La science peut-elle nous permettre d’éviter le pire? Quelle réponse doit-elle apporter face à la crise écologique? Débat avec Aurélien Barrau, astrophysicien, auteur de “L’Hypothèse K. La science face à la catastrophe écologique” (Grasset).
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00:00 France Inter, le grand face-à-face, le débat.
00:05 Bonjour Aurélien Barraud.
00:06 Bonjour.
00:07 Vous sortez l'hypothèse K chez Grasset, vous êtes astrophysicien, l'un des visages aujourd'hui très rares dans les médias, un visage de l'écologie très rare.
00:16 Vous avez refusé toute radio, toute télévision. Merci d'être avec nous au Grand Face-à-Face, merci pour nos auditeurs.
00:23 Et si on a eu très envie de vous recevoir aujourd'hui, c'est aussi parce que dans quelques jours s'ouvre la COP28 à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, dans un contexte pour le moins inquiétant pour notre climat, et donc pour nous, porté par des températures caniculaires en Amérique Latine.
00:36 On a appris que le 17 novembre dernier, il y a une semaine, la température mondiale a franchi le seuil symbolique de +2 degrés par rapport à l'ère pré-industrielle, soit l'objectif officiel à ne pas dépasser défendu par les COP sur le climat.
00:49 Et pour certains, la solution se trouve dans la technologie.
00:52 Le CO2, ou dioxyde de carbone, est l'un des principaux gaz à effet de serre liés aux activités humaines et industrielles.
00:58 Le triptyque des technologies de captage, de stockage et de valorisation contribue à limiter et à éliminer les émissions de CO2 dans l'atmosphère.
01:06 En proposant ce modèle de service, nous renforçons nos offres de réduction de l'empreinte carbone pour les secteurs de l'énergie et de l'industrie en pleine mutation.
01:15 Alors ça c'était une publicité de Veolia. Pour vous c'est une promesse formidable ou un cauchemar absolu ?
01:21 Devinez ! Dans tout ce que vous venez d'évoquer, qui est très pertinent bien évidemment, il y a quand même aussi beaucoup d'erreurs à mon avis ou de non-dits qui sont problématiques.
01:30 D'abord, vous l'avez rappelé, et c'est pas à vous naturellement que j'en fais le reproche, c'est que c'est très inquiétant pour nous.
01:35 Ce "nous", il faudrait le préciser, on parle des humains, on parle des européens, on parle des mammifères, on parle des français, on parle des vivants.
01:42 Actuellement, je pense que ce "nous" représente les occidentaux et que c'est là encore une preuve en quelque sorte du néocolonialisme ambiant avec ses ravages, pas seulement sur le climat.
01:54 Ensuite, vous avez évoqué le problème du CO2. Je voudrais rappeler que le CO2 est évidemment un gaz à effet de serre, qui est évidemment lié au réchauffement climatique,
02:03 mais c'est une erreur drastique que de croire que le réchauffement climatique est notre plus gros problème.
02:07 En réalité, dans la sixième extinction massive au sein de laquelle nous nous trouvons, le climat, jusqu'à maintenant, n'a joué aucun rôle.
02:15 Ce sont l'ensemble des piliers qui définissent l'habitabilité de cette planète qui sont en train de céder.
02:20 Et la raison pour laquelle on se focalise sur le climat, c'est exclusivement parce que c'est le plus simple de nos problèmes.
02:26 C'est le seul qui peut encore laisser perdurer l'impression totalement délirante que nous sommes face à un problème technique ayant une solution technique.
02:35 Et là, effectivement, j'en viens à la troisième erreur, c'est ce techno-solutionnisme qui relève vraiment d'une abjection suprême en réalité.
02:42 Parce que non seulement il ne marche pas, il suffit de regarder l'histoire, il suffit de regarder les faits, il suffit de regarder les effets rebonds.
02:48 Donc on peut comprendre son inopérance du point de vue purement ingénérique, mais on doit aussi le comprendre du point de vue axiologique, c'est-à-dire du point de vue des valeurs.
02:57 Nous ne sommes pas face à un problème scientifique. Nous sommes face à un problème de vision du monde.
03:02 La science peut intervenir au niveau du constat, elle peut éventuellement corriger certains biais, certains effets secondaires ou certaines dérives non-chouettées,
03:10 mais elle ne peut pas nous dire ce que l'on veut. Et c'est ça la question que nous n'avons pas commencé à poser.
03:15 On va se la poser ensemble bien sûr, mais je reviens sur le mot "abjection" que vous venez d'évoquer.
03:20 Pourquoi ce mot ? Pourquoi c'est abject de tenter de trouver des solutions technologiques à nos problèmes environnementaux ?
03:26 Alors ce mot d'abord parce que je ne suis pas un politique, je ne cherche pas à être élu et je ne cherche pas à être aimé.
03:30 Et par conséquent, je peux me permettre d'employer les mots que je veux sans céder aux injonctions du politiquement correct,
03:37 de ce à quoi on doit, ce dont on doit s'indigner et ce dont on ne doit surtout pas s'indigner.
