• il y a 2 ans

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00:00 - Marguerite Caton, je vous salue ! - Bonjour Guillaume, bonjour à tous !
00:03 - Alors, y a-t-il du pétrole en France ? - Il y en a et on l'exploite en Guyane, mais
00:07 aussi dans le bassin parisien et le bassin aquitain.
00:10 D'ailleurs, c'est en Gironde, à Cazaux, non loin d'Arcachon, que la société canadienne
00:14 Vermilion a décidé de creuser 8 nouveaux puits pétroliers.
00:19 Lundi dernier, l'enquête publique a rendu un avis favorable.
00:22 On attend encore la décision de l'État.
00:25 Alors, pour comprendre ces prolongations pétrolières en France, en ces temps accélérés de dérèglement
00:29 climatique, nous recevons Francis Perrin.
00:32 Bonjour ! - Bonjour !
00:33 - Vous êtes spécialiste des questions énergétiques, directeur de recherche à l'IRIS.
00:36 Quelle est l'ampleur, l'importance historique, économique du gisement de Cazaux ?
00:41 - Alors, le gisement de Cazaux a été découvert en 1959, donc c'est déjà une longue histoire,
00:47 donc production depuis les années 1960.
00:49 Aujourd'hui, c'est à peu près 10% de la production pétrolière française.
00:55 La France n'est pas un grand pays pétrolier, on le saurait si c'était le cas.
00:59 Pour fixer un petit peu les idées, la France produit bon an, mal an 700 000 à 800 000
01:06 tonnes de pétrole par an et en consomme 70 millions de tonnes par an.
01:11 Ce qui veut dire, en termes simples, que notre production nationale, bassin parisien, bassin
01:16 aquitain, représente 1% de notre consommation.
01:19 - Donc Cazaux, c'est 10% de la consommation française.
01:23 8 nouveaux forages annoncent 400 000 à 800 000 m3 de pétrole supplémentaire.
01:30 Est-ce que c'est beaucoup ? Qu'est-ce que ça représente ?
01:32 - Non, ce n'est pas beaucoup parce que quand on parle de pétrole en France, c'est jamais
01:37 beaucoup, c'est un tout petit peu.
01:39 Par contre, pour l'entreprise concernée, Vermilion Energies, cette entreprise canadienne
01:44 qui travaille en Amérique du Nord, en France, ce n'est pas négligeable.
01:49 La France représente à peu près 10% de sa production mondiale de pétrole.
01:54 Donc ce n'est pas un enjeu pour la France en tant que pays, c'est plus un enjeu pour
01:58 Vermilion en tant que société pétrolière privée.
02:00 Alors pourquoi ces forages supplémentaires jusqu'à 8 ?
02:04 C'est parce que Vermilion, qui évidemment étudie constamment le gisement de Cazaux,
02:09 a mis en évidence des réserves supplémentaires, donc elle souhaite produire ces réserves
02:13 et pour ça il faut faire de nouveaux forages.
02:15 Elle espère également maintenir la production du gisement parce que le pétrole est une
02:19 ressource non renouvelable.
02:21 Donc quand on ne fore pas, forcément la production diminue.
02:24 C'est le déclin naturel de tous les gisements.
02:26 Ça prend plus ou moins de temps mais ça arrive toujours.
02:28 Donc ils veulent maintenir la production et si possible continuer à produire sur Cazaux
02:34 au moins jusqu'à 2030.
02:35 Et on verra ensuite, en sachant qu'ils ont donc plusieurs concessions d'exploitation
02:40 en France, dont Cazaux, il n'y a pas seulement Cazaux, Bassin Parisien, Bassin Aquitain,
02:43 et que sur l'ensemble de leur production en France, ils espèrent pouvoir continuer
02:47 à produire jusqu'en 2040, date limite pour la production de pétrole et de gaz en France.
