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Renaud Tzanos du conseil national du syndicat Solidaires, ingénieur en recherche et développement en prévision à court terme à Météo France à Toulouse.

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Transcription
00:00 Nous sommes le mardi 5 décembre, il est 8h15 et on passe cinq minutes avec un représentant
00:07 du Cité-Cas-Solidaire.
00:08 Les salariés de Météo France sont en grève depuis hier et jusqu'au 7 janvier.
00:12 Pour comprendre leur mobilisation, on va donc passer cinq minutes avec ce représentant
00:15 de Clémence.
00:16 Oui, bonjour Renaud Sanos.
00:17 Merci d'être avec nous ce matin.
00:18 Vous êtes ingénieur en recherche et développement en prévision à court terme à Météo France
00:22 à Toulouse et donc mobilisé.
00:24 Qu'est-ce qui vous inquiète aujourd'hui ?
00:25 Ce qui nous inquiète c'est l'état du service public météorologique aujourd'hui, suite
00:30 aux nombreuses suppressions d'effectifs que nous avons connues depuis le début des années
00:35 2000 et qui nous amène aujourd'hui dans une situation où on n'est plus en capacité
00:40 de faire le travail qu'on faisait avant.
00:41 Vous étiez combien avant à Toulouse et aujourd'hui vous êtes combien ?
00:43 Alors dans les années 2000 on était à peu près 3 700, en 2022 on n'était plus que
00:48 2 500.
00:49 Au total ?
00:50 Oui.
00:51 Donc vous demandez très concrètement aujourd'hui des recrutements.
00:53 Ça n'a pas l'air d'être dans l'air du temps Renaud Sanos.
00:55 Voilà, on demande des recrutements bien évidemment mais il y a aussi une urgence à gérer parce
01:00 que là on est dans une situation actuellement où on ne maîtrise plus la production de
01:05 Météo France.
01:06 Pourquoi ? Parce que c'est tout automatisé ?
01:07 Parce que c'est tout automatisé pour justement gérer le manque d'effectifs.
01:12 C'est la solution qu'a trouvée la direction générale.
01:15 Et ça ne marche pas bien, il y a des défaillances.
01:17 La direction a reconnu, même auprès de France Bleu Occitanie, on les a sollicité qu'il
01:22 y avait des bugs mais ils nous disent "aidez-nous, il faut que les agents nous aident à faire
01:26 remonter les erreurs pour les corriger et tout va aller mieux d'ici quelques semaines,
01:30 quelques mois".
01:31 Alors on ne fait que ça, de chercher des solutions, d'essayer d'aider comme le dit
01:36 la PDG.
01:37 Le problème c'est qu'on n'a plus la main.
01:39 Il s'agit d'une production automatique, pas pour tout, la vigilance n'est pas automatisée
01:46 mais par contre désormais on a une production automatique.
01:49 Il est prévu que les prévisionnistes puissent intervenir ponctuellement, le problème c'est
01:54 que les outils qui ont été développés l'ont été dans l'improvisation et dans
01:57 la précipitation, que ces outils ne sont pas au point, que les prévisionnistes n'ont
02:02 pas été formés sur ces outils et donc ils ne savent pas comment travailler, ils n'arrivent
02:06 plus à apporter leur expertise.
02:08 - Excusez-moi mais c'est quand même hallucinant, ça veut dire qu'il y a des bulletins qui
02:10 partent, que nous peut-être on annonce des choses qui sont complètement fausses quand
02:14 on parle de la météo le matin sur France Bleu.
02:16 La vigilance, vous nous dites quand ça passe en orange ou en rouge, ça vous avez encore
02:20 la main ?
02:21 - Oui, ça oui.
02:22 - Mais vous dites quand même que la majorité des bulletins sont faux aujourd'hui ou quand
02:25 même pas ?
02:26 - Alors je ne dis pas que la majorité des bulletins sont faux, je dis que les bulletins
02:29 c'est le résultat d'une production automatique, comme on l'a toujours fait, on a ce qu'on
02:33 appelle des modèles de prévision numérique qui simulent l'atmosphère et à partir de
02:39 la sortie de ces modèles, ensuite les prévisionnistes intervenaient pour pouvoir corriger à partir
02:44 de leur expertise, leur connaissance du terrain.