03:42 Alors pourquoi ce mot ? Parce que ce qui se passe en ce moment, si vous voulez, c'est pas seulement stupide,
03:47 parce que nous sommes en train d'aller vers notre suicide, ce qui est quand même un peu idiot pour un être vivant.
03:51 Mais c'est aussi assez sale en réalité. C'est aussi assez sale parce que je trouve que ça relève de ce qu'on pourrait nommer une désublimation du réel.
03:58 Nous n'avons pas commencé à poser le vrai problème.
04:01 Et moi je vais peut-être en une phrase vous donner mon sentiment sur la question.
04:05 Notre monde est nervuré de beaucoup d'oppositions, entre la gauche et la droite, entre les communistes et les libéraux,
04:11 entre beaucoup de modèles de société qui sont tout à fait pertinents.
04:15 Enfin, certains d'entre eux sont à mon sens beaucoup plus pertinents que d'autres. Bref.
04:18 Mais il y a une opposition qu'on ne met jamais sur la table et qui est peut-être en fait la méta-opposition,
04:23 qui est peut-être la plus grande opposition à laquelle on fait face, c'est entre le prosaïque et le poétique.
04:28 Le prosaïque c'est l'utilisation d'une chose. Le poétique c'est la chose en tant que telle.
04:33 Le prosaïque c'est la communication. Le poétique c'est la communion.
04:37 Le prosaïque c'est la fabrication, la maîtrise, l'exploitation, le mesuré, le reproductible, le mécanique, l'utile.
04:43 Le poétique c'est tout le reste. Vous voyez, c'est la création, c'est le sauvage, c'est le surgissement de la présence.
04:49 Et en fait, ce que je voudrais dire, c'est que le poétique, c'est pas du tout une petite décoration.
04:54 C'est pas du tout le doré sur le cadre là, qui est toujours très moche d'ailleurs.
04:57 Le doré sur le cadre, on s'en pâcherait bien, on voudrait voir juste le tableau.
05:00 C'est pas du tout ça le poétique. C'est pas une préoccupation d'intellectuel qui a envie d'aller s'asseoir autour de la rivière
05:05 et de prendre une rose dans ses dents. Le poétique, c'est la vie. C'est l'essentiel.
05:10 C'est ce qui nous définit. C'est ce qui fait que je ne suis pas cette table et que vous n'êtes pas votre micro.
05:15 C'est ce qui fait le sens de l'existence. Et aujourd'hui, on ne s'intéresse pas beaucoup au poétique.
05:20 Et c'est ça qu'il faut mettre sur la table. Et c'est pour ça que c'est abject de l'oublier.
05:24 Parce que c'est pas seulement incohérent, ça relève aussi de l'oubli de l'ontologie.
05:30 C'est-à-dire de ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes.
05:32 Alors vous nous direz pourquoi c'est suicidaire. Dernière question avant de donner la parole à Natacha qui veut la prendre.
05:37 Juste le titre.
05:38 J'y le suis d'ailleurs.
05:39 L'hypothèse K, ça veut dire quoi ? Hypothèse K qui est la question de votre vie.
05:42 Par rapport à cette analyse, ce combat entre le prosaïque et le poétique, c'est-à-dire entre la pulsion de mort,
05:47 se laisser faire l'inertie machinique et la pulsion de vie,
05:51 existence, ça veut dire s'extraire, bifurquer, s'autoriser à être, c'est-à-dire à déjouer l'attendu.
05:58 Je trouve qu'il est intéressant de se demander, et la science là-dedans.
06:02 Je me le demande parce que c'est mon métier, j'ai donné des leçons au monde entier.
06:05 J'ai été dire aux MEDEF qu'ils étaient quasiment des terroristes.
06:07 Donc il était temps que je m'applique cette critique à moi-même et dans mon métier et pour un scientifique.
06:12 On est du côté du prosaïque ou du poétique ?
06:14 En tant qu'astrophysicien.
06:15 Eh bien, soyons honnêtes.
06:17 Historiquement, la science est du côté du prosaïque.
06:20 C'est elle qui alimente cette machine de réification, c'est-à-dire de transformation en chose du réel,
06:25 d'artificialisation, de désublimation et finalement de destruction de ce qui nous entoure.
06:32 Mais c'est contingent.
06:34 Ça s'est passé comme ça, c'est une réalité historique que je déplore.
06:38 Mais ce n'est pas nécessairement attaché au matériau scientifique.
06:41 Parce que la science pourrait être une arme de subversion, une arme de création, une arme d'invention.
06:46 Et donc une arme de connivence avec le réel, plus que d'affrontement ou de remodelage du réel.
06:52 Et je crois que c'est ça la question qui est intéressante aujourd'hui, c'est quelle science allons-nous choisir ?
06:57 Et hypothèse K ?
06:58 Alors K, oui pardon, je n'ai pas répondu à votre question, c'est comme d'habitude ça.
07:01 J'ai au moins ça de commun avec les politiques.
07:04 Donc K, parce que Karkinos en grec c'est le cancer.
07:08 Et je crois que notre technologie aujourd'hui est devenue autonome, dans une grande partie.
