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00:00 Il a fait moins de 5 degrés cette nuit encore et des dizaines de personnes dorment dehors en Alsace par ces températures.
00:05 Alors comment on les prend aux charges cet hiver ? On en parle ce matin avec le directeur du Secours Populaire dans le Bar 1.
00:10 Bonjour Camille Vega.
00:11 Bonjour.
00:12 En ce moment, parmi les personnes que vous accompagnez, il y en a combien qui dorment dehors ?
00:15 Beaucoup trop. Il y en a beaucoup trop tout simplement parce qu'au niveau du 115, il y a 1000 personnes, donc 115 du Bar 1.
00:23 C'est le mieux social.
00:24 Il y a 1000 personnes qui les appellent chaque semaine pour demander un hébergement d'urgence.
00:28 Et les maraudes, donc les équipes qui tournent dans les rues pour venir justement un petit peu essayer de soulager, de discuter, de dialoguer avec les personnes qui sont à la rue,
00:37 elles recensent 80 familles dans les rues de Strasbourg, donc 80 familles avec des enfants,
00:41 qui dorment soit sous tente, soit dans des voitures, soit à la gare ou là où ils peuvent, dans le froid qu'on connaît actuellement.
00:49 1000 personnes qui appellent le 115, mais combien qui ont effectivement un toit sur la tête pour dormir le soir ?
00:54 Comme je vous le dis, très peu, très peu dans le sens où effectivement les 1000 ne sont pas forcément à la rue pleinement,
01:00 puisqu'il y en a certains qui trouvent un petit peu des hébergements chez des amis ou des solutions à droite à gauche,
01:07 mais rien de très pérenne ni confortable.
01:10 Mais clairement, comme je vous l'expliquais, les maraudes en termes de familles recensent 80 familles avec des enfants,
01:17 donc ça fait minimum 150 enfants qui dorment sous une toile de tente sous -5 degrés.
01:23 - Exactement. - Ces chiffres, c'est pire que les autres années ?
01:26 - C'est une catastrophe. Honnêtement, je n'ai jamais vu ça.
01:29 Et de toutes les associations et tout le réseau que je connais, on n'a jamais vu cette situation dans les rues de Strasbourg.
01:36 Je discutais encore avec un ami hier qui me disait "tu te rends compte, il y a deux ans, on s'insurgeait du fait qu'il y avait 9 familles à la rue à Strasbourg,
01:43 comme je vous le dis, ce matin, il y en a 80. Donc c'est vraiment une vraie catastrophe, du jamais vu.
01:47 - Et puis vous, les associations, vous êtes à moyen constant, est-ce que vous avez les moyens de suivre ?
01:52 - Ah ben clairement non. Ça fait déjà plusieurs fois qu'on fait des alertes pour expliquer que la situation s'aggrave,
01:58 qu'on n'est plus en situation de suivre. Et là, à l'heure actuelle, les pouvoirs publics ne prennent toujours pas la mesure de la situation,
02:03 c'est même encore pire. Puisque là, comme je vous le dis, c'est une situation qu'on n'a jamais vue.
02:07 En temps normal, d'habitude, avec le temps qu'il fait, il y a un minimum un gymnase qui est ouvert pour que les gens puissent trouver un endroit chaud.
02:13 Là, à l'heure actuelle, ça n'est toujours pas d'actualité.
02:16 - Cette demande d'ouvrir un gymnase, c'est la demande de plusieurs associations ?
02:20 La préfecture, elle répond qu'il faut attendre qu'il fasse encore plus froid.
02:23 En fait, elle dit qu'il faut le déclenchement du plan grand froid niveau 2,
02:26 ça correspond à des températures entre -5 et -10 degrés. Mais ce sera trop tard pour vous ?
02:30 - Ah ben clairement, c'est trop tard. Déjà, quand il fait au-dessus de zéro, dormir dehors, je ne sais pas pour vous,
02:35 mais c'est déjà compliqué. Mais en dessous de zéro, là, clairement, c'est un risque de mort.
02:39 En fait, c'est non-assistance à personne en danger.
02:42 À un moment donné, autour du Secours Populaire, on a une vingtaine de tentes avec des enfants.
