Après un démarrage discret en salle, le film “Le consentement” adapté du best-seller de Vanessa Springora, a vu son nombre d'entrées décoller. Une raison explique ce phénomène étrange : le réseau social TikTok. Comment ce réseau chinois à permis à des milliers de jeunes de se rendre au cinéma ? Et plus globalement comment Tik Tok peut impacter l’industrie du cinéma ?
Retrouvez "La Question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-question-du-jour
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 et c'est l'heure de la question média du jour.
00:02 Après un démarrage discret en salle, le film "Le consentement",
00:05 adapté du best-seller de Vanessa Springora, a vu son nombre d'entrées décoller.
00:10 Une raison explique ce phénomène étrange, le réseau social TikTok.
00:14 Alors comment ce réseau chinois a permis à des milliers de jeunes de se rendre au cinéma ?
00:18 Et plus globalement, comment TikTok peut impacter l'industrie du cinéma ?
00:21 On va décrypter ça ce matin avec Carole Lambert. Bonjour.
00:25 Bonjour.
00:26 Vous êtes coproductrice du film "Le consentement" et puis Mélanie Toubot est avec nous également.
00:31 Bonjour.
00:32 Bonjour.
00:32 Vous êtes créatrice de contenu autour du cinéma et de l'audiovisuel sur YouTube.
00:35 Votre chaîne s'appelle "La Manie du cinéma".
00:38 Alors si on reprend les chiffres, lors de sa première semaine en salle,
00:42 le film "Le consentement" n'a attiré que 59 000 spectateurs.
00:46 La semaine suivante, ils étaient 82 000 et puis 133 000 la semaine suivante.
00:53 Mélanie Toubot, vous êtes l'une des premières à avoir vu ce qui se passait,
00:56 en tout cas à vous dire, il se passe quelque chose d'inhabituel.
00:59 C'est ça, c'est vraiment en fait...
01:01 Avec mon travail, je passe beaucoup de temps sur les réseaux, donc sur Twitter,
01:04 et je vois plusieurs personnes, journalistes, twitter "c'est fou, il n'y a plus 40 % d'entrées pour "Le consentement".
01:10 Je dis "mais c'est si dingue que ça".
01:12 Je commence à demander un petit peu sur les réseaux, à des amis distributeurs.
01:16 Et oui, c'est vrai que c'est assez rare.
01:19 Et en fait...
01:20 Normalement, de semaine en semaine, un film, ça doit baisser.
01:22 Les gens viennent plutôt au début.
01:23 C'est ça. Et là, on est plus 40 %.
01:25 Je trouvais le chiffre tellement gros que je trouvais ça assez bizarre.
01:29 Et en fait, c'est là quelqu'un qui me dit "oui, mais va regarder sur TikTok".
01:32 Et c'est là que j'ai découvert qu'en fait, c'était devenu une trend, tout simplement.
01:35 Une tendance.
01:35 Voilà, une tendance que les gens ont commencé, les jeunes ont commencé à créer
01:42 cette petite tendance de se filmer avant et après le film.
01:46 Alors racontez-nous le principe de cette tendance, cette mécanique virale sur TikTok.
01:51 En gros, la base de la tendance, c'est de prendre le son de la bande annonce
01:55 qui a été postée sur plusieurs comptes TikTok,
01:58 dont un en particulier qui repose que des bandes annonces.
02:01 Et on peut extraire juste le son et recréer par-dessus.
02:04 Et donc, en fait, on avait des personnes, souvent des jeunes femmes,
02:08 plutôt aux alentours de 18-20 ans, je pense, même un peu plus jeunes,
02:11 qui se filmaient avant d'aller voir le film, toute guillerette,
02:16 "c'est trop bien, on va au cinéma", et qui se filmaient après.
02:19 Après avoir vu, bon, effectivement, des choses quand même assez graves
02:22 et donc, mine un petit peu plus des conflits.
02:25 Et en fait, cette traîne, cette tendance a été reprise,
02:27 mais par des milliers de personnes, puisque là, on est,
02:31 rien qu'avec le son d'origine que j'avais vu de cette bande annonce,
02:34 on est à 450 publications.