07:12 Ce sont des machines qui construisent des machines, des programmes qui conçoivent des programmes.
07:16 Et que cette autonomie est devenue littéralement métastatique, cancéreuse.
07:20 Et qu'il y a beaucoup de leçons à tirer de la médecine.
07:23 D'une part qu'il faut une compréhension globale, c'est une maladie systémique.
07:27 Il ne faut pas traiter que les conséquences, il ne faut pas traiter que les effets.
07:30 Ça ne fonctionne pas, on le sait très bien en oncologie.
07:32 Mais aussi qu'il faut redéfinir ce qu'est la victoire.
07:35 Qu'il faut être humble et penser en philosophe autant qu'en technicien.
07:39 Natacha Polny.
07:41 Alors, quand je vous écoute et quand je vous lis, j'ai en tête un livre que je trouve absolument passionnant.
07:47 Qui est celui d'Olivier Rey, "Itinéraire de l'égarement".
07:50 Qui est une réflexion sur la place de la science en Occident.
07:53 Et sa thèse est de dire qu'en gros, s'opère une bifurcation à la Renaissance.
07:58 Quand Galilée conçoit l'idée que le monde peut être pensé en équations mathématiques.
08:06 Et tout le rapport de l'Occident à la science se construit à partir de là.
08:11 Avec cette tendance qui est d'effacer tout le réel qui ne rentre pas dans les équations mathématiques.
08:18 Sauf que c'est grâce à cela que, petit à petit, a pu s'opérer une modification.
08:24 Qui aboutit à la révolution industrielle, avec ce qu'elle a de pire.
08:29 Mais aussi la capacité à se soigner, à allonger l'espérance de vie.
08:33 A permettre un petit peu à l'humanité de ne pas subir uniquement la nature.
08:42 Comment fait-on si cette vision de la science s'est imbriquée avec la technologie ?
08:50 Pour garder ce qui, dans la science, est libérateur.
08:54 Et pour en extraire, en effet, ce que Jacques Ellul appelait cette idéologie de la performance.
09:02 Ce système technicien.
09:04 C'est-à-dire l'idée que c'est par la technique qu'on va, en tout point, trouver des solutions les plus performantes possibles.
09:11 Aurélien Barraud.
09:12 Oui, vous avez raison.
09:14 Le geste de Galilée est évidemment génial.
09:16 Évidemment louable et très impressionnant du point de vue scientifique.
09:21 C'est quelqu'un d'exceptionnel.
09:23 Mais il est très violent aussi.
09:24 Il est très violent aussi parce que c'est plus qu'une mathématisation du réel.
09:28 Ce que Galilée a fait, c'est qu'il s'est considéré comme l'exégète de la nature.
09:32 Il a considéré qu'en tant que physicien, il ne parlait pas sur la nature.
09:36 Ce qu'à mon avis, il aurait dû faire.
09:38 Il a considéré qu'en tant que physicien, il parlait au nom de la nature.
09:42 Et c'est effectivement très différent parce que ça oriente de façon drastique pas simplement la pratique,
09:48 mais aussi la définition de l'être auquel nous sommes confrontés.
09:52 Et la problématique que vous évoquez, je crois qu'elle n'est pas exclusivement relative à la science.
09:57 C'est la problématique du pharmacone chez Platon.
09:59 Autrement dit, c'est une question de dosage.
10:01 Ce qui est médicament devient bien évidemment poison à haute dose.
10:05 Mais on le sait très bien, ça.
10:07 Quand on est en situation de famine, il faut manger.
10:09 Quand on est en situation d'obésité, ça risque de nous tuer.
10:11 Ce qui est très étonnant, c'est qu'avec la technique, la technologie en général,
10:16 que nous avons divinisé en réalité, on dit qu'on est dans une société très immanente,
10:19 mais on a accordé une valeur transcendante, voire sacrée, à cette profusion métastatique de la technologie,
10:24 on ne se pose pas la question du dosage.
10:26 C'est-à-dire que l'argument qui semble prévaloir et qui n'est jamais posé sur la table tellement il est stupide,
10:31 c'est "dans le domaine technique, si je peux le faire, je dois le faire".
10:35 Ce qu'on n'utilise jamais, heureusement, en éthique.
10:37 Là, nous pourrions nous insulter, on va essayer de ne pas le faire.
10:40 Mais ce n'est pas parce qu'on peut le faire qu'on doit le faire.
10:42 Dans le champ technique, c'est ça l'argument de la Silicon Valley.
10:44 C'est ça l'argument d'Elon Musk et de Jeff Bezos.
10:47 "Je peux le faire, donc je dois le faire".
10:49 Mais cet argument est imbécile à la fois du point de vue poétique, du point de vue éthique,
10:53 du point de vue politique, du point de vue scientifique.
10:55 Il n'y a absolument aucun monde dans lequel il fasse sens.
10:59 Et je crois qu'à votre question "qu'est-ce qu'on fait?", ma réponse est "on trahit".
11:03 J'aime bien cette idée de trahison, parce qu'elle est un peu subversive, bien sûr.
11:07 Trahir, ça veut dire quoi ?
