F@ce à RAJE - Christian Sautter

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00:00 Face à rage, présenté par Valère Coréard.
00:07 Bonjour, bienvenue dans votre nouveau rendez-vous de politique sociétale Face à rage.
00:12 Chaque semaine, un acteur de la société nous apporte son éclairage sur les grands enjeux d'aujourd'hui.
00:17 Pour cette première édition, un thème qui nous est cher à rage, l'économie sociale et solidaire.
00:23 Le terme peut paraître technique, mais ses partisans y voient une solution concrète
00:28 pour sortir de la crise et même peut-être changer la société.
00:32 Christian Sauter, bonjour.
00:33 Bonjour.
00:34 Bienvenue Face à rage.
00:36 Vous êtes président du réseau associatif France Active, adjoint au maire de Paris,
00:41 chargé de l'emploi, du développement économique et de l'attractivité internationale,
00:45 membre du labo de l'ESS, ancien ministre de l'économie.
00:49 On ne parle pas ici de cumul, mais on parle bien d'économie sociale et solidaire.
00:53 Je vais commencer par trois années clés dans votre parcours.
00:56 1960, vous êtes diplômé de l'école polytechnique de l'Institut d'études politiques de Paris.
01:01 1982, secrétaire général adjoint auprès du président Mitterrand.
01:05 Et 1999, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de Lionel Jospin.
01:10 Est-ce que d'abord, vous rajouteriez une date à ces trois-là ?
01:14 Oui, je rajouterai la date de 2001, quand je suis devenu président de France Active.
01:21 Je voulais vraiment, après avoir fait des décrets, faire du concret,
01:26 être dans la solidarité et le réseau France Active, dont nous allons parler,
01:31 offre vraiment de très belles possibilités.
01:33 Je le disais, économie sociale et solidaire est un peu technique comme terme.
01:39 Quelle en est votre définition pour tous, si j'ose dire, une définition simple ?
01:45 Ma définition, c'est que c'est une économie qui n'est pas mondialisée.
01:51 Elle n'est pas capitaliste. Son objectif, c'est la solidarité plutôt que le profit.
01:57 Et c'est une économie qui est donc au service des autres.
02:01 Mais c'est de l'économie, c'est-à-dire qu'on doit vendre des services à la personne.
02:07 On doit travailler à l'amélioration de l'environnement.
02:11 On doit contribuer à l'efficacité énergétique.
02:15 Ce sont des nouveaux secteurs dans lesquels les entreprises de l'économie sociale et solidaire
02:21 sont des pionnières.
02:23 La création d'un ministère dédié, porté par Benoît Hamon, est-elle une avancée pour vous ?
02:29 C'est une grande avancée parce qu'elle donne de la visibilité à des initiatives très dispersées.
02:35 En 2011, le laboratoire de l'économie sociale et solidaire, que personne ne connaît,
02:41 a organisé des états généraux de l'économie sociale et solidaire
02:45 en faisant monter des initiatives de terrain.
02:51 400 cahiers d'espérance ont ainsi été collectés, mais c'est très dispersé.
02:56 Eh bien l'arrivée de Benoît Hamon donne à ce mouvement profond qui monte de la société civile,
03:03 qui monte des territoires, une image, une respectabilité, une dimension nouvelle.
03:09 Vous n'avez pas le sentiment, à l'instar du ministère du redressement productif,
03:13 que c'est un petit peu une coquille vide avec assez peu de moyens ? C'est surtout de l'étiquette ?
03:18 Non, non, je ne fais pas de comparaison avec d'autres ministères.
03:22 C'est un ministère de l'espoir parce que, comme vous l'avez dit dans votre introduction,
03:28 c'est un secteur qui est encore assez limité, composé d'associations, de coopératives, de mutuelles.
03:36 Ça, ce sont les anciens, si je puis dire.
03:39 Et puis des sociétés d'utilité sociale, ça, ce sont plutôt les modernes qui vont vers le futur.
