Sélectionneur à succès de l'équipe de France depuis juin 2019, Thomas Voeckler va vivre une année 2024 importante et particulière sur le plan sportif, avec bien sûr les traditionnels Championnats d'Europe et Championnats du monde, qui auront respectivement lieu dans le Limbourg (Belgique) et à Zurich (Suisse), mais aussi - et peut-être surtout - les Jeux olympiques de Paris 2024 ! À quelques mois de cet évènement hyper important et qu'il a déjà bien en tête, le Véndéen d'adoption a accordé un entretien à Cyclism'Actu pour parler de l'équipe de France. Et comme on ne pouvait bien sûr pas ne pas questionner le consultant de France Télévisions - et occasionnellement de la Chaîne L'Équipe - sur l'actualité de son sport, Thomas Voeckler a également évoqué l'exercice 2023 et donné son avis sur quelques sujets d'interêt en vue de 2024.
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00:00 Bon je vais pas traîner, je vous dis à tout à l'heure.
00:02 Bonjour Thomas Beclerc.
00:06 Bonjour.
00:07 Merci de nous accorder une interview.
00:10 Vous êtes sélectionneur depuis 6 ans et demi ?
00:18 Jusqu'à quand ?
00:20 Ça passe si vite que ça, non ? Juillet 2019 ?
00:23 Non, 6 ans, 4 ans et demi pardon.
00:25 Ouais voilà.
00:26 Autant pour moi.
00:28 Jusqu'à quand vous voyez à ce poste ?
00:36 J'ai pas forcément d'idée en tout cas.
00:39 J'ai beaucoup de plaisir à le faire.
00:43 Il y a toujours des belles aventures comme je dis,
00:46 des fois des supers satisfactions,
00:48 et toujours des beaux moments, des belles aventures collectives.
00:51 Ça a un petit goût de "j'aimerais bien qu'il y ait plus d'échéances"
00:54 mais ça je peux pas, le vélo il fait comme ça quoi.
00:57 Donc c'est la rareté qui fait la valeur on va dire,
00:59 mais oui bien sûr que c'est super,
01:03 enfin ça me rajeunit un peu, c'est bien.
01:06 Pour avoir plus d'échéances, il y a une solution,
01:08 c'est de devenir manager général d'une équipe professionnelle ?
01:11 Je m'interdis rien, après c'est...
01:15 Oui je m'interdis rien des opportunités,
01:19 ce qu'il y en a eu ou pas,
01:21 j'ai pas à vous le dévoiler maintenant.
01:26 J'essaye quand je me lance dans quelque chose de le faire à fond
01:29 et de me sentir prêt pour le faire, tout simplement.
01:32 T'as 50 minutes de départ et il te reste 10 morts à faire.
01:36 Allez à tout à l'heure ou à demain du coup, on va voir.
01:40 Bonjour Thomas Beclerc.
01:42 Bonjour.
01:43 Merci de nous accorder une interview.
01:46 Donc la saison 2023 est terminée maintenant depuis un mois,
01:50 j'aimerais savoir un peu ce que vous avez retenu de cette saison,
01:52 l'enseignement principal ou les enseignements principaux
01:55 que vous retenez de 2023 en termes de cyclisme ?
01:58 Les enseignements principaux, j'ai envie de dire,
02:04 continuité de domination des mêmes coureurs,
02:08 mais plutôt dans le bon sens.
02:11 C'est-à-dire que moi en tout cas je trouve que c'est une bonne chose
02:14 que le temps où il n'y avait que des coureurs spécialistes
02:18 Tour de France qu'on voyait moins dans l'année,
02:21 qui se préparaient uniquement pour ça,
02:23 et là les stars qu'on connaît qui sont là du début à la fin de l'année,
02:28 avant c'était juste pas possible de gagner le Tour,
02:31 enfin on ne pensait pas que c'était possible de gagner le Tour,
02:34 et puis d'être aussi là sur les classiques,
02:37 et pourquoi pas encore en fin de saison,
02:39 et pas seulement sur la Vuelta.
02:41 Donc c'est plutôt en tout cas en termes d'attractivité et de spectacle,
02:46 je trouve que c'est une bonne chose.
02:50 Après il y a toujours des inconvénients,
02:52 c'est plus dur pour les adversaires de ces quelques coureurs
02:54 qui sont au-dessus du lot,
02:56 c'est plus dur de trouver un moyen de faire des résultats,
02:59 mais en tout cas il y a du beau spectacle.
03:03 Il y a deux équipes clairement au-dessus du lot,
03:05 c'est UAE et Jumbo,
03:07 on sent quand même un certain désarroi chez les adversaires
03:10 qui se disent qu'ils sont tellement au-dessus,
03:12 ils ont tellement des effectifs surpuissants
03:14 que c'est quasiment impossible de rivaliser.