02:46 Dans ces tentes, il y a des petits bouts de chou de 3-4 ans, il y a des bébés.
02:50 Là, clairement, c'est des enfants qui sont en danger de mort. Donc, c'est de la mise en danger de la vie d'autrui.
02:54 - Donc, vous demandez à la préfecture d'agir tout de suite ?
02:56 - Mais clairement, oui. Il est déjà trop tard.
03:01 N'attendons pas qu'il y ait une catastrophe et un drame dans les rues de Strasbourg pour prendre les mesures qui s'imposent.
03:05 Là, clairement, en tout cas, ils ne pourront pas dire qu'ils ne le savaient pas.
03:09 Tout le monde, absolument tout le monde, les prévient et les alerte sur la situation dramatique qu'on vit à l'heure actuelle.
03:15 Pour l'instant, il n'y a pas de réponse. On est encore dans une gestion au thermomètre où on nous dit
03:18 "Ah bah non, tant qu'il ne fait pas -8°C, on n'ouvrira pas".
03:21 Ce n'est pas humain, en fait, la réponse qui nous est donnée. Ce n'est pas possible.
03:26 Encore une fois, autour du Secours Populaire, on accueille tous les jours des petits bouts de chou de 3 ans
03:30 qui dorment sous la tente et les parents sont très inquiets à nous dire
03:34 "Je ne sais pas si mon gamin va se lever le matin, en fait".
03:37 - Depuis le temps que vous êtes engagé, Camille Végan, on sent une émotion encore plus particulière.
03:41 On vous a reçu plusieurs fois sur France Bleu Alsace parce que ce sujet, hélas, il revient toujours sur le devant de la scène.
03:46 Mais encore plus cette année, j'ai l'impression.
03:48 - Oui, oui, parce que comme je vous l'ai dit, en fait, c'est une situation qu'on n'a jamais vécue.
03:53 Et là, en plus, nous du côté des associations, il y a un vrai sentiment d'impuissance
03:58 et de se battre contre des moulins à vent parce que vraiment, on n'est pas entendu.
04:01 Et pour le coup, nous, on est vraiment face aux personnes.
04:04 On n'est pas face à des dispositifs ou des chiffres ou des choses comme ça.
04:08 C'est des êtres humains qu'on a en face de nous et où on sent vraiment la tragédie qu'ils vivent
04:13 et vraiment la peur, comme je vous le disais, les parents nous expliquent.
04:17 "Moi, j'ai peur que mon gamin de 3 ans ne se lève pas le matin, en fait".
04:20 Et ça, c'est des choses qu'effectivement, on voit, on entend, on essaye d'alerter en permanence
04:25 et on nous dit juste "Oh ben non, on va attendre encore un petit peu parce qu'il ne fait pas assez froid".
04:29 Enfin, je veux dire, à un moment donné...
04:31 - C'est difficilement tentable.
04:33 - C'est ça, tout à fait.
04:34 - C'est uniquement la préfecture qui peut agir sur ce sujet
04:37 ou est-ce que la mairie, par exemple, pourrait faire quelque chose aussi ?
04:39 - Alors clairement, la réquisition d'un gymnase et les moyens qui vont en face,
04:42 c'est les compétences de l'État.
04:44 Parce que c'est eux qui peuvent réquisitionner les moyens,
04:47 notamment la protection civile, la Croix-Rouge et tous les moyens qui vont avec.
04:50 Et c'est de leur responsabilité de coordonner et de déclencher ça.
04:54 Après, la propriété des gymnases est à la ville.
04:58 Ils l'ont déjà fait l'année dernière pour mettre en place justement des personnes
05:04 qui étaient à la rue pour pouvoir les abriter.
05:06 Là, pour l'instant, la réponse, c'est de nous dire
05:08 "le budget de la ville ne nous permet pas de le faire".
05:11 Mais clairement, en termes de compétences, si vraiment ils voulaient le faire, ils pourraient.
05:15 - Il y a des associations, alors pas forcément la vôtre,
05:18 mais d'autres qui ont mené des actions très fortes,
05:20 notamment la semaine dernière à Königshofen,
05:22 en occupant une école pour demander l'hébergement de deux familles.
