Si le rôle des médias est parfois questionné quant à leur influence sur le sentiment d'insécurité, 81% des Français pensent qu'ils vivent une réelle augmentation de l'insécurité. 19% jugent que les médias en parlent davantage sans que ce soit une réalité.
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00:00 Pour ouvrir notre deuxième dossier, la société est-elle de plus en plus violente ou est-ce que ce sont les médias qui en parlent plus qu'avant ?
00:07 C'est la question qu'on vous a posée dans notre sondage Elabe.
00:10 Et bien, 81% des Français pensent que la société est de plus en plus violente contre 19% qui pensent que ce sont les médias qui en parlent plus qu'avant.
00:21 Alors on va regarder ce que disent les chiffres. Est-ce que la violence est vraiment en augmentation dans la société ?
00:26 Alors on le dit souvent dans cette émission, la violence elle est multiforme. La violence ce n'est pas un bloc, elle a plusieurs visages.
00:33 On peut parler des insultes, des coups, des dégradations, des vols, des cambriolages, des homicides, des tentatives d'homicide.
00:40 Alors Fanny, on va regarder comment ces indicateurs ont évolué sur une bonne dizaine d'années, en fait depuis 2010.
00:47 On s'attache aux faits qui sont connus, enregistrés par la police et la gendarmerie. Qu'est-ce qu'il en ressort ?
00:52 Alors comme vous le disiez, il y a plusieurs formes de violence et donc les évolutions ne sont également pas uniformes.
00:58 Regardez tout d'abord ce qui concerne les coups et blessures. Regardez cette évolution qui a été communiquée par les services statistiques du ministère de l'Intérieur.
01:07 On voit que c'est en nette augmentation puisque dans les années 2010, on était à 216 100 victimes de coups et blessures contre 353 000 l'année dernière.
01:18 Ce qui est important de souligner aussi, c'est que ces chiffres qui augmentent, ils le sont aussi du fait de la hausse des violences intrafamiliales, c'est-à-dire au sein du foyer.
01:26 Et cette hausse, elle peut être en partie en tout cas expliquée selon le ministère de l'Intérieur par une forte proportion des victimes à porter plainte. Elles vont plus facilement porter plainte.
01:34 Et les homicides, comment ça évolue de ce coup ?
01:36 Les homicides augmentent eux aussi, alors beaucoup moins fortement que les coups et blessures.
01:41 Regardez avec cette évolution, alors là on part de 2016 parce qu'avant cela, les méthodes de comptage étaient différentes.
01:48 Mais vous voyez, on avait 911 en 2016 contre 959 en 2002, donc une évolution moins spectaculaire.
01:56 Là, on a vu des augmentations. Quels sont les indicateurs de la violence qui, eux, sont en baisse depuis 2010 ?
02:02 Ce sont par exemple les violences sans arme, les vols sans arme tout d'abord, qui ont été quasiment divisés par deux.
02:11 Vous voyez, on était à un peu plus de 111 000 en 2010 et on est à un peu moins de 60 000 en 2022.
02:19 Autre baisse également pour les vols toujours, et cette fois-ci des vols avec arme, là aussi qui baissent dans les mêmes proportions, quasiment deux moitiés depuis 2010.
02:28 17 300 en 2010, 1 600 donc l'année dernière.
02:32 Laurent, on vient de voir qu'il y a différents types de violences, certaines augmentent, d'autres baissent, et pourtant on a ce chiffre très fort.
02:39 81% des Français qui pensent que la société est devenue plus violente. Comment ça s'explique ?
02:44 Et du coup, ce que les responsables politiques doivent prendre en compte, c'est ce que ressentent les Français au-delà des chiffres qu'on annonce.
02:51 D'abord, à chaque fois qu'on présente des chiffres comme ça, il y en a un autre qu'il faut absolument donner, non pas pour relativiser, mais pour décrire le contexte.
03:00 Si on prend une évolution longue, prenons par exemple le début des années 2000 jusqu'à aujourd'hui, la France a gagné plus de 7 millions d'habitants.
03:10 Pardon de ramener toujours l'argument démographique sur le devant de notre explication, parce que si on n'a pas cette idée-là en tête, on ne comprend pas totalement tous les chiffres.
03:20 Oui, évidemment, ça augmente indiscutablement, en valeur absolue, mais nous avons 7 millions d'habitants de plus, donc il y a déjà un premier type d'explication.
03:29 Sur 20 ans toujours, il y avait déjà des faits divers, des homicides, des agressions, des violences.
03:36 Vous n'étiez pas forcément au courant. Vous n'étiez pas au courant parce qu'il y avait moins de chaînes de télévision, parce qu'il n'y avait pas Internet, il n'y avait pas les réseaux sociaux.