03:17 Après ils ont les meilleurs coureurs aussi,
03:21 et puis ils les rendent meilleurs.
03:23 Je pense qu'il y a un énorme travail de fait,
03:26 je ne sais pas si les deux cas de figure,
03:28 UAE et Jumbo, parce que c'est vrai que ce sont les deux équipes qui dominent,
03:32 je ne sais pas si elles sont comparables,
03:34 j'ai l'impression qu'il y a peut-être plus un travail de fond chez Jumbo
03:37 sur plusieurs années,
03:39 et que chez UAE c'est plus les moyens vraiment financiers.
03:44 Maintenant, je peux le comprendre,
03:49 c'est clair que quand on subit une domination,
03:53 c'est difficile parce qu'il faut trouver des leviers de motivation,
03:56 il faut trouver des satisfactions,
03:58 il faut malgré tout avoir des objectifs élevés,
04:01 mais pas non plus croire au Père Noël.
04:04 Et puis il faut aussi surtout ne pas se décourager,
04:07 parce que ces équipes, oui, ce sont les meilleures,
04:11 mais elles peuvent aussi être concurrencées,
04:14 c'est sûr que ça ne va pas se faire en deux semaines,
04:16 mais il ne faut pas baisser les bras.
04:18 Après, je peux comprendre que face à une telle domination,
04:21 il n'y ait pas de l'abattement,
04:26 mais en tout cas de se dire "bon, c'est foutu d'avance, à quoi bon ?"
04:31 mais il y a toujours moyen de s'illustrer,
04:33 il y a toujours d'autres chemins à prendre,
04:38 ou alors essayer de copier ce qui se fait bien,
04:40 parce que ce n'est pas une honte de copier ce qui se fait bien aussi,
04:43 au contraire, on peut s'inspirer de l'adversité,
04:46 mais il faut aussi pouvoir trouver un créneau,
04:49 si on peut aussi s'illustrer dans d'autres créneaux
04:52 que celui où on sait qu'on va être un peu juste.
04:55 Même pour les fans de vélo, on sent que, par exemple,
04:58 le triplet de la Jumbo n'a pas été super bien accueilli
05:00 par la communauté de vélo, qui se pose des questions,
05:03 et qui se dit "on a vécu une vuelta vraiment bizarre
05:05 avec ces trois coureurs en jaune
05:07 qui étaient largement au-dessus de la concurrence".
05:09 Vous, vous l'avez accueilli comment, ce triplet de la Jumbo-Visma ?
05:13 Dans les faits, si on garde un premier, deuxième, troisième,
05:18 et en choisissant celui qui gagne, c'est clair que ce n'est peut-être pas…
05:22 Alors, autant c'est super en termes de récompense pour le coureur,
05:25 après, si Roglic a changé d'équipe, je ne suis pas persuadé que ce soit innocent,
05:29 il a bien déclaré qu'il voulait gagner cette vuelta,
05:31 et voilà, maintenant, sur la domination, sur le Tour d'Espagne,
05:36 ça ne me choque pas plus que ça, puisque c'est les meilleurs.
05:39 À la base, on n'a pas besoin de ce Tour de France
05:41 pour savoir que… de ce Tour d'Espagne,
05:44 pour savoir qu'en l'absence de Pogacar et Van Poole,
05:48 qui a connu un jour moins bien,
05:51 qui s'est concentré sur d'autres objectifs d'étape,
05:53 eh bien, ils étaient les plus forts, mais ça, c'était…
05:57 Donc, pour moi, ce n'est pas aberrant.
06:00 Je suis d'accord que ce n'est pas, pour le spectacle,
06:03 ce qui a le plus de plus réjouissance, ça, c'est clair.
06:07 Maintenant, ce n'est pas des coureurs inconnus,
06:10 c'est les meilleurs qui étaient aux trois premières places,
06:13 avec le coup de maître de la Jumbo en plaçant Sepp Kuss,
06:20 et il était à son niveau qu'on connaît,
06:24 qui est un niveau extraordinaire en montagne.
06:26 Donc, la saison 2023 a été globalement très belle.
06:29 On va passer maintenant à 2024, qui va bientôt…
06:31 qui va tarder à commencer, ça arrive très vite.
06:34 Il y a quelques questions qui sont plutôt sympas par rapport à 2024.
06:37 Déjà, l'objectif, vous devant Nart, Giro, Général,
06:42 on en parle chez Jumbo-Wisman, on en parle un peu partout.
06:45 Est-ce que vous le pensez capable, sur un Tour d'Italie moins montagneux,
06:51 de jouer le classement général, de faire un gros classement général ?
06:55 S'il est à son niveau, qui était le sien lors du Tour 2022,
06:59 sans aucun doute.