03:46 Pas de morosité dans l'économie sociale et solidaire, de l'espoir, de la création d'emplois, de l'emploi non délocalisable.
03:55 Est-ce que vous imaginez que l'économie sociale et solidaire puisse passer d'une économie alternative,
04:00 voire même parfois engagée ou militante, à une économie pour tous ? Et comment ?
04:06 C'est une économie militante parce qu'elle est tout à fait minoritaire.
04:11 Si vous voulez, elle monte entre les deux falaises de l'économie libérale et de l'économie administrée,
04:18 qui ne marche pas trop bien. Elle monte en zigzag entre les deux. Et elle est en train d'émerger à la lumière.
04:28 Donc je crois vraiment que cette économie, dans 5 ans, dans 10 ans, on dira « Ah, c'est l'économie sociale et solidaire ».
04:36 Mais vous avez été ministre. Alors pourquoi ne pas avoir porté en 99, en 2001, lorsque vous avez été nommé,
04:46 pourquoi ne pas avoir porté cette économie sociale et solidaire ?
04:50 Parce que mon expérience de l'État, c'est qu'on s'intéresse aux entreprises quand elles ont plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires
04:58 ou 100 millions d'euros de chiffre d'affaires ou si elles licencient massivement.
05:03 L'économie sociale et solidaire, c'est une économie de fourmis, de fourmis très actives.
05:08 Il n'y a parfois aucun salarié. Création d'entreprise par les chômeurs. Parfois, il y a 10 salariés.
05:15 Parfois, dans des grands groupes comme SOS, il y a plusieurs milliers de salariés. Mais c'est vraiment l'exception.
05:21 Donc c'est une économie invisible. Elle est en dessous du radar de l'État jusqu'à ce qu'elle ait un ministre délégué, Benoît Hamon.
05:29 Plus d'un Français sur deux fait confiance aux entrepreneurs sociaux pour sortir de la crise,
05:33 selon une étude de l'Avis et du mouvement des entrepreneurs sociaux. Vous êtes président de l'association France Active.
05:41 En cette qualité, notamment, est-ce que vous confirmez que les Français sont des visionnaires ou ils sont juste optimistes ?
05:49 Visionnaire, optimiste, c'est ambitieux. Ce que je peux dire, c'est que l'an dernier, France Active, qui finance soit des chômeurs
05:58 qui créent leur entreprise – nous en avons aidé 5 200 l'an dernier – soit des entreprises solidaires, qui travaillent au bien commun.
06:07 Et nous en avons financé un millier. En tout, ça fait 29 000 emplois, ce qui n'est pas grand-chose par rapport au chômage.
06:15 Mais c'est quand même un caillou sur le chemin de l'espoir.
06:19 Est-ce que vous avez retenu justement un caillou en particulier par rapport à un autre, un exemple concret d'initiative
06:25 que vous avez soutenue avec France Active ? – Eh bien exemple concret, nous venons de créer avec du mécénat privé
06:32 un dispositif qui s'appelle Cap jeune de France Active, qui va donner à des jeunes, souvent victimes de discrimination,
06:41 des jeunes de banlieue, de Montreuil ou d'ailleurs, nous leur donnons 2 000 € pour démarrer leur entreprise,
06:48 pas démarrer dans la vie, et nous les accompagnons pour créer leur entreprise. Donc nous avons aussi un dispositif
06:56 qui s'appelle le fonds de confiance. Tout ça, c'est sur franceactive.org. Je ne fais pas trop de publicité.
07:02 Pour aider des jeunes ou des moins jeunes, ça peut être des cadres de plus de 50 ans, qui veulent démarrer ou reprendre des entreprises.
07:11 – On dit que l'économie sociale et solidaire pourrait permettre une sortie de la crise. En tout cas, qu'elle crée des emplois.
07:16 Aujourd'hui, près de 10% des actifs sont dans le secteur de l'économie sociale et solidaire.
07:21 Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi un phénomène de paupérisation, c'est-à-dire plus d'emplois, mais moins bien lotis ?