03:44 Dès que vous êtes agressé, dès que vous prenez un transport en commun et qu'il vous arrive quelque chose, ces faits-là sont documentés désormais sur toute la toile.
03:54 Et donc, effectivement, ça crée une ambiance que nous ne connaissions pas, tout simplement parce que nous ne connaissions pas les faits.
04:01 Mais du coup, lorsque vous regardez ce que les gens subissent, et c'est peut-être ça qu'il faut prendre en compte, ce qu'on appelle la victimation,
04:08 là, oui, c'est ça qui crée ce sentiment d'insécurité qui, en réalité, n'est pas un sentiment qui est réellement de l'insécurité.
04:16 Et puis, troisièmement, les violences intrafamiliales qui sont beaucoup plus...
04:23 Qui augmentent.
04:25 Mais de façon exponentielle, c'est aussi parce que désormais, on les dénonce. Et donc, ça, c'est extrêmement important.
04:32 En revanche, si je prends le critère des homicides, sur 20 ou 30 ans, on tue moins qu'avant. Je sais que c'est difficile à entendre.
04:40 En revanche, il y a beaucoup plus de violence, beaucoup plus d'agression, et pas simplement de l'agression physique, pas simplement des coups de couteau,
04:48 mais même dans les relations entre les gens, la violence verbale, l'intimidation, les menaces sur les réseaux sociaux, il y a 20 ans, ça n'existait pas.
04:57 Voilà. Donc, ce climat-là, il faut le prendre en compte bien au-delà des chiffres réels.
05:03 Je vais vous donner la parole dans un instant, Éric Pouliat. Je voudrais d'abord qu'on écoute le patron de la police.
05:08 Il s'est exprimé parce que certains élus disent que les tentatives d'homicides augmentent aussi.
05:12 Alors, lundi, au Sénat, il y avait une commission d'enquête consacrée spécifiquement au trafic de drogue en France.
05:19 Et dans ce cadre-là, le patron de la police a donné des chiffres inquiétants. On l'écoute.
05:24 Au 13 novembre 2023, nous avons constaté 315 homicides ou tentatives d'homicides entre malfaiteurs,
05:31 ce qui correspond à une augmentation de 57% par rapport à la même période en 2022.
05:36 Éric Pouliat, vous vouliez réagir.
05:38 Oui, je voulais réagir parce qu'il y a une chose d'abord qu'il faut replacer, c'est qu'effectivement, la société devient plus violente sur les 20 dernières années.
05:46 Mais quand on la replace à l'échelle, par exemple, d'un siècle, elle est beaucoup moins violente à la fin du XXe siècle
05:53 qu'elle pouvait être au début ou à la fin du XIXe siècle. On tuait des hommes politiques dans la rue avant, au début du XXe siècle.
05:59 Il y avait des milices qui défilaient dans les rues dans les années 30.
06:03 La France de la fin du XXe siècle n'est pas violente, mais la France du début du XXIe recommence à le devenir.
06:10 Et c'est important parce que si je peux distinguer trois sortes de violences, une première sorte de violence qui est une violence politique qui remonte,
06:15 c'est-à-dire que le débat public se radicalise et on ne cherche plus à avoir un débat contradictoire, mais à imposer un point de vue.
06:21 On va commencer par la violence qui, s'il faut, une violence qui peut être sur des biens ou sur des personnes.
06:25 Une violence, comment on connaît, criminelle, le crime organisé, et en premier lieu, le trafic de stupéfiants et le fléau numéro un.
06:34 Et une violence endogène qui va dans toutes les sociétés, notamment via aujourd'hui les violences intrafamiliales.
06:40 Mais je voudrais effectivement rappuyer sur le fait qu'il y a une banalisation de cette violence à tous les étages.
06:46 C'est-à-dire qu'on s'habitue, on s'inculture d'abord à commettre des délits, à ne pas respecter la loi par diverses façons.
06:53 Et après derrière, on se banalise, on voit des images violentes toute la journée, tout le temps.
06:57 Et enfin, surtout, on fabrique des héros de la violence à travers les réseaux sociaux.
07:01 Aujourd'hui, toutes ces violences-là dont je vous parle, quelles qu'elles soient, elles sont toutes filmées.
07:05 Et elles sont toutes sur les réseaux sociaux, que ce soit quand on casse un magasin, quand on s'affronte entre bandes rivales,
07:11 ou que ce soit quand on va casser quelque chose, c'est sur les réseaux.
07:15 Et d'ailleurs, les policiers, ils trouvent beaucoup de moyens pour remonter les investigations.