07:01 Après, là, on est en novembre,
07:05 il y a des déclarations, des programmes de course.
07:08 Ce que je retiens, c'est peut-être…
07:10 là-dedans, je ne suis pas trop au parti.
07:12 En général, je ne communique pas trop sur les…
07:15 enfin, maintenant, vous me demandez mon avis, je le donne au niveau de ce qui vaut,
07:18 mais ce n'est pas trop mon habitude de commenter ce qui se fait,
07:21 j'ai mes opinions.
07:22 Je pense qu'on peut prendre ça comme un message
07:24 où il a envie un peu de courir pour lui.
07:26 Peut-être qu'il y a une petite frustration qui est née de ces dernières années,
07:29 et puis qu'il a eu envie d'être lui aussi leader.
07:32 Est-ce que le coup de cette cuss à la VELTA lui a pas dit
07:36 "si lui, il est équipier et qu'il peut gagner un grand tour,
07:39 peut-être que moi, j'y ai droit aussi ?"
07:41 Clairement, rappelez-vous, le Tour 2022,
07:44 je ne vais pas vous refaire le film,
07:46 mais il a pris deux jours de repos, peut-être, dans le Tour.
07:48 Sinon, il était tout le temps devant, il était encore là en troisième semaine.
07:51 C'est même lui qui a fait exploser Pogacar dans le Col des Pyrénées,
07:54 je ne sais plus exactement lequel,
07:55 après avoir passé la journée à l'avant.
07:57 Avec les contrôles à la montre en plus,
07:59 il faut qu'il soit à ce niveau du Tour de France 2022.
08:03 Pour vous, c'est…
08:06 Il faut voir qui sera en face de lui.
08:09 C'est ça, mais sur ses capacités en contre-la-montre
08:12 et sur ses capacités en montagne à 100%,
08:14 il est capable de faire, comme faisait à l'époque,
08:17 un Miguel Indurain, par exemple, un garçon assez…
08:20 Vous n'allez pas comparer le panache de Wout van Aert
08:24 pour faire Miguel Indurain, c'était mon idole.
08:27 Quand j'ai commencé le vélo, j'avais ses posters dans la chambre.
08:29 Mais ce n'est pas du tout la même façon de courir.
08:31 Déjà, ce n'est plus le même vélo,
08:32 et puis ce n'est pas du tout la même façon de courir.
08:34 Non, non, il a déjà démontré du panache
08:38 qui est 100 fois supérieur à la stratégie de course
08:40 qui était celle de la Benesteau à l'époque,
08:42 qui était d'attendre en montagne et puis d'écraser les chronos,
08:45 sachant qu'à l'époque, il y avait deux chronos de 60 bornes au minimum
08:48 sur le Tour de France.
08:49 Donc, oui, ce n'est juste pas comparable.
08:50 Et justement, est-ce que ce panache,
08:52 ce n'est pas le défaut de van Aert ?
08:54 Oui, on a pu le voir par exemple, Van Der Poel,
08:59 qui a peut-être en 2023 eu moins de panaches,
09:02 mais quand il a attaqué, c'était au bon moment.
09:04 Donc, il s'est peut-être moins amusé,
09:06 mais c'est vrai que ses coureurs, Pogacar, Van Aert,
09:10 et je ne mettrais bien sûr pas Wingord,
09:13 il a beaucoup de panaches,
09:15 mais je veux dire, dans ses attaques,
09:17 quand on se demande, des fois, les bros de Van Aert,
09:21 Van Der Poel et Pogacar,
09:24 on se sentait que c'était pour s'amuser,
09:25 que le résultat comptait peu.
09:26 Enfin, on y va et puis on voit ce que ça donne
09:28 et on essaye d'exploser tout le monde
09:30 et puis on voit bien, on se fait plaisir.
09:32 Donc, on peut dire que c'est un défaut,
09:36 mais franchement, quand on voit le…
09:38 Alors oui, cette année, il a moins de victoires
09:40 que l'année dernière, c'est clair.
09:42 C'est vrai qu'il lui manque, par rapport au talent qu'il a,
09:45 il lui manque peut-être des très grandes victoires
09:47 qui vont arriver,
09:49 mais ce n'est pas un défaut d'avoir du panache,
09:52 parce que c'est sa façon de courir.
09:54 Yannick a déjà prouvé sur les grands tours
09:56 qu'il était fort, c'est Remco Evenepoel.
09:58 On a quand même quelques doutes sur Evenepoel,
10:00 on ne sait pas trop par rapport à Pogacar,
10:02 par rapport à Wingegard,
10:03 s'il est capable de lutter sur un Tour de France,
10:05 par exemple, avec ces deux gars-là.
10:07 Il a montré des choses qui peuvent être inquiétantes.
