sans même parler des incendies,
36:30 que nos forêts ne vont pas être si en forme que ça,
36:32 et qu'elles ne le sont pas, d'ailleurs moins puits de carbone
36:34 que ce qu'on espérait dans la stratégie naturelle bas carbone,
36:36 etc. - La terre ? - Donc
36:38 effectivement, on peut aller chercher
36:40 tout un continuum, en fait c'est pas
36:42 bois ou rien, le bâtiment écolo c'est pas juste
36:44 un truc en bois avec des panneaux solaires dessus,
36:46 c'est bien plus complexe que ça, on peut faire
36:48 effectivement de la paille, on peut faire de la terre,
36:50 de la terre crue,
36:52 en briques, en pisées, en adobe,
36:54 il y a en fait des proportions importantes
36:56 de nos bâtiments, même des bâtiments qui montent
36:58 à 3, 4, 5 étages, comme à Lyon par exemple, il y a beaucoup
37:00 de bâtiments qui sont construits en pisées. - Ah oui ?
37:02 - On le sait pas. - Qu'est-ce qui limite l'utilisation de...
37:04 - Ce qui limite aujourd'hui, c'est que
37:06 ça est plus intensif en main d'oeuvre,
37:08 donc ça c'est déjà des compétences, et ensuite
37:10 il y a le coût, effectivement, parce que
37:12 eh bien il faut tasser la terre,
37:14 il faut fabriquer des briques un peu à la main,
37:16 etc. Enfin à la main, j'exagère un petit peu,
37:18 mais c'est beaucoup plus difficile que
37:20 les choses qui sortent des industries,
37:22 et donc comme beaucoup de sujets écolos,
37:24 en fait, c'est comme l'histoire de la réparation,
37:26 pourquoi est-ce qu'on répare pas les aspirateurs ?
37:28 Eh bien ça va vous coûter plus cher, mon bon monsieur.
37:30 C'est la même chose, en fait. - Donc il faut
37:32 des aides ? - Donc il faut effectivement
37:34 imaginer qu'on fasse glisser
37:36 quand même, alors de manière progressive,
37:38 intelligente et pilotée pour que
37:40 les industriels, les acteurs des filières
37:42 aient la visibilité, puissent investir, etc.
37:44 Mais il va falloir glisser d'une fiscalité
37:46 de la main d'oeuvre, finalement, la protection
37:48 sociale, les centaines de milliards d'euros
37:50 qui sont assis sur le travail humain, très bien,
37:52 j'adore, être protégé, mais
37:54 la fiscalité écolo, elle n'y a rien.
37:56 Il va falloir basculer ça pour être capable d'avoir
37:58 des choses plus intensives en travail humain,
38:00 un travail humain intéressant aussi, quand vous discutez
38:02 avec des gens qui mettent en oeuvre de la terre
38:04 - Et de revenir aussi à des savoir-faire que l'on a
38:06 perdus. - Des vrais savoir-faire artisanaux, des vrais
38:08 savoir-faire historiques, ça c'est vraiment des emplois
38:10 de qualité et de main qui seront aussi pour la
38:12 rénovation, pas que pour le neuf,
38:14 et être capable de faire ça au détriment
38:16 finalement de ce qui est intensif
38:18 en énergie. - Alors justement, la transition
38:20 est toute trouvée pour se demander
38:22 comment décarboner notre habitat.
38:24 Certains misent sur les matériaux moins
38:26 polluants et recyclables, comme le carton,
38:28 d'autant plus que le carton est un bon isolant.
38:30 Le monde de demain commence aujourd'hui
38:32 et croyez-moi, du moins on l'espère, il va
38:34 cartonner, comme le montre ce reportage
38:36 d'Emma Guizot et Ibarra Ibarre.
38:38 [Musique]
38:45 La Vraie Croix, un petit village de Bretagne
38:47 comme les autres, ou presque.