02:52 - Un dernier mot sur ce groupe, 20 millions, vous l'avez dit, Société canadienne, le
02:56 premier producteur de pétrole en France, qui exploite les trois quarts des gisements
02:59 d'Île-de-France et puis le Bassin Aquitain.
03:02 Je crois qu'il y avait eu un permis d'explorer au large du Cap-Ferret, on appelait ça le
03:06 permis Aquila.
03:07 Est-ce que vous savez ce qu'il en est, ce qui a été découvert, est-ce que ça sera
03:10 exploité ?
03:11 - Là, on est vraiment sur un permis, donc Vermillon a des concessions d'exploitation,
03:16 ça veut dire qu'elle produit du pétrole, Bassin Parisien, Bassin Aquitain.
03:20 Et dans le cadre de ces concessions, elle peut être amenée à demander à l'administration
03:25 française, vous avez rappelé le processus, une autorisation de faire des travaux supplémentaires
03:32 afin de mobiliser des réserves supplémentaires.
03:34 Ce n'est pas un permis d'exploration.
03:36 La loi de 2017, fin 2017, interdit à l'État français d'attribuer tout nouveau permis
03:43 d'exploration de pétrole et de gaz en France, métropole et outre-mer.
03:47 Donc on n'est pas sur une logique d'exploration, mais on est sur une logique de… il y a un
03:51 gisement sur lequel on travaille depuis des années, on le connaît de mieux en mieux,
03:55 on voulait en dire évidemment Vermillon Énergie ici, et on identifie des réserves supplémentaires
04:00 et une possibilité de prolonger la durée de vie du champ et de maintenir la production.
04:04 - Comment on explique la rentabilité de ces gisements français ? On parle tout le temps
04:09 du fait qu'en France c'est moins rentable à cause des coûts de main d'oeuvre.
04:13 Est-ce que c'est parce que c'est un pétrole de super qualité ou est-ce que c'est lié
04:16 au coût très élevé du baril actuellement ?
04:17 - Alors le pétrole est de bonne qualité.
04:20 Évidemment les coûts de production en France ne sont pas ceux que l'on a dans d'autres
04:24 pays ou régions.
04:25 On n'est pas évidemment sur les coûts de l'Arabie Saoudite ou du Moyen-Orient qui
04:29 sont les plus bas au monde de toute façon, donc ça ne sert à rien d'essayer de les
04:31 concurrencer.
04:32 Mais on a un prix du pétrole actuellement, si on prend le pétrole Brent qu'on produit
04:37 en mer du Nord, donc en Europe, Royaume-Uni, Norvège, de l'ordre de 80 dollars par baril
04:44 ou un petit peu plus, c'est un prix qui est relativement élevé, c'est loin du record.
04:48 Le record pour le Brent c'était 147 dollars par baril, donc on est loin de ça.
04:52 Mais c'est un prix relativement élevé en termes historiques.
04:55 Ça permet à des sociétés pétrolières dans le bassin aquitain, en France, en Europe
05:01 et dans le monde de gagner de l'argent.
05:03 Vermillon étant une société privée, si elle ne gagnait pas de l'argent, elle aurait
05:06 quitté la France depuis longtemps.
05:07 Vous avez mentionné la loi de 2017, la loi Hulot, qui était censée proscrire tout nouveau
05:13 permis d'exploration et autoriser, enfin c'est un peu ambigu, la poursuite de l'exploitation
05:19 du pétrole dans les concessions déjà existantes.
05:21 C'est à ce titre-là que Vermillon fait ses nouveaux forages.
05:24 Alors il y avait une petite subtilité dans cette loi, subtilité, subterfuge, je ne sais
05:27 pas.
05:28 Une société pourra continuer d'exploiter sa concession au-delà de 2040, dit la loi,
05:33 si elle prouve qu'elle n'est pas rentrée dans ses frais.
05:35 Il n'y a pas de risque, de crainte d'une espèce de perversion d'une société pétrolière
05:39 qui se dirait en 2039 "super, je fais des gros investissements et je pourrais continuer
05:43 d'exploiter".