10:10 Oui, enfin, je crois qu'il faut qu'on attende
10:15 de voir la confrontation.
10:16 Si on y a droit en juillet, on aura une première réponse,
10:19 sachant que le Tour de France 2024, certes,
10:22 ça ne veut pas dire que s'il est battu là,
10:24 il ne pourra pas le gagner par la suite.
10:25 Il est encore jeune.
10:26 En tout cas, moi j'avais des doutes il y a deux, trois ans
10:29 sur ses capacités en haute montagne,
10:31 mais il s'est beaucoup affiné au niveau physique,
10:33 il travaille énormément.
10:35 Donc, voilà, c'est seulement lorsqu'ils seront confrontés
10:41 qu'on pourra voir.
10:43 Après, il faut voir en termes de grands tours,
10:45 parce qu'un grand tour, ça ne se gagne pas tout seul.
10:47 Donc, en termes de collectif, c'est tout aussi important
10:50 que l'état de forme du leader.
10:52 Mais pour vous, il n'y a aucune inquiétude par rapport à Venepool
10:55 et sa capacité à mater Pogacar et Wenger
10:59 en haute montagne au-dessus de 2000 mètres ?
11:01 Non, ce n'est pas ce que je dis.
11:03 Je dis qu'on allait attendre de voir.
11:05 Mon ressenti perso, c'est que je pense qu'avec la répétition
11:09 au-dessus de la Jumbo cette année,
11:13 ils ont couru pour viser Pogacar.
11:15 C'était une stratégie, c'était voyant.
11:17 Quand ils roulaient, ce n'était pas pour empêcher les échappés
11:19 de se développer en montagne, c'était pour fatiguer
11:21 tout au long des trois semaines Pogacar.
11:23 Donc, ils savent très bien ce qu'ils font.
11:26 Et en tout cas, sur les deux dernières années,
11:30 l'avantage est clairement à Wenger
11:32 sur l'enchaînement des traits au col.
11:34 Julien Laphilippe, deux années très compliquées
11:39 d'après des années.
11:41 [Bruit de son]
11:47 Oui, pardon.
11:48 Je disais à Julien Laphilippe, deux années très compliquées,
11:50 2022-2023, où il y a eu des blessures, des chutes,
11:53 des performances qui ne sont pas au niveau
11:56 qu'elles étaient il y a quelques années.
11:57 Est-ce que vous croyez un retour au peu au niveau de Julien ?
12:00 Simplement.
12:02 L'année 2022 a été super compliquée,
12:05 avec les chutes, les virus.
12:09 C'est un peu tout le monde qui a eu droit,
12:11 mais il n'a vraiment pas été verni en termes de chute.
12:13 Et puis, après une année tronquée comme ça,
12:15 quand on est très attendu,
12:17 il faut du temps pour retrouver son meilleur niveau.
12:22 Et c'est vrai que je pense qu'il sentait aussi
12:25 qu'il n'était pas à son meilleur niveau,
12:27 puisqu'on a vu faire quand même des courses au panache,
12:29 notamment le Tour de France, beaucoup d'échappés.
12:31 Et je pense qu'il faisait un petit peu,
12:35 il prenait le créneau où il pouvait s'exprimer,
12:37 parce qu'il se sentait un peu trop juste pour faire autre chose.
12:40 À partir de là, Julien Laphilippe, il n'a pas non plus 36 ans.
12:44 Et puis, il n'y a pas si longtemps que ça
12:48 qu'il était dans les tout meilleurs du monde.
12:50 Je pense que la concurrence aussi a augmenté
12:53 par rapport à il y a 4 ans, 4-5 ans aussi.
12:56 Donc, si on pense au Tour 2019.
13:00 Mais Julien Laphilippe, il a du caractère.
13:03 Et en tout cas, ce qui reviendra à la domination qui était la sienne,
13:09 je ne sais pas, mais en tout cas, il est capable,
13:12 pour moi, sans aucun problème,
13:14 d'être bien meilleur que ce qu'il a été en 2023.
13:18 Vous avez dû vivre aussi des périodes où vous étiez vraiment,
13:20 peut-être beaucoup moins bien physiquement, mentalement.
13:23 Comment on fait pour se remettre en condition
13:27 de se battre avec les meilleurs
13:29 quand on a vécu des mois, même des années aussi difficiles ?
13:32 Je pense que chaque cas est particulier.
13:35 Déjà, moi, j'avais un talent bien inférieur à celui de Julien.
13:39 Donc, ce n'est pas comparable.
13:42 Maintenant, c'est chaque coureur qui,
13:45 avec son entourage, avec ses très proches,
13:48 avec son ressenti perso, pour quelle motivation,
13:51 pour quel motif il fait vraiment du vélo.
