Bertrand Delignon, directeur du métier "Incendies, accidents et risques divers" à la Macif, répond aux questions de Lionel Gougelot.
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00:00 - Quelles conséquences pour les assureurs et les assurés après les catastrophes climatiques de ces dernières semaines, tempêtes et inondations ?
00:08 - Votre invité ce matin, Lionel Gougelot, c'est Bertrand Delignon, directeur des risques à La Massif.
00:13 - Bonjour Bertrand Delignon. - Bonjour.
00:16 - Merci d'être en ligne ce matin sur Europe 1.
00:18 Alors depuis plusieurs jours, les tempêtes, les inondations frappent la France.
00:21 Elles provoquent des dégâts matériels importants, la facture s'annonce très salée pour les assureurs.
00:25 Le ministre de l'économie Bruno Le Maire annonce déjà des centaines de millions d'euros d'indemnisation.
00:30 Vous êtes le directeur en charge des risques à La Massif, comme les incendies, les accidents, les risques divers comme les catastrophes naturelles.
00:36 Comment s'organise votre groupe mutualiste face aux multiples demandes d'indemnisation actuellement ou celles qui vont venir ?
00:43 - Alors, je ne suis pas directeur des risques, mais ce n'est pas très grave.
00:46 Je suis directeur de métier IRD, c'est-à-dire que je m'occupe de toute l'indemnisation des sinistres dommages,
00:51 dont bien évidemment les sinistres climatiques et de tempêtes.
00:54 Et à ce titre-là, effectivement, mes équipes sont mobilisées, et pas seulement, pour faire face à ces événements de très grande ampleur.
01:01 Mais avant toute chose, permettez-moi, au nom des 10 000 collaborateurs et 2 000 délégués de La Massif, d'exprimer tout le soutien de notre belle maison à l'ensemble des sinistrés,
01:10 qui pour certains sont encore, vous le savez, dans le jeu de mots, les clés dans l'eau.
01:14 Et nous mobilisons toutes les forces de La Massif pour leur venir en soutien dans ce temps qui n'est pas encore le temps de la gestion du sinistre,
01:22 mais en même temps de la déclaration.
01:24 Donc je vais répondre à votre question sur qu'est-ce qu'on met en œuvre, en fait.
01:26 Et bien, en premier temps, ce qui nous paraît le plus important, c'est d'assurer le lien avec nos sociétaires.
01:31 Donc qu'on soit en capacité d'être joignables, ce qui est le cas, de par la mobilisation qu'on a mise en place,
01:35 et surtout qu'on les accompagne dans un temps qui n'est pas encore le temps où on va réparer leur bien,
01:41 mais dans le temps où on va expliquer, être à leur côté, et dans certains cas, leur proposer des solutions de relogement.
01:49 Et ce qui est important aussi, dans ce type de sinistre, on l'a vu, surtout au sinistre ces années passées,
01:55 certains de nos sociétaires sont fragilisés et donc ont besoin d'un soutien psychologique.
02:00 Donc on leur offre aussi cette opportunité d'être suivis, ce qui n'est pas rien en fait.
02:05 Et vos auditeurs en témoignent souvent, le choc de ces sinistres affecte pour certains, au-delà du bien matériel, ça les affecte profondément.
02:16 Donc on est là aussi en soutien et en accompagnement de nos sociétaires.
02:19 Près de 120 000 demandes ont été faites, donc le nombre risque encore d'augmenter dans les prochaines heures.
02:26 Face à cet enchaînement de catastrophes naturelles, comment vous vous adaptez en tant qu'assureurs ?
02:32 Nous on est, comme tous les assureurs, on dénombre aujourd'hui 36 000 déclarations.
02:38 36 000 ça risque de se porter à plus de 45 000 d'ici quelques jours.
02:44 Donc c'est un événement qui est assimilable à la tempête Zintia qui avait marqué les esprits.
02:50 C'est un événement très important pour nous.
02:53 Donc on est effectivement face à ce sujet de la prise en charge des déclarations.
02:59 Et puis demain ça va être la gestion dans un temps plus long.
03:03 Alors qu'est-ce qu'on fait concrètement ? Je vous l'expliquerai, après qu'est-ce qui va se passer ?
03:07 C'est là où c'est important que vos éditeurs le comprennent bien.
03:10 Il va y avoir demain une commission interministérielle qui va déclarer les communes ou non en état de catastrophe naturelle.
03:19 Et c'est important parce que ça va rentrer pour les inondations notamment dans un régime qu'on appelle le régime de catastrophe naturelle.
03:24 Je ne vais pas rentrer trop dans le détail, mais sachez quand même que ce régime, il va permettre pour les assurés qui sont victimes de ces inondations,
03:31 et là je parle bien des inondations, d'avoir des modalités d'indignation spécifiques.
03:36 Ce qui ne les empêche pas aujourd'hui, et ça c'est très important, c'est un message qu'on fait passer à la Massif,
03:40 qui nous déclare le sinistre d'ores et déjà.
03:42 Donc qui prennent contact avec la Massif, ce qui est pour nombre de eux déjà le cas,
03:47 mais qui n'attendent pas, même si demain il n'y en a plus que 24 heures,
03:51 ou quand le décret sera publié et c'est quelques jours après,
03:54 mais qui nous contactent pour que nous on mette en place les premiers moyens d'assistance.
03:58 Alors l'urgence c'est un peu derrière nous, mais c'est plutôt l'assistance.