11:08 Ça ne veut pas dire renier la parole donnée, renier les amours promises.
11:11 Ça, ça serait tout à fait regrettable et un peu sale aussi.
11:15 Trahir, ça veut dire s'extraire de l'inertie.
11:17 Ça veut dire trahir les attendus.
11:19 Trahir ce que je suis censé faire compte tenu de mon sexe, de mon âge, de ma caste,
11:24 de ma nationalité, de ma religion, de mon environnement social,
11:28 de mes attendus systémiques, de mes dirigeants politiques.
11:31 C'est ça la trahison qui est attendue aujourd'hui.
11:34 Notre monde ne fonctionne plus.
11:36 Ce n'est pas idéologique, ce n'est pas de gauche ou de droite.
11:38 C'est factuel aujourd'hui.
11:40 On peut le voir de toutes les manières possibles, c'est factuel.
11:43 Et face à ça, je crois que trahir, c'est en fait un geste de fidélité.
11:47 De fidélité à ce que nous sommes et pas seulement à la contingence historique
11:52 d'une erreur qu'il est temps de corriger.
11:54 Gilles Finkielstein, votre essai surprend.
11:57 Et c'est, je crois, une qualité.
12:00 C'est le premier essai de vous que je lis, je l'ai lu deux fois,
12:03 même pour préparer l'émission.
12:05 Il surprend par la thèse.
12:08 Un scientifique qui dit, et là je vous cite, il faut faire tomber la science.
12:12 Il surprend par son titre.
12:14 Thomas l'a évoqué, l'hypothèsca, et vous avez le sens du suspense
12:18 puisqu'il faut attendre la page 178 puis la page 193
12:22 pour avoir une clé de compréhension du titre.
12:25 Et il surprend par sa langue.
12:28 Il y a un plaisir du jeu avec les mots dans lequel il faut accepter
12:32 de se laisser entraîner et parfois même de s'y perdre.
12:37 Je me demandais si j'allais lire des extraits que j'avais notés
12:41 pour illustrer ce jeu avec la langue, mais d'une certaine manière
12:44 il suffit de vous écouter et il est inutile de les lire.
12:48 Il est bien l'auteur de son livre, ça c'est sûr.
12:50 Voilà, vous l'avez écrit vous-même.
12:52 Entre ses tchatchépétés, bien sûr.
12:55 Et donc, c'est pas de ça dont je voudrais débattre, mais c'est
12:58 vous interroger sur les conséquences politiques à la fois
13:02 de ce que vous proposez et de ce que vous récusez.
13:05 Et je voudrais commencer par ce que vous récusez, parce que
13:08 ce qui me frappe c'est que d'un côté, vous dites "il y a urgence".
13:12 Vous l'avez d'ailleurs répété là, et je ne vais pas prendre
13:16 les différents moments du livre, mais vous dites
13:18 "catastrophes civilisationnelles, anéantissement biologique global,
13:22 pas le début d'un embryon de réelle mobilisation,
13:25 la célérité de cette extinction dépasse nos pires anticipations".
13:29 Donc, d'un côté, vous dites "urgence".
13:31 Et d'un autre côté, vous dites que, là aussi, je vous cite page 106,
13:37 "réinventer les seuls buts de la recherche scientifique,
13:40 par exemple en reconvertissant les professionnels en spécialistes du climat,
13:44 ou ces modalités, par exemple en diminuant les émissions de gaz à effet de serre,
13:49 n'aurait aucun intérêt, cela se révélerait même largement nuisible".
13:54 Et donc, que ce ne soit pas suffisant, là, j'en conviens,
13:59 et donc je ne crois pas du tout au technosolutionnisme,
14:04 et je pense que c'est même une impasse.
14:06 Mais dire que ce n'est même pas nécessaire, là, je dois dire, je ne comprends pas.
14:10 Très bien. Faire tomber la science...
14:13 Aurélien Barraud vous répond.
14:15 Faire tomber la science, c'est une provocation que j'assume.
14:18 Vous d'ailleurs, vous le dites comme quelqu'un.
14:20 Je suis spécialiste de la gravitation et de la relativité générale,
14:22 et je trouve qu'un corps qui tombe est précisément un corps qui n'est pas subi à la gravité,
14:26 et c'est donc en fait ce qui le libère de le faire tomber.
14:29 Donc il ne s'agit pas par cette expression de signifier "détruire la science",
14:33 je continue d'adorer les trous noirs et l'univers primordial,
14:36 mais il s'agit au contraire de la libérer, de l'extraire,
14:39 de lui offrir un peu de jeu dans un carcan qui était trop étroit,
14:43 de la rendre pirate, si vous voulez.
14:45 Alors, oui, oui, ce livre surprend.
14:48 Je crois que quelqu'un a écrit, m'a-t-on rapporté, qu'il était un naufrage de la pensée.
14:55 Et alors je dois dire que je n'aurais pas osé être aussi laudatif avec moi-même.
14:59 Parce que la pensée, quand elle demeure dans un navire,
15:02 très vite, elle est encalminée naturellement.