13:53 Chaque coureur a une source
13:56 où il va puiser sa force, sa motivation.
14:00 Donc, il faut activer ces leviers-là.
14:03 Et puis, c'est vrai que l'équipe où on est,
14:07 ça joue beaucoup d'avoir la confiance de l'entourage.
14:10 Je pense que vous voyez un petit peu de quoi je veux parler.
14:12 Ça n'aide pas si on sent qu'on n'a pas tout le groupe derrière soi,
14:16 et y compris les chefs.
14:19 Donc, voilà, c'est aussi quelque chose
14:21 qu'il faut prendre en compte et qui est super important.
14:25 On aura qu'il parte, selon vous, de sous-dalle Quick-Step
14:27 pour retrouver un élan ?
14:31 Alors ça, j'ai mon avis là-dessus.
14:34 Je ne communiquerai pas là-dessus.
14:36 Après, en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il est apprécié
14:38 de ses pairs, de ses coéquipiers, du staff.
14:41 C'est vrai qu'il y a eu des déclarations
14:43 de Patrick Lefebvre l'année dernière.
14:45 Je pense que ce n'est pas lui qu'on va apprendre
14:48 comment on manage une équipe, certainement pas.
14:50 Donc, il savait peut-être ce qu'il faisait.
14:52 Maintenant, Julien, c'est un grand garçon.
14:55 Il sait ce qui est le mieux pour lui.
14:57 Et c'est lui qui fait le choix de continuer chez Soudal,
15:01 de continuer dans le contrat, d'ailleurs.
15:03 Ce n'est pas pour dire qu'il était en fin de contrat.
15:06 Donc, c'est à lui de décider.
15:10 Il a largement l'expérience et la sensibilité
15:14 pour faire le bon choix.
15:16 Après le consultant Thomas Beuclair,
15:18 je vais parler au sélectionneur Thomas Beuclair maintenant.
15:20 Bilan 2023, des mondiaux "compliqués"
15:25 et un championnat d'Europe réussi avec Christophe Laporte.
15:29 Oui, le championnat du monde, c'était un parcours super dur.
15:35 C'était un parcours de cyclocrosse sur plusieurs heures.
15:39 Et puis, on n'avait pas les armes.
15:41 On n'avait pas les armes.
15:42 C'étaient les plus forts qui étaient devant.
15:44 J'ai quand même à travers la crevaison de Christophe Laporte
15:47 au moment où la course se lance, vraiment.
15:49 Et sur un circuit comme ça, sur ce qui m'actue,
15:52 je pense que tout le monde qui va voir la vidéo connaît le vélo.
15:55 Sur un circuit comme ça, on ne peut pas dépanner,
15:57 on ne peut pas revenir.
15:58 On n'est pas sur une étape de plat sur le Tour de France.
16:00 Donc, c'était notre seule chance de faire un résultat.
16:04 Je ne pense pas qu'il aurait été champion du monde,
16:06 je vais être honnête, mais il aurait été.
16:09 C'était un coureur qui était tout à fait capable d'être dans le final.
16:13 Et puis après, on n'avait pas la force collective.
16:16 On a essayé de faire autrement, mais c'était...
16:18 Oui, ça n'a pas marché à chaque fois.
16:20 On ne va pas avoir des médailles à chaque fois.
16:22 C'est du vélo.
16:23 Je dis souvent, ce n'est pas du tennis ou un autre sport
16:26 où il y a un vainqueur, un perdant.
16:28 Il y a un vainqueur et un classement.
16:30 Donc après, oui, je crois que c'est Valentin Madouas qui fait 15e.
16:33 Mais en fait, en fin de compte, la place, je m'en fiche un peu.
16:39 Je suis content de la manière dont les gars ont abordé l'événement.
16:43 Après, oui, on n'a pas été dans le final.
16:48 On n'a pas pesé sur la course.
16:50 C'est comme ça.
16:51 C'est du sport.
16:52 Il ne faut pas oublier quand ça marche bien,
16:54 comme au championnat d'Europe avec Christophe Laporte
16:57 qui avait une équipe avec une idée, une manière de courir
17:03 adaptée à l'adversité et au parcours.
17:08 Et puis quand ça marche comme là, Christophe Laporte qui a...
17:12 Je suis vraiment content pour lui qu'il soit allé chercher ce titre
17:16 de champion d'Europe parce qu'il était vraiment concentré sur ce championnat.
17:20 Il avait vraiment envie d'aller le chercher.
17:23 Et ce que je veux dire, c'est que quand ça marche,
17:26 il faut toujours savourer parce que ça ne marche pas à chaque fois.
17:29 C'est du vélo.
17:31 Alors oui, quand vous êtes là, jumbo avec Jonas Wingard,
17:33 s'il ne tombe pas, on sait très bien que c'est fini.