05:26 Est-ce qu'il faut en arriver là ? Forcer la main des pouvoirs publics ?
05:29 - Malheureusement, la preuve nous montre que oui,
05:32 puisque l'occupation de cette école a permis à ces familles de trouver un hébergement.
05:37 C'est à croire que l'appartement est sorti de terre du jour au lendemain.
05:42 Donc oui, à un moment donné, on en arrive à devoir, comme je vous le disais,
05:46 quand on est juste dans l'alerte, à dire "voilà les situations qu'on rencontre",
05:52 on n'est pas écouté.
05:53 Donc effectivement, là, quand on voit qu'il y a une occupation d'école,
05:56 tout de suite, les familles sont hébergées.
05:59 Donc effectivement, c'est des questions qui commencent à se poser.
06:01 On a fait un collectif au niveau de Strasbourg, de 25 associations qui s'est créées,
06:05 pour justement réfléchir ensemble à comment est-ce qu'on fait entendre notre voix,
06:08 parce que là, en fait, ce n'est pas le cas.
06:10 - Et vous, vous réfléchissez à mettre en place ce genre d'initiative aussi à votre niveau ?
06:14 - Clairement, au niveau du secours populaire, non, ce n'est pas notre façon d'agir.
06:17 On n'est pas dans l'occupation de locaux ou de choses comme ça.
06:21 On est à répondre aux conséquences, donc à essayer de répondre aux besoins des personnes.
06:27 Mais clairement, comme je vous l'ai dit, il y a des collectifs qui se mettent en place
06:29 où ils vont être beaucoup plus dans ce genre d'action.
06:33 - Vous pouvez témoigner ce matin sur France Bleu Alsace,
06:35 vous qui êtes alors engagé, de façon très engagée,
06:40 à l'image de ce que vous venez de dire Alice,
06:41 vous pouvez nous appeler 03 88 25 15 15, vous êtes membre d'association,
06:45 vous faites des maraudes aussi, venez parler de votre association
06:48 et des actions que vous mettez en place, ça ressemble à quoi les maraudes ?
06:51 03 88 25 15 15.
06:54 - Camille Wegel, il y a quand même le plan Grand Froid Niveau 1 qui a été déclenché,
06:58 qui doit normalement permettre de renforcer notamment les moyens du 115, du Samu Social.
07:03 Est-ce qu'il y a une différence depuis qu'il a été activé, donc en fin de semaine dernière ?
07:07 - La différence c'est qu'il y a eu 15 places qui ont été mises en place
07:10 pour les familles isolées et des hommes isolés.
07:12 Donc 15 places par rapport au chiffre que je vous annonçais tout à l'heure
07:14 de 1 000 personnes qui appellent et 80 familles, c'est absolument dérisoire.
07:18 Et puis ensuite, l'autre chose qui est mise en place, c'est l'extension des heures de maraudes,
07:22 pour vérifier que les gens ne sont pas morts dans leur tente,
07:25 et l'extension des accueils de jour pour que les personnes restent un petit peu plus longtemps au chaud.
07:29 Mais sinon, en dehors de ça, non, ça ne change rien du tout.
07:31 - Le 115 manque chroniquement de moyens, ça c'est un problème dont on parle depuis des années.
07:37 Le ministre du Logement a annoncé il y a un mois le recrutement de 500 personnes au niveau national.
07:42 Est-ce que ça va suffire ?
07:44 - Clairement non, parce qu'au-delà du recrutement des personnes,
07:48 c'est aussi le nombre de places d'hébergement d'urgence.
07:50 Là, à l'heure actuelle, dans le Barin, on est arrivé dans une telle situation
07:53 où, en gros, pour que le 115 puisse avoir des places d'hébergement d'urgence
07:57 pour les personnes qui sont actuellement à la rue, il faut qu'il libère des places.
08:00 C'est-à-dire qu'il faut qu'il mette à la rue des gens qui sont déjà dans les places.
08:03 Donc en gros, le discours, c'est vérifier que les gens qui sont dans les places sont toujours vulnérables,
08:07 sinon vous les remettez dehors pour pouvoir en mettre d'autres à la place.