04:00 - Et cette recommandation elle est valable pour tous vos autres confrères, j'imagine également confrères assureurs ?
04:05 - Exactement, c'est pas de plus qu'à la Massif, oui bien sûr, tout à fait.
04:08 - Alors selon les chiffres de France Assureurs, le coût des sinistres pour les 30 prochaines années,
04:13 alors on va prendre un peu de perspective, est évalué à 143 milliards d'euros pour la période 2020-2050.
04:19 - C'est phénoménal.
04:20 - C'est phénoménal, est-ce que ça suppose que les assureurs vont devoir repenser leur modèle de prévention finalement ?
04:27 - Alors pas que les assureurs, et je vais y venir, mais juste pour bien comprendre ce 143 milliards,
04:31 c'est effectivement une étude de France Assureurs qui a été menée en octobre 2020,
04:35 et qui compare en fait les 30 dernières années aux 30 prochaines,
04:38 avec une évolution que l'on vit aujourd'hui, qui s'est accélérée ces 5 dernières années.
04:43 Quelques repères quand même, 2016, souvenez-vous on avait eu la crue de la Seine,
04:47 2020 la tempête Alex, on a avalé la Vésubie,
04:50 2022 c'est tout près de nous, on y en a à la mémoire, c'est les grêles à répétition,
04:54 et la sécheresse, dont aujourd'hui on voit les effets qui sont très très importants,
04:58 donc là on parle bien aussi d'événements naturels.
05:00 Et vous avez raison, les études de France Assureurs ont alerté sur l'inflation de cette charge climatique,
05:07 tout comme une étude d'ailleurs de la Caisse centrale de réassurance qui fait la même chose,
05:10 la marque a publié une étude qui confirme en fait les études de France Assureurs,
05:16 avec une évolution très importante, c'est une moyenne de 60% sur la charge annuelle.
05:20 Donc qu'est-ce qu'on fait ? Soit on ne fait rien, et si on ne fait rien on perd ce qui nous est très précieux pour nous assureurs,
05:26 mais aussi pour les assurés, je pense qu'ils en prennent conscience, c'est ce régime de solidarité nationale.
05:30 Ça veut dire qu'il couvre tout le monde, moyennant 20 euros, donc c'est unique,
05:34 il n'y a pas l'équivalent et les politiques socio-européennes ou autres,
05:37 ils nous regardent avec un peu d'envie, mais si on ne fait rien,
05:40 ils ne nous regarderont pas avec envie parce que le système va être amené à disparaître,
05:43 parce qu'aujourd'hui il est déséquilibré de par ses charges qui sont significatives.
05:47 Donc il y a plusieurs solutions par rapport à la question que vous posez.
05:50 La première, c'est de renforcer la culture du risque, la connaissance du risque.
05:54 Ça peut se traduire pour un assureur ou pour un réassureur sur comment on renforce la modélisation des risques.
06:00 Donc ça c'est des choses importantes, cette culture du risque, c'est presque un prérequis avant de penser à la prévention.
06:05 Le second élément, et vous l'avez cité, c'est la prévention.
06:08 On peut être en avance sur certains périls, je pense, ou sur certains types de dommages comme le dommage à incendie,
06:13 on n'est pas forcément en avance, par exemple, sur les inondations ou sur d'autres catastrophes naturelles,
06:19 où là on a encore beaucoup de choses à apprendre.
06:21 Donc il faut renforcer cette prévention, ou à mettre en oeuvre plutôt, pardon,
06:24 et cette prévention n'est pas seulement à la main des assureurs.
06:27 - Rapidement s'il vous plaît, Bertrand de Villiers.
06:29 - Elle est à la main des assureurs, des réassureurs, mais aussi des états, des collectivités locales,
06:34 de façon à ce que chacun prenne sa part.
06:36 Et la dernière chose que je voudrais souligner, en conclusion si le temps est écoulé,
06:41 c'est préserver le partage des risques.
06:43 C'est-à-dire que chacun voit aujourd'hui, c'est un partage de sort, les catastrophes naturelles,
06:47 on peut être victime un jour et pas le lendemain, bien évidemment,
06:49 donc il faut que tout le monde prenne sa part.
06:51 Et préserver le partage des risques, c'est pas considérer que seuls les assureurs
06:54 pourront mettre en place des dispositifs de prévention,
06:57 ou pourront au travers de l'augmentation d'une surprise, une catastrophe naturelle,
06:59 par exemple, faire face aux charges futures qui s'annoncent.
07:03 - En un mot s'il vous plaît, Bernard Delignon,
07:06 est-ce que les assurés doivent s'attendre à une hausse des tarifs dans les prochains mois ?
07:09 - Alors, pour la Massif c'est trop tôt, parce que tout simplement,
07:12 le conseil d'administration n'a pas encore défini les tarifs,
07:15 il n'a pas voté ou validé les tarifs 2024,
07:17 ce qui est sûr, sur le volet catastrophe naturelle,
07:19 on ne peut pas passer à côté d'une augmentation de cette surprise qui ne dépend pas,
07:24 d'ailleurs elle n'est pas fixée par les assureurs,
07:26 mais on appelle de nos voeux à ce qu'elle évolue
07:28 pour justement préserver ce régime de catastrophes naturelles.
07:30 - Merci, merci Bertrand Delignon,
07:32 je rappelle qu'il est directeur du métier IARD à la Massif,
07:35 incendie, accident et risques divers.
07:37 Merci d'avoir été en direct ce matin sur Europe 1.
07:39 Bonne journée.