02:36 C'est énorme pour une tendance vraiment de partir de ça avec des vidéos
02:40 qui font plus de 2-3 millions de vues.
02:44 Donc, oui, on est quand même sur quelque chose d'assez gros.
02:46 - Et l'idée, c'était de montrer qu'il y avait presque une expérience physique
02:49 à voir ce film, en fait. - Exactement.
02:51 C'est qu'on n'en ressort pas dans le même état dans lequel on rentre.
02:53 - On n'en ressort pas, Adem.
02:54 Carole Lambert, vous qui faites partie de l'équipe de ce film,
02:57 vous étiez surprise, j'imagine, de voir ces chiffres progresser
03:00 de semaine en semaine ?
03:01 - Surprise, oui.
03:02 On était surtout très heureux, très heureux, très émus
03:05 de voir que l'histoire de Vanessa Springora,
03:07 elle touchait énormément les adolescentes, les adolescents aussi,
03:12 les jeunes en général.
03:14 Et c'est vrai que le livre de Vanessa Springora a commencé
03:17 à ouvrir le débat et la libération de la parole
03:21 sur ces sujets d'abus sexuels et d'abus de pouvoir.
03:25 Et on était vraiment très contents que la jeune génération
03:27 s'empare aussi de ce phénomène.
03:30 Et c'est vrai qu'on est cumulé, on est à 31 000 vues sur TikTok.
03:34 - Et puis le film a dépassé les 500 000 entrées la semaine dernière.
03:38 C'était inespéré, ça, au départ.
03:39 - Ah bah, c'était inespéré, bien sûr.
03:41 On est vraiment à 550 000 même là.
03:44 Donc, non, non, on est vraiment très contents.
03:46 Mais c'est surtout ce qui est génial, c'est de voir aussi tous les échanges,
03:50 parce que derrière TikTok, c'est des jeunes qui échangent,
03:53 qui discutent, qui se racontent des choses.
03:56 Et c'est vraiment une libération de la parole dans la jeunesse
04:00 qui est vraiment super.
04:02 - Et alors, est-ce que vous-même, vous êtes allé voir ce film ?
04:04 Qu'est-ce qui vous a donné envie d'y aller ?
04:07 Julien Pichenay est allé vous poser la question dans la rue.
04:10 On revient dans une minute.
04:11 Europe 1.
04:12 - Culture Média sur Europe 1, la suite de la question Média du jour.
04:15 Comment TikTok a poussé des milliers de jeunes à se rendre au cinéma ?
04:19 On est avec Carole Lambert, coproductrice du film "Le consentement"
04:23 et Mélanie Toubaut, créatrice de contenu autour du cinéma
04:25 et de l'audiovisuel sur YouTube.
04:26 Thomas Hill.
04:27 - Et on le disait, Carole Lambert, le film a dépassé les 550 000 entrées.
04:31 Vous avez du coup doublé le nombre de copies en France,
04:35 ce qui promet encore de beaux jours à ce film, a priori.
04:38 - Oui, on a démarré à 190 copies.
04:41 En troisième ou quatrième semaine, on était à 460
04:43 et là, on est encore sur plus de 300 copies en France.
04:46 On démarre notre septième semaine aujourd'hui.
04:48 - Donc ça veut dire 300 salles, pour expliquer,
04:50 300 salles qui diffusent ce film partout en France.
04:54 Pourquoi, selon vous, ce film a particulièrement touché ce jeune public ?
04:58 - Parce que je pense que la notion de consentement aujourd'hui,
05:00 elle est au cœur des interrogations.
05:04 Enfin, pas des interrogations d'ailleurs, mais elle est au...
05:06 - C'est une vraie question sociétale.
05:09 Et que les jeunes s'emparent de ce concept-là, c'est vraiment super.
05:15 - Et alors vous, est-ce que vous êtes allés voir le film ?
05:16 Qu'est-ce qui vous a donné envie d'y aller ?
05:19 Julien Pichenay a pris son micro, il est allé vous poser la question dans la rue.
05:22 Écoutez.
05:23 - Oui, j'ai vu le consentement.
05:24 Je suis allé en partie à cause des réseaux sociaux,
05:26 effectivement, notamment ce truc sur TikTok,
05:28 où les gens se filment avant et après l'avoir vu.