08:10 Donc vous imaginez un petit peu, encore une fois, le cynisme.
08:13 C'est de dire, pour en protéger certains, il faudra en mettre dans le froid et à la rue d'autres.
08:17 - On sait estimer combien il manque de places dans le Barin ?
08:20 - Comme je vous l'ai dit, à minima, 1000 places.
08:22 Puisque, comme je vous le disais, il y a 1000 personnes qui appellent chaque semaine le 115.
08:26 - Mais comment on en est arrivé là ?
08:27 - Donc à minima, c'est ce nombre de places-là.
08:29 Mais si vous voulez, c'est un peu le bout de la chaîne.
08:33 Dans le sens où, en fait, c'est tout un système de l'accès au logement qui est bloqué.
08:37 En fait, les places d'hébergement d'urgence, elles sont bloquées
08:39 parce que les personnes ne peuvent pas sortir vers de logements,
08:41 parce qu'on ne construit plus de logements,
08:42 parce qu'il n'y a pas suffisamment de logements sociaux en France, etc.
08:45 Et donc, en fait, là, c'est le bout de la chaîne qui fait que c'est saturé, en fait.
08:48 - Mais comment on en est arrivé à un tel écart entre l'année dernière et cette année ?
08:52 Est-ce que c'est ce fameux effet dont on parle,
08:54 de certaines personnes qui sont déplacées de Paris jusqu'à d'autres villes
08:58 à cause des Jeux Olympiques qui arrivent,
09:00 de certaines personnes vulnérables qu'on déplace ?
09:03 - Alors, non, c'est pas vraiment...
09:04 Les Jeux Olympiques, effectivement, il y a quelques personnes
09:07 qui ont été déplacées jusqu'à chez nous,
09:09 mais ça reste dérisoire.
09:10 On est sur quelques dizaines de personnes.
09:12 Non, par contre, en revanche, effectivement,
09:14 là où ça bloque, encore une fois, c'est, comme je vous l'ai dit,
09:18 il y a très peu de possibilités de sortie des personnes
09:22 du système d'hébergement d'urgence, puisqu'il n'y a pas de dispositif.
09:25 Et en plus de ça, les moyens d'hébergement d'urgence,
09:27 depuis la fin du confinement et du Covid, elles ont baissé.
09:30 C'est-à-dire que les places d'hébergement d'urgence, par contre,
09:33 là, comme ça, je ne veux pas les chiffrer exact en tête,
09:36 mais je dirais qu'il y en a minimum 500 qui ont été supprimées.
09:40 Et donc, clairement, on est arrivé à un système de saturation.
09:44 - Et alors, si on vous écoute ce matin, et qu'on est dans le barin,
09:46 qu'on veut soutenir le secours populaire pendant cette période,
09:49 comment on peut faire ?
09:51 - Il y a plein de possibilités, mais là, oui, si,
09:54 il y a plein de possibilités pour nous soutenir.
09:55 On peut faire des dons financiers,
09:57 on peut nous adresser des dons financiers,
09:59 on peut nous adresser, effectivement, parce qu'en fait,
10:01 là, on est arrivé à un système, à un moment où,
10:03 pour que les personnes puissent un minimum se protéger,
10:05 on achète et on distribue des tentes et des sacs de couchage.
10:08 On en est arrivé là. Donc, clairement, s'ils veulent nous soutenir,
10:10 les gens peuvent nous faire des dons de tentes, de sacs de couchage,
10:13 mais aussi des dons financiers pour qu'on puisse en acheter.
10:15 On a aussi besoin de bénévoles, puisque,
10:17 comme je vous le disais, pour pouvoir accueillir ces personnes,
10:19 désormais, on est ouvert 7 jours sur 7,
10:21 du lundi au dimanche.
10:22 Donc là, clairement, il nous faut des bénévoles pour pouvoir être présents,
10:24 pour tenir les permanences avec nous.
10:27 Et puis, en dehors de ça,
10:29 j'ai envie de vous dire, déjà, s'insurger de la situation,
10:32 et essayer de demander aux gens qui sont en responsabilité
10:35 de prendre les mesures qui s'imposent.
10:37 - Et bien, votre message est passé ce matin.

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