17:37 L'époque où on se disait qu'il ne peut très bien finalement ne pas être prêt.
17:41 Il n'y a pas de séance de rattrapage sur un championnat du monde.
17:44 Ce n'est pas écrit d'avance.
17:46 C'est une journée sur un championnat, que ce soit du monde d'Europe.
17:50 Donc oui, je retiens les belles aventures, que ce soit au championnat du monde
17:55 et au championnat d'Europe.
17:57 Je ne vous cache pas que quand ça marche, bien sûr,
17:59 c'est après le championnat du monde.
18:01 Je ne sautais pas au plafond. J'étais dégoûté.
18:03 J'étais dégoûté, mais j'ai essayé.
18:06 Ça n'a pas marché.
18:08 On n'était pas assez fort.
18:10 Du sort de la crevaison de Christophe Laporte.
18:13 Admettons qu'il aille dans le final et qu'il fasse peut-être,
18:17 comme l'année d'avant, une place sur le podium.
18:19 Est-ce qu'il aurait été encore aussi motivé en fin de saison
18:22 pour aller chercher le titre de champion d'Europe ?
18:24 Ce n'est pas sûr non plus.
18:25 On ne refait pas l'histoire.
18:27 En tout cas, ce sont des belles aventures avec le staff et les coureurs
18:30 qui viennent d'Une équipe de France.
18:32 L'équipe de France a disputé dix compétitions depuis que vous êtes à sa tête.
18:37 Sept médailles, le bilan est assez exceptionnel.
18:42 Vous en oubliez, non ?
18:46 Sept médailles individuelles, en tout cas.
18:49 Oui, peut-être individuelles.
18:51 Parle en élite.
18:52 Il y a celle de Rémi Cavagna, un ploué en chrono.
18:55 Et puis, il y a le Relay Mixed qui compte beaucoup.
18:58 Le Relay Mixed, ce n'est pas une médaille au rabais.
19:05 Oui, ce n'est pas la course en ligne, mais pour moi, ça vaut tout autant d'importance.
19:08 C'est une épreuve qui a vu le jour en 2019.
19:12 Les gars et les filles, les six, ont fait un super boulot à Glasgow.
19:16 Ils ont plus que confirmé au championnat d'Europe.
19:20 Je suis vraiment très content pour eux.
19:22 Il et elle le méritent.
19:24 Bien sûr, c'était des bonnes campagnes.
19:29 Maintenant, on pense à 2024 tout en gardant des bons souvenirs,
19:33 en n'oubliant pas que des fois, ça n'a pas marché.
19:35 Qu'est-ce qu'on peut améliorer ?
19:36 Et puis, quand ça a marché, c'est voir aussi ce qu'on peut encore améliorer.
19:39 Parce que quand ça marche, ça ne veut pas dire que tout a été bien.
19:42 Et quand ça ne marche pas, ça ne veut pas dire que tout est bon à jeter.
19:45 C'est quoi le mot d'ordre principal quand les coureurs arrivent pour le rassemblement de l'équipe de France ?
19:50 C'est quoi la priorité de ce rassemblement ?
19:52 C'est créer un groupe France ? C'est préparer du mieux possible ?
19:55 La priorité, c'est le collectif.
19:58 C'est l'intérêt de l'équipe de France.
20:00 C'est ça, la priorité.
20:01 Et je tiens un coup de chapeau à tous les coureurs que j'ai appelés depuis 2019,
20:06 et que je suis à la tête de l'équipe de France.
20:09 Parce que même les fois où ça n'a pas marché, j'ai jamais senti.
20:13 Alors que les coureurs sont souvent leaders dans leur propre équipe, pour certains.
20:18 Le meilleur exemple, c'est Trento, le championnat d'Europe en 2021,
20:22 avec la médaille de bronze de Benoît Côze-Nesneufroy.
20:25 J'avais pris des mecs qui étaient vraiment leaders, chacun leader dans leur équipe.
20:31 Ils ont couru d'une manière collective admirable.
20:36 Alors qu'ils étaient vraiment des égaux, des leaders dans leurs équipes.
20:41 Et à chaque fois, c'est comme ça.
20:43 Les gars sont concurrents toute l'année, ils arrivent sur une journée,
20:47 c'est énorme, mais ils ont juste la fierté de porter le maillot de l'équipe de France,
20:51 et d'avoir un copain du jour, ou peut-être un copain des autres jours aussi,
20:55 mais en tout cas un coéquipier de ce jour-là, pour faire du mieux possible.
20:59 Et ça, c'est très appréciable d'avoir des coureurs comme ça.
21:03 On espère que 2024, ce sera la même chose, et qu'il y aura des très beaux résultats,
21:07 avec l'objectif des JO de Paris.