38:49 Au milieu des maisons en béton,
38:51 une se distingue, celle de
38:53 Nicolas Ledirac, qui a trouvé
38:55 la solution. - Alors, c'est par
38:57 ici. - Pour construire sa maison
38:59 avec zéro béton. - Alors la maison
39:01 est posée sur pieux, donc on est sur
39:03 des pieux métalliques vissés
39:05 dans le sol, donc ça va être des pieux
39:07 qui sont enfoncés à 4 mètres de profondeur
39:09 et c'est ce qui va venir soutenir
39:11 l'ensemble de la structure de la maison.
39:13 Donc en fait, là on est sur
39:15 un soutien de 15 tonnes par pieux.
39:17 - Grâce à ces pieux, la bâtisse
39:19 de Nicolas est surélevée et empêche
39:21 l'artificialisation du sol.
39:23 L'eau ruisselle normalement et la biodiversité
39:25 est préservée. - Si dans
39:27 100 ans, on décide de démonter la maison,
39:29 on peut retirer les pieux,
39:31 ré-étaler la terre et en fait
39:33 le terrain, il est comme si,
39:35 comme on l'avait trouvé
39:37 à l'achat.
39:39 - Nicolas a construit lui-même sa maison
39:41 de 138 mètres carrés.
39:43 A 39 ans, il vient d'ouvrir sa propre
39:45 société de construction. Autrefois
39:47 installateur de maisons en bois,
39:49 aujourd'hui, il utilise un autre matériau
39:51 pas comme les autres.
39:53 - Alors, vous voyez, si on coupe
39:55 la membrane qui fait l'étanchéité à l'eau,
39:57 hop, voilà.
39:59 Voilà, on retrouve le carton
40:01 juste derrière.
40:03 C'est un carton recyclé, c'est un carton
40:05 comme on trouve partout,
40:07 les cartons d'emballage, ainsi de suite.
40:09 On est vraiment à zéro béton.
40:11 - La maison de Nicolas
40:13 est la troisième de ce type en France.
40:15 Il s'est fourni
40:17 en matériaux chez Batipac,
40:19 l'entreprise novatrice des maisons en carton.
40:21 Son président,
40:23 Alain Marbeuf, vient contrôler
40:25 l'assemblage des structures murales en bois
40:27 et carton dans leur atelier de Saint-Nazaire.
40:29 - Salut Cédric,
40:31 tu vas bien ? - Ça va.
40:33 - Bon, ça y est, t'es en préparation d'un...
40:35 - Préparation d'un nouveau mur.
40:37 On fait une assortie
40:39 primaire, simplement,
40:41 et puis on vient mettre les blocs
40:43 qui seront derrière le placo-plate et derrière le bardage.
40:45 C'est bien du carton qui est à l'intérieur
40:47 et que c'est grâce aux alvéoles
40:49 qu'il y a là, qui contiennent de l'air.
40:51 C'est un bon isolant thermique,
40:53 phonique et acoustique.
40:55 - Pour une maison de 170 mètres carrés,
40:57 il faudra 15 jours d'assemblage en atelier,
40:59 puis 3 jours de chantier
41:01 pour que la maison en carton soit prête
41:03 à accueillir ses habitants.
41:05 - Le bloc central qui constitue le mur
41:07 principal, que l'on voit ici.
41:09 Derrière cela,
41:11 on a le pare-pluie
41:13 qui protège le bloc,
41:15 le bardage avec sa lame d'air,
41:17 et puis à l'intérieur,
41:19 le bloc de 5 qui sert de pare-vapeur
41:21 à l'intérieur de la maison,
41:23 les rails de placo,
41:25 avec ici du placo,
41:27 même si c'est un bout de bois, mais c'est du placo,
41:29 qui permet de passer de l'électricité, l'eau,
41:31 tout ce qu'il peut y avoir dans une maison.
41:33 - Ces maisons en carton ne risquent-elles pas
41:35 de s'envoler au premier coup de vent ?
41:37 - En fin de compte, ce produit-là,
41:39 il a des vraies propriétés mécaniques,
41:41 sur le fait que l'eau, bien sûr, ne traverse pas,
41:43 mais il est mécaniquement aussi résistant.