07:28 – Ce qui est surtout important dans l'économie sociale et solidaire, c'est que pendant les années 2000,
07:33 elle a créé plus d'emplois que l'économie classique. La création d'emplois était deux fois plus rapide.
07:40 Et ce sont des emplois non délocalisables. Vous avez, si vous voulez, l'économie mondialisée qui délocalise beaucoup,
07:47 dans l'industrie notamment. Et puis vous avez l'économie territorialisée, l'économie de proximité, qui crée beaucoup d'emplois non délocalisables.
07:57 Services aux personnes âgées, services aux familles, les secteurs actions sociales, la culture, le sport. Les secteurs sont très nombreux.
08:07 Donc c'est vraiment une économie porteuse d'avenir. Et il est normal que les Français y croient, parce que ça se passe près de chez eux.
08:16 Et on va même les encourager à mettre une partie de leur épargne, de l'épargne solidaire, pour financer des entreprises solidaires
08:24 de l'autre côté de leur rue, pas très loin. Juste, ils pourront voir ce que devient leur argent pour lequel ils font un geste de solidarité.
08:34 Vous êtes adjoint au maire de Paris et notamment en charge de l'emploi. Est-ce que vous auriez une mesure concrète à nous présenter depuis que vous êtes élu,
08:41 c'est-à-dire depuis 2008, et que vous auriez pu mettre en œuvre à l'échelle de la première ville de France qui soit peut-être en phase
08:47 avec cette économie sociale et solidaire ? Regardons devant. Le 19 février, dans la grande halle de la Villette, nous faisons le premier forum métropolitain
08:57 pour l'emploi des jeunes. Il y aura 200 employeurs, 40 associations. Soit les jeunes diplômés, soit les jeunes non diplômés vont trouver des offres d'emploi,
09:09 des emplois d'avenir ou des emplois dans des entreprises. Je suis sûr que le groupe SOS sera présent. Voilà une initiative concrète pour permettre
09:19 à des jeunes de trouver leur place dans l'emploi et dans la société.
09:24 Vous avez publié de nombreux ouvrages sur l'économie, notamment au Japon. Vous êtes un spécialiste du Japon.
09:29 Mais vous savez tout.
09:30 Presque tout. Et est-ce que vous avez le sentiment que le Japon est un modèle, justement, à suivre en termes de modèle économique,
09:38 puisque c'est ce dont il s'agit avec l'ESS ?
09:40 Moi, je ne crois pas trop au modèle, parce que chaque pays a son histoire, a sa géographie. Donc le modèle japonais, c'est fait pour des Japonais.
09:49 Le modèle allemand, c'est fait pour les Allemands. Ce que nous devons trouver, c'est un modèle français.
09:55 Et dans ce modèle français, l'économie sociale et solidaire peut être porteuse d'espoir, de création d'emplois et de richesses.
10:04 Dernière question, rapidement. La crise économique frappe le monde, l'Europe et en particulier la France depuis le début du XXIe siècle.
10:12 Est-ce que vous pensez que nous tirons les bonnes leçons des crises successives que nous subissons depuis plusieurs années ?
10:19 Écoutez, je pense que... Mais j'ai été ministre, donc j'ai peut-être un préjugé favorable. Fait ce qu'il faut pour reconstruire les fondations d'un système solide.
10:32 On a longtemps vécu à crédit. Les entreprises en loutre ont longtemps été emportées par une tornade spéculative.
10:41 Maintenant, il faut faire de l'innovation, de la création d'emplois, de la grande exportation. Et j'ai vraiment confiance dans la nouvelle génération,
10:52 mais aussi dans tous les entrepreneurs, les entrepreneurs sociaux, mais aussi les autres.
10:57 Christian Sauter, merci d'avoir accepté cette première invitation, cette première édition face à RAGE. Je le rappelle pour nos auditeurs,
11:04 cette émission est en multimédia sur RAGE à 8h05. Et puis c'est chaque vendredi et en vidéo sur rage.fr dès 10h.
11:14 (Générique)

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