05:44 Non.
05:45 Personne, enfin parmi les pétroliers qui travaillent encore en France, qui ne sont pas de grands
05:49 pétroliers, Total Energy, évidemment, produit 2,5 millions de barils par jour, donc la France
05:57 ne l'intéresse pas.
05:58 Les géants pétroliers s'intéressent à des pays plus importants.
06:02 Vermillon Energy est une petite société pétrolière.
06:04 Mais aucun pétrolier ne va investir des sommes importantes juste avant 2040, parce que la
06:13 ficelle serait un petit peu grosse, en sachant qu'il perdrait son argent.
06:15 Vermillon travaille en France depuis plusieurs années, donc il ne pourra pas dire en 2040
06:21 "écoutez, j'ai besoin d'encore un petit peu de temps pour rentabiliser mon exploitation
06:25 alors qu'il produit depuis plus de 20 ans".
06:27 Donc ça, ça ne marchera jamais.
06:28 L'administration française n'est pas composée de gens stupides, donc évidemment tout ça
06:33 est suivi par la Direction Générale Énergie-Climat, les services compétents de la préfecture,
06:39 donc il n'y a aucune chance.
06:40 Si une société, par exemple, avait un permis nouveau, ce qui n'est pas possible d'après
06:44 la loi, mais je fais une hypothèse qui n'est pas réaliste, supposons qu'une société
06:48 obtienne un permis en 2030 d'exploration, qu'elle fasse de l'exploration pendant
06:53 quelques années et qu'elle découvre quelque chose en 2035.
06:55 Là, évidemment, par rapport à 2040, elle pourrait dire "je veux prolonger", sauf
07:01 que mon hypothèse est complètement fausse, puisque une société ne pourra pas avoir
07:05 un permis en 2030, puisque depuis la fin 2017, on ne peut plus avoir de nouveau permis d'exploration.
07:09 Donc la boucle est bouclée et il est impossible pour n'importe quel pétrolier d'échapper
07:13 à cette logique de fin totale de l'exploitation pétrolière et gazière en France en 2040.
07:19 Mais Vermillon espère aller jusqu'en 2040 pour certains champs en France, bassin parisien
07:25 ou bassin aquitain.
07:26 Il y a un sujet d'étonnement aussi, c'est le rapport de l'enquête publique.
07:29 La commissaire enquêtrice explique que les riverains émettent des craintes liées au
07:32 dérèglement climatique et que pour sa part, je la cite, même si elle partage les inquiétudes
07:37 formulées par les contributions du public, elle a tenté de faire abstraction des considérations
07:41 générales sur le devenir de l'extraction pétrolière en France.
07:44 Ça semble ubuesque un peu, Francis Perrin.
07:46 Cazos, c'est sur la commune de la Teste de Buges, qui a été ravagée par des incendies
07:50 de très grande ampleur à l'été 2022.
07:52 On décorrèle comme ça, local et global ?
07:54 Alors, dans les conclusions de la commissaire enquêtrice que vous venez de citer, elle
08:02 ajoute un point qui n'est pas inintéressant.
08:05 Elle dit « supposons qu'on ne produise pas de pétrole en France, on en apporterait
08:11 davantage.
08:12 Quel serait le coût environnemental du pétrole importé, parfois de très très loin, y compris
08:18 de l'autre bout du monde, par rapport à du pétrole produit en France compte tenu
08:23 de la législation, de la réglementation française qui est très stricte en matière
08:26 pétrolière et gazée.
08:27 Donc c'est un argument qui n'est pas du tout absurde.
08:30 Tant qu'on consomme, consommons en France, c'est finalement un côté écologiquement
08:33 bon.
08:34 Merci beaucoup Francis Perrin.
08:35 Je rappelle que vous êtes directeur de recherche à l'IRIS.
08:37 Merci.

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