41:45 Actuellement, ils sont en train de construire
41:47 à Brest un ensemble de 6 maisons en bande,
41:49 et ces ensembles de bâtiments
41:51 ont subi la tempête,
41:53 enfin les deux tempêtes que nous avons eues.
41:55 Les bâtiments sont debout, il ne se passe rien.
41:57 (musique rythmée)
41:59 - Comme le béton,
42:05 le carton est solide et étanche,
42:07 mais il est en plus respectueux de l'environnement.
42:09 - Aujourd'hui, le carton,
42:11 qui est ici du recyclage,
42:13 il est recyclable 9 fois sur lui-même,
42:15 sans apport de matière neuve.
42:17 Donc ça veut dire que quand je prends ce petit bloc de carton
42:19 que je le recycle,
42:21 eh bien, je peux le faire 9 fois,
42:23 sans aller chercher un arbre,
42:25 sans aller chercher une matière.
42:27 Si vous faites une maison, on va dire qu'elle tient 80 ans
42:29 et que tous les 80 ans, on la recycle,
42:31 vous êtes quasiment sur un millénaire
42:33 sans avoir été prendre de la ressource.
42:35 C'est ce qu'on appelle du développement durable, soutenable.
42:37 - Batypac compte déjà une centaine de réalisations en France.
42:39 À environ 2 000 euros le mètre carré,
42:41 les prix sont proches de ceux d'un pavillon traditionnel,
42:43 mais les économies se font surtout dans la durée.
42:45 Retour dans le Morbihan,
42:51 dans la maison de Nicolas.
42:53 Le carton lui permet de dépenser moins de 100 euros
42:55 de chauffage chaque année.
42:57 - Là, en ce moment, on est sur une température
42:59 qui est de 20 degrés dans la maison.
43:01 Voilà, ça fait, on va dire, une quinzaine de jours
43:03 que le poêle ne s'est pas mis en route encore.
43:05 Le poêle s'est mis en route une fois
43:07 pendant une heure,
43:09 juste pour vraiment rehausser la température,
43:11 parce qu'on était descendus
43:13 en dessous de 18,
43:15 tout simplement parce qu'en fait,
43:17 on n'avait pas eu de soleil
43:19 pendant au moins une semaine et demie.
43:21 La maison est douillette, charmante,
43:23 et Nicolas est intarissable
43:25 sur ses qualités.
43:27 - Grâce au carton ici,
43:29 on a aussi une propriété acoustique
43:31 et qui est très intéressante,
43:33 parce qu'on fait
43:35 une réduction de 44 décibels
43:37 des bruits aériens,
43:39 chose que,
43:41 par exemple, sur une maison traditionnelle,
43:43 on est plutôt de l'ordre de 25 décibels.
43:45 Donc on est sur une performance
43:47 acoustique qui fait que
43:49 on se retrouve vraiment dans un cocon
43:51 une fois qu'on est dans la maison.
43:53 - Six maisons comme celle de Nicolas
43:55 verront le jour à Brest
43:57 en avril 2024.
43:59 - Un matériau recyclable jusqu'à cette fois
44:03 qui ne se consomme pas plus vite
44:05 qu'un autre, voici une architecture frugale et durable,
44:07 de quoi démentir la fable des trois petits cochons.
44:09 Ça vous inspire, Sylvain Massonneau ?
44:11 - Oui, bien sûr, tout ça, c'est nécessaire.
44:13 Toutes les expériences sont bonnes à prendre
44:15 et il va falloir laisser leur chance à chacune,
44:17 regarder quels sont les niveaux de maturation
44:19 et puis après de capacité à massifier
44:21 parce que la grande difficulté, ça va être celle-là.
44:23 Sans maison, c'est un bon début, il faut encourager ça.
44:25 On parlait de 500 000 logements, il va falloir les faire.
44:27 - Avant, pour être un grand maire,
44:29 il fallait avoir une grande ville.
44:31 Cette philosophie est-elle peu à peu en train de changer
44:33 dans le sud en raison de la sécheresse ?
