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Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC. Samedi 25 novembre : la BNP-Paribas, à qui on reproche ses investissements dans les énergies fossiles, et qui estime qu’elle fait l’objet d’un mauvais procès.

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Transcription
00:00 Comme chaque semaine, zéro émission avec François Gemmene, prof à HEC, membre du GIEC et de la FNH.
00:06 Cette semaine, François, vous vouliez nous parler de BNP Paribas.
00:09 Cette banque à qui on reproche ses investissements dans les énergies fossiles.
00:13 Une banque qui estime qu'elle fait l'objet d'un mauvais procès. Pourquoi ?
00:16 Effectivement Jean-Rémi, la BNP Paribas, vous le savez, elle est sous le feu des projecteurs des ONG depuis quelques temps.
00:22 Alors, il y avait d'abord eu en début d'année une assignation en justice
00:25 par des ONG qui lui reprochaient de financer de nouveaux projets d'énergie fossile.
00:29 Et puis, il y a quelques jours, il y a eu cette tribune d'étudiants, d'universités, de grandes écoles
00:34 qui déclaraient ne pas vouloir travailler pour la BNP précisément à cause de ces financements.
00:40 Et face à cela, évidemment, la BNP met en avance ses engagements dans les énergies bas carbone
00:44 qui tournent désormais autour de 30 milliards d'euros, dont environ 25 milliards pour les renouvelables.
00:49 Et BNP promet de porter ce chiffre à 40 milliards d'ici 2030.
00:52 Donc ce n'est pas rien. Aujourd'hui déjà, les financements des énergies bas carbone par la BNP
00:56 sont de 20% supérieurs aux financements fossiles.
00:59 - Ça veut dire que ce qu'on reproche à BNP, ce n'est pas justifié ?
01:02 - Disons qu'on lui reproche surtout deux choses.
01:04 D'abord, on lui reproche de ne pas aller assez vite dans sa trajectoire de sortie des énergies fossiles.
01:08 Alors, il y a évidemment des engagements qui ont été pris,
01:11 notamment sur la sortie définitive du charbon d'ici 2030
01:14 ou sur l'arrêt du financement des nouveaux champs pétroliers et gaziers.
01:17 Le problème, c'est qu'il reste encore un très gros encours de crédit sur les énergies fossiles
01:23 puisque la BNP est la première banque européenne.
01:25 Donc évidemment, c'était aussi le premier bailleur de fonds du secteur de l'énergie fossile en Europe.
01:30 C'est logique et c'est pour accélérer cette transition
01:33 qu'elle aura évidemment besoin de recruter des étudiants engagés.
01:37 La deuxième chose qu'on lui reproche, c'est de continuer à financer certains projets pétroliers et gaziers,
01:42 non pas au travers de prêts directs, mais en facilitant l'émission d'obligations financières
01:48 qui permettent à des investisseurs privés de financer de nouveaux projets d'expansion
01:52 et notamment les fameuses bombes climatiques.
01:54 Rien qu'en 2022, on a ainsi accordé 86 milliards d'euros en émissions d'obligations
01:59 pour des projets d'expansion fossiles.
02:00 Mais ça, c'est un problème global François !
02:02 Alors c'est clair, toutes les grandes banques le font.
02:04 Et si on regarde les chiffres mondiaux, pour un peu sortir du seul cadre de la BNP,
02:09 chaque année, les plus grandes banques du monde financent la production d'énergie fossile
02:12 pour un montant qui tourne autour de 750 milliards de dollars.
02:16 Et ça, ça s'ajoute aux subventions des États pour la consommation des énergies fossiles
02:20 qui ont carrément explosé tous les plafonds avec la crise énergétique de l'hiver dernier.
02:24 En 2022, les montants de ces subventions ont dépassé les 1100 milliards de dollars,
02:29 des avantages fiscaux, des plafonds tarifaires, des chèques énergie, etc. etc.
02:33 Mais est-ce qu'on avait vraiment le choix ?
02:34 Sinon, les gens n'auraient pas pu payer leur facture énergétique François ?
02:36 Ah, évidemment, clairement on n'avait pas le choix.
02:38 Mais le problème c'est que tout cet argent, c'est aussi de l'argent qui n'est pas investi dans la transition énergétique.
02:44 Et c'est le cœur du problème, parce que la transition énergétique, Jean Rémy,
02:47 vous le savez, c'est avant tout une affaire d'investissement.
02:50 Et le rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie sur les investissements dans l'énergie
02:54 nous signale que les investissements dans la transition énergétique
02:57 sont cette année en hausse pour la 7ème année consécutive, c'est une bonne nouvelle,
03:00 autour de 1700 milliards de dollars.
03:03 Le problème, c'est que l'essentiel de ces investissements dans la transition,
03:07 eh bien ils ont lieu en Chine, en Europe et aux États-Unis.
03:10 Les pays du Sud restent les parents pauvres de ces investissements,
03:14 alors que c'est sans doute là évidemment que ces investissements sont les plus nécessaires.
03:17 Alors expliquez-nous pourquoi.
03:19 Alors, il y a souvent une plus grande instabilité politique et donc financière dans les pays du Sud
03:24 qui explique la frélosité des investisseurs.
03:26 Les investissements sont moins sûrs et les marchés détestent l'incertitude.
03:31 À mon avis, je crois que c'est là peut-être le plus grand reproche qu'on peut faire aux banques,
03:34 c'est celui de se concentrer sur les pays industrialisés quand il s'agit de la transition,
03:39 mais par contre de ne pas s'hésiter à investir dans les pays du Sud
03:41 quand il s'agit d'extraction d'énergie fossile.
03:43 Alors justement, qu'en est-il de ces investissements fossiles ?
03:46 Alors c'est l'autre point noir. Quand on regarde le tableau mondial,
03:49 il y a aujourd'hui davantage d'investissements dans les énergies décarbonées
03:52 que dans les énergies fossiles, certes.
03:54 Ça c'est bien !
03:55 C'est bien !
03:55 Plutôt une bonne nouvelle.
03:56 Le problème c'est que les investissements dans les fossiles,
03:58 ils restent malgré tout très hauts et surtout, surtout, ils continuent à augmenter.
04:03 Et donc ça, ça veut dire qu'il reste encore du chemin pour la transition.
04:06 Parce qu'évidemment, personne ne propose d'arrêter le financement des énergies fossiles
04:09 du jour au lendemain, mais si le niveau d'investissement continue à grandir année après année, eh ben...
04:15 Alors après François, on est un peu...
04:17 Enfin évidemment c'est préoccupant, mais qu'est-ce que nous, on peut y faire ?
04:20 On est un peu dépassé par ces montants.
04:22 Mais non, parce que c'est là que les banques jouent un rôle crucial.
04:25 Ces investissements, ils sont réalisés en grande partie
04:28 avec l'argent que nous, vous et moi, que nous, épargnants, déposons dans les banques.
04:32 Et donc à notre niveau, le geste le plus utile et le plus efficace qu'on puisse faire pour le climat,
04:37 si on a un peu d'épargne en banque, c'est sans doute se demander sérieusement
04:42 comment on investit notre argent.
04:43 Est-ce qu'on veut vraiment que notre argent finance en semaine
04:46 les projets fossiles contre lesquels on va s'indigner sur les réseaux sociaux le week-end ?
04:50 Posez la question, c'est en partie irrépondable.

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