7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Redoublement, demi-groupes, brevet des collèges... Quelles sont les mesures envisagées pour relever le niveau scolaire français?

  • l’année dernière
C'est un jour important pour l'Éducation nationale et le niveau de nos enfants à l'école, puisque dans quelques heures, on va connaître le classement PISA du pays. Après la publication de ce classement, dans la foulée, Gabriel Attal va annoncer des mesures sur le collège, sur le redoublement et ainsi que sur le brevet des collèges.

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00:00 On en parle avec Lisa Kamenirci, que vous êtes enseignante depuis 2004 maintenant et
00:08 autrice de La Grande Garderie par Richard Albain Michel. Merci d'être avec nous. Bruno Popkiewicz,
00:14 le secrétaire national du Syndicat national des personnels de direction de l'éducation
00:19 nationale est également là. Vous êtes vous-même le proviseur de la cité scolaire Buffon. Et
00:23 Véronique Fèvre, la chef du service éducation de BFMTV, est avec nous alors que va être publié
00:28 d'ici quelques heures le fameux classement PISA qui évalue chaque année les systèmes éducatifs
00:33 dans le monde. Dans la foulée, Gabriel Attal doit donc faire des annonces sur le collège,
00:39 le redoublement et également le brevet. D'abord Véronique, un mot de ce classement PISA, pardon,
00:44 il est publié tous les trois ans. Il mesure les performances des élèves de 15 ans dans 81 pays.
00:49 En général, on n'est pas dans le top 5. Non. Ce ne sera pas non plus le cas cette année. On
00:54 ne s'attend pas à un miracle. Pourquoi ? Parce qu'on a eu la pandémie de Covid qui a pesé. On
01:00 se souvient des fermetures d'établissements scolaires partout dans le monde. La France a
01:03 fermé moins qu'ailleurs, mais on a eu des interruptions, des professeurs malades, les
01:07 règles des normes. Tout ça forcément a dû peser. C'est une évaluation absolument. Et
01:13 il y a une évaluation importante aussi, c'est les élèves de 4e par exemple. Parce que là,
01:20 on évalue les élèves de 15 ans. On a vu que les élèves de 4e n'avaient pas le niveau au
01:24 niveau national. Donc on ne s'attend pas à un miracle pour les élèves de 15 ans. C'était
01:30 majoritairement des élèves de seconde. Et Véronique, particulièrement dans les matières
01:33 essentielles évoquées d'ailleurs depuis un moment par le ministre de l'Éducation nationale,
01:36 le français et les maths ? Français, maths, sciences, ce sont les trois disciplines. Français,
01:41 lecture, sciences, ce sont les trois disciplines qui sont étudiées par PISA avec une dominante
01:46 pour les mathématiques. Donc on va comparer les résultats de 2022 à ceux de 2012. Et puis on va
01:51 se comparer aux pays avec lesquels on se compare. Sans attendre ces résultats, Bruno, vous êtes le
01:58 témoin évidemment de cette dégradation, de la dégradation de ce niveau. On a une problématique
02:04 constante, et notamment à l'école française, c'est d'être en capacité de faire progresser les
02:10 élèves les plus fragiles. Et on voit bien que notre système éducatif a ses limites de ce point
02:14 de vue. C'est comment on les fait progresser. Parce que c'est ça l'enjeu. C'est facile de faire
02:20 réussir les élèves en facilité scolaire et en réussite. C'est plus difficile de faire progresser
02:25 ceux qui ont de grosses difficultés. Et je crois que c'est l'enjeu numéro un des décisions qui
02:29 doivent être prises. C'est comment on porte une attention sur ce public en particulier, et
02:33 malheureusement, forcer de constater que les années passent et de ce point de vue, on ne
02:36 progresse pas. Alors allons dans le détail, puisque le ministre de l'Éducation nationale a donné
02:40 quelques pistes il y a quelques semaines maintenant. Le redoublement, voilà, il a évoqué le tabou du
02:44 redoublement. Il faut d'abord rappeler ce qui se passe aujourd'hui et ce qu'il faudrait peut-être
02:49 faire. Il est quasiment proscrit le redoublement depuis 2014. L'idée, c'était en 2014, de dire,
02:55 de s'inspirer de ce que disait la recherche. La recherche, elle disait que finalement ça
02:59 bénéficiait le redoublement à peu d'élèves. Et puis que sur des trajectoires à long terme,
03:04 si dans un premier temps les élèves étaient bénéficiaires, au final ça n'avait pas une
03:09 grande, un grand effet positif. Puis surtout, ça nuisait à l'estime de soi des élèves. Mais
03:16 depuis quelques temps, on se rend compte que, contrairement au pays du Nord, qui effectivement
03:20 faisait moins redoubler, c'était un peu nos modèles, on n'a pas mis en place les mesures
03:25 de remédiation qui étaient prévues pour aider les élèves en difficulté. Donc finalement,
03:29 la scolarité, elle se passe un peu comme un tapis roulant. En CM2, en 1987, on avait 33% de redoublants.