44:35 Il y a certains maires qui refusent maintenant de délivrer
44:37 des pavés de construction. Ils ont raison ?
44:39 - Oui, alors moi, je le vois plus que dans le sud,
44:41 je le vois dans beaucoup de régions aujourd'hui.
44:43 En fait, c'est effectivement l'effet des deux derniers étés
44:45 avec des sécheresses très marquées,
44:47 y compris dans le nord-est, dans pas mal de régions de France.
44:49 Les élus ont réalisé qu'en fait,
44:51 leur rêve de développement était un peu limité
44:53 tout simplement par l'accès à l'eau
44:55 et bien souvent par un accès à l'eau qui est en fait
44:57 assez complexe pour eux. Alors dans les régions du sud-est
44:59 effectivement, parce que c'est déjà très occupé
45:01 donc c'est déjà le conflit de l'eau
45:03 mais dans les régions très agricoles, il y a d'autres formes
45:05 de conflits de l'eau, on le voit du côté du Grand-Ouest.
45:07 Finalement, on a beaucoup de difficultés
45:09 à accepter de toute façon
45:11 de nouveaux habitants et de nouveaux usages.
45:13 Et donc ça commence à être effectivement
45:15 un révélateur, un choc un peu
45:17 de constatations de ces différentes pénuries.
45:19 Je pense qu'on n'en est pas là pour le sable
45:21 mais on finira aussi par la rencontrer
45:23 cette pénurie en termes
45:25 de matières premières. Et on a fait nous un exercice
45:27 justement avec un certain nombre de villes moyennes
45:29 qui ont perdu de la population ces dernières années,
45:31 notamment dans l'agglomération
45:33 d'Épernay, pour savoir
45:35 si réellement le développement urbain
45:37 tel qu'il avait été réalisé
45:39 est promu sur un village
45:41 d'à peu près 5 ou 6 000 habitants.
45:43 Le maire nous explique qu'il a fait
45:45 4 lotissements en 20 ans et qu'il a perdu
45:47 1 000 habitants. Donc en fait, il y a aussi
45:49 à déconstruire un peu l'idée reçue que faire
45:51 plus de logements, ça ferait venir plus de gens.
45:53 Pour autant, on comprend très bien les aspirations
45:55 à augmenter de deux ou trois familles
45:57 la population du village pour ne pas
45:59 fermer une classe dans une école, etc.
46:01 Enfin, c'est très objectif
46:03 la manière dont aujourd'hui les élus décident
46:05 de construire. Ce qu'il faut,
46:07 c'est plutôt penser produire du logement
46:09 que construire du logement et c'est là qu'on revient
46:11 à l'idée qu'il y a déjà un stock
46:13 et que le déjà là est susceptible
46:15 d'accueillir aussi les besoins
46:17 qui sont ceux du territoire.
46:19 Au nom de la défense de la ruralité,
46:21 les élus, on l'a entendu, dont
46:23 le président de la région Auvergne, Ronald-Florent
46:25 Wauquiez, refusent de mettre en oeuvre
46:27 cette poétique de sobriété foncière.
46:29 Corriez-vous envie de lui dire
46:31 l'un et l'autre ?
46:33 Philippe.
46:35 J'aurais le plaisir de le rencontrer pour lui en parler.
46:37 Effectivement, moi ce que j'aurais envie de dire
46:39 c'est que ce zéro artificialisation net,
46:41 il rencontre
46:43 un écho qui est assez positif.
46:45 C'est pas juste négatif.
46:47 Il y a une vraie prise de conscience de cette question.
46:49 Alors c'est pas juste pour la biodiversité
46:51 tout ça, c'est aussi pour notre résilience
46:53 alimentaire. On a vécu pendant 40-50 ans
46:55 avec des rendements agricoles
46:57 qui augmentaient. Et donc c'était pas
46:59 très grave en fait. Il y avait des friches et puis
47:01 on transformait ça. Et donc il faut sortir de ça
47:03 et ça aujourd'hui il y a une vraie compréhension de ça.
47:05 Les villes, elles peuvent pas avoir
47:07 vocation à croître et à se développer éternellement.