15:05 La pensée doit faire corps avec les flots, avec les vagues, avec les cumes,
15:08 avec les algues, avec les goémons.
15:10 Donc, bien sûr, toute pensée digne de ce nom doit être naufragère.
15:14 Vous avez raison dans les paradoxes que vous mentionnez.
15:18 Mais prenons un exemple.
15:20 Pour une fois, je vais m'autoriser à être un peu concret.
15:23 Puisqu'on évoquait en plaisantant Tchadjépeté.
15:26 On peut se dire, utilisons par exemple l'intelligence artificielle
15:29 pour résoudre tel ou tel problème.
15:31 Mais la raison pour laquelle je crois que même si ponctuellement
15:34 l'intelligence artificielle peut aider à guérir un cancer
15:37 ou peut aider à améliorer l'efficacité énergétique d'un téléphone,
15:40 la question préliminaire qu'il faudrait commencer par se poser,
15:43 c'est que veut-on vraiment ? Où veut-on aller ?
15:46 Or, l'intelligence artificielle, elle ne peut structurellement,
15:49 par construction, par essence, qu'interpeller entre le déjà connu
15:52 et le déjà produit.
15:53 Elle ne peut pas être révolutionnaire ou disruptive.
15:56 Et la question sincère est, souhaitons-nous tous ici,
15:59 que nos vies soient normées, choisies, calculées, prédites
16:02 par des machines, des codes, des algorithmes,
16:05 qui vont nécessairement élaguer les bifurcations, les errances,
16:08 les failles, les chutes, bref, ce qui nous constitue en tant que vivants.
16:12 Et regardez GPT, l'agent conversationnel.
16:15 Ça peut sortir des phrases qui sonnent bien, mais le langage,
16:18 il est défini par deux choses. C'est sa référentialité au locuteur.
16:21 Vous m'avez invité parce que vous savez un peu qui je suis.
16:24 Si vous saviez vraiment, vous ne m'auriez pas invité,
16:26 mais vous savez un peu qui je suis. C'est très essentiel.
16:29 C'est très essentiel. Et la deuxième référentialité, c'est au réel.
16:32 Mais GPT n'a pas de critère de vérité.
16:34 Donc les deux définitions de l'idiome sont absentes.
16:37 Ça n'a strictement aucun intérêt, aucun sens.
16:40 Vous avez très bien répondu, mais vous n'avez pas du tout répondu à ma question.
16:43 Donc vous devriez vraiment faire de la politique.
16:46 Vous avez répondu en prenant l'exemple, vous l'avez sublimé bien sûr,
16:50 en partant de l'exemple de l'intelligence artificielle.
16:53 Mais si on revient sur l'hypothèse K et sur la catastrophe climatique,
16:58 en quoi travailler à la réduction des gaz à effet de serre, c'est largement nuisible.
17:05 Parce que ça fait perdurer le statu quo, parce que ça nous interdit de penser,
17:08 parce que ça nous permet de faire comme si tout allait bien.
17:11 Un peu comme on fait en ce moment à l'international,
17:13 on peut enfin parler d'autre chose, on va être très content.
17:15 C'est ça le problème. Si vous voulez, je vais le dire de façon métaphorique,
17:18 mais quand même précise.
17:19 Aujourd'hui, on est en train de larguer un tapis de bombe sur le vivant en général.
17:23 On a déjà détruit les deux tiers des insectes, les deux tiers des mammifères,
17:26 les deux tiers des arbres et beaucoup d'êtres humains décèdent chaque année.
17:29 Et donc on est en train de se demander, avec la décarbonation,
17:32 comment faire des bombes qui soient issues du commerce équitable et en matériaux biologiques.
17:36 Bon, ok, c'est peut-être un peu mieux, mais la vraie question à se poser,
17:39 c'est "doit-on continuer à larguer des bombes atomiques sur les êtres vivants ?"
17:43 Alors que faut-il faire ?
17:44 Que faut-il faire ? C'est quoi le monde rêvé d'Aurélien Barraud ?
17:48 Que doit-on faire pour sortir de l'impasse ?
17:51 Autorisez-moi s'il vous plaît à n'être pas trop prosaïque, c'est-à-dire pas trop concret.
17:56 Notre monde est énervé de concrétude.
17:59 Nous vivons dans une surconcrétude...
18:01 Non mais pardon, la disparition des espèces c'est très concret,
18:03 la disparition des hommes c'est très concret,
18:05 les maladies c'est très concret, donc il faut des réponses concrètes à des problèmes.
18:08 Les réponses abstraites.
18:09 Ce qu'il faut faire c'est penser.
18:10 Exclusivement penser.
18:12 J'ai récemment, ce que je ne fais pratiquement jamais, j'ai fait une exception,
18:15 participé à un séminaire d'entreprise.
18:17 J'ai dit des choses que je croyais un peu subtiles,
18:19 je croyais, et en fait ce qu'ont retenu les gens,
18:21 ce qu'ils m'ont dit à la fin, ça vraiment ça a changé ma vision du monde,
18:24 c'est que tu as posé la question "qu'est-ce qu'on veut vraiment ?"
18:27 Là j'avais pas l'impression d'être très subtil à ce moment-là.