05:30 - Et ça vous a donné envie d'y aller ?
05:31 - Ça a piqué ma curiosité, mais surtout pour le film en lui-même.
05:35 - J'ai entendu plusieurs camarades qui m'en ont parlé
05:37 et qui m'ont vraiment conseillé de le regarder.
05:38 Est-ce que vous savez pourquoi ils sont allés le voir ?
05:40 Qu'est-ce qui a donné envie à vos camarades d'aller le voir ?
05:42 - C'est plutôt, en fait, ils ont vu les avis sur les réseaux sociaux, sur Twitter,
05:46 et que ça a parlé, que ça devenait un vrai boom en France.
05:48 Donc c'est ça qui leur a donné envie, clairement, d'aller voir le consentement
05:53 et d'avoir leur propre avis, du coup, sur ce film.
05:55 - Est-ce que vous pensez qu'il y a beaucoup de films comme ça qui marchent
05:57 parce qu'on en parle sur les réseaux sociaux ?
06:00 - Ouais, bien sûr.
06:00 Aujourd'hui, les réseaux sociaux sont devenus une arme de propagande,
06:04 que ça soit pour la musique ou pour le cinéma.
06:07 TikTok aujourd'hui est l'application la plus utilisée,
06:09 donc je pense que ça peut servir pour faire la promotion des nouveaux événements.
06:13 - TikTok est devenue une arme de propagande.
06:16 Est-ce qu'on a déjà vu ce phénomène avec d'autres films, Mélanie Toubou ?
06:21 - Alors oui, on a aussi gros,
06:24 non, je crois que c'est vraiment la première fois en tout cas en France,
06:26 surtout sur un film d'auteur,
06:28 mais on a eu, là, une dernière à à peu près la même date,
06:30 "Simon, le voyage du siècle".
06:32 - Biopic de Simone Veil.
06:33 - Voilà, qui avait déjà bien marché,
06:34 mais qui a eu le droit aussi, pareil en fait, à une traîne sur TikTok
06:38 où des jeunes femmes...
06:39 - Une tendance.
06:40 - Voilà, une tendance tout à fait,
06:42 qui reprenaient en fait, pareil,
06:44 soit des passages de la bande-annonce,
06:45 soit aussi simplement des phrases de la biographie de Simone Veil.
06:49 Enfin, c'est voilà, il y avait quand même eu quelque chose sur les réseaux
06:53 qui avait quand même aussi aidé à,
06:55 pas forcément à ramener des gens en salles,
06:56 mais à rajeunir le public qui va en salles.
06:58 Et c'est surtout ça qui est important.
06:59 - Il y a eu cet effet aussi un petit peu peut-être avec Barbie et Openheimer.
07:02 - Oui, avec le fameux... le Barbie et Openheimer, justement,
07:05 c'est pareil, qui était donc une tendance,
07:07 qui était, vu que les deux films sont sortis au même moment,
07:10 et qui, on va dire, était un peu diamétralement opposés,
07:13 en fait, c'était la tendance, le défi était d'aller voir les deux,
07:17 tout simplement.
07:18 Et vraiment, je pense que toute l'industrie du cinéma
07:20 est ravie que ce genre de défi existe.
07:22 C'est vraiment trop bien, parce que ça ramène des gens en salles.
07:24 - Mais justement, est-ce que le cinéma est très présent aujourd'hui
07:26 dans les plans de communication des films en général ?
07:29 Est-ce que vous, en tant que productrice,
07:31 Carole Lambert, vous y pensez à TikTok ?
07:33 - Oui, bien sûr, on y pense, parce qu'au-delà d'un réseau social,
07:36 c'est le bouche-à-oreille 2.0 d'aujourd'hui des jeunes.
07:39 C'est là où ils échangent, où ils se retrouvent.
07:42 Donc c'est leur mode de fonctionnement à eux.
07:44 Donc bien sûr, il faut aller les toucher sur les réseaux sociaux.
07:49 - Vous, Mélanie Toubeau, on peut vous considérer un peu
07:51 comme une influenceur aujourd'hui dans ce monde du cinéma.