47:09 À un moment ça ne fonctionne pas.
47:11 Au rythme où on artificialise aujourd'hui, dans 5 à 6
47:13 siècles, l'ensemble des terres agricoles,
47:15 on parlait de 1000 ans dans le reportage,
47:17 on va s'arrêter à la moitié, l'ensemble
47:19 des terres agricoles seraient couvertes de ronds-points,
47:21 de parkings de supermarchés.
47:23 Ça peut pas fonctionner comme ça. Donc effectivement,
47:25 il faut aller chercher une logique où les maires
47:27 bâtisseurs, on verra en 2026, mais déjà en
47:29 2020 il y a quelques maires bâtisseurs qui se sont faits sortir
47:31 dans quelques endroits.
47:33 Donc il y a cette logique de dire, maintenant
47:35 les maires, aujourd'hui, ça doit être des gens qui doivent
47:37 embellir, réparer, transformer,
47:39 adapter les villes aussi aux enjeux
47:41 climatiques de demain. - Vous entendez ça,
47:43 Sylvain Massonneau ? - Oui, oui, tout à fait.
47:45 - Corriez-vous envie de dire à un
47:47 client potentiel qui a envie
47:49 de sa maison individuelle ?
47:51 - Et à monsieur Wauquiez, à mon président de région.
47:53 - Et à monsieur Wauquiez, à votre président de région,
47:55 qu'il avait envie de... - Monsieur Wauquiez, je pense que
47:57 il a eu cette formule choc pour
47:59 imposer à la classe politique
48:01 de se réintéresser au sujet.
48:03 - Alors il faut lui reconnaître qu'il a donné une publicité invraisemblable
48:05 à ce texte, qu'il n'aurait certainement pas connu autrement.
48:07 - Je pense que la genèse a été un petit peu
48:09 rapide, un peu dogmatique, et que
48:11 le coup d'éclat de monsieur Wauquiez
48:13 a surtout vocation à
48:15 remettre les pieds sur terre. Il a envie de
48:17 montrer qu'il y a un vrai sujet. Et dans ce vrai sujet,
48:19 quand on rentre dans la technique
48:21 opérationnelle du ZAN,
48:23 il y a quand même quelques sujets
48:25 de vexation. Je vais prendre un exemple tout simple.
48:27 Quand on prend un terrain à
48:29 construire, 1000 m²,
48:31 c'est déjà beaucoup plus que ce que se payent tous les gens.
48:33 Aujourd'hui, on est plutôt sur 350-400 m².
48:35 Mais imaginons-le, pour le calcul, à 1000 m².
48:37 On met une maison de 100 m² dessus,
48:39 on a artificialisé les 1000 m².
48:41 Il y a aujourd'hui des gens dans des villages
48:43 qui ne comprennent pas qu'on leur dise que leur terrain
48:45 est artificialisé. Ils ne comprennent pas que la
48:47 biodiversité qu'ils apportent dans
48:49 un jardin de maison
48:51 soit pire que le champ de céréales en
48:53 monoculture intensive. Ils n'arrivent
48:55 pas à comprendre. Et aujourd'hui, je pense que
48:57 le bouclier se fait le porte-parole de cette vexation-là.
48:59 J'aimerais qu'on jette un coup d'œil
49:01 dans le rétro, si vous le voulez bien.
49:03 Comme chaque mois, Charles Tépal est allé fouiller
49:05 dans les archives de l'INA et nous a
49:07 exhumé ceci,
49:09 hier encore. C'est notre coup d'œil
49:11 dans le rétro, et c'est maintenant.
49:13 [Musique]
49:19 Je vous propose maintenant de suivre
49:21 Jérôme Bonny dans les gorges de la Loire,
49:23 le long de ce magnifique massif
49:25 du Pila, pour suivre son reportage
49:27 consacré à un lotissement
49:29 qui pourrait bien défigurer
49:31 cet endroit merveilleux.
49:33 Oui, Noël, et vous allez
49:35 voir qu'en fait, le pire est déjà fait.