18:29 Mais c'est ça qu'ils ont retenu.
18:31 Il faut commencer par se poser la question "qu'est-ce qu'on veut ? Pourquoi on le fait ?"
18:35 Vous m'avez mentionné que je n'ai pas fait, et que je ne ferai sans doute pas,
18:39 de plateau de télévision.
18:40 Je ne peux pas faire le tour des plateaux de télévision en disant "il faut décroître".
18:44 C'est ridicule, c'est une contradiction dans les termes, c'est une incohérence.
18:47 Moi je fais ce livre pour essayer...
18:49 Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
18:50 Ça ne vous paraît pas clair ?
18:51 Mais si, mais allez-y.
18:52 On alimente l'ogre, on fait tourner la machine,
18:54 on est encore dans le productivisme du savoir.
18:56 Bien sûr, j'ai l'impression que ma parole est bienfaisante.
18:59 Oui, mais comme tout le monde. Comme mes ennemis, comme mes opposants.
19:02 Comme ceux qui aujourd'hui larguent des bombes.
19:04 Que ce soit des bombes métaphoriques ou des bombes réelles.
19:07 Et donc il y a un moment où il faut quand même faire preuve d'un peu d'auto-consistance.
19:11 Natacha Polony, auto-consistante.
19:14 On a vu cette semaine, justement, autour de l'intelligence artificielle et de Chadjipetty,
19:20 une affaire qui, à mon avis, est absolument extraordinaire et très intéressante
19:26 sur le fonctionnement de la technostructure dont vous parlez.
19:30 Puisque le fondateur de Chadjipetty a été viré par le conseil d'administration,
19:37 qui a estimé que sa tâche était, et c'est dans ses statuts,
19:41 de défendre l'humanité face au risque de l'intelligence artificielle
19:46 plutôt que de défendre l'entreprise elle-même.
19:48 Les actionnaires de l'entreprise, Microsoft en tête, ont engagé un bras de fer
19:53 qui réussit à faire revenir Sam Altman dans un jeu assez trouble.
19:57 Et tout cela nous est présenté comme la lutte entre ceux qui sont prudents
20:02 et qui veulent faire ralentir cette avancée,
20:04 et ceux qui pensent qu'elle doit être exploitée le plus rapidement possible et commercialement.
20:09 Nous avons donc un des mouvements les plus importants pour l'humanité à venir,
20:15 à savoir l'intelligence artificielle et son progrès,
20:17 qui est géré entièrement par des actionnaires et une entreprise capitalistique.
20:22 Et ce que j'entends dans ce que vous dites,
20:24 puisque nous vous posons la question concrètement, que fait-on ?
20:29 C'est la question de savoir qui décide politiquement,
20:34 donc une question démocratique.
20:36 Mais comment fait-on pour que les citoyens puissent décider,
20:40 sachant qu'on a laissé en effet des entreprises privées ultra puissantes dominer cela,
20:45 et ensuite comment fait-on pour que les citoyens puissent décider
20:48 dans la mesure où ils bénéficient de davantage de bien-être apparent par ces machines-là,
20:54 et qu'en plus on entraîne la pensée magique ?
20:57 Je pense à un texte d'Etienne Klein qui disait que finalement le paradoxe de la science,
21:01 c'est que plus elle est complexe, plus elle produit des objets complexes comme les smartphones,
21:05 et plus elle encourage la pensée magique face à ces objets,
21:08 c'est-à-dire qu'on en dépense sans comprendre rien à la façon dont ils fonctionnent.
21:12 Aurélien Barraud ?
21:13 Oui, oui, je pense que vous mettez sur la table des points tout à fait essentiels.
21:17 En même temps, on ne peut pas s'empêcher de faire preuve d'un peu de cynisme
21:20 face à toutes ces tractations de la Silicon Valley,
21:23 d'abord parce qu'il y avait des choses plus graves cette semaine,
21:25 et ensuite parce qu'on est en train de se dire finalement,
21:28 on a créé le virus, il faut créer l'antidote, il faut créer le vaccin.
21:32 On pourrait peut-être ne pas créer le virus, ça serait peut-être un peu plus sage.
21:36 En fait l'IA, l'intelligence artificielle,
21:38 aujourd'hui les penseurs de cette discipline ont compris que c'était effectivement un objet létal.
21:43 Et donc ils se demandent comment la tempérer, comment l'encadrer,
21:45 ce qui est bien évidemment impossible.
21:47 Je voudrais quand même récuser une chose dans votre propos,
21:51 c'est l'emploi du mot "progrès".
21:52 Il ne faut pas se laisser voler les mots.
21:54 Quand le président du Medef parle de "progrès"
21:57 pour désigner la cinquième génération de téléphonie mobile,
22:00 je lui dénie l'utilisation de ce mot pour mentionner une astuce techno-zinzin
22:05 qui augmente la pollution, la consommation de gaz à effet de serre,
22:08 l'addiction et la culturation.
22:10 Ça, ce n'est pas un progrès, c'est une addiction, c'est une maladie.