02:46 - Il n'y a pas que du mauvais dans l'automatisation ?
02:48 - Non, bien sûr que non, on n'est pas contre toute automatisation, la question n'est pas
02:52 là, la question est qu'on ne peut pas tout automatiser, étant donné l'état de l'art
02:57 et qu'aujourd'hui, ça part quand même en production automatique et qu'on ne peut pas
03:02 intervenir pour corriger les défauts de ce système.
03:05 - Alors qu'est-ce qu'il faut faire, qu'est-ce que vous dites à la direction quand vous discutez
03:09 en ce moment, vous dites il faut tout arrêter ?
03:11 - Alors non, on ne dit pas il faut tout arrêter, bon il faut avoir conscience quand même que
03:14 ça fait cinq ans qu'on tire la sonnette d'alarme en disant que ce projet d'automatisation
03:20 à marche forcée n'est pas raisonnable et qu'on n'y arrivera pas dans les temps.
03:23 Bon, on n'a pas été entendu, on est passé en marche forcée alors que les choses ne
03:29 sont pas prêtes, on ne travaille pas avec des outils opérationnels mais avec des outils
03:33 sous forme de maquettes qu'on ne maîtrise pas du tout et donc on demande à ce que la
03:38 direction revoie son organisation, la nouvelle organisation, de façon à trouver en effet
03:43 des solutions.
03:44 On ne va pas revenir en arrière, on ne peut plus, on n'a pas les effectifs.
03:47 Donc la question n'est pas là, la question est désormais comment on fait avec le nouveau
03:52 système, comment on fait pour pouvoir apporter l'expertise nécessaire pour que les prévisions
03:57 soient correctes et il ne s'agit pas seulement de corriger quelques bugs informatiques comme
04:02 la direction a tendance à nous dire.
04:03 - Ça, ça va nécessiter peut-être quand même de recruter quand même, non ?
04:06 - Bien sûr, oui, on a vraiment besoin de recruter, le problème c'est que ça ne peut
04:10 pas être sur le court terme parce qu'il y a besoin de formation.
04:13 - C'est long.
04:14 La direction dit quand même aussi que ça permet aux prévisionnistes experts d'avoir
04:18 plus de temps à consacrer aux enjeux météorologiques les plus importants.
04:22 - Eh bien écoutez, les faits la contredisent puisque justement depuis qu'on a basculé,
04:27 on voit bien les prévisionnistes nous remontent ça sans arrêt, ça leur demande encore plus
04:32 de temps qu'avant.
04:33 Voilà, donc l'objectif n'est pas du tout atteint de ce côté-là.
04:36 - Hier, on a passé des coups de fil et selon nos infos, il n'y a aucun des agents de Météo
04:42 France à Toulouse qui était en grève, alors 60 agents précisément, on a encore des prévisions.
04:46 Bon, vous le disiez, c'est automatisé, est-ce que vous pensez que la mobilisation va être
04:49 suffisante et notamment à Toulouse pour que ça bouge ?
04:52 - Alors l'objectif de ce préavis de grève n'est pas d'appeler tous les météos à se
04:56 mettre en grève, ça n'aurait pas d'intérêt en soi.
05:01 Ce qu'on veut d'abord et avant tout dans l'urgence, c'est traiter le problème de la souffrance
05:06 des personnels parce qu'il faut bien comprendre que ces productions automatiques qui partent
05:09 et qui contiennent des erreurs sont quelque chose qui est particulièrement difficile
05:13 à vivre pour les prévisionnistes qui eux sauraient corriger les choses mais n'ont plus
05:17 la possibilité de le faire.
05:20 Donc l'objet de ce préavis de grève n'est pas de mettre tout Météo France en grève,
05:24 l'objet de ce préavis de grève est de proposer à tous les collègues qui se retrouvent en
05:29 souffrance de pouvoir se mettre en retrait et refuser de faire ce travail qui est impossible
05:34 à faire dans les faits.
05:35 - Préavis de grève lancé par 3 syndicats sur 4 à Météo France.
05:38 Merci Renaud Tsanos, vous êtes membre du syndicat Solidaires et Ingénieurs à Météo
05:42 France à Toulouse.

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