49:37 Mais je vous laisse d'abord admirer
49:39 ces gorges de la Loire,
49:41 lieu de promenade privilégiée des Stéphanois.
49:43 Eh bien, c'est ce site que
49:45 l'ancienne municipalité de Saint-Étienne a choisi
49:47 pour établir une zone d'aménagement
49:49 concertée à 15 km de la ville.
49:51 Et ce, juste avant
49:53 75, c'est-à-dire sans étude
49:55 d'impact. Les promoteurs sont
49:57 arrivés, et c'est comme par hasard le site
49:59 le plus visible qui a été construit en
50:01 premier. Et la commission des sites, direz-vous,
50:03 elle ne s'était pas réunie
50:05 pendant trois ans.
50:07 Seulement, peut-être l'hiver sera-t-il
50:09 rude pour ces accédants à la propriété
50:11 sur ce plateau très exposé au vent.
50:13 Il est même écrit dans le permis
50:15 de construire qu'il faudra prévoir des tas de
50:17 sable dans les voies pour le verglas.
50:19 Et puis, il est d'ores et déjà évident
50:21 que ce hameau est bien isolé.
50:23 C'est votre résidence principale, et où pensez-vous
50:27 faire vos courses, par exemple ?
50:29 Avec les voitures et le supermarché,
50:31 et puis il y a le village qui est quand même pas terriblement loin,
50:33 alors pour faire les courses, chacun a une voiture.
50:35 Cette opération avait été
50:37 lancée par l'ancienne municipalité de Saint-Étienne,
50:39 mais la nouvelle était-elle vraiment obligée
50:41 de la concrétiser ?
50:43 Il était aberrant
50:45 de vouloir urbaniser
50:47 ces plateaux au-dessus des gorges de la Loire.
50:49 Mais il est dommage également sur le plan du site
50:51 lui-même, que vous ayez malgré tout
50:53 laissé construire sur l'endroit qui est le plus visible
50:55 quand on admire justement ces gorges de la Loire.
50:57 L'endroit qui est le plus visible,
50:59 je ne vous suivrai quand même pas totalement
51:01 sur ce point. C'est l'ensemble
51:03 des abords du hameau
51:05 de Condamine qui est
51:07 visible de l'autre
51:09 côté des gorges
51:11 de la Loire. Enfin, vous reconnaissez que ce
51:13 placement est particulièrement dommageable.
51:15 Ah mais j'en suis tout à fait d'accord avec
51:17 vous. Mais
51:19 en matière d'urbanisme, il y a des
51:21 coups partis que l'on peut regretter
51:23 mais qui sont malheureusement, comme
51:25 on le dit dans ce jargon, des coups
51:27 partis. Effectivement, la ville de
51:29 Saint-Étienne avait déjà investi 10 millions
51:31 de francs pour l'adduction d'eau et d'électricité
51:33 sur ce plateau. Et
51:35 finalement, la nouvelle municipalité, en
51:37 bradant ce terrain viabilisé
51:39 à Phénix pour 30 francs le mètre carré,
51:41 aura au moins contribué à offrir à des
51:43 revenus moyens une vue exceptionnelle.
51:45 Alors en effet, 30 francs le mètre
51:47 carré, voilà un bel exemple d'étalement
51:49 urbain. Impossible de nous quitter
51:51 sans donner la parole à notre éco-activiste
51:53 préférée. Camille Étienne est
51:55 de retour et elle a quelque chose à vous dire.
51:57 C'est l'heure de sa carte verte. Camille,
51:59 c'est à vous.
52:01 [Musique]
52:03 [Musique]
52:05 [Musique]
52:07 La taille d'un département, c'est ce qu'on perd sous le béton
52:09 tous les 10 ans. A l'heure où les
52:11 sécheresses menacent nos cultures, on condamne
52:13 les terres agricoles pour des entrepôts de e-commerce.
52:15 On laisse des bulldozers s'accaparer
52:17 les vergers pour y faire des autoroutes.
52:19 Nos forêts denses être incisées
52:21 pour une piste de ski de plus.