22:13 Alors, vous avez raison, il y a une question démocratique qui est très essentielle,
22:18 mais je crois qu'elle n'est pas soluble politiquement.
22:21 Il faut aller un peu plus en amont, c'est-à-dire revenir à l'axiologie,
22:24 c'est-à-dire aux valeurs.
22:25 Et je crois que la question intéressante en fait, c'est de se demander
22:28 comment nous en sommes venus à devenir des vivants qui n'aiment plus la vie.
22:33 Parce que c'est ça en fait qui nous caractérise.
22:34 On est dans un studio, ce matin tout est artificiel.
22:37 C'est normal, on ne va pas mettre des petits oiseaux dans le studio.
22:39 Peut-être, mais il n'empêche que c'est un peu le moment de gloire,
22:42 de vous inviter, que d'être là.
22:44 Et on est dans un lieu qui est extraordinairement dépoétisé.
22:47 Et c'est normal, compte tenu du monde qu'on a construit, on n'a pas le choix.
22:51 On ne va pas mettre un cactus au milieu, là ce serait parfaitement ridicule,
22:53 ce serait même pire que tout d'ailleurs.
22:54 Et donc, comment on est devenu des vivants qui n'aiment pas la vie,
22:57 c'est ça la question fondamentale.
22:58 On le voit avec la crise écologique, puisqu'on a déjà, je rappelle à nos auditeurs,
23:01 que ce n'est pas quelque chose qui va subvenir, qui va survenir.
23:05 On a déjà essentiellement éradiqué les deux tiers des animaux sauvages.
23:09 On a déjà 800 000 êtres humains qui meurent chaque année de la pollution en Europe.
23:13 On a déjà une espérance de vie mondiale qui a baissé de deux ans.
23:16 Mais ce n'est pas seulement une question écologique.
23:18 Moi, quand je vois effectivement la sérénité avec laquelle nous nous évertuons,
23:22 à ne pas comprendre, à ne pas regarder, à ne pas ressentir l'intolérable,
23:26 quand ça ne concerne ni nos semblables, ni nos intérêts,
23:29 je crois que là aussi on voit que nous sommes des vivants qui n'aiment pas la vie.
23:32 Et dernier exemple, qui n'est pas écologique, mais qui à mon sens est lié,
23:36 quand vous voyez des êtres humains qui ont presque tout,
23:38 des sénateurs et sénatrices, qui dans les dorures du palais du Luxembourg
23:42 vont décider que pour d'autres êtres humains, presque rien c'est encore trop,
23:46 et vont voter pour supprimer l'aide médicale d'État au champs-papiers
23:49 ou l'allocation handicap aux étrangers en France depuis quelques années,
23:53 je trouve que là aussi on fait face à des vivants qui n'aiment pas la vie.
23:57 Parce qu'il n'y a aucun monde dans lequel un tel projet politique puisse être digne.
24:02 - Alors précisez, sur le projet politique, et j'en viens je crois à ce qui est le cœur de votre livre,
24:08 vous dites "ce que la science doit proposer c'est un renouveau poétique,
24:12 il est temps, je vous cite aussi, pour son salut et pour le nôtre,
24:15 que la science se désire en tant qu'art qu'elle se fantasme en poème".
24:20 Vous dites "ce qui est en jeu c'est un projet civilisationnel"
24:23 et vous avez à l'instant évoqué cette question qui vous paraissait toute simple
24:29 "ça va changer la vie des gens qui vous écoutaient, que veut-on ?"
24:33 En fait ce que je voudrais c'est avoir votre réponse.
24:35 Pas seulement le fait de se poser la question mais quelle est la vision du monde que vous défendez ?
24:41 Et je crois que c'est un élément qui est très important parce que vous dites à d'autres moments
24:44 "il ne faut pas parler d'effort parce que comme si un effort c'était on allait avoir moins
24:48 alors qu'avec cette transition ça nous mène vers du plus".
24:52 Vous l'avez dit tout à l'heure d'ailleurs, il faut redéfinir la victoire.
24:56 Il faut créer un autre monde dans le monde.
24:59 Mais vous mesurez à quel point réussir à dessiner ce que serait le monde d'après
25:05 est déterminant pour réussir à y aller et à embarquer les citoyens.
25:10 Et donc je vous pose la question, non pas "quelle est votre question" mais "quelle est votre réponse".
25:14 Aurélien Barraud.
25:15 Vous devriez interviewer des politiques vous.
25:18 Il en a beaucoup, beaucoup à interviewer.
25:20 Non c'était une blague, je sais.
25:22 Nous nous faisons face à une double menace.
25:23 Il y a la mort de chaud, ça on connaît, c'est le dérèglement climatique.
25:26 Et il y a la mort de froid.
25:27 La mort de froid c'est la dépoétisation, c'est le désenchantement, c'est le monde de machines
25:31 et de métal et de béton que nous sommes en train de construire.
25:36 Et donc il faut effectivement slalomer entre ces deux menaces.
25:39 Ma réponse à votre question c'est que ce que j'aimerais c'est qu'on ne trouve pas que ce soit une question difficile.