03:36 Désormais, on n'en a plus que 3%. - Donc, positiver le redoublement et dire que le redoublement,
03:41 ce n'est pas nécessairement une sanction, mais une nouvelle chance, c'est ça l'esprit du ministre ?
03:46 - L'esprit, c'est qu'on a des nouvelles études qui disent qu'en fait, le redoublement, il peut
03:51 être utile... - Au collège, on parle, on est d'accord. - Le redoublement peut être utile à l'école primaire.
03:56 C'est-à-dire que là, les mesures que va proposer Gabriel Attal vont concerner aussi l'école primaire.
04:00 Donc l'idée, c'est que certaines études disent que si on redouble dans les petites classes,
04:04 on se donne un peu plus de temps et on est moins handicapé, on ne cumule pas autant les difficultés.
04:10 - Lisa Kamaniersik, vous, dans vos classes, vous les voyez arriver, ces enfants qui ont cumulé
04:14 les difficultés et les lacunes d'année en année sans jamais avoir redoublé. Quel regard vous
04:19 portez sur cette mesure de Gabriel Attal qui veut donc que le redoublement ne soit plus un tabou ?
04:24 - Moi, je pense que le redoublement ne doit pas être un tabou, comme non plus la remise en
04:32 question de la scolarité à trois ans, comme le fait que les élèves aient tous le même âge dans
04:39 la même classe. Pourquoi ne pas imaginer des classes dans lesquelles les élèves seraient là,
04:43 on va dire, en fonction de leur niveau et pas en fonction de leur âge ? Si vous êtes né le 31
04:48 décembre, vous n'êtes pas scolarisé dans la même classe que celui qui est né le 1er janvier,
04:51 ce qui est absurde. Moi, je suis évidemment pour le fait qu'on lève ce tabou. Je suis pour la
04:57 liberté des établissements de pratiquer les règlements qu'ils souhaitent. Donc s'ils souhaitent
05:00 pouvoir proposer le redoublement à leurs élèves, ils doivent pouvoir le faire. Je pense pour autant
05:06 que ce n'est pas le fait de permettre à nouveau le redoublement qui va améliorer les résultats des
05:13 petits français. Ça ne suffira pas ni le dédoublement des classes ou le fait de créer des
05:19 classes avec des effectifs moins importants. Le problème est beaucoup plus profond, beaucoup plus
05:24 ancré dans l'école et je pense qu'il faudrait s'inspirer très largement de ce que font un
05:30 grand nombre d'écoles privées qui souvent permettent à leurs élèves de réussir un peu mieux que dans
05:36 le public. Il faut redonner de l'air au système, il faut regarder quelles sont les bonnes pratiques
05:40 qui se font dans les écoles privées et ne pas forcément... L'idée de M. Attal, comme des
05:49 ministres précédents, est souvent de repeindre l'école d'aujourd'hui en école de la Troisième
05:53 République, en imaginant que ça va résoudre les problèmes. On parle d'uniforme, on parle de mettre
05:59 un manuel officiel unique, ça c'est ce que disait M. Attal au mois d'octobre, il n'en a pas reparlé
06:04 depuis, Dieu merci. On parle de redoublement, on parle de faire des choses qui ressemblent
06:12 beaucoup à ce qu'on fantasme de l'école de la Troisième République et du début du XXe siècle.
06:19 Mais est-ce que le public peut faire ce que le privé fait par ailleurs ?
06:23 Pardon ?
06:24 Est-ce que le public peut faire ce que vous écrivez dans le privé ?
06:28 Oui, oui.
06:30 Déjà, pour l'instant, il ne souhaite pas le faire puisque c'est la guerre. On assiste à des critiques
06:37 de la part du public envers le privé. D'autre part, il me semble que la meilleure solution,
06:44 ce serait de permettre aux parents de scolariser leurs enfants dans l'établissement qu'ils souhaitent
06:49 qui est le meilleur pour chacun de leurs enfants, avec un système qui permettrait à l'argent public
06:54 de suivre les choix privés, donc un système par exemple de chèque scolarité. Il y a des tas de
06:59 systèmes qui existent à l'étranger, qui fonctionnent bien, les écoles à chartes par exemple,
07:03 qui sont des écoles avec une grande autonomie, qui permettent aux chefs d'établissement de recruter…
07:08 Mais revenons, si vous voulez bien, aux axes qui vont être proposés par Gabriel Attal.