07:54 Est-ce qu'il peut arriver parfois qu'on vous sollicite ?
07:58 Est-ce qu'on peut vous proposer aussi d'être payée
08:00 pour dire du bien d'un film, par exemple ?
08:01 - Bien sûr, c'est vraiment quelque chose qui arrive assez souvent
08:04 auprès des créateurs de contenu et "influenceurs".
08:08 Parce qu'effectivement, nous, notre travail,
08:09 c'est d'influencer, aller voir des films.
08:11 Donc on a des distributeurs qui nous contactent,
08:14 que ce soit pour des sorties ou même des ressorties.
08:17 Moi, ça m'arrive de travailler sur des films de patrimoine
08:19 qui ressortent au cinéma ou des éditions DVD, ce genre de choses.
08:23 En fait, maintenant, les distributeurs ont besoin
08:28 plus que les pubs qu'on peut trouver à la télé, dans le métro.
08:31 Ils ont aussi besoin d'un lien direct.
08:33 Effectivement, en tant que créateur de contenu,
08:35 nous, on a un lien direct avec nos abonnés,
08:37 les gens qui nous écoutent parce qu'ils aiment bien notre avis,
08:40 ils aiment bien comment on parle du cinéma.
08:41 Et donc, c'est vrai que si on peut servir de lien dans ces moments-là,
08:45 c'est génial.
08:46 Après, effectivement, par rapport au film "Le Consentement",
08:48 c'est encore différent parce qu'il n'y avait pas eu,
08:50 d'après ce que j'ai compris, des créateurs qui ont été contactés.
08:53 Là, c'est quelque chose qui s'est lancé.
08:54 - Rien n'a été préliminé.
08:55 - Il n'y a eu aucune orchestration de notre part.
08:57 On a communiqué sur les réseaux, mais après, les trends,
09:00 parce qu'il y en a une deuxième, là, maintenant,
09:02 avec les répliques du film où les jeunes filles se filment
09:05 sur les répliques de Vanessa Springora, "Je m'embarque et m'isole".
09:08 C'est très touchant, d'ailleurs, parce que c'est des répliques hyper fortes.
09:12 Et ça, on n'aurait pas pu l'orchestrer, nous.
09:15 Il faut que ça parte, évidemment, de même.
09:17 - Ce qui est fou, c'est qu'aujourd'hui,
09:20 ça a même relancé les ventes du livre de Springora,
09:23 qui est sorti il y a quatre ans et qui se vend dix fois plus
09:25 depuis la sortie du film.
09:27 Au-delà de cet exemple du consentement,
09:30 quels effets ça peut avoir, à votre avis, TikTok sur le cinéma,
09:33 Mélanie Toubou ? On va finir avec ça.
09:36 - Pour moi, c'est la chose la plus importante,
09:38 c'est que dans le monde du cinéma actuellement, en tout cas de la salle,
09:41 on est en recherche d'un public jeune.
09:43 C'est vraiment les 15-25, c'est la part du public
09:46 que toutes les salles, que toute l'industrie du cinéma veut faire revenir.
09:49 - TikTok est partenaire du fessial de Cannes maintenant, par exemple.
09:52 - Ça prouve aussi qu'ils cherchent à investir.
09:55 - En tout cas, ils sont présents, TikTok, Instagram,
09:58 en tout cas, les réseaux sont présents et en communion avec le cinéma,
10:01 YouTube avec MK2 aussi.
10:03 Il y a quelque chose de présent et c'est vraiment ultra positif
10:08 parce que si ça peut ramener les jeunes en salle
10:10 et leur faire découvrir des histoires, une industrie,
10:13 des gens, des artistes, c'est tout bénef.
10:16 - Et 40% du public du consentement à moins de 25 ans.
10:19 - Donc ça a le mérite de les ramener en salle.
10:22 Merci beaucoup à toutes les deux.
10:23 Carole Lamberck, coproductrice de ce film Le consentement,
10:26 que vous pouvez donc encore aller voir dans 300 salles en France.
10:30 Et puis Mélanie Toubaud, on vous retrouve sur votre chaîne YouTube
10:32 La Manie du cinéma. Merci d'être venue.