52:23 Mais les autres qui habitent le monde ?
52:25 Ce qu'on oublie, jusqu'à ce qu'on voit des
52:27 dauphins revenir dans les canaux des villes
52:29 et des biches traverser les passages piétons
52:31 quand on était privé de sortir.
52:33 Confinés chez nous, entre nos murs qui maintenaient
52:35 nos existences et nos bruits. À eux,
52:37 nos voisins, pas de paliers mais de prairies.
52:39 Que leur reste-t-il ?
52:41 Que leur laisse-t-on ? Où vont
52:43 donc les oiseaux sans arbre, les cerfs sans
52:45 forêt, les renards sans champ ? Ils
52:47 disparaissent. L'artificialisation
52:49 des sols est la première cause de la 6ème
52:51 extinction de masse. On les
52:53 vire dehors, pendant que de l'or dehors,
52:55 on en fait notre intérieur. On les congédie
52:57 ailleurs, sans qu'il n'y ait plus d'ailleurs.
52:59 La vie se vide parce qu'on avale
53:01 son socle. On construit une terre sans
53:03 terre, sans se dire que la menace est dans le titre.
53:05 Il y a quelques années déjà,
53:07 certains avaient sonné l'alarme.
53:09 Ils étaient 150. La fameuse convention
53:11 citoyenne sur le climat.
53:13 Tirée au sort, on leur avait demandé de trouver
53:15 comment stopper notre course avant l'abîme.
53:17 Une des premières mesures, celle-ci.
53:19 L'article 52 de la loi
53:21 qui imposait un moratoire sur toute
53:23 structure soumise à autorisation
53:25 commerciale de plus de 10 000 mètres
53:27 carrés, artificialisant des sols.
53:29 Concrètement, ça veut dire pause.
53:31 On arrête de couler le monde sous le béton,
53:33 sans réfléchir. Et puis,
53:35 nos décideurs ont rajouté une petite astérix, en bas
53:37 de la page, l'exception.
53:39 On arrête le monde de béton, sauf pour les entreprises
53:41 privées. Les entrepôts de e-commerce
53:43 ont le droit, eux. On arrête de
53:45 construire, sauf pour vous, par exemple,
53:47 monsieur Amazon, qui fait disparaître deux fois
53:49 plus d'emplois que vous n'en créez, qui
53:51 échappait à l'impôt, qui condamnait des terres cultivables
53:53 pour y empiler des flingues en plastique
53:55 ou des ordinateurs dernier cri.
53:57 Parce que c'est important, apparemment, pour
53:59 tous les Français, de pouvoir recevoir
54:01 chez eux des baskets qui clignotent, plus vite
54:03 que leur clignotement, justement. Plus important
54:05 que nos champs. Mais l'opposition
54:07 contre ces entrepôts s'organise, partout
54:09 autour de vous. Des gens se soulèvent
54:11 pour refuser ce monde de béton, celui de
54:13 Lafarge ou d'Amazon. Du Mans,
54:15 contre un entrepôt de 42 000 m2
54:17 à Louaille, jusqu'à Colombier-Saugneux,
54:19 contre un autre entrepôt
54:21 de 160 m2, en Alsace,
54:23 à Belfort, à Fournasse, à Lyon, à
54:25 Quimper, à Rouen. Rejoignez-les,
54:27 ils n'attendent plus que vous. Alors,
54:29 restons attentifs, autour de nous,
54:31 où réside encore un peu de beauté du monde,
54:33 sans qu'on aille la chercher ailleurs.
54:35 Restons intranquilles et prêts
54:37 pour refuser leur appétit insatiable
54:39 d'artificialiser ce qui se passerait
54:41 d'artifice. Et face
54:43 à ce qu'il reste de terre, comme disait
54:45 Corinne Morel-Darleux, "cheminer
54:47 sur cette ligne de crête qui oscille sans
54:49 cesse, entre inquiétude et émerveillement,
54:51 et trouver nos équilibres implique
54:53 une égale aptitude à déceler
54:55 la beauté, à s'en réjouir
54:57 et à poser un regard lucide et déterminé
54:59 sur ce qui est en train de la saccager."