07:12 Par exemple, Bruno Popkiewicz, les groupes de niveau en maths et français. C'est évidemment un
07:18 velouable, mais est-ce que c'est si facile à mettre en place ? Alors, ça pose des problèmes
07:24 d'organisation. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on va effectivement, de façon simultanée,
07:28 permettre à des enseignants de faire cours en même temps avec des groupes de besoin, ça nécessite des
07:36 alignements d'emplois du temps qui ont des conséquences d'un point de vue organisation
07:39 extrêmement importantes. Donc, il faut retravailler cette question. Mais si ça permet, objectivement,
07:44 et c'est ce qu'il faut réévaluer en termes de propositions qu'on ne connaît pas à ce stade,
07:48 si ça permet notamment à un enseignant de prendre en charge un groupe à effectifs réduits pour
07:54 pouvoir mieux les accompagner, ça peut être une mesure intéressante.
07:57 Mais encore une fois, est-ce que l'Éducation nationale, aujourd'hui, dans son organisation,
07:59 en a les moyens ?
08:00 Ça va dépendre de ce qu'on met sur la table. Ça ne peut pas se faire à coups constants. Si on a
08:05 volonté de prendre en charge des élèves en difficulté à effectifs plus restreints, il faut
08:12 que des professeurs de français et de mathématiques soient recrutés parce que ça va coûter beaucoup
08:17 d'heures en plus. Ça, c'est certain.
08:19 Repenser le temps de service des enseignants ?
08:21 Ça ne réglera pas cette question. Dans tous les cas, il faut des heures en plus.
08:27 Il faut passer plus de temps à l'école, je pense, aux agrégés, par exemple, qui enseignent moins
08:31 longtemps que les certifiés. On peut peut-être rajouter deux heures aux agrégés. Je crois
08:35 qu'ils ont deux heures de moins, non ?
08:36 Ça fait du monde, quand même.
08:38 Proposition explosive.
08:40 Un professeur travaille 18 heures en moyenne, mais son temps de travail, ça n'est pas 18 heures.
08:45 Ça n'est pas que l'école.
08:46 Ça n'est pas que l'école. Il y a bien le double.
08:49 Il faut bien avoir en compte qu'il y a une crise de recrutement également. L'enjeu, c'est aussi de
08:53 réussir à attirer des professeurs. Si vous leur dites que vous n'aurez plus de vacances, que vous
08:56 serez payés un peu plus par an, que vous augmentez un peu, ça va être difficile de recruter.
09:01 C'est vrai.
09:02 Qu'est-ce qui est dans les tuyaux, exactement, dans l'esprit de Gabriel Attal ?
09:05 Sur les petits groupes, visiblement, il aurait obtenu des moyens supplémentaires.
09:10 Parce qu'on sait que, par exemple, à l'époque de la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem,
09:15 il y avait aussi cette idée de petits groupes. Bien sûr qu'on sait qu'il faut qu'en petits groupes,
09:19 on travaille mieux, on arrive à aider mieux les élèves. Mais si on ne met pas les moyens en face,
09:24 ça n'ira pas. Donc l'idée, ce serait vraiment de mettre les moyens. Mais encore une fois, il va falloir
09:27 qu'on juge sur pièce. Mais il faut aussi travailler sur la formation des professeurs. Il faut le dire,
09:33 les évaluations en sixième ont là enfin donné des résultats. C'est le résultat du plan français
09:39 et du plan maths. Plan de formation des professeurs des écoles en français et en maths.
09:43 Et enfin, ça commence à décoller en sixième. Donc l'idée, c'est évidemment de mettre la gomme
09:49 sur la formation des professeurs.
09:51 Il va toucher au brevet ? Au brevet des collèges ?
09:53 Il y a une question, effectivement, sur le brevet. Aujourd'hui, vous pouvez tout à fait passer
09:57 en seconde sans avoir le brevet. Et puis, on va le dire, c'est 50 % de contrôle continu par un système
10:04 de validation de compétence et 50 % d'épreuves. C'est sur 800 points. Dans les faits, la plupart
10:11 des élèves arrivés en mai, ils ont déjà pratiquement le brevet. Et ce que disent aussi certains spécialistes,
10:19 c'est que ça remettrait un petit peu d'enjeu, finalement, pour les élèves. Ça remotiverait aussi
10:24 un petit peu les élèves. La question, c'est qu'est-ce qu'on va faire de ceux qui ne l'ont pas ?
10:28 Parce que si vous vous rendez le brevet plus difficile, forcément, vous aurez un taux de réussite en baisse.
10:32 Voilà. Gabriella Thal, des détails se sont plans pendant quelques heures.
10:35 Merci beaucoup, Véronique.

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