• il y a 2 ans
Le professeur en criminologie, Alain Bauer, était l’invité de Punchline, ce mercredi 29 novembre, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur la situation à Romans-sur-Isère après les émeutes de l’ultradroite : «Nous n’assumons pas que le racisme est mal, quel qu’il soit. Il faut regrouper cette capacité à rétablir l’ordre dans les familles, dans l’éducation et dans les institutions».

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Transcription
00:00 Je ne crois pas qu'il y a deux Frances qui sont face à face,
00:02 parce que quand on dit qu'il y a 100 irréductibles sur 4500 habitants,
00:05 il y en a donc 4500 qui, eux, sont otages des 100 premiers.
00:08 Donc, il ne faut pas sous-estimer aussi cette création d'un espace de relégation,
00:14 de ségrégation qui fait sécession,
00:16 mais dont une partie importante des habitants sont eux-mêmes apeurés
00:19 par leurs propres enfants qui les tiennent en otage.
00:22 Alors, pour des tas de raisons sur lesquelles on peut tout envoyer,
00:25 le social, l'éducatif, beaucoup des parents ne sont pas démissionnaires,
00:28 ils ont été licenciés par leurs enfants,
00:30 notamment des familles ou plutôt des foyers monoparentaux,
00:33 parce que la famille, en général, ne peut pas être monoparentale,
00:36 mais foyers monoparentaux, ça existe.
00:37 Bref, une série de situations où on a beaucoup rénové le bâti,
00:41 c'est le cas à Romain-sur-Isère, mais on ne s'est jamais occupé des habitants.
00:44 On s'est donné bonne conscience en disant,
00:46 on va faire un immeuble plus vert, plus bleu, plus jaune,
00:48 mais personne ne s'occupait de ce qui se passait à l'intérieur,
00:51 notamment en ne réutilisant particulièrement les mères de famille
00:54 pour reprendre le contrôle des espaces.
00:57 - On est d'accord. - Voilà, ça c'est le premier élément.
00:59 Le deuxième élément, c'est un tropisme post-colonial français,
01:02 ce que j'appelle le remords colonial.
01:03 C'est-à-dire que tout le monde a intégré qu'il y avait eu un racisme colonial,
01:07 une sous-estimation des gens que nous avions colonisés,
01:10 nous étions en situation de dominants, ils étaient les dominés.
01:13 Tout ça est exact, c'est l'histoire,
01:14 mais on ne va pas passer 3000 ans à s'excuser du passé
01:18 en n'essayant pas de reconstruire le futur,
01:21 qui est donc le fait de travailler avec ceux qui,
01:23 pour des raisons démographiques, pour des raisons économiques,
01:25 pour des raisons sociales, on est allé chercher
01:27 pour les faire travailler en France,
01:28 des immigrés à durée déterminée,
01:30 entièrement masculins,
01:32 cohabitant massivement dans des petits logements
01:35 et travaillant dans des industries lourdes et difficiles.
01:37 Mais on n'a fait aucun effort pour les intégrer du tout,
01:39 puisqu'ils allaient repartir.
01:41 Puis tout d'un coup, en 1974-76,
01:43 on a fait le regroupement familial
01:44 et nous n'avons pas plus fait d'efforts pour les réintégrer,
01:47 alors même que les femmes et les enfants venaient sur le territoire.
01:51 Et du coup, nous avons ce remords en disant
01:54 qu'on doit compenser par une sorte d'autorisation
01:57 à la violence, à la délinquance, à certaines portes d'autorité,
02:00 le mal qu'on leur a fait.
02:01 Et c'est vraiment une culture qui s'est beaucoup répandue
02:04 en France de paysans et de milieux.
02:05 Elle est massivement là.
02:06 - Vous pensez que les Français qui sont confrontés
02:08 à cette délinquance pensent ça ?
02:10 - Oui, il y a beaucoup de Français d'autorité.
02:12 Oui, les autorités n'assument pas leur rôle d'autorité.
02:15 Je parle vraiment là du remords colonial institutionnel.
02:19 Par contre, je pense que les habitants, eux,
02:20 y compris les habitants issus de l'immigration,
02:24 français ou pas, ils ont une situation de complication
02:27 par rapport à leurs propres enfants et petits-enfants
02:29 dont ils ne comprennent pas pourquoi ils respectent
02:31 une forme d'ordre qui leur paraît à eux comme naturelle,
02:35 mais où les institutions ne les aident pas
02:37 puisque au lieu d'intervenir, elles se retirent.
02:41 Et troisièmement, il y a un problème que nous n'arrivons pas à comprendre,
02:44 c'est la reproduction du racisme subi en racisme exprimé.
02:48 C'est la même chose en matière de violence.
02:49 - C'est ce que dit la mère de Romain Sourigal ?
02:51 - Oui, bien sûr, beaucoup de gens qui sont violents
02:53 vous expliquent qu'ils sont violents parce qu'ils ont été victimes
02:56 de la violence et ils la reproduisent.
02:58 Je pense qu'un certain nombre de victimes du racisme
03:00 ou qui pensent avoir été victimes de racisme,
03:01 que leurs parents l'ont été, reproduisent désormais
03:03 un racisme inversé et que nous n'assumons pas le fait
03:07 que le racisme, c'est mal, quel qu'il soit.
03:10 Le racisme contre les Noirs, contre les Jaunes,
03:13 contre les Bleus, contre les Verts, contre les Beurs,
03:15 contre qui on veut, et contre les Blancs,
03:18 quand ils s'expriment en tant que tels
03:20 et ils s'expriment parfois en tant que tels.
03:23 Et donc cette incapacité à rééquilibrer les choses
03:26 est un des problèmes qui est là et que les citoyens,
03:29 français ou pas, de souche, direz-moi de racisme,
03:32 parce que les souches c'est plutôt des arbres morts,
03:35 ou originaires d'immigration, ne comprennent pas plus.
03:38 Et il faut regrouper cette capacité à rétablir l'autorité
03:42 et l'ordre, d'abord dans les familles,
03:44 ensuite dans l'éducation et enfin dans les institutions,
03:47 en disant les choses telles qu'elles sont.
03:48 Le fait de le dire, ce n'est pas devenir raciste
03:51 ou xénophobe ou autoritaire, c'est rétablir l'ordre,
03:54 et l'ordre c'est le cœur même de ce qui fait vie en société.
03:57 [Musique]
04:01 [SILENCE]

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