21:10 On aura 4 coureurs, c'est la bonne nouvelle ?
21:14 En fin d'année, c'est vrai que ça a été un peu stressant,
21:18 parce que le classement, il n'était pas si…
21:22 Enfin, j'étais au fait de ce qui se passait,
21:25 mais il y avait certains classements qui sortaient avec le classement roulant,
21:29 donc on n'y voyait pas trop clair, donc il fallait tenir…
21:32 Je faisais mes calculs, moi, de mon côté, sur mes fiches.
21:35 Mais bon, à un moment, je me suis dit, bien sûr que ça aurait été,
21:39 pas une catastrophe, mais super pénalisant d'être à 3 coureurs,
21:43 mais en même temps, on a les quotas qu'on mérite.
21:46 On a 4 coureurs, et oui, c'était important.
21:50 4 coureurs, c'est très peu, quand on sait qu'on pourrait en avoir 9,
21:53 par exemple, sur Japan as du monde, voire 10, quand on a le tenant du titre.
21:56 Avec 4 coureurs, quel souvenir vous gardez de Tokyo ?
21:59 Vous aviez 5 coureurs à Tokyo, quel souvenir vous gardez de cette course ?
22:02 C'est vraiment une course qui est incomparable.
22:05 Oui, après, 4 coureurs, ce n'est pas beaucoup,
22:08 mais les autres, ils n'en ont pas plus.
22:11 Par contre, ça change carrément, ça change complètement.
22:15 Enfin, il faut se casser la tête pour imaginer comment ça peut se passer.
22:20 La comparaison avec Tokyo, déjà, il y avait un coureur de plus dans les équipes,
22:24 et puis le parcours était vraiment super dur.
22:26 Vraiment, c'était un chantier, il n'y avait qu'à voir le classement.
22:30 Donc, ce n'est pas du tout la même chose.
22:34 C'est-à-dire qu'à Tokyo, il fallait des mecs en forme, bien sûr,
22:38 et puis des purs grimpeurs, un mec pour faire le boulot, pourquoi pas.
22:43 Et puis après, on essaie de mettre quelque chose en place,
22:46 mais sur un parcours aussi dur, à Paris, c'est quand même différent.
22:50 Je pense que ça sera dur du fait que ça soit très long
22:54 et qu'il n'y ait que 4 coureurs par équipe.
22:56 Et malgré tout, celui qui peut me donner le scénario aujourd'hui,
22:59 ce n'est pas si facile.
23:02 Maintenant, ça fait… Je trouve ça pas trop mal.
23:06 Je trouve même ça bien qu'il y ait un côté différent pour les JO.
23:12 C'est quand même une course à part, ça ne me gêne pas.
23:16 Après, j'espère que ça va être bien pour nous, on va voir,
23:18 mais c'est clair que c'est super important.
23:22 Le parcours, il est pour quel type de coureur ?
23:24 Plutôt des sprinter puncher, des puncher ?
23:29 Quand vous voyez le niveau de Philippe Seine,
23:32 quand il est en forme, ce n'est pas un problème.
23:35 Après, c'est toujours pareil, ça dépend comment ça va courir.
23:39 Un sprinter peut être champion olympique,
23:42 et un puncher peut également être champion olympique.
23:44 Ça va dépendre de la manière dont ça court.
23:47 Mais c'est vrai que la distance joue beaucoup.
23:50 J'imagine que vous pensez beaucoup à ces JO.
23:52 Est-ce qu'il y a déjà peut-être un… pas un quatuor qui se détache,
23:54 mais des coureurs qui se détachent pour porter le maillot bleu
23:58 durant ces Jeux olympiques ?
24:02 Oui, évidemment.
24:05 Heureusement qu'on est en France,
24:08 heureusement que les mecs ne viennent pas à reculons.
24:11 J'espère bien qu'il y en a plein qui ont envie de faire les JO.
24:13 Ça changera de Tokyo.
24:15 Oui, à Tokyo, il y avait de la volonté aussi.
24:20 Il y avait Julien qui ne voulait pas venir parce qu'il venait d'être papa,
24:24 et là, il sentait qu'il avait besoin, ça se respecte.
24:27 Après, sinon à Paris, bien sûr que j'avance de mon côté déjà.
24:33 Mais le vélo, c'est quand même un sport où il faut savoir être patient
24:37 parce qu'il peut se passer beaucoup de choses en quelques mois,
24:40 des mauvaises choses, des chutes, des méformes.
24:45 Et puis, il peut y avoir des très belles choses aussi,
24:47 des révélations, des confirmations, des affirmations.
24:51 Oui, bien sûr que j'ai des choses en tête, j'ai des noms en tête,
24:55 des scénarios de course en tête, mais il y a encore du temps d'ici là.