55:01 Et j'ajouterais en bref, se battre
55:03 pour elle et en son nom.
55:05 Une réaction peut-être ?
55:07 Oui, une réaction pour dire que ce que
55:09 nous avons essayé d'évoquer là, c'est
55:11 l'envie de faire plus sobre, c'est-à-dire de faire
55:13 mieux avec moins en respectant ce qui est déjà là.
55:15 Et je pense que s'il y a quelque chose à retenir,
55:17 c'est qu'il faut d'abord regarder ce qu'on a
55:19 sous les pieds avant d'essayer de le détruire pour
55:21 quelque chose dont on ne sait même pas si on en a réellement besoin.
55:23 Valoriser l'existant, donc, pour résumer.
55:25 Tout à fait.
55:27 J'ai envie de rebondir sur la beauté du monde,
55:29 finalement, avec le reportage de Lina aussi
55:31 sur la zone pavillonnaire moche,
55:33 alors qu'il y a le plus beau village de France
55:35 un peu plus loin. Comment on a fait
55:37 pour construire pendant des siècles de manière
55:39 aussi belle, quelque part, et aussi patrimoniale ?
55:41 Et c'est pas ça qu'on doit faire ?
55:43 Construire aujourd'hui moins,
55:45 mais mieux, plus durable,
55:47 sans être frappé d'obsolescence.
55:49 Les lieux sont aussi frappés d'obsolescence,
55:51 comme les objets. Et donc, c'est
55:53 tout ce rapport-là qu'il faut réinventer,
55:55 avec une chance incroyable. C'est
55:57 l'immense patrimoine bâti existant
55:59 qui est un terrain de jeu fabuleux pour
56:01 toutes les professions et pour tout le monde.
56:03 Thierry Hermosano.
56:05 Je retiens aussi des reportages
56:07 de l'usage et les fonctions
56:09 d'un lieu de vie.
56:11 La maison, maintenant, c'est en train de devenir
56:13 aussi un lieu de travail, un lieu d'éducation,
56:15 avec les MOOC, les tutoriels, etc.
56:17 C'est aussi, je pense, un lieu privilégié d'apprentissage
56:19 de l'écologie. Ça a été extrêmement bien dit
56:21 sur la faune, la flore immédiate.
56:23 Quand on vit dans un jardin,
56:25 on accède à tout ça. Les enfants, ils savent
56:27 distinguer un rouge-queu d'un rouge-gorge.
56:29 Ils ont vu leurs plants de tomates sécher
56:31 lors des canicules de 2020, 2021,
56:33 2022, 2023, et ils se disent
56:35 qu'effectivement, il y a un problème. Ça sert
56:37 à ça aussi, un jardin. Ça sert à ça aussi, une maison.
56:39 C'est cette proximité-là qu'il faut aussi
56:41 pouvoir promouvoir et ne pas balayer d'un revers
56:43 de main en disant simplement qu'elle est moche.
56:45 Merci à tous les trois, à tous les quatre.
56:47 Avant de nous quitter, quelques scènes
56:49 de recommandations de lecture pour aller plus loin.
56:51 Forcément, la
56:53 ville stationnaire de Philippe Bewix
56:55 aux éditions Actes Sud, c'est
56:57 un indispensable.
56:59 Le tour, c'est pour vous, ça, Sylvain Massonneau,
57:01 le tour des matériaux d'une maison écologique.
57:03 Aux éditions Alternatives, la bible
57:05 de la construction sobre. Aux éditions
57:07 du PUCA, formes urbaines et biodiversité,
57:09 un état des connaissances de Morgane
57:11 Fléjau et, objectif,
57:13 ZAN, apprendre du périurbain
57:15 et des campagnes urbaines de
57:17 Sylvain Allemand. C'est en ligne, c'est bien ça.
57:19 Voilà, bonne lecture. On se retrouve
57:21 en 2024. D'ici là,
57:23 soyez heureux.
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