25:46 Parce que rien ne me semble plus scélérat aujourd'hui que de se dire
25:50 "Ok, le monde va mal, mais qu'est-ce qu'on pouvait faire d'autre ?"
25:54 Ça c'est absolument abject comme posture. Pourquoi ?
25:58 Parce qu'il suffit de regarder les autres cultures.
26:00 La quasi-totalité des êtres humains avec lesquels nous avons partagé cette planète
26:04 n'avaient pas du tout notre rapport de prédation nécrophile à leur environnement et aux autres vivants.
26:10 Donc ma réponse est, j'aimerais m'énerver de l'ailleurs.
26:13 De l'ailleurs, c'est-à-dire de toutes ces autres cultures, toutes ces autres sociétés
26:18 hors de l'Occident prédateur et capitaliste pour apprendre d'eux.
26:22 J'aimerais inverser le rapport de paternalisme et commencer à comprendre que la question aujourd'hui n'est pas
26:28 "Comment va-t-on expliquer la catastrophe écologique aux Africains ?"
26:31 mais que la question est "Comment peut-on apprendre des Africains d'autres manières de vivre ?"
26:36 Rolien Barraud, énervé et un peu énervé aussi ce matin.
26:39 Pardonnez-moi le jeu de mots, mais vous aimez ça, jouer avec les mots.
26:42 Un petit mot quand même pour terminer sur la place de nous, êtres humains, parmi les vivants.
26:48 Quelle est cette place selon vous ? Est-ce que c'est une place parmi d'autres ou une place au-dessus des autres ?
26:52 Mais ce n'est pas selon moi. C'est une réponse factuelle, c'est une place parmi d'autres.
26:55 Et c'est comme ça que ça nous plaise ou non.
26:58 Quels conséquences ça a ? Quels impacts ça doit avoir ça ?
27:02 Évidemment, il y a une vérité scientifique qui est aujourd'hui effectivement bien comprise.
27:08 Nous sommes l'un des grands singes et nous sommes l'une des 8 millions d'espèces avec lesquelles on partage encore cette planète.
27:15 Mais il y a un problème en philosophie, c'est ce qu'on appelle la guillotine de Hume.
27:18 C'est-à-dire que la description ne peut jamais logiquement engendrer une action.
27:23 Donc on peut parfaitement se dire "On est une espèce parmi les autres et on décide de flinguer toutes les autres".
27:27 Ça c'est possible. Ce n'est pas scientifiquement faux. C'est juste éthiquement triste et poétiquement pauvre.
27:32 Et donc je ne pense pas que l'on puisse d'un constat scientifique, c'est un peu d'ailleurs l'hypothèse de mon livre,
27:37 le constat scientifique il est très important. Mais il n'est jamais suffisant parce qu'il ne dit pas ce qu'on souhaite.
27:42 Donc vous avez raison, il faut le rappeler, nous sommes une espèce qui n'a pas vocation à s'extraire de la continuité des vivants.
27:49 Ça c'est une vérité biologique. Mais une fois qu'on a donné cette vérité biologique, la question est "Qu'est-ce qu'on en fait ?"
27:54 Et qu'est-ce qu'on en fait, ça ne dépend que de nous. Mais vous avez raison de demander des réponses.
27:57 Mais quand même, c'est encore plus important de demander des questions.
28:00 Nos dirigeants politiques ne les posent jamais ces questions.
28:03 L'hypothèse de base de tout programme politique, c'est que dans un monde idéal, on pourrait continuer encore un peu.
28:09 Mais moi j'ai envie de demander, pourquoi tenter de rendre durable un monde qui n'est pas même souhaitable ?
28:14 Un petit mot pour terminer, dans quelques jours c'est la COP 28, est-ce que vous en attendez la moindre chose ?
28:19 Oui, j'étais à peine au courant pour être honnête.
28:21 Regardez les graphiques de Jean Covici, je ne suis pas d'accord avec lui surtout.
28:25 Je pense qu'il est trop axé sur le climat, mais sur le climat il est très bon.
28:29 Et quand vous regardez ces graphiques, vous voyez que la corrélation entre les décisions prises aux différentes COP et les émissions de gaz à effet de serre est nulle.
28:37 Voilà, tout est dit. Donc ce n'est pas très intéressant.
28:40 Merci en tout cas, notre entretien, j'espère, dans un contexte hyper sans nature, était j'espère intéressant.
28:47 On essaiera d'amener quelques plantes, quelques oiseaux.
28:50 Non, non, non, ça ne serait pire que ça.
28:51 Surtout pas, ça ne serait pire que tout.
28:52 Merci Aurélien Barraud d'avoir été avec nous. Votre livre, "L'hypothèse K", est à lire aux éditions Grasset.
28:59 Et si j'ai retenu quelque chose, on se demande plutôt pourquoi que comment ?
29:03 Oui, en une phrase, ce n'est pas mal.
29:05 Merci Gilles, merci Natacha, merci infiniment à l'équipe du Grand Face à Face,
29:09 Mathilde Declat à la préparation de l'émission,
29:11 Annalise Reynard aujourd'hui à la réalisation,
29:13 et David Dippou-Black à la technique.