24:59 C'est quand même un objectif qui…
25:01 On ne vient pas juste pour représenter la France,
25:03 on vient pour essayer de ramener le meilleur résultat possible.
25:06 Donc, c'était une date particulière, la course en ligne,
25:09 deux semaines après l'arrivée des Champs-Elysées,
25:12 enfin, 13 jours après.
25:14 Donc, ce n'est pas quelque chose non plus qu'on peut décider juste avant,
25:18 en se disant « tiens, je vais aller, on verra bien ce que ça donne,
25:20 je marche bien, on verra ». Il faut le savoir, il faut le préparer,
25:25 si on a une chance d'y aller, et l'avoir en tête plus ou moins.
25:29 Justement, vous parliez du tour.
25:31 Pour vous, c'est mieux de faire le tour ou ce n'est pas conseillé
25:34 de faire le tour avant ces JO ?
25:37 J'ai mon idée là-dessus, ça dépend des coureurs,
25:40 ça dépend du profil des coureurs, ça dépend de pas mal de choses.
25:44 Donc, j'ai mon idée là-dessus, après, le gars pour moi.
25:49 Vous êtes sélectionné depuis 6 ans et demi ? Jusqu'à quand ?
25:54 Ça passe si vite que ça, non ? Juillet 2019 ?
25:58 Non, 6 ans, 4 ans et demi, pardon.
26:00 Ouais, voilà.
26:01 Autant pour moi.
26:03 Jusqu'à quand, vous voyez, à ce poste ? Est-ce que vous avez une idée de… ?
26:09 Je n'ai pas forcément d'idée, en tout cas,
26:12 je prends beaucoup de plaisir à le faire,
26:15 il y a toujours des belles aventures, comme je disais,
26:19 des fois des supers satisfactions et toujours des beaux moments,
26:22 des belles aventures collectives.
26:24 Donc, je ne m'interdis rien pour l'avenir,
26:27 mais je suis motivé un bloc dans ce rôle dans les prochains temps.
26:34 Vous prenez toujours autant de plaisir à retrouver les garçons
26:37 deux fois par an ou trois fois par an à Noël Up ?
26:41 Ouais, j'aimerais bien qu'il y ait plus d'échéance,
26:44 parce que c'est le vélo, il fait comme ça,
26:47 donc c'est la rareté qui fait la valeur, on va dire,
26:50 mais oui, bien sûr que c'est super, ça me rajeunit un peu, c'est bien.
26:56 Pour avoir plus d'échéance, il y a une solution,
26:58 c'est de devenir manager général d'une équipe professionnelle.
27:01 Ça ne vous attire pas encore, ou vous y pensez,
27:04 mais c'est peut-être trop tôt,
27:05 ou il n'y a pas eu d'opportunité particulière pour le faire pour l'instant ?
27:10 Je ne m'interdis rien des opportunités, ce qu'il y en a eu ou pas,
27:20 je n'ai pas à vous le dévoiler,
27:22 maintenant j'essaie quand je me lance dans quelque chose de le faire à fond
27:28 et de me sentir prêt pour le faire, tout simplement.
27:32 Donc c'est quelque chose d'imaginable,
27:35 mais pour l'instant ce n'est pas dans votre tête,
27:37 c'est Focus, équipe de France et on ne pense qu'à l'équipe de France.
27:41 Oui, il y a de quoi penser pour 2024 avec l'équipe de France.
27:46 Et pour finir, un petit mot sur votre équipe de toujours,
27:48 la Total Energy, qu'est-ce que vous pensez de son évolution,
27:51 de ses performances ?
27:55 Qu'est-ce que vous avez pensé de la Total Energy de 2023 à 2022 ?
28:01 C'est une équipe qui a un sponsor,
28:07 qui est sans doute le plus gros sponsor,
28:11 ça ne veut pas dire que c'est celui qui met le plus d'argent,
28:13 ce n'est pas la même chose,
28:15 mais c'est sans doute le sponsor français qui pourrait rivaliser
28:18 avec les plus grosses équipes du monde, j'imagine.
28:23 C'est une équipe qui est structurée,
28:27 qui essaie de donner le meilleur de ce qu'elle peut faire.
28:32 C'est vrai que le vélo, depuis que j'ai arrêté, il a évolué,
28:37 donc l'équipe a évolué également.
28:41 Après, est-ce que c'est bien, est-ce que c'est moins bien que prévu,
28:44 est-ce que c'est super, est-ce que ce n'est pas assez bien ?
28:49 Je suis dans mes fonctions,
28:51 je n'ai pas à juger le rendement d'une équipe,
28:57 ne savoir si ça me plaît ou pas, ce n'est pas important.
29:00 Merci Thomas Beclercq pour cette interview sur Cyclisme Actu.
29:03